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au 31 Mai 21 :
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contenant 15226 chapitres
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Et s'ils vivaient aussi heureux pour toujours...
Par artemis
Et si...09  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 1     9 Reviews    
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 Disclaimer: ils sont tous à moi, même si beaucoup sont inspirés de personnages de contes de fées :)

 Rating/avertissement: Rien de choquant, a part si vous craignez le yaoi. Dans ce cas fuyez :p

Remerciements: aux Mnls en général, et à Sean, Artoung, Dine, et BN en particuliers, qui m'ont soutenus durant toute l'ecriture de cette fic. Et cela fut difficile :p Et parce qu'elles roxent grave <3

 

 Note du champi: Voila voila,voici donc mon humble participation au concours "et si...". Ecris pratiquement en une nuit (que voulez vous, j'aime les challenges :p), veuillez me pardonner pour les nombreux défauts de cette bafouille. 

En tout cas, je le redis encore en retard mais après tout, ce concours est là pour ça: JOYEUX ANNIVERSAIRE MANY :D

 

Et s'ils vivaient aussi heureux pour toujours..

 

Notre histoire se déroule dans un pays loin de tout. Tellement isolé que son nom même échappait au reste du monde. Le genre de lieu que l’on finit par considérer comme une légende, le genre qui ne survit dans les esprits qu’au travers d’histoires merveilleuses et de récits fantastiques. Le genre de pays auquel on croit avec mélancolie, comme on le ferait avec un joli rêve.

Un pays qui existait pourtant, même si aucune carte ne pouvait en attester.
Les vallées y étaient riches et fécondes, l’herbe grasse et les animaux gras et bien nourris. Personne n’y mourrait de faim, on y mourrait peu tout court. Le pays fonctionnait à la perfection, avec cette fluidité sereine des peuples dont le vocabulaire avait même oublié le mot « famine » ou « guerre ».

Et, marquant le centre du pays, un château s’élevait au milieu de nul part. C’était un château comme on en voit peu, un monument unique en son genre. On disait qu’il avait été tressé par les fées avec des voiles de vent et des perles de rosée. On disait aussi qu’il avait été construit en une nuit par l’âme repentante d’un sorcier maudit avec les crocs et les griffes de milliers de démons.

Le château ne possédait ni muraille ni fortifications car l’attaquer était une idée impossible à appréhender pour les neuf dixième de la population, le dixième restant attaquant généralement l’endroit à dos de dragon, pour qui un mur de dix pieds de haut ne présentait pas un obstacle infranchissable. Tout au plus une grosse marche. De ce fait, il avait beau s’étendre sur plusieurs hectares, il ne possédait pas cette silhouette pataude que pouvait adopter les autres édifices de sa taille. Le château se composait en réalité d’un bouquet de tours élancées et graciles, semblant aussi fragiles que le verre, assez hautes disait on pour que la lune y reste plantée certaines nuits. Les tuiles des toits pointus étaient de saphir ou de diamant, et les murs du marbre le plus fin, renvoyant les rayons du soleil.

Dans la plus haute tour de ce château, dans une pièce secrète accessible uniquement par un long escalier en colimaçon, une femme se tenait seule, installée sur un fauteuil de velours vert. Penchées sur une liasse de parchemins de toutes tailles et formes, elle fronçait  ses sourcils en une mimique d’agacement profond. Ses longs cheveux bruns avaient été vaguement torsadés avant d’être rejetés sur son épaule droite et ses pieds fins battaient l’air, marquant son impatience croissante.

Cette femme si belle, au physique de jeune fille et au regard sans âge, était la maitresse des lieux. Eliane, reine du royaume, aussi connue pour sa beauté légendaire que pour ses colères mémorables. De mémoire d’homme, elle était assise sur son trône depuis toujours, présence bienveillante mais rigoureuse aux côtés de son mari, le bon roi Dagobert. Ce dernier, trop doux, laissait volontiers sa femme régler pour lui les conflits trop virulents, préférant se pencher sur le bien être de son peuple. Et c’était le désintérêt du seigneur pour les manigances de la cour qui avait conduit sa tendre épouse à s’enfermer dans cette salle pour trouver un peu de tranquillité et tenter de résoudre enfin l’un des plus grand casse tête politique qu’elle n’ait jamais connu.

Elle soupira avant de poser un énième parchemin sur la table face à elle, manquant de faire tomber la pille vacillante qui s’y trouvait déjà, entrainant ainsi que les quatre autres qui l’encadraient dans un équilibre précaire. Elle poussa un autre soupir, lasse, avant de plonger à nouveau dans ses documents. Cependant, au fur et à mesure de sa lecture, ses traits se décrispèrent progressivement. Finalement, elle se releva avec grâce, époussetant distraitement l’avant de sa robe. Elle roula le parchemin et un sourire triomphant vint étirer ses lèvres.

Enfin, elle l’avait trouvée.


-----


Dans la cour de terre battue du château, près des écuries, un fracas métallique résonnait. Lame contre lame, deux jeunes hommes étaient lancés dans un combat à l’épée pour le moins intense. Ils paraient, bottaient, virevoltaient avec aisance, sans autre bruit que celui de leurs armes s’entrechoquant. Si tous les deux semblaient être de fines lames, le combat restait légèrement inégal.

Le plus âgé dominait visiblement le combat. Le menton carré, le regard sérieux mais profondément amusé, des traits masculins et de courts cheveux bruns, il était d’une beauté indéniable, rehaussée par un veston de cuir mat-taillé dans la peau de son premier dragon- et une cape d’un rouge sang marquée de l’emblème de la famille royale. Il maniait son épée avec une évidente facilité et il laissait volontairement des ouvertures à son adversaire. Ses coups étaient toujours doux et son sourire tendrement moqueur alors qu’il esquivait avec facilité chacune des attaques de l’autre combattant.

Le second semblait d’ailleurs agacé par cette indulgence et ses mouvements se faisaient plus anarchiques alors qu’il se laissait gagner par l’irritation. Plus petit, il ne possédait pas l’allonge de son aîné, ni sa désinvolture, même s’il maniait sa lame courbe avec une certaine dextérité. Ses traits étaient acérés, presque trop, atténués par la douceur d’un regard d’un vert d’eau et une fossette à la joue gauche qui dénonçait le sourire facile. Ses cheveux blonds lui retombaient en une crinière dorée sur les yeux et la nuque, lui donnant de faux airs de jeune berger rêveur.
Il s’écrasa lourdement au sol, dans un juron, après un croche pied vicieusement placé par son adversaire.

« Tu ne tiens pas sur tes jambes » Commenta sobrement ce dernier, un grand sourire aux lèvres.

Le garçon au sol grommela quelque chose d’inaudible et il se redressa sur les coudes avant de lui jeter un regard noir.

« C’était bas ça Philippe, tu le sais »

« Il n’y a pas de coup bas petit frère. Un dragon t’aurait déjà réduit en cendre, ne viens pas me dire que je ne suis pas d’une clémence exemplaire » Argumenta le brun ens’accroupissant à ses côtés, un air de professeur concentré plaqué sur son visage.

« Les pattes des dragons font six pieds de haut, je pense que je verrais venir un coup de ce genre » Grinça le blond

« Tu es juste vexé d’avoir perdu » Rationnalisa le plus âgé

« Non. En plus, je préfère me battre contre Cyrus, lui au moins il ne triche pas »

« Je n’ai pas triché. Et sache que tu me fends le cœur petit frère »

« Sache que je m’en moque profondément. Ah, le voilà ! CYRUS ! » Cria t’il avec enthousiasme, faisant grimacer son frère qui se frotta l’oreille avec un regard accusateur.

A quelques pas d’eux, un adolescent aux cheveux bruns semi longs, aux yeux sombres et à la peau tannée par le soleil tourna la tête dans leur direction. Il portait dans ses bras un énorme panier qu’il semblait soutenir sans difficulté d’une main, l’autre portant un seau rempli d’eau.

« Sire Léandre ? » Demanda-t-il d’une voix neutre

« Pourquoi tu ne veux pas combattre avec moi aujourd’hui ? » Cria de nouveau ledit Léandre, toujours affalé au sol. Son frère recula d’un pas en grimaçant.

« Parce que je suis engagé comme palefrenier ici Sire. Il faut que je justifie ma paye au moins une fois par mois » Répondit-il avec flegme, remontant légèrement le panier d’osier sur son épaule pour qu’il ne lui échappe pas.

« Mais tu travailles pour moi ! » Insista le jeune prince, la mine outrée

« Non sire. Je travaille pour la famille royale. Et mon travail n’est pas de vous tenir compagnie mais de m’occuper de vos chevaux. Cependant, rien ne vous empêche de venir retourner le fumier si ma compagnie vous est si indispensable »

Léandre pinça les lèvres, vexé. Philippe ricana et n’évita que de peu le coup de pied vengeur qui lui était destiné. Il mit ses mains en porte voix autour de sa bouche avant de crier à son tour.

« Eh, Cyrus ! »

« Oui premier prince ? » Soupira le serviteur en grimaçant alors que la poignée du seauglissait d’entre ses doigts.

« Léandre m’a encore brisé le cœur ! Moi qui ai tout appris à ce microbe, tu imagines ? »

« En effet, c’est désolant Sire » Confirma Cyrus avec une indifférence effarante au creux de la voix.

De nouveau Philippe ricana avant de se redresser vivement, toujours souriant. Il tendit sa main à son frère qui l’attrapa avec un grognement et il l’aida à se relever avec une vigueur certaine, manquant de le faire basculer en avant.   

« Si mère apprend que tu es le responsable de l’état des nouveaux vêtements de Léandre, je crains pour ta peau mon frère »

Les deux princes se tournèrent d’un même mouvement vers un coin de la cour abrité du soleil où plusieurs personnes les observaient.

Assis au sol en tailleur, son menton dans les mains, Côme, le huitième prince, les fixaient avec un sourire amusé. Sur ses chevilles croisées, un crapaud de bonne taille, une couronne posée de guingois sur la tête, somnolait paisiblement. Léandre leva les yeux au ciel en remarquant que, même par cette chaleur, Côme continuait à porter son affreux pantalon rouge et sa veste blanche aux épaulettes dorées. A se demander si même sa femme Cendrillon l’avait déjà vu sans cet horrible accoutrement. Ils s’étaient tous secrètement demandé comment la belle jeune femme avait pu tomber amoureuse d’un homme avec si peu de goût vestimentaire.

Juste derrière lui se tenait Arthur, installé sur une chaise de bois. Il était profondément plongé dans un de ses habituels grimoires poussiéreux, ne portant aucune attention au manège de ses frères. Il portait les cheveux longs, presque autant que sa mère, et remontait parfois les lunettes à monture fine posée sur son nez dans un tic inconscient. Depuis qu’il était tombé dans les ronces et s’y étais crevé les yeux en essayant de sauver sa princesse, et même si cette dernière les avait ensuite soignés avec ses larmes, il avait beaucoup perdu son ancienne acuité visuelle. Cela ne le dérangeait pas outre mesure, son gibier préféré ayant toujours été composé de cuir et de parchemin.

Enfin, à ses côtés, nonchalamment appuyé contre le mur, Angus les observait avec un petit rictus moqueur. C’était lui qui venait de les interpeller, et il riait doucement devant l’air horrifié de son grand frère qui détaillait les vêtements hors de prix, et désormais ruinés, de Léandre.

Angus, le cinquième prince, avait toujours été un perfectionniste enfant, et cette tendance s’était retournée contre lui. En âge de se marier, il avait demandé à sa mère de lui trouver une femme à la peau assez sensible pour sentir un petit pois à travers plusieurs matelas. Sa mère avait, encore une fois, réussi à trouver la perle rare, et il avait épousé la belle Aliénor. Depuis il était courant que des blagues vaguement compatissantes circulent dans le château et le pays sur le pauvre quatrième prince marié à la première plaie du royaume. Car pour être douce et sensible, elle l’était. Un peu trop. Le soleil était toujours trop lumineux, la nuit trop sombre, la neige trop froide et le sol trop inégal. Les serviteurs trop laids, les jours trop courts et les plats mal assaisonnés. Angus lui-même était quotidiennement soumis à des examens quasiment militaires auxquels il se pliait avec stoïcisme. Il l’aimait après tout.

« Léandre ne me dénoncera jamais » Affirma Philippe avec un sourire assuré, ce qui ne l’empêcha pas d’essayer d’épousseter la manche de son frère le plus discrètement possible.

« Tu paries ? » Répliqua distraitement le jeune prince en se dégageant d’un geste agacé, se haussant inconsciemment sur les pieds dans l’espoir d’apercevoir Cyrus.

« Où sont Beit et les jumeaux ? »
Philippe reporta son attention sur le propriétaire de cette voix grinçante et engourdie.

« Enfin réveillé Siméon ? » Se moqua-t-il doucement.
Confortablement avachi sur la botte gauche de Côme, un crapaud lui jeta un regard aussi noir que lui permettaient ses yeux globuleux.

« Il fait trop chaud, tu le sais bien » Répondit t’il seulement avec un petit croassement qui ressemblait fort à un reniflement dédaigneux.

« Je sais. Donc pour ton information, pendant que tu dormais encore plus profondément que ma femme, nos frères sont partis chasser le serpent de mer dans le lac Cyan. Il a rompu le traité et dévoré sept villageois. Et ils ont préférés ne pas t’emmener, histoire que tu ne finisses pas en apéritif pour monstre aquatique » Expliqua t’il d’une voix imbibée de sarcasme. L’amphibien gonfla ses joues, vexé, avant d’abandonner. Philippe était beaucoup trop en forme et il faisait vraiment trop chaud et sec pour qu’il se fatigue à argumenter.

Siméon, le neuvième prince, était la source de nombreuses plaisanteries au cœur du royaume, ce qui ne l’empêchait pas d’en être l’un des princes les plus populaires. Quelques années auparavant, il était un jeune homme en pleine santé, adepte de la chasse et de voyages. Il avait sillonné à cheval tout le pays, tuant tous les monstres qu’il rencontrait et sauvant de nombreux villageois. Son caractère doux et généreux attirait la sympathie et on disait de lui qu’il ne possédait aucun ennemi humain. Mais quand il arriva en âge de se marier, sa mère la reine Eliane se mit en quête d’une princesse pouvant lui convenir. Le pauvre Siméon, voyant s’envoler sa vie de célibataire aventureux, était allé demander de l’aide à sa marraine la fée. Cette dernière n’avait rien pu faire, se contentant d’un long monologue exalté sur l’amour et la beauté du mariage. En désespoir de cause, il s’était rabattu sur une sorcière vivant au palais. Naïf, il s’était plaint à elle des femmes, décrivant l’horreur que lui inspirait la vie de famille et d’époux. Il n’avait pas songé un instant que la sorcière pourrait en prendre ombrage, et avait avalé sans se poser de question la potion qu’elle lui avait offerte.

Depuis ce jour, Siméon vivait sous la forme d’un crapaud d’une taille honorable, au physique relativement agréable selon les critères batraciens. Il ne pourrait regagner sa forme humaine qu’après un baiser de son seul amour, ce qui réjouissait particulièrement sa mère qui organisait régulièrement des bals où le crapaud passait de mains de jeunes filles en mains de jeunes filles. Cette humiliation, déjà cuisante, lui pesait cependant moins que son incapacité totale à chasser et voyager, effet inverse de ce qu’il recherchait à la base. Il entretenait donc une certaine amertume envers la sorcière, atténuée par le fait que cette dernière lui avait permis de se cacher durant neuf jours dans son armoire à ingrédients pour fuir la colère de Philippe, après qu’il eu malencontreusement embrassé sa femme Aurore.

Oui, le prince Siméon était allé très loin pour tenter de retrouver son corps.

« Et Siegfried ? Ne me dis pas qu’il est allé chasser aussi, j’aurais du mal à y croire… » Ironisa Siméon

« Siegfried est en mission pour père. Il doit faire signer un traité au nains de la montagne d’or » Le renseigna Arthur en relevant la tête de son livre, ses lunettes manquant de tomber de son nez dans le mouvement.

Le crapaud leva les yeux au ciel, ce qui donnait un résultat particulièrement comique.

« Et il a pris combien de garde du corps ce coup ci ? »

« Neuf. Plus un cuisinier » Ricana Angus. Siméon l’imita, produisant un son étrange.

« Où est Léandre ? » Les interrompit soudain Philippe, alarmé, tournant la tête dans tous les sens

« Dans l’écurie. Je crois même l’avoir vu attraper au passage une fourche à purin d’un air résigné » Répondit paisiblement Côme, ses yeux pétillant d’amusement.

Son frère aîné pâlit d’horreur et partit en courant. Quatre rires emplirent la cour du château, l’un d’entre eux ressemblant fort à un croassement.

-----


Dans la plus haute tour du château, dans sa pièce la plus secrète, le calme n’était plus de mise. Autour d’une immense table en bois noble, les femmes les plus influentes du royaume discutaient dans un brouhaha indescriptible. Des idées s’échangeaient avec plus ou moins de diplomatie, et c’est à peine si certaines d’entre elles ne se jetaient pas les précieux ouvrages de la bibliothèque à la tête.

Il fallu que la reine Eliane se lève et se racle bruyamment la gorge pour que le silence se fasse enfin

« Mesdames, calmez vous et prenez une chaise. J’ai quelque chose à vous montrer »
Il y eut de nombreux raclements de chaises sur le parquet et des sons d’étoffes froissées avant qu’elles ne se tournent toutes vers la reine, attentives.

« Après de nombreuses recherches » Commença-t-elle, une pointe de lassitude dans la voix « J’ai enfin trouvé la perle rare »
 Il y eut un murmure collectif, quelques regards suspicieux échangés

« Comment s’appelle-t-elle ? » Demanda Aurore, la femme du premier prince Philippe.

« La princesse Flavia. » Répondit gracieusement la reine. Etrangement, le regard de Ménade, debout dans un coin de la pièce, s’illumina.

« Et elle réunit vraiment tous les critères ? » Fit Odette, dubitative. L’ex princesse cygne, épouse de Siegrfried, conservait de sa période aviaire une certaine tendance à la paranoïa.

« D’après le Curriculum envoyé par son père, oui »
Et il y avait une pointe d’orgueil dans le sourire d’Eliane. Qui se fana sous l’avalanche de questions qui vint l’ensevelir.

« Elle sait tenir une maison ? » Demandèrent d’une même voix Blanche Neige et Cendrillon, échangeant un regard complice

« Elle gère seule l’entretien d’une tour maléfique depuis presque dix ans » Répondit aussitôt la reine

« Sait-elle cuisiner ? » Voulut savoir peau d’âne, s’attirant aussitôt l’attention accrue de Blanche Neige

« Le château de Lacy possède l’un des meilleurs cuisiniers du royaume, qui lui a tout appris »

« Est-elle débrouillarde ? » Voulut savoir Raiponce

« Sensible et délicate ? » Fit Aliénor en fronçant le nez

« J’espère que ce n’est pas un autre petite sotte. Aime-t-elle lire au moins ? » Ajoutadédaigneusement Belle

« Gracieuse et attentive au bien être de son mari ? »  Termina Odette, presque accusatrice.
La reine Eliane soupira et vérifia du coin de l’œil sur ses documents.

« Oui » Répondit elle seulement.

Il y eu quelques sourcils froncés et des murmures d’excitation avant que Blanche neige n’intervienne à nouveau.

« Flavia, la fille du roi Lin ? »
La reine hocha la tête, suspicieuse. La bouche de Blanche Neige se pinça.

« Je la connais de nom. Très joli minois, une tête bien faite, mais une enfance agitée, elle a eut des problèmes de délinquance. Entrée par effraction chez des ours si je me souviens bien. Cet événement avait été le cœur des conversations des animaux de la forêt il a quelques années »

Toutes les princesses se renfrognèrent avec une synchronisation parfaite et la reine retint un nouveau soupir. Elle allait devoir les convaincre, pour ne pas refuser cette cent soixante quinzième candidate.

« C’est vrai. Cependant en apprenant l’incident, le roi Lin a aussitôt pris des mesures. La princesse Flavia est enfermée depuis dix ans dans une tour maléfique, sous la surveillance d’un sorcier. Je pense que ces années de recueillement lui auront remis les idées en place »

Il y eu un murmure d’approbation général qui soulagea la reine. Elle se doutait qu’en prônant les méthodes d’éducation traditionnelle, sa candidate gagnerait des points. Seul Ménade grommela entre ses dents, râlant après ces souverains qui se sentaient obligés d’étouffer dans l’œuf la créativité de la jeunesse. Ménade, justement, qui fut la suivante à relever un détail.

« Un sorcier ? Quel sorcier ? »

Elian parcouru le parchemin des yeux à la recherche de l’information

« Un certain…Mordred » Lâcha t’elle précautionneusement, guettant la réaction de la jeune femme. Mais cette dernière écarquilla les yeux avant de sourire chaudement.

« Très bon choix. C’est un professionnel très consciencieux »

A cet instant, la reine sut qu’elle avait gagné. Ménade avait été, tout au long de ses recherches, l’une des juges les plus sévères et toutes les princesses s’étaient rangées à son avis.

Ménade n’était pourtant pas une héritière directe au trône, étant mariée à Jehan, fils du frère du roi. Il avait été envoyé au château pour fuir le scandale qui l’entourait. En effet, comme tous les princes de sang royal, Jehan avait eu pour mission de sauver une princesse, retenue en otage par une puissante sorcière. Il avait traumatisé l’intégralité du royaume en laissant la princesse sur place et en ramenant sur la croupe de sa monture la sorcière. Ménade.

Avec le temps, les médisances étaient retombées d’elles même, et tous s’étaient laissés charmés par le couple heureux qu’ils formaient. La  beauté sulfureuse et entêtante de Ménade ayant légèrement influencé l’opinion publique. Ainsi que la farce qu’elle avait jouée au prince Siméon en le changeant en batracien.   

« Mesdames, l’une d’entre vous a-t-elle une objection à propos de Flavia ? » Demanda finalement la reine

Les princesses échangèrent des regards hésitants, laissèrent planer un instant de silence confus avant de finalement admettre ne rien avoir à lui reprocher. La reine eut un sourire triomphant. Enfin.

« Bon et bien, que l’on fasse appeler le prince »


----


« Que je fasse quoi ? » S’exclama Léandre, choqué, d’une voix qui tendait vers les aigus.

Dans le coin de la pièce, Ménade, unique princesse ayant choisi d’assister à cet entretien, ricana. Siméon tourna vers elle son regard globuleux et désapprobateur, toujours légèrement rancunier, mais Ménade haussa les épaules avec indifférence. Dans le mouvement, elle dérangea le petit corbeau pausé sur son épaule qui s’envola pour se poser sur l’épaule de Léandre. Il picora les cheveux blonds avec affection, comme pour tenter de le rassurer.

Kurat était un cadeau de Ménade pour le prince Léandre. Elle avait élevé l’oiseau elle-même, et avait finit par le lui offrir pour son quatorzième anniversaire. Si Cendrillon, Aurore et Blanche neige en avaient été enchantées et passaient leur temps à bavarder avec l’animal, beaucoup dans le château grimaçaient encore en voyant le dixième prince suivit de cet oiseau de mauvais augure, ce qui amusait énormément Ménade. Cette dernière était d’ailleurs la gardienne de l’oiseau quand son maître sortait, car ce dernier craignait toujours qu’un animal sauvage ne l’attaque.

« Tu dois aller sauver la princesse Flavia, fille du roi Lin, et l’épouser » Répéta patiemment la reine, tentant d’ignorer les ricanements des ses fils plus âgés.

« Mais pourquoi ? » Voulut savoir le jeune prince, avec l’expression misérable d’un chiot venant de se prendre un coup de pied. Eliane retint un grognement de frustration en voyant le visage de la terrible Ménade s’adoucir et Philippe lui-même s’attendrir violemment.

Un prince de sang ne devrait pas avoir à demander pourquoi il devait aller sauver une princesse. Dès l’âge de deux ans, les princes savaient parfaitement que c’était leur destinée. Mais le prince Léandre n’avait pas été élevé comme les autres. Jamais une nourrice ne l’avait approché, jamais il n’avait été laissé à lui-même plus de cinq minutes. Le jour de sa naissance, ce bébé avec son unique cheveu doré et ses immenses yeux d’un vert pâle avait immédiatement capturé le cœur des neuf princesses et de ses frères.

Jamais enfant n’avait été plus gâté et surprotégé que celui là, qui avait grandi étouffé de câlins, noyé sous les cadeaux. Seule la nature généreuse et positive de Léandre l’avait empêché de devenir un adulte capricieux et insatisfait. Sa nourriture avait été cuisinée par les meilleurs, sous la surveillance acérée de Blanche Neige et Peau d’âne. Ses vêtements cousus des matériaux les plus nobles, parfois filés par la princesse Aurore elle-même. Côme lui avait appris à tirer à l’arc à la perfection, les jumeaux lui avaient acheté le plus bel étalon du royaume pour une somme proprement affolante et Beit lui avait appris à monter. Arthur lui avait enseigné la lecture et l’écriture et avait, soir après soir, lu des histoires issues de vieux grimoires oubliés. Avec consternation, la reine se souvint que Philippe et Angus eux-mêmes  s’étaient camouflés dans les arbres pour veiller sur sa première chasse en compagnie du maître chasseur. Sans parler du calvaire pour trouver sa future épouse qui correspondrait aux critères de ses neufs protectrices, jalouses et possessives.

Léandre devait avoir le plus haut niveau d’éducation du pays. Et pourtant, il n’avait aucune conscience du monde réel et de son fonctionnement, ne le connaissant que par la vision embellie et adoucie que ses tuteurs lui avaient décri pour ne pas le traumatiser. Jamais la reine Eliane n’aurait du leur confier son éducation, elle le savait parfaitement maintenant.

« C’est comme ça mon fils. La tradition exige des princes qu’ils aillent secourir une princesse et qu’il l’épouse » Asséna t’elle d’une voix ferme, sans tenir compte du visage presque blessé du petit blond. Elle s’avouait aisément être elle-même faible face à ce regard malheureux. Elle avait même été incapable de le sermonner sur sa tenue débraillée et malodorante quand il était venu l’embrasser sur la joue en arrivant, totalement inconscient de la réserve imposée par le protocole, même en privé.

« Mais je ne veux pas y aller moi… » Geint il presque en lançant autour de lui un regard implorant. Philippe se raidit et Eliane devina que Léandre était en train de le rallier à sa cause. Un peu plus et son ainé allait se retourner contre elle.

« Léandre, ne te comporte pas comme un enfant veux tu » Lança t’elle sèchement, ce qui lui valu une belle collection de regards torves de la part des autres occupants de la pièce. Léandre se redressa et se mordit la lèvre inférieure mais hocha la tête.

« Où est-elle mère ? » Demanda-t-il seulement d’une voix qui se voulait déterminée.

« Elle est retenue prisonnière dans une tour à quelques kilomètres au sud, gardée par un puissant sorcier du nom de Mordred » Lui annonça t’elle solennellement.
Les yeux de Léandre pétillèrent soudain d’excitation et Eliane se demanda ce que pouvait bien représenter un sorcier dans sa vision du monde. Au juron qu’étouffa Arthur entre ses dents, elle devina que ce dernier regrettait amèrement les histoires épiques de héros vainquant des sorciers maléfiques qu’il lui racontait dans son enfance.

« D’accord, je veux bien le faire. Mais j’emmène Cyrus avec moi » Négocia t’il, intransigeant, en essayant de camoufler son enthousiasme.

« Cyrus ? » Se renseigna Eliane.

« Son animal de compagnie » Précisa Angus d’une voix lourde d’ironie. Son petit frère lui jeta un regard froid et Angus haussa les épaules.

« Cyrus est…l’écuyer personnel de Léandre » Expliqua diplomatiquement Philippe.

« Tu as engagé un écuyer ? Pour s’occuper d’un seul cheval ? » S’étonna sa mère

« Disons plutôt qu’il réquisitionne un des écuyers de père » Sourit Arthur, remontant ses lunettes le long de son nez du bout de l’index. Léandre lui coula un regard blessé et trahi qu’il ignora avec superbe.

« Je vois » Consentit lentement la reine. Elle réfléchit une seconde puis, fronçant les sourcils, elle reprit songeusement « Mais, la tradition veut que ce soit une mission en solitaire »

« Vous voulez dire, laisser Léandre seul pendant plusieurs jours ? Seul comme dans…’Seul dans la foret’ ? » Releva précautionneusement Philippe

« Seul pour se nourrir » Renchérit Côme, clairement dubitatif

« Seul pour traverser le royaume. Risquant de rencontrer nos partenaires politiques » Ajouta Angus, vaguement horrifié

Il y eu un long silence consterné, tous détournant les yeux de l’expression outrée de Léandre. Finalement, Eliane soupira et hocha la tête.

« Soit. Tu emmèneras donc ce Cyrus » Concéda t’elle.

Léandre la remercia d’un sourire lumineux, oubliant aussitôt les insinuations de ses frères.

« Je pars sur l’heure mère ! Je vais préparer mes affaires ! »

Et devant l’enthousiasme innocent et exalté de son fils, Eliane elle-même eut un instant de doute. Siméon eut un croassement anxieux et Ménade grimaça, soudain inquiète.

Mais trop tard, Léandre était déjà parti en courant, claquant la porte derrière lui sur une salle plongée dans une affliction profonde et un début d’angoisse justifié.


-----


Les yeux dans le vide, peu attentif au paysage monotone qui défilait autour de lui, Cyrus réfléchissait. Ou plutôt, se souvenait.

Il se rappelait vaguement d’une époque ou il n’était qu’un enfant comme les autres. Le fils du palefrenier en chef et d’une femme de chambre. Comme beaucoup d’enfants de domestiques, il avait fait ses premiers pas dans la cour du château. Et il y avait grandis, chapardant dans les cuisines, admirant le roi Dagobert et un peu amoureux de la belle reine Eliane. Avec un avenir tout tracé : prendre la place de son père, se marier à une jolie jeune femme et fonder une famille.

Mais tout avait basculé. En seulement quelques secondes. Il n’avait que quinze ans et, en tant qu’apprenti, il était occupé à balayer la paille qui souillait la grande cour. C’est là qu’il avait vu arriver ce grand cheval fou et son frêle cavalier. Plus par soucis de ne pas voir se blesser un si bel animal que par intérêt pour son cavalier, Cyrus avait attrapé ses rênes et l’avait calmé. S’il avait su…

Ce jour là, il venait de gagner la gratitude éternelle d’un cavalier pas comme les autres, étrangement digne du haut de ses treize ans et de sa tenue maculée d’herbe, témoignant d’une chevauchée chaotique. Parfois, souvent, il regrettait de ne pas avoir détourné les yeux et laissé l’étalon envoyer le gosse mordre la poussière. Sa vie en aurait été grandement simplifiée.

Mais le jour où cet enfant trop blond au regard clair et aux vêtements en tissus précieux, celui qu’il ne savait pas encore être le dixième prince, s’était présenté à la porte de l’écurie en le demandant, tout s’était compliqué. Il s’était incrusté dans sa vie avec la délicatesse d’un dragon enrhumé. Exigeant son attention complète, monopolisant son temps, ravageant sans même le remarquer le quotidien douillet de Cyrus.

Les plus âgés s’étaient mis à le traiter avec un respect teinté de crainte, celui réservé aux proches d’un prince de sang. On le respectait, car sire Léandre n’avait que son nom à la bouche, mais plus personne n’osait plaisanter avec lui, lui imposer quelque chose ou même le sermonner. Il était devenu un intouchable en l’espace de quelques semaines. Quant à ceux de son âge, il s’était attiré leur rancœur et leur jalousie.

Mais Léandre, bien loin de se soucier des médisances ou des rumeurs, avait continué à le poursuivre avec acharnement, et Cyrus avait fini par céder. Pour être capable de l’accompagner partout, il avait appris à chasser, à cuisiner, à soigner les plaies, à prévoir le temps, à distinguer les plantes curatives des toxiques, à reconnaitre les armoiries du royaume pour prévenir tout incident diplomatique d’un jeune prince distrait. Il savait désormais manier l’arc et la fronde, possédait des bases à l’épée et montait à cheval. Il possédait même sa propre monture, offerte pour ses dix huit ans par sire Léandre. Son éducation équivalait désormais celle d’un jeune noble, et il devait se battre pour conserver ses vêtements de toile et sa chambre au dessus des écuries. Il avait encore des sueurs froides en repensant à l’ensemble de soie de fées que lui avait offert le prince quelques années auparavant.

« Cyrus ? Ca ne va pas ? Tu es malade ? Tu veux qu’on fasse une pause ? » S’inquiéta Léandre, tirant aussitôt sur les rênes de son cheval qui piaffa.

« Non sire, tout va bien. Je pensais seulement au lieu où nous nous arreterons ce soir » Mentit-il. Le prince le fixa un long moment, l’air profondément suspicieux. Malgré sa naïveté apparente, il avait toujours eu un instinct effroyablement sûr en ce qui concernait les êtres.

« Je vais vraiment bien sire » Insista t’il
Alors seulement Léandre hocha la tête et sourit doucement. Il y eut un silence, puis :

« Dis Cyrus, on peut galoper un peu ? »

Le cavalier et sa monture possédaient une expression étrangement similaire d’excitation contenue et d’impatience. Cyrus savait pertinemment qu’ils n’étaient partis que depuis moins d’une demi-heure, et que fatiguer leur monture après si peu de chemin serait déraisonnable, surtout s’ils finissaient par rencontrer un danger. Il savait aussi que

Léandre se plierait à sa décision, sans aucune considération pour leurs rangs respectifs. Tout comme il savait que ce dernier garderait une mine abattue pendant une bonne partie du trajet si il ne lui accordait pas ce petit plaisir.

Cyrus connaissait la plupart des expressions du blond, capables même de faire craquer le terrible cuisinier en chef lui-même, en faisant ainsi le seul enfant-princes et roturier confondu- à pouvoir se servir dans le garde manger en dehors des heures de repas. Mais après toutes ces années, il pouvait dessiner par cœur le petit froncement de sourcil perdu, la moue abattue, les yeux écarquillés par l’espoir ou le sourire suppliant. Il y était insensible à présent, où plutôt il essayait de s’en convaincre. Car il avait beau se dire immunisé, ça ne l’empêchait pas de se sentir coupable certaines fois en l’observant. Comme à l’instant, devant son regard trop fixe et surexcité d’enfant en face d’une friandise. Dire que cette personne était censée avoir vingt ans. Dire qu’il pourrait-si le destin possédait un humour douteux-devenir roi…

Cyrus soupira et passa sa main dans ses cheveux, agacé. Il loupa le visage de Léandre qui s’éclaira furtivement. Lui aussi connaissait parfaitement son ami après tout ce temps, et il se doutait déjà de sa réponse.

« Allez-y. Mais arrêtez vous à l’orée de la forêt » Ajouta t’il dans une tentative de limiter un peu l’enthousiasme du blond.

Le visage de Léandre se fendit d’un immense sourire joyeux et ses yeux pétillèrent d’une façon que Cyrus trouva totalement déloyale. Mutin, Léandre se pencha en avant et l’écuyer ne put s’empêcher de l’imiter.

« Le dernier arrivé au chemin de terre devra laver la vaisselle ce soir ! » Lui chuchota-t-il, espiègle. Puis, après un regard de défi et un grand éclat de rire clair, il talonna son étalon qui s’élança dans un bond presque félin. Et Cyrus leva les yeux au ciel, plus amusé qu’agacé.  

Souvent, Cyrus regrettait de s’être trouvé dans cette cour, sept ans auparavant.
Il aurait alors une vie paisible, dépourvu de cet élément agité et épuisant. Il aurait le calme des écuries, il participerait à ces soirées entre jeunes au coin du feu qu’il observait certains soirs par une porte entrouverte et des accolades chaleureuses par dizaine en se levant chaque matin.

Et puis il se souvenait d’un regard étonné ce premier jour. De ce sourire complice qu’il lui adressait encore dès qu’il l’apercevait. Sa façon de tout abandonner pour courir le rejoindre, comme un jeune chiot, laissant en plan avec une même indifférence prince de sang ou jeune noble étranger. De son regard attentif suivant ses moindres mouvements pendant qu’il travaillait dans l’écurie et qu’il l’attendait avec une patience inaltérable, blotti dans la paille. Ses éclats de rire chaleureux, qu’il lui réservait, alors qu’ils traversaient en grande cérémonie un village quelconque, s’attirant les regards stupéfaits et envieux des habitants. Ces matins où il le retrouvait assis sur le bout de son lit aux aurores, impatient de lui annoncer quelque chose mais n’osant pas le réveiller. La joie dans ses yeux trop clairs quand il lui avait offert ce poulain superbe, qui avait hoqueter de stupeur l’intégralité des serviteurs du château. Sa silhouette de chat errant, ébouriffé et égratigné, après qu’il se soit battu comme un manant avec un écuyer qui avait dit du mal de lui.

Car c’était aussi ça Léandre. Malgré ses défauts, son manque de subtilité, son caractère entier qui le rendait têtu ou sa maladresse dans les rapports humains. C’était avant tout un être profondément honnête et doux, généreux, d’une intelligence aiguisée teintée de naïveté. Cette innocence presque touchante, qui le menait à penser que les injustices n’étaient que des quiproquos faciles à régler avec une bonne discussion basée sur la logique.

Alors, la plupart du temps, Cyrus se résignait et s’avouait que s’il pouvait revenir dans le passé, sept ans plus tôt, il sauterait sans réfléchir sur la bride de ce bel étalon fou, au risque de se faire piétiner. Après tout, sa vie actuelle ne possédait pas que des points négatifs.

Loin de là.


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« C’était délicieux ! » Affirma Léandre, repus, en posant devant lui son écuelle en bois. Il remua un peu avant de s’asseoir en tailleur sur le sol, au plus près du feu. Une fois la nuit tombée, l’air s’était sensiblement rafraichi. Cyrus eut un sourire satisfait avant de se pencher pour ramasser les couverts et l’assiette du prince, les rassemblant dans un coin du campement.

Sur le trajet, ils avaient croisé un jeune lièvre dodu et peu farouche, que Cyrus avait abattu avec sa fronde. Cela leur avait permis de manger de la viande fraiche, agrémentée de carottes et de champignons tirés de leurs réserves. Le palefrenier ricanait encore de l’expression à la fois fascinée et écœurée du dixième prince pendant qu’il dépeçait et vidait l’animal. En silence, il accepta les compliments enthousiastes du blond alors qu’il tirait près de lui une vieille bûche pleine de lichen qu’il avait choisi pour siège. Il étendit ses longues jambes avec un soupir, sentant ses muscles noués se détendre un peu. La journée en selle avait été éprouvante, et il se doutait que le lendemain il serait perclus de courbatures. Léandre se rapprocha un peu, appuyant son dos contre le bout de bois, l’arrière de sa tête reposant contre le flanc de Cyrus. Ce dernier ferma les yeux, profitant du calme profond de l’instant, seulement brisé par les crépitements des flammes, la respiration paisible du jeune prince et le bruissement familier de la forêt et de ses habitants.

« Dis Cyrus…Tu penses qu’elle va ressembler à quoi la princesse Flavia ? » Demanda finalement Léandre en basculant un peu la tête en arrière pour pouvoir apercevoir le visage de l’autre garçon, sa tête reposant à présent sur sa cuisse.

Cyrus n’ouvrit pas les yeux, se contentant de grimacer. Il ne voulait surtout pas parler du but de leur expédition. Il préférerait oublier cette princesse si parfaite qui les attendait dans sa tour et imaginer qu’ils ne faisaient que partir dans une énième expédition incongrue lancée par le prince. S’aveugler lui convenait bien mieux, et l’évitait de ressentir ce profond malaise proche de la nausée qui l’avait saisi depuis qu’un serviteur surexcité était venu le chercher dans sa chambre et lui avait tout expliqué. Le choix de la reine. L’accord des neuf princesses. Celui de Léandre. Son excitation et sa joie.
Car si le dixième prince n’avait pas vraiment conscience de ce que la tradition exigeait des princes, ce n’était pas le cas de Cyrus. Il avait grandi avec ces récits de quêtes héroïques, de princesses arrachées aux mains d’ennemis maléfiques, d’amour fou au premier regard et de mariages heureux et éternels. Ces histoires fabuleuses l’avaient enchanté jeune, mais le rêve se changeait brusquement en cauchemar. Dire qu’il n’avait jamais songé que Léandre serait aussi concerné par ces légendes avant ce matin.
Oh, il savait parfaitement que le trône ne devait jamais être vide, et que jamais un roi ne devait gouverner seul pour le bien du pays. La coutume exigeait un couple royal, pour que leur amour préserve la clémence des dieux sur le royaume et garantisse sa prospérité.

Mais au fond, il ne pouvait s’empêcher de songer que huit couples suffiraient amplement. Et que les souverains actuels régnaient déjà du temps de son arrière grand père. Il était en effet connu que la concentration inhabituelle en bonnes fées et autres créatures magiques avait influencée l’espérance de vie des habitants. On ne mourrait pas de vieillesse dans le royaume, seulement d’accident ou de lassitude quand le poids des ans se faisait trop lourd. Seule la présence de sorciers maléfiques et de leur aura destructrice permettait d’atténuer ce phénomène, et donc autorisait les enfants à grandir, même s’ils vieillissaient de plus en plus lentement une fois leur croissance achevée. Le prince Philippe et son plus jeune frère ne semblaient pas avoir plus de huit ou neuf ans de différence, alors qu’il aurait pu sans aucun mal être son grand père. Pour cette raison, il était très mal vu de tuer un sorcier, aussi maléfique soit il, car leur existence était essentielle au royaume. Les combattre était donc relativement compliqué.

« Elle doit être belle Sire. Très belle. » Répondit il laconiquement en entrouvrant les paupières pour fixer les étoiles. Léandre tira un coin de sa tunique et il baissa son regard sur le visage renversé de son seigneur et ses grands yeux curieux.

« Tu penses qu’elle aimera chasser ? Que je pourrais lui apprendre à tirer à l’arc ? »
Cyrus sourit doucement, presque tendrement.

« Je ne sais pas Sire, il faudra le lui demander. Mais elle vous cuisinera sûrement des petits plats dès que vous le souhaiterez »
A cette affirmation, le regard de Léandre s’illumina littéralement et il se redressa légèrement, avide.

« Tu penses qu’elle cuisinera mieux que Rémi ? » Chuchota-t-il, comme s’il craignait que le cuisinier en chef n’intercepte son hypothèse presque sacrilège. Cyrus rit doucement et Léandre sourit, satisfait, même qu’il ne savait pas vraiment ce qu’il avait pu faire.

« Je ne sais pas. Ce n’est pas un exploit à la portée de n’importe qui » Le blond hocha la tête solennellement « Cependant, je peux affirmer qu’elle saura cuisiner bien mieux que moi » Continua t’il avec un sourire fin. Le regard que le dixième prince lui retourna était si dubitatif que Cyrus en fut flatté.

« Tu penses que ça va bien se finir cette histoire ? » Demanda finalement Léandre après un court silence de réflexion. Son regard était sérieux et pensif, et Cyrus se souvint qu’ils n’avaient plus quinze ans et que derrière cet air rêveur s’était développée une intelligence vive. Peut être qu’il était tout à fait conscient de ce qu’on lui demandait au final. Il le fixait et Cyrus ne détourna les yeux.

« Je l’espère Sire » Avoua t’il seulement. Le blond hocha doucement la tête et laissa son regard planté dans le sien. Ils se dévisageaient avec franchise, sans gêne aucune. Ils partageaient seulement sans mot leurs doutes, sur la quête et ses dangers, sur ce que le futur leur réservait, sur ce qui allait changer sans qu’ils n’y puissent rien.
Ce fut un papillon de nuit attiré par la lumière du feu et qui effectua un atterrissage d’urgence sur le nez de Léandre, l’aile un peu roussie, qui interrompit l’échange. Le brun le dégagea du bout du doigt, amusé, et l’insecte repartit d’un vol incertain. Le prince se redressa en se frottant le nez, chatouillé par les longues pattes de l’animal alors que Cyrus faisait de même avec sa cuisse gauche légèrement engourdie. Alors qu’il rassemblait les différents objets éparpillés au sol, Léandre ouvrait son sac et installait sa couche.

« Sire ? »

« Oui ? »

« Puis je savoir où est votre couverture ? » Demanda précautionneusement l’écuyer.
Le blond fronça les sourcils et il la souleva en l’air pour qu’il puisse l’observer. Cyrus passa une main lasse sur ses yeux.

« Dites moi que vous avez pris autre chose que ça » L’implora t’il

« Non. Pourquoi ? » Il avait un vague air de ressemblance avec un chaton vexé et ne semblait pas comprendre où voulait en venir son ami.

« Mais sire, vous allez geler cette nuit avec quelque chose d’aussi fin ! » Se désola-t-il. Mais pourquoi avait il renoncé à vérifier ses bagages avant leur départ ?

« C’est du coton elfe. Aurore l’a filé pour moi et me l’a fabriqué » Se défendit Léandre, accusateur, en serrant le tissus beige contre lui.

Cyrus jeta un regard sceptique sur l’objet à la finesse impressionnante mais relativement inutile vu la température ambiante. Mais le dixième prince semblait froissé par sa remarque, et il pouvait s’avérer d’une certaine mauvaise foi quand on l’acculait. Alors le brun haussa les épaules et ramassa la vaisselle au sol.

Il lui fallu quelques minutes pour s’orienter et retrouver dans la semi pénombre le ruisseau qui coulait à quelques mètres de leur petite clairière. Il rinça écuelles et couverts à l’eau claire et glaciale du torrent avant d’aller détacher les chevaux et de les faire boire. Il prit ensuite le temps de les brosser une dernières fois, éliminant les plaques de sueurs séchée et vérifiant leurs membres. Ne détectant aucun gonflement ou blessure suspects, il les attacha avec soin et les quitta sur une dernière caresse sur le chanfrein. Il rassembla toutes les affaires près du feu, pour réduire tout risque de les voir mis à sac par un animal sauvage. Enfin, ne trouvant plus d’occupation, il se retourna avec résignation vers le prince, prêt à s’excuser.

Ce dernier était allongé, les yeux fermés, enroulé dans sa minuscule pièce de tissu. Il lui tournait le dos et faisait semblant de dormir. Recroquevillé, il tremblait de tous ses membres et il serrait les dents pour les empêcher de claquer.

Cyrus leva les yeux au ciel, ne pouvant s’empêcher d’être touché par cette forme frissonnante et entêtée qu’il devinait sous la couverture hors de prix. Cyrus fouilla son sac et en sorti son épaisse couverture de laine de mouton Seguin, l’un des matériaux les plus isolants du royaume. Il s’approcha à grands pas de Léandre qui se crispa mais n’ouvrit pas les yeux. Avec un sourire en coin, le brun s’accroupit à ses côtés et posa délicatement sur lui l’épaisse couverture. Aussitôt Léandre s’arrêta de trembler et il ouvrit les paupières, surpris. Il se tourna vers Cyrus, et ce dernier s’amusa de sa ressemblance frappante avec une chenille.

« Dormez Sire. La journée de demain risque d’être longue » Souffla t’il seulement. Le plus jeune fronça les sourcils.

« Mais…et toi ? » S’inquiéta t’il, toujours enfoui jusqu’au nez sous les couvertures.

« Je n’ai pas froid » Mentit paisiblement Cyrus en s’asseyant près du feu. Après tout, il ne comptait pas dormir longtemps cette nuit là. Ils n’auraient qu’à acheter une autre couverture le lendemain dans le premier village qu’ils croiseraient.

Léandre l’observa, méfiant, avant de finalement se tortiller sous le regard étonné de son serviteur. Après de longues secondes de ce qui semblait être une lutte entre l’homme et les tissus, Léandre, triomphant, parvint à dégager sa couverture de coton. Il la tendit à Cyrus avec un regard qui semblait lui ordonner d’être raisonnable. Décidé à faire la paix avec le jeune prince, le brun s’en empara et le remercia d’un hochement de tête. Il s’enroula dans le tissu fin, se sentant parfaitement ridicule.

Satisfait, le blond rampa littéralement jusqu’à lui, accentuant sa ressemblance avec un insecte et Cyrus rit doucement. Léandre se roula en boule à ses côtés et sourit, ce que le brun ne remarqua qu’à la petite fossette qui creusait sa joue gauche.

« Bonne nuit Cyrus » Bailla le prince, les yeux mi clos.

« Bonne nuit sire Léandre » Murmura l’écuyer pour ne pas le réveiller.

Et, contrairement à ce qu’il pensait, entre les flammes qui crépitaient dans son dos, l’odeur douce qui émanait de la couverture de coton et la chaleur de Léandre pelotonné contre lui, Cyrus n’eut pas froid. Et il s’endormit presque aussitôt, d’un sommeil lourd et sans rêve.


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« Je pense que nous sommes arrivés » Fit songeusement Léandre en tirant sur les rênes de son cheval qui piaffa.

Incitatus lui avait été offert pour ses quatorze ans par ses deux frères ainés. On racontait que la lignée du père du destrier descendait des pégases des lointains monts de l’Est et que sa grand-mère était une licorne. On disait aussi qu’il était le plus bel animal du royaume. L’encolure ronde et musclée, les jambes fines et nerveuses aux sabots d’un noir profond, les crins longs et nacrés, la tête fine et bien dessinée, les muscles puissants roulant sous une robe de soie blanche, l’étalon était superbe mais possédait un caractère…particulier. Il avait une tendance curieuse à charger tout ce qui l’effrayait, et Léandre avait eu quelques sueurs froides en fonçant droit sur un ours ou un sanglier. A cela s’ajoutait une fierté surdéveloppée qui compliquait son entretien au quotidien, l’équidé n’acceptant d’être touché que par Léandre ou Cyrus. Tout autre personne s’approchant d’un peu trop près recevait un regard bleu hautain qui se finissait généralement par un coup de sabot ou de dent. Incitatus joua avec son mors, tira discrètement sur ses rênes en espérant que son cavalier, distrait, le laisse repartir. Mais Léandre se réinstalla sur sa selle et resserra presque inconsciemment ses doigts sur le cuir des rênes. Incitatus broncha, dépité.

« En effet Sire. Non seulement c’est exactement là où nous l’ont indiqué les paysans, mais en plus ça ressemble assez à ce que nous cherchons » Répliqua Cyrus, sarcastique.

Devant eux, crevant la forêt dense, s’élevait…une tour maléfique. Difficile de définir autrement cet édifice tout en hauteur, en pierre sombre, en meurtrières et gargouilles menaçantes, et autour duquel rodait un nuage de corbeaux.

Cyrus soupira. La trouver avait été facile, un peu trop pour qu’il ne soit pas suspicieux. Après tout, durant une quête, il était coutume de rencontrer des difficultés par dizaine, des brigands, des monstres, des marécages et des mauvais sorts. Eux n’avaient eu qu’à suivre la route et à demander poliment leur chemin à des paysans balbutiant de surprise et d’émotion. Certains les avaient même hébergés pour la nuit. Et c’est à peine s’ils avaient touchés à leurs provisions, chaque villageois insistant pour leur donner un échantillon de leur récolte. Le noble Incitatus avait ainsi été enseveli sous les choux fleurs et les salades pendant toute une journée et il ne s’était pas encore tout à fait remis de l’outrage.

Finalement, Cyrus haussa les épaules et descendit de cheval. Léandre l’imita avec empressement et alla attacher son étalon à une branche basse. Puis avec application, il sortit des diverses sacoches son épée, deux talismans offerts respectivement par Ménade et sa marraine la bonne fée, un pendentif en cristal de givre éternel, cadeau d’Angus, et un petit poignard à lame d’argent qui appartenait autrefois à Beit. Une fois prêt, il se tourna vers Cyrus qui l’attendait, arc et carquois en place. Pour seul porte bonheur, un petit symbole au bout d’une chaîne qu’il portait exceptionnellement au dessus de ses vêtements. Ce cadeau de Léandre avait tendance à paralyser les gens qu’il côtoyait, pétrifiés par ces armoiries royales en argent fin qui indiquaient clairement qu’il était sous la protection d’une personne de sang royal.

Ils échangèrent un regard décidé et, sans un mot, se dirigèrent vers la tour. Sur leurs gardes, ils surveillaient les alentours avec une attention paranoïaque mais ils parvinrent à la tour sans aucun incident. Ce qui ne fit qu’angoisser un peu plus Cyrus. Mais Léandre, bien loin de se décourager, ouvrit avec assez peu de discrétion l’énorme porte principale de pierre brute, qui alla s’écraser contre le mur. Le brun poussa un petit gémissement désespéré et rejoignit son seigneur, prêt à le protéger contre les nombreux dangers qui allaient lui tomber sur le poil. Il s’attendait à peu près à tout, sauf ce sur quoi il tomba.

La pièce en face d’eux était circulaire, et aménagée d’une façon sobre, distinguée mais confortable. Deux tableaux, un sofa et une pie posée sur un perchoir et profondément endormie. Et, dans un coin, un bureau en acajou. Assis sur une chaise cuir, un homme semblait plongé dans des recherches complexes, entouré par une masse impressionnante de parchemins ornés de signes incompréhensibles. L’homme en lui-même possédait un physique quelconque, celui d’un vieil homme dégingandé et séché par le temps, à la peau creusée et aux doigts rendus gourds par l’âge.

Mais quand il releva vivement sur eux son regard, l’écuyer se ravisa. Cette apparence de fragilité était loin de refléter la réalité. Cet homme pouvait être dangereux, ce genre de danger invisible qu’il était difficile de combattre. Sorcier lui criait son instinct devant les yeux jaunes fendus de noirs, semblables à ceux des serpents et il dégaina prudemment son arc, évitant tout geste brusque.

« Vous êtes ? » Demanda le vieillard d’une voix qui semblait bien plus ennuyée qu’agressive.

« Le prince Léandre. Je viens secourir la princesse Flavia » Répondit le blond sans hésitation. Son écuyer lui jeta un regard torve, pas vraiment persuadé que la franchise était la meilleure approche possible quand il s’agissait de dialoguer avec un puissant sorcier maléfique. Mais ce dernier ne sembla pas s’en offenser et il pencha simplement la tête sur le côté, curieux.

« Vous venez pour l’annonce lancée par le roi Lin ? »

« Heu, oui » Hésita le dixième prince, lui-même déstabilisé par l’affabilité étrange du sorcier. Le vieil homme hocha la tête et indiqua du menton un escalier juste à côté de son bureau.

« Vous pouvez y aller, la princesse se trouve tout en haut. Vous ne pouvez pas vous tromper »

« Excusez moi mais…Etes vous Mordred ? » Demanda finalement Cyrus après unéchange de regards stupéfait avec son seigneur.

« Tout à fait jeune homme » Approuva l’homme, une étincelle d’enthousiasme s’allumant dans ses yeux.

« Vous êtes Mordred, le grand et cruel sorcier ? » Insista Léandre

Il hocha la tête avec détermination et Cyrus vit le prince froncer les sourcils. La situation aurait presque put être comique si ils n’étaient pas aussi mal à l’aise. Existait-il une subtilité qui leur était inconnue concernant la rencontre de sorciers séquestreurs de princesse ?

« Pourquoi vous n’essayez pas de nous empêcher de la sauver ? » Lâcha finalement Léandre, en baissant un peu son épée. Il semblait presque déçu et l’écuyer eut envie de le frapper. S’ils pouvaient embarquer la princesse sans avoir à fuir sous une pluie de sortilèges mortels, il n’en serait pas mécontent. La magie l’avait toujours mis mal à l’aise, en particulier la magie noire quand il en était la cible.

« Personnellement, ca me convient » Siffla t’il avec un regard d’avertissement en direction de Léandre qui ne lui porta aucune attention.

« Oh, je pourrais vous attaquer. Mais je ne toucherais ma prime qu’une fois la princesse sauvée. Et après dix ans d’attente, vous êtes les premiers à vous présenter. Je ne veux pas prendre le risque de repartir pour une décennie d’attente. Qui plus est, la salle est remplie de parchemins précieux et fragiles, et mon rang vous interdit de me tuer. Le combat serait long, fastidieux, et je n’aime pas interrompre mes lectures » Répondit placidement le sorcier. Les deux jeunes gens lui jetèrent un regard atterré mais n’insistèrent pas.

Il avait raison, en tant que sorcier maléfique de second rang, ils devaient éviter au maximum de le tuer. Son énergie était nécessaire au fonctionnement du royaume. Les sorciers, tout comme les héros, étaient classés en fonction des actions réalisées au cours de leur vie. Etonnement, la personne la plus haute placée dans la hiérarchie était Ménade qui, en plus de posséder de grand pouvoir, avait théoriquement réussit à ‘capturer’ un prince de sang royal.

« On va chercher ta princesse et on rentre ? » Proposa finalement Cyrus, las. Dépité, Léandre hocha la tête. Ils s’engagèrent dans les escaliers et le brun intercepta le regard rancunier que le prince jeta au sorcier et il eut un sourire pâle.

Une longue volée de marche plus tard, ils arrivèrent devant une petite porte de bois clair. Essoufflés, le cœur battant à un rythme erratique, il s’autorisèrent une petite pause. Puis, doucement, le prince tourna la poignée de cuivre et la porte s’ouvrit sans un grincement.

Dans la petite chambre illuminée par de nombreuses ouvertures, une silhouette se tenait à contre jour. Une silhouette fine, gracieuse aux longs cheveux dorés et ondulés. Sa peau était de lait, ses cils longs et fournis rehaussaient un regard d’un bleu trop pur et ombraient délicatement des pommettes hautes et un petit nez droit. Sa bouche rose s’ouvrit, et sa voix s’éleva, claire et chaleureuse.

« Je vous attendais »

Elle ressemblait à un ange. Sire Léandre l’observait avec des yeux ronds.

Cyrus la haïssait déjà.


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« Est-ce vrai que le château brille comme si les murs étaient de feu quand le soleil se couche ? » Demanda la princesse Flavia, les yeux pétillants de joie et de curiosité. Léandre, fier comme un paon, se mit à citer un auteur que Cyrus ne connaissait évidement pas et le brun se renfrogna. Il s’en doutait pourtant, mais le cauchemar lui paraissait encore plus réel que prévu.

En quelques jours, il avait apprit que la princesse était une cuisinière hors pair, qu’elle était généreuse et attentionné envers Léandre, semblant attendrie même par ses gaffes. Elle avait le rire facile et cristallin qui faisait grincer des dents le palefrenier, et était assez intelligente pour soutenir des débats littéraires sur des thèmes abstraits avec le dixième prince. Elle avait de la ressource, et c’est avec surprise qu’ils l’avaient vu sortir des replis de sa belle robe rouge un matériel de couture et s’installer au coin du feu pour repriser leurs vêtements. Elle dormait au sol sans se plaindre, et chevauchait avec une grâce surprenante, même montée sur cette jument pataude qu’ils avaient acheté six sous au premier village rencontré, après qu’Incitatus ait, par six fois, essayé de déloger la princesse installée en croupe.

Elle adorait Léandre et ne s’en cachait pas. Elle appréciait Cyrus et tentait de l’amadouer. Mais ce dernier gardait ses distances, repoussant toutes ses tentatives d’une remarque acerbe qui choquait Léandre et lui tirait un froncement de sourcil réprobateur. Désormais le blond saluait la princesse d’un sourire complice et le brun, amer, restait assis en lisière du campement, leur tournant le dos pour ne pas les voir s’embrasser sur la joue. Pour ne pas les entendre rire ensemble, à voix basse, comme des enfants heureux.

Cyrus la détestait juste un peu trop, et la voir discuter tranquillement avec le dixième prince le rendait malade.

Ruminant ses pensées sombres et ses projets de vengeance, le brun ne s’aperçu pas que les deux autres cavaliers avaient obliqués sur la gauche et l’appelaient depuis déjà quelques minutes.

« …rus. CYRUS ! »

L’interpellé sursauta, surpris, et pivota sur sa selle. Flavia riait doucement, amusée, et Cyrus grimaça devant le charmant tableau de ses boucles dorées accrochant le soleil. Léandre lui semblait à la fois excédé et patient, et il semblait s’empêcher de céder au fou rire de son amie.

« Tu faisais un beau rêve au moins j’espère » Le taquina Léandre, sarcastique. La princesse gloussa avant de se reprendre et de lui adresser un regard d’excuse. Et soudain, ce fut trop.

Ce visage suffisant et un brin condescendant de Léandre, ce sourire indulgent de la princesse, cette complicité entre eux qu’il abhorrait, le soleil tombant sur eux comme s’il eut été naturel qu’ils soient constamment mis en valeur alors que lui devait se contenter de l’ombre d’un vieil arbre tordu.

« Puisque vous semblez si bien vous débrouiller sans moi, je ne vais pas vous infliger mon encombrante présence plus longtemps. » Lâcha-t-il sèchement.

Ses doigts se crispèrent sur les rênes de cuir mais son cheval ne regimba pas, pivotant souplement sur ses postérieurs. Après un hochement de tête froid en direction des deux futurs souverains, il effleura des talons les flancs de sa monture. Celle-ci bondit, comme si elle n’attendait aussi qu’une seule occasion de fuir cette atmosphère étouffante.

Le vent qui sifflait à ses oreilles l’empêcha d’entendre le cri d’angoisse de sire Léandre.

 

-

 

Toute la journée, il erra dans la forêt, se demandant où il allait bien pouvoir aller à présent qu’il avait abandonné tout espoir de pouvoir retourner au château. Il se souvenait qu’une branche de sa famille vivait au pied des montagnes. Il lui suffirait de quelques jours de cheval et il pourrait retrouver une vie normale. S’acheter une maison, cultiver des champs, se trouver une femme aimante et fonder un foyer. Enfin, il pourrait connaitre la sensation d’être apprécié pour ce qu’il était. Une vie rude et spartiate, mais aussi chaleureuse et amicale. Celle à laquelle il était destiné.

Décidé, il poussa son cheval au petit trot. Il laissait ses pensées vagabonder quand un homme l’arrêta à grands renforts de gestes. Intrigué, Cyrus s’approcha, une main posée sur son arc, prêt à réagir au moindre indice dénonçant un traquenard. Mais l’homme, un fermier au visage pataud et au nez rouge, un panier d’osier rempli de légumes posé à ses pieds, ne semblait pas hostile.

« Bonjour jeune homme. Vous ne semblez pas du coin » Releva t’il avec justesse et un grand sourire. Le brun se contenta d’hocher sobrement la tête
« Alors je dois vous mettre en garde. Ne vous dirigez surtout vers l’Est. Les falaises sont creusées de nombreuses grottes, que les étrangers ont tendance à considérer comme des abris pratiques pour la nuit. On ne retrouve que des squelettes à l’aube. On appelle ces grottes les grottes de l’oubli, et les spectres qui y vivent n’aiment pas être dérangés » Lui expliqua t’il d’un ton paternaliste.

Cyrus le remercia avec un sourire, expression qui fondit de son visage quand il réalisa que le prince et la princesse avaient pris à gauche. En direction de l’Est.

Tout cela ne le concernait plus, et tant pis si sire Léandre était du genre à explorer tout ce qui lui semblait inhabituel. Tant pis pour lui si il était assez naïf pour rentrer dans une de ces grottes et s’y faisait dévorer jusqu’à l’os, ça le guérirait peut être de sa curiosité maladive. Et il se moquait totalement de l’image qui lui tournait dans la tête, celle de la silhouette souriante et fascinée de son ancien seigneur, entouré d’ombres aux regards avides de sang et aux doigts griffus.

La main se resserra si violemment sur les rênes que le cheval se cabra en faisant demi-tour, à moitié assis sur ses postérieurs. Excité par l’angoisse et la tension de son maître, il bondit en avant, félin. Il n’avait pas besoin d’être guidé pour savoir exactement ce que Cyrus cherchait, et il avala les kilomètres de forêt dans un galop effréné et nerveux, louvoyant avec souplesse entre les arbres. Sur son dos, Cyrus observait avec épouvante le soleil tomber doucement sur l’horizon. La pénombre gagnait du terrain et déjà le cavalier fou se laissait gagner par le désespoir. Il n’arriverait jamais à temps, et c’était uniquement sa faute. Il avait abandonné le prince Léandre au milieu de la forêt alors que c’était sa mission de le ramener sain et sauf au château.

C’est un hennissement aigu, joyeux et accueillant qu’il aurait reconnu entre milles qui le tira hors de ses pensées. Incitatus. Il se dirigea à l’oreille, continuant à galoper malgré l’obscurité des sous bois, se fiant totalement au pied sûr de sa monture et à son équilibre infaillible. Quand il aperçut le sublime étalon blanc attaché à un piton rocheux, accueillant leur arrivée à tombeau ouvert par un nouveau hennissement approbateur, Cyrus manqua de tomber de sa selle de soulagement. Car Léandre était là, bouchonnant son cheval, la mine sombre et préoccupée. Debout à quelques mètres d’une des grottes de l’oubli.

Le brun ne prit pas la peine d’arrêter son cheval et il sauta en marche, se rétablissant avec l’aisance d’un chat. Il rejoignit en courant le prince qui s’était détourné de son étalon et l’observait les yeux ronds et la bouche ouverte de stupéfaction. Sans ralentir, Cyrus crocheta la taille fine du prince qui poussa un couinement de surprise et le serra contre lui à lui en briser les os. Léandre, complètement pris au dépourvu, ne fit aucune remarque de peur de fâcher à nouveau son ami. Il sentait dans ses cheveux sa respiration erratiques, contre sa joue ses battements de cœur chaotiques et il avait aperçu la terreur dans ses yeux.

Inquiet, il se dégagea délicatement et observa le visage de son écuyer. Il vit la peau tannée par le soleil maculée de rouge, stries ensanglantées sur ses mains et ses joues résultant des branches des sous bois qui l’avaient blessé.

« Cyrus, ça va ? On t’a fait du mal ? On t’a agressé ? »

Et sa voix était tellement scandalisée, tellement inquiète que Cyrus éclata de rire. Il le serra à nouveau contre lui, heureux de retrouver cette chaleur familière et, pris d’un éclat de spontanéité, posa un baiser dans ses cheveux blonds. Léandre rougis et Cyrus lui fit un clin d’œil amusé, soulagé, tendre, lui-même ne savait plus vraiment.

Il le relâcha quand la princesse arriva, semblant réellement heureuse de le revoir. Et Cyrus ne dit rien, il lui sourit aussi. Parce que sire Léandre était toujours vivant, et qu’il le resterait tant qu’il resterait à ses côtés. Et qu’il ne le quitterait plus.

Le reste n’était que détail.


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Sur un chemin de terre, à quelques kilomètres de là, un fermier au visage avenant et un panier en osier rempli de blettes claqua distraitement des doigts. Ses traits se déformèrent, se remodelant d’eux même comme s’il eut été fait d’argile. Sa silhouette s’affina, ses traits perdirent toute leur grossièreté et sa peau retrouva une teinte diaphane.

Seule sur une route déserte, Ménade, première sorcière du royaume, ricana. Décidément, Philippe n’avait pas tort, ce Cyrus était un être exceptionnel.
Elle disparut lentement, comme si elle se diluait dans le paysage, ne laissant derrière elle que quelques légumes et l’écho d’un rire joyeux.


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Ils n’étaient plus qu’à quelques jours de voyages du château, et aucun autre événement particulier n’était venu troubler leur trajet. Léandre, ayant visiblement eu peur de ne jamais revoir Cyrus refusait de le perdre de vue ou même de s’en éloigner. Il avait ainsi décidé d’installer systématiquement sa couche à côté de celle du brun, qui l’acceptait volontiers. Il aimait ces petites habitudes qui s’installaient doucement, comme de voir Léandre l’observer calmement, songeur, pendant qu’il faisait la vaisselle ou soignait les chevaux. Le rituel du coucher se faisait toujours en silence, et cette réserve presque froide du prince amusait son écuyer. Il ne connaissait pas de meilleur moment que celui où il se glissait sous sa couverture et où il sentait Léandre faire la même chose juste à côté de lui, s’appropriant l’espace avec une possessivité de jeune chien qui craignait de se refaire voler son jouet préféré. Après quelques minutes, quand il pensait qu’il dormait, le prince se rapprochait discrètement et se pelotonnait contre son épaule. Ce n’est qu’ainsi qu’il s’endormait et que Cyrus, satisfait, l’imitait.


Mais depuis ce matin, le brun avait un mauvais pressentiment. Les chevaux étaient anormalement nerveux et malgré les efforts frustrés de son seigneur pour l’intégrer à sa conversation avec la princesse, Cyrus ne lui portait pas la moindre attention. Il finit soudain par mettre le doigt sur ce qui causait son malaise, et cela ne l’atténua pas, loin de là. Il arrêta son cheval et retint son souffle.Exaspéré, il se retourna sur sa selle.

« Taisez-vous » Ordonna le brun aux deux autres cavaliers, qui discutaient toujours.

Léandre s’interrompit docilement avant de couler sur son serviteur un regard aussi surpris qu’outré.

« Excuse-moi ? » Susurra-t-il d’un ton doucereux.

Cyrus leva les yeux au ciel, exaspéré.

« Veuillez-vous taire je vous prie, Sire » Grinça t’il avec un regard lourd de lassitude.
Le prince grogna. Changea de position sur sa selle, faisant crisser le cuir. Fit jouer ses doigts sur les rênes, scruta la forêt, expira bruyamment.

« Que se passe-t-il ? » Chuchota-t-il finalement, curieux.

Cyrus ferma les yeux, comme pour mieux écouter. Ou pour tenter de garder son calme.

« Vous n’entendez rien ? »

Léandre tendit l’oreille. Et en effet, il y avait quelque chose. Une sorte de bourdonnement rythmé. Proche. Puis un crissement aigu, continu, et des cliquetis.

« On dirait…un tambourin ? » analysa le prince, les yeux plissés par la concentration.

Il ne vit pas le regard découragé, voir légèrement apitoyé, que son écuyer lui retourna.

« Un…Tambourin ? En pleine forêt ? » Fit il remarquer l’air de rien.

« Hm. Certes. Tu as une meilleure idée Cyrus ? »     

« Et bien ça ressemble beaucoup au son de griffes sur de la roche, Sire. Et ce ‘flip flap’, ça pourrait être des…ailes » Lâcha le brun d’un ton neutre.

« Un dragon ? » Proposa gracieusement Flavia en se rapprochant des deux hommes, aussi calme que si elle leur proposait une tasse de thé.

« Ca me parait évident. Il y a une partie du folklore dont je me serais bien passé… » Grommela Cyrus.

Il jeta un œil sur son prince qui dégainait déjà son épée avec l’enthousiasme d’un jeune chiot et il soupira en dégageant son arc. Dubitatif, il jaugea les quelques flèches de son carquois. Ces vulgaires pointes de fer ne possédaient même pas une once de magie. Parfaites pour chasser le gibier, mais bien incapables de transpercer du cuir de dragon. Alors que Le dixième prince talonnait sa monture et partait au petit trop droit sur le dragon, Cyrus eut une pensée mélancolique pour le château, sa petite chambre, ses écuries et l’odeur du foin. La tranquillité.

« A gauche » Indiqua-t-il tout de même, résigné.

« A gauche ? Mais il ya une prairie à droite ! Pourquoi un dragon, grand comme onze chevaux d’après les livres, viendraient atterrir entre les arbres quand il y a une zone à découvert ? »

« Je n’en sais rien Sire Léandre. Mais en tout cas le bruit vient de l’orée de la forêt »
Le prince hocha la tête, dubitatif. Un cheval broncha. Un oiseau s’envola dans un bruissement d’ailes. Et soudain il fût là, juste au détour d’un arbre.
Plus sombre que la nuit. Des écailles brillantes, plus dures que du diamant. Un corps musculeux. Des ailes membraneuses, à l’allure de vieux parchemin. Une tête de serpent monstrueux ornée de deux yeux dorés fendus de noir. Des griffes et des dents d’ivoire, trop longues et effilées.

Trop…

« Je vous l’avais dit. Ca n’était pas logique » Commenta sobrement Léandre.

Trop petit.

Le dragon qu’ils avaient devant les yeux ne dépassait pas la taille de deux chevaux. Et encore, s’il étirait son cou au maximum.

Cyrus passa son arc par-dessus son épaule et fouilla sa besace pour en sortir une corde. A cet âge, il ne devait même pas être capable de cracher du feu. Lui fermer les mâchoires et lui lier les pattes suffiraient sûrement à l’empêcher de faire trop de dégâts. Il sentit son cheval trépigner sous lui et plaquer les oreilles en arrière. Il fronça le nez, inquiet.

Ca, c’était mauvais signe.

Une bourrasque vint soudain briser le calme étrange qui s’était instauré. Un tourbillon de feuilles et de brindilles se leva, paniquant les chevaux et créant un début de panique. Quand finalement le vent retomba, un silence tendu régnait. Soudain, Cyrus n’avait plus du tout envie de se retourner. Le bruit rauque, répétitif, et l’odeur de souffre qui l’agressait le renseignait déjà bien trop sur ce qu’il avait dans son dos. Il trouvait soudain un attrait tout particulier à l’entrelacs de nœuds dans l’écorce du chêne face à lui. Un cri de surprise de la princesse l’empêcha cependant de feindre plus longtemps l’ignorance.

Plus sombre que la nuit. Des écailles brillantes, plus dures que du diamant. Un corps musculeux. Des ailes membraneuses, à l’allure de vieux parchemin. Une tête de serpent monstrueux ornée de deux yeux dorés fendus de noir. Des griffes et des dents d’ivoire, trop longues et effilées.

Mais immense. Gigantesque. La clairière elle-même semblait soudain étriquée, occupée par la silhouette de l’énorme saurien.

« Et ben voila ! Ca c’est plus logique ! » Fit remarquer Léandre avec une pointe de satisfaction que son écuyer jugea totalement déplacée.

Cyrus jaugea du regard l’arme de Léandre et il estima avec justesse qu’elle devait représenter un tiers de la taille d’une des dents du monstre. Le combat s’annonçait compliqué. Le dixième prince et Flavia étaient occupés à comparer leurs connaissances respectives sur les dragons, et leurs conclusions qui consistaient à trouver une rune très rares de gel ne risquait pas de les sortir du pétrin à court terme. Cyrus aperçut soudain un buisson où poussaient en quantité de petites baies d’un rouge profond. Le palefrenier haussa les épaules, fataliste. Il ne voyait pas d’autre solution.

Il attrapa le lièvre suspendu à l’arrière de sa selle qu’il avait tué quelques minutes plus tôt. Il sortit son couteau et, d’un geste sûr, ouvrit l’animal en deux. D’une oreille distraite, il écouta Flavia expliquer à Léandre que, en mettant le feu autour du saurien, ce dernier se suiciderai peut être comme les scorpions. Ce à quoi le prince rétorqua que les dragons volaient, et que son père risquait d’être contrarié si ils incendiaient la moitié de sa forêt. De son côté, après avoir vidé le lièvre de ses entrailles, il le remplit de baies rouges. Il s’approcha ensuite de la princesse et lui emprunta son matériel à couture. D’une main experte, il referma grossièrement l’animal avant de le lui rendre. Dans sa clairière, le dragon faisait claquer ses immenses mâchoires, impatient. Cyrus remonta tranquillement à cheval, s’approcha de la lisière des arbres, Léandre à sa gauche et la princesse à sa droite.

Il se dressa sur ses étriers, tendit le bras en arrière et propulsa le lapin garni au milieu de la clairière. Sans réfléchir, le saurien l’avala tout rond. Il y eut un instant de flottement avant que l’animal ne pousse un gémissement de douleur. Il bascula sa tête en arrière et ouvrit la gueule comme pour trouver plus d’oxygène. Son rugissement de rage fit vibrer la forêt mais, l’instant d’après, il s’arrachait avec difficulté du sol et s’envolait gauchement. A côté d’eux, un battement plus rapide et saccadé se fit entendre et le bébé dragon rejoignit sa mère. Cyrus se permit un sourire supérieur.

« Elle va mourir ? » Demanda Léandre, étrangement peiné.

« Je ne pense pas. Ces baies sont des toxines très puissantes, il n’en faut que deux pour tuer un cheval adulte. Mais vu l’animal, je pense qu’il s’en sortira avec une bonne indigestion »
La princesse soupira aussi, soulagée, et Cyrus leva les yeux au ciel. Ils remirent leurs montures en marche.

« Ah au fait sire, si on vous le demande vous avez occis un dragon immense à la pointe de votre épée » Précisa Cyrus

« Mais c’est faux ! » Se révolta Léandre en fronçant les sourcils

« Ce n’est pas la question. L’important ce n’est pas ce qui s’est réellement passé Sire. L’important, c’est ce qui restera écrit »


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A l’instant, confortablement installé dans un fauteuil, un verre de cervoise à la main, Cyrus se faisait la réflexion qu’il préférerait se retrouver de nouveau acculé par un dragon.
Ils n’étaient qu’à une journée de trajet du château, mais le duo princier avait tenu à s’arrêter dans un petit village où s’organisait un bal. Un bal. Alors qu’ils étaient en pleine quête.

Mais il avait eu beau tenter de les ramener à la raison, rien à faire.
Et c’est ainsi qu’on l’avait obligé à porter un ridicule ensemble noir, d’une seule pièce, au col haut et ornée d’un fil d’argent. On l’avait ensuite abandonné, avec pour consigne de s’amuser et de profiter de la soirée. Il s’était immédiatement dirigé vers l’un des fauteuils, qu’il n’avait plus quitté depuis.

Lui qui avait fini par développer une allergie aux foules en était pour ses frais, cette profusion de rires, d’ivresse et de musique forte le rendait malade plus sûrement que l’alcool. Il ne rêvait que de l’instant où il pourrait se glisser dans son lit et le silence de sa chambre. Il se demandait déjà si le prince Léandre allait rester à ses côtés cette nuit aussi, même dans une chambre de taverne.

« Dites moi beau jeune homme, vous n’allez pas passer la soirée assis…Venez donc danser ! » Il leva son regard ennuyé sur la femme en face de lui. Rousse, vêtue d’une tenue gris perle, le visage fin et les yeux verts, elle était d’une beauté étonnante. Elle était aussi barde, comme l’indiquait le tatouage qu’elle portait au creux du cou. Peu intéressé, Cyrus se contenta de boire une autre gorgée de sa boisson. La barde eut un sourire crispé et elle tourna les talons, vexée. Cyrus ricana, jusqu’à ce qu’une autre fille vienne l’aborder.
Il grogna. Son lit ne lui avait jamais parut aussi loin.

De son côté, le prince Léandre, occupé à recevoir les remerciements des personnes les plus influents du village, tentait d’observer le plus discrètement possible ce que faisait ses amis. Il se détourna rapidement de Flavia qui monologuait sur un thème quelconque, sous le regard admiratif d’une dizaine de jeunes villageoise.


Cyrus l’inquiétait nettement plus. Depuis le début de la soirée, les plus belles femmes tentaient leur chance auprès du brun mystérieux avachi dans son fauteuil et bien décidé à y rester. Entre sa peau dorée par le soleil, ses grands yeux noirs, ses cheveux bruns plus longs que ceux de la majorité des hommes et sa bouche fine et moqueuse, son visage possédait une grâce dédaigneuse qui semblait les mettre au défi de le séduire. Défi que plus d’une souhaitait relever. Il était tellement beau dans sa tenue sombre et sobre, avec juste cette pincée de noblesse inconsciente qu’il avait développée au fil des ans. Léandre comprenait parfaitement qu’il capture tous les regards, mais cela ne l’empêchait pas de se sentir particulièrement agacé par ce fait.

Quand finalement l’une des prétendantes, ayant trop abusé de la boisson, se laissa tomber sur les genoux de Cyrus, Léandre s’excusa auprès du conseiller du maire, interrompant son discours avec un sourire désolé. Il traversa la piste de danse à grands pas, se dégageant sèchement des mains qui essayaient de l’arrêter, et vint se planter juste devant le fauteuil du brun. Ce dernier lui jeta une œillade reconnaissante et c’est avec la conscience tranquille que Léandre pu déloger la jeune fille de son perchoir.

« Tu t’amuses bien ? » Demanda-t-il d’une voix un peu trop acide.

« Non. Quand est ce qu’on rentre ? » Se plaignit Cyrus, l’air profondément las.

Ils se tournèrent dans un synchronisme parfait en direction de la princesse qui semblait beaucoup s’amuser. Ils eurent soudain la même expression consternée. Cyrus soupira et s’enfonça un peu plus dans son fauteuil en grommelant. Ils convinrent à contrecœur que, depuis dix ans elle n’avait pas pu profiter de beaucoup de compagnie, et que cette fête ne pourrait que lui être bénéfique.
Léandre s’assis négligemment sur l’accoudoir du siège et, avec naturel, Cyrus laissa retomber sa main sur le genou du blond. Léandre attrapa le verre de Cyrus puis, curieux, en but une grande lampée. Il plissa les yeux et fronça le nez, surpris par l’amertume de la boisson.

« C’est amer ! »

« C’est de la cervoise » Répondit simplement Cyrus avec un sourire moqueur. Dans son dos, deux filles se rapprochèrent. Décidant de mettre un terme une bonne fois pour toute à ce harcèlement, Léandre tendit la main vers de cou du brun, qui ferma les yeux, confiant. Du bout des doigts, il agrippa la chaine en argent et la dégagea du col haut, de façon à ce que ses armoiries soient visibles à tous. Cyrus sourit doucement, et vint effleurer le pendentif du plat de la main, les yeux toujours clos.  

Le regard menaçant de Léandre et son sourire possessif, presque carnassier, découragèrent toute personne intéressée, ce qui sembla satisfaire les deux hommes.

Le soir, alors qu’il s’endormait, Cyrus entendit la porte de la chambre grincer et vit une forme enroulée dans une couverture, tel un immense cocon, se faufiler par l’entrebâillement. Il sourit.


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« Je vous présente Flavia » Fit simplement Léandre avec un sourire. La princesse l’imita avant d’exécuter une révérence profonde et parfaite. Un murmure d’approbation parcouru la salle.

Dans la pièce la plus haute de la plus haute tour du château, l’intégralité de la famille royale s’était réunie pour accueillir la nouvelle venue. Cette dernière passait de mains en mains, répondant à une pluie de questions plus ou moins personnelles et embarrassantes qui la firent délicieusement rougir.

A l’unanimité, elle fut acceptée et commença l’heure des présentations plus officielles. Un par un, les frères de Léandre vinrent se présenter, embrassant délicatement l’air au dessus de sa main. Vint ensuite le tour des belles sœurs, qui se mirent aussitôt à parler mariage et enfants devant un Léandre grimaçant et mal à l’aise.

« Siméon, réveille-toi » Chuchota le dixième prince en direction du crapaud profondément endormi sur un coin de la table. Le batracien se réveilla en sursaut, sa couronne de guingois lui tombant sur les yeux. Léandre rit et la lui remis en place avec délicatesse. Le crapaud croassa paresseusement alors que son frère lui grattait affectueusement le haut du crâne.

« Viens, je vais te présenter quelqu’un » Ajouta Léandre à mi voix en le prenant avec précaution dans ses bras. Il se rapprocha de la princesse Flavia qui lui sourit.

« Flavia, je te présente mon frère Siméon » Annonça t’il solennellement
La princesse se pencha en avant, son beau visage au niveau de l’amphibien.

« Bonjours monsieur Siméon » La salua t’elle en le fixant dans les yeux sans gène apparente. Le crapaud croassa, embarrassé, et dans son coin, Ménade se mordit la lèvre pour étouffer un fou rire et se blotti dans les bras de son mari.
La princesse pris Siméon dans ses bras quand Léandre le lui tendit, le tenant avec douceur craignant  de lui faire mal. Siméon leva la tête vers elle, aussi haut que lui permettait sa morphologie de quadrupède, et la fixa un long moment.

« Vous êtes l’une des plus belle personne que j’ai jamais rencontré » Annonça t’il finalement de sa voix grinçante et discordante.

La princesse eut un doux sourire, presque émerveillé, et elle porta le crapaud à sa hauteur. Elle planta ensuite un baiser affectueux sur le bout de son nez. Le crapaud éternua.

La seconde d’après, la princesse tenait entre ses bras un homme d’environ vingt cinq ans, aux longs cheveux blonds et aux yeux noirs. Un homme magnifique, qu’elle dévora des yeux avant d’en tomber immédiatement amoureuse. Un homme totalement nu, que des servantes paniquées et rougissantes vinrent enrouler dans un drap.

Siméon observa pendant de longues secondes ses mains, faisant jouer ses doigts avant de les passer dans ses cheveux et sur son visage, stupéfait et enchanté. Puis, lentement, il baissa la tête et intercepta le regard brillant de douceur de Flavia. Alors il se pencha et il l’embrassa, l’une de ses mains posée sur sa joue et l’autre maintenant en place son pagne de fortune.

Il y eut des sifflements, des applaudissements, quelques larmes, le fou rire de Ménade.

Et au milieu du vacarme ambiant, le dixième prince quitta la pièce en silence, découragé.


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La rumeur n’avait mis que quelques minutes à se répandre dans tout le château. Que la superbe princesse ramenée par le dixième prince était parvenu à retransformer le neuvième prince et qu’ils étaient tombés follement amoureux. Que la famille avait béni leur union et qu’ils formaient un couple superbe. Certains même affirmaient que le lieu du mariage avait été fixé et qu’il se déroulerait à côté de la mare préférée du crapaud Siméon, pour que ses amis batraciens puissent y assister.

La rumeur s’était répandue à toute vitesse et par conséquent il n’avait pas fallut plus de dix minutes pour qu’elle ne parvienne aux oreilles de Cyrus. Ce dernier, assis dans le box de son cheval, qui profitait du retour à la civilisation en se goinfrant de granulés, broyait du noir. Il imaginait les préparatifs du mariage en cours pour Léandre, Léandre embrassant sa future femme devant sa famille enchantée, lui murmurant des compliments et des promesses. Il pouvait même voir les fées du royaume bénir leur union si parfaite.

Aussi quand un palefrenier échevelé était venu lui annoncer la nouvelle, il avait pensé que l’homme avait tout deviné et ne cherchait qu’à se moquer de son malheur. Seule l’agitation inhabituelle des serviteurs du château, indiquant une anomalie dans le train train quotidien, avait sauvé le pauvre homme.

Alors Cyrus était parti en courant, et avait sillonné le château dans tous les sens pour retrouver le dixième prince. Il retrouva finalement localisé Léandre au fond du jardin, perché sur une grosse branche du chêne qui lui servait d’abri depuis qu’il était en âge de marcher. Cyrus pris le temps de retrouver une respiration à peu près normale avant de le rejoindre. Sans un mot, il s’adossa au tronc de l’arbre, avant d’appuyer sa tête sur le genou de Léandre. Ce dernier ne réagit pas et, après un long silence, le brun leva la tête.

« Racontez-moi » Demanda-t-il seulement avec un sourire doux.
Le visage de Léandre se plissa en une moue boudeuse et peinée. Sa voix elle-même était d’une fragilité effrayante.

« C’est Flavia. Elle a embrassé Siméon pour le saluer et il est redevenu humain. Ca veut dire que c’est son âme sœur, qu’ils vont se marier et que moi j’ai fait tout ça pour rien » Résuma t’il avec amertume.

Cyrus l’observa longtemps, à l'envers et le sourire aux lèvres. Il admira ses traits fins, ses yeux vert d’eau assombris par la déception, ses cheveux blonds qui retombaient sur son visage. Il le buvait littéralement des yeux, rêvant de pouvoir se graver son image au fond des rétines.

« Pour rien ? On s’est bien amusé quand même non ? » Tenta t’il dans une pauvre tentative d’alléger l’ambiance. A sa propre surprise, cela fonctionna et Léandre sourit, les yeux dans le vague.

« Vous l’aimiez ? » Laissa échapper le plus âgé, la question lui brûlant les lèvres depuis trop de temps. Depuis qu’il avait aperçu un ange en haut d’une tour.

« Je ne sais pas…Je ne pense pas non » Répondit songeusement le prince.

« Alors pourquoi n’êtes-vous pas là haut à fêter l’union de vote frère et de votre amie ?

» Chercha à comprendre Cyrus, tentant de cacher son soulagement.

« Parce qu’on m’avait promis que c’était la personne faite pour moi. Au final, elle aime mon frère et moi je me retrouve seul. Peut être que je ne suis pas fait pour aimer quelqu’un ? » Soupira le blond en se passant une main dans ses cheveux, empruntant sans s’en apercevoir l’un des tics de son ami.

« Ne tombons pas non plus dans le mélodrame Sire. Ce n’est pas parce que Flavia était faite pour quelqu’un d’autre que vous n’aurez pas votre tour » Rationnalisa le brun en levant les yeux au ciel, agacé.

Léandre lui tira la langue en riant et Cyrus comprit qu’il en rajoutait volontairement dans le but de se faire plaindre.

« Mais sérieusement, je ne veux pas retourner chercher une princesse. Une fois dans une vie ca suffit comme voyage initiatique » Il riait encore, mais d’un rire jaune et amer qui lui allait mal. Alors Cyrus se redressa, se décollant du tronc, et vint se mettre juste devant lui, posant ses mains sur la branche de part et d’autre du prince.

« Je sais cuisiner, peut être pas aussi bien que Flavia ou Rémi, mais je me débrouille. Je sais lire, écrire, monter à cheval. J’aime aussi combattre à l’épée, tirer à l’arc, chasser, et je peux même coudre s’il le faut vraiment. Je suis capable de vaincre tout seul les mages noirs et les dragons, donc je n’ai pas besoin qu’on vienne me chercher. Et je sais m’occuper des chevaux. Etant donné que je rempli la plupart des critères, je veux donc bien me sacrifier et me proposer comme future…princesse » Cyrus grimaça sur le dernier mot, mais resta sérieux jusqu’au bout, fixant Léandre dans les yeux et guettant sa réponse. S’il s’enfuyait en hurlant, il pourrait toujours l’assommer en espérant qu’il oublie tout.

« Tu ne serais pas par hasard le fils caché d’un roi ? » Demanda distraitement Léandre, en jouant avec une mèche de cheveux noirs, ce qui eu tendance à déstabiliser Cyrus qui du se racler la gorge avant de pouvoir répondre.

« Non. Mes parents sont des roturiers pure souche » Se désola t’il en se haussant sur la pointe des pieds pour essayer de se rapprocher au maximum du visage de Léandre qui se baissa complaisamment dans sa direction, jusqu’à ce que leurs nez se frôlent. Le brun grogna de frustration et Léandre se lécha la lèvre supérieur avec gourmandise avant de reprendre le fil de ses idées, d’une voix on ne pouvait plus sérieuse.

« Tant mieux. Je n’ai jamais aimé ce genre de révélations traditionnelles. Cependant, cela risque de moins plaire à ma mère. Quand Côme a choisi Cendrillon, il lui a fallu un certain temps pour intégrer cette donnée »

Ses yeux pétillaient de malice et son sourire était juste un peu trop éclatant pour être légal. Juste un peu trop tentant. Alors Cyrus referma ses bras autour de sa taille et le tira à lui, le faisant tomber de la branche dans un petit cri de surprise et le réceptionnant contre son torse. Mais il avait malheureusement sous estimé son poids et ils furent tous les deux projetés dans l’herbe, riant comme des enfants.
Finalement, décidant de prendre les choses en mains, ce fut Léandre qui se pencha sur Cyrus pour l’embrasser doucement, chastement, presque comme par accident. Faussement agacé par tant de pudeur, Cyrus plongea une main dans l’épaisse chevelure blonde alors que l’autre se perdait plus bas, le forçant à se coller contre lui.


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Toujours coincé sur l’une des plus hautes branches du chêne, le jardinier en chef tentait tant bien que mal de conserver son équilibre en silence pour ne pas déranger le nouveau couple allongé dans l’herbe quelques mètres plus bas. Respectueux, il regardait dans la direction opposée, même si le son lui apportait déjà bien plus d’informations qu’il n’en souhaitait.

Le soir même, après être descendu de son perchoir, il raconterait ce secret à sa femme avec un sourire chaleureux, en lui faisant jurer de ne pas le répéter. Celle-ci jura, et fit répéter la même promesse à la femme de chambre à qui elle la raconta en gloussant.

Et c’est ainsi que la nouvelle rumeur se répandit, rapidement, dans tout le château, puis tout le royaume. Pour l’anecdote, Cyrus y gagna le surnom de ‘princesse’, ce qui ne lui plut pas vraiment mais qui fit beaucoup rire Léandre.

Et, comme beaucoup d’autres, cette histoire dépassa les frontières du royaume et se répandit dans le monde, se modifiant progressivement jusqu’à ce que les noms des protagonistes soient oubliés et que les détails soient gommés. On finissait par transmettre un récit qui n’était plus qu’une légende fantastique

On racontait qu’un prince, beau et blond, monté sur un destrier blanc, était parti chercher une princesse. Qu’il l’avait tiré des griffes d’un sorcier maléfique et d’un dragon. Que le prince était tombé amoureux, et que le couple avait vécu heureux pour toujours.

Et, au final, on ne se trompait pas tant que ça…

 

FIN

 

Note de fin: et voila:p j'avais prévenu, faudra pas vous plaindre :p allez maintenant, arréter de perdre votre temps sur cette page, et venez plutôt nous rejoindre sur le manychat, parce que les gens que vous y trouverez roxent plus que tout :D

artemis

 
     
     
 
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