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au 31 Mai 21 :
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Biscuit au coeur fondant et son trio de glace
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 1     2 Reviews    
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Notes :

Dans un grand moment de désœuvrement l’an dernier, une amie et moi avions décidé sur un coup de tête de participer à l’appel à texte des éditions Muffins sur le thème de Noël. Ma camarade n’a pas pu terminer son texte dans les temps et le mien n’a malheureusement pas été retenu, mais le 25 décembre approchant, je me suis dit que ça aurait été dommage de laisser trainer ce one-shot dans mon pc, et me suis donc décidée à vous en faire profiter.

Je l’ai relu plusieurs fois mais il doit encore rester quelques fautes, donc si vous en voyez une, n’hésitez pas à me le signaler pour que je puisse éviter une hémorragie oculaire aux autres. :p

Je vous souhaite une bonne lecture ! :D

___________________________________________________________________________________

Biscuit au cœur fondant et son trio de glace

Le sort de glace de Kaldann lui frôla le sommet du crâne, lui arrachant quelques mèches de cheveux qui volèrent tout autour de lui comme des poils de chat.

Mais Mynh n’eut pas le temps de se retourner pour réprimander copieusement son camarade. L’oiseau gigantesque qu’ils affrontaient esquiva lui aussi le sortilège d’un habile coup d’aile, et fonça sur eux à toute vitesse, serres en avant.

Mynh eut le réflexe de plonger derrière un rocher, s’écorchant les coudes et les genoux. Les mains serrées sur la garde de son épée, il se redressa rapidement et tenta de se remettre en position de défense, avant que l’oiseau n’ait le temps de s’élancer pour une nouvelle charge.

Son plastron était en piteux état, et l’une de ses jambières s’était brisée. Il pesta un instant contre sa propre cupidité, s’en voulant de ne pas avoir investit plus tôt dans un équipement qui tenait la route, quelque chose de solide, comme du mythril, et au moins un casque et une côte de mailles. Mais non, il avait préféré attendre, mettre un peu plus d’argent de côté…

A la place, il n’avait que des protections en fer aux endroits stratégiques, et de simples vêtements de tissus.

Malin. Très malin.

- Attention ! cria Kaldann derrière lui.

L’oiseau fonçait de nouveau, bec en avant. Celui-ci –aussi long que son bras- rentra brutalement en contact avec la lame de son épée, aussi solide que de l’acier. La créature battait l’air de ses ailes puissantes, faisant du sur-place, dardant son long cou afin de le transpercer.

Si on lui avait dit qu’il ferait un jour de l’escrime avec un oiseau Roc, Mynh aurait certainement éclaté de rire.

Il fallait dire qu’avant ce jour, il ne connaissait les Rocs que sous leur forme miniature, et infiniment plus bêtes.

- Kaldann ! Qu’est ce que tu fais ? cria-t-il à l’attention du mage en repoussant violemment le bec acéré de la créature.

Il tenta de regarder autour de lui, mais excepté le monstre et lui-même, le défilé était désert. Il n’y avait que de la roche ocre, à perte de vue, et aucune trace de son compagnon.

Il poussa un juron particulièrement coloré. Ce poltron ne l’avait quand même pas déjà abandonné ? Comment avait-il pu quitter le défilé aussi vite ?

Et pourquoi cette satanée bestiole ne l’attaquait-elle pas aussi un peu ?

Le soleil brûlant lui cuisait le visage, et ses bras commençaient à être douloureux, à force de repousser les violentes attaques du Roc. Ce dernier avait une force époustouflante, pour un oiseau.

D’un autre côté, ledit oiseau faisait deux fois sa taille, au bas mot.

Cela devait certainement jouer.

- Mynhyankë, par ici ! Appela soudain la voix de Kaldann.

Il le chercha du coin de l’œil, et aperçut au loin la tâche cuivrée de ses longs cheveux sur l’orange et l’ocre de la montagne.

Mynh sentit le sang battre à ses tempes, et réfléchit à toute vitesse pour pouvoir le rejoindre sans risquer de se faire embrocher.

L’oiseau darda une nouvelle fois son bec acéré vers lui. Le guerrier saisit l’occasion au vol et leva le bras en lieu et place de son épée.

Le bec de la bête entra violemment en contact contre la protection de fer qui recouvrait son avant-bras, et glissa dans un atroce grincement jusqu’à entamer la chair nue au dessus de son coude. Réprimant un cri de douleur, Mynh utilisa son bras libre, celui qui tenait son arme, pour asséner un brutal coup de taille à l’oiseau colossal, encore surpris de ne pas avoir trouvé sous son bec la chose à laquelle il s’attendait.

L’épée l’atteignit à la tête et une gerbe de sang éclaboussa Mynh, qui détala aussitôt. Il n’avait dû faire qu’une entaille superficielle au monstre gigantesque, son répit serait de courte durée.

Il courut au plus vite jusqu’au sommet du défilé, manquant de trébucher sur les rochers et les aspérités de la terre durcie par le soleil. Kaldann l’attendait dans une petite aspérité, un étroit boyau irrégulier, qui donnait vue sur le lieu de l’affrontement.

Mynh se laissa tomber contre le mur en fermant les yeux, haletant comme jamais auparavant et le cœur battant si fort qu’il menaçait de lui sortir de la poitrine. En face de lui, Kaldann n’attendit pas qu’il se soit calmé pour saisir son bras blessé et poser la paume de sa main sur la plaie ruisselante, appliquant un sort de soin qui apaisa la douleur.

Rouvrant à demi les yeux, Mynh aperçut l’air profondément concentré des yeux verts du mage, ses longs cheveux couleur de rouille couverts de sable et de poussière. Lui qui était d’habitude tiré à quatre épingles paraissait bien débraillé. Son grand manteau vert, taillé dans un tissu précieux et délicatement brodé d’or, recouvrait sa silhouette fatiguée comme une vieille fripe. Pourtant, à la grande tristesse de Mynh, il restait désespérément séduisant.

Celui-ci n’eut même pas le réflexe de frissonner, quand les doigts fins du mage effleurèrent une dernière fois sa peau guérie.

Il jeta un œil inquiet par l’ouverture de leur abri, puis au dessus de leurs têtes, apercevant le ciel bleu entre les sommets des deux immenses falaises qui formaient le boyau où ils se terraient. Le Roc était invisible.

Mais si la partie du défilé où il l’avait affronté était aussi large qu’une place de village, ici, l’espace était juste assez grand pour qu’ils puissent se tenir l’un face à l’autre. Cette satanée bestiole ne pourrait jamais les y débusquer, leur offrant un répit –et une ombre- appréciable.

Il lui fallut un certain temps pour remarquer le regard noir que lui lançait son camarade.

- Quoi ? demanda-t-il en se massant les tempes, pour chasser la crispation qu’il y ressentait.

Le mage croisa les bras, mécontent.

-C’était une idée fabuleuse, le félicita-t-il d’un ton acerbe. Vraiment.

Mynh soupira, et secoua la tête.

- C’était pour Loki…

Kaldann leva les yeux au ciel. Il l’accusait, mais il s’en voulait aussi d’avoir été assez bête pour accepter de le suivre.

- Ca lui fera une belle jambe, quand la guilde viendra lui annoncer que des voyageurs ont retrouvé nos os et notre équipement dans le défilé d’Ukluk’ Baleyn, lui reprocha-t-il néanmoins en fronçant les sourcils.

Mynh baissa les yeux, penaud.

Rien de tout cela ne serait arrivé s’il n’avait pas eu cette conversation avec Loki, deux semaines plus tôt…

--

- Noël ? demanda Mynh en haussant un sourcil curieux.

De l’autre côté de la table, Loki hocha la tête, un doux sourire aux lèvres.

- C’est une fête qui se faisait beaucoup dans mon pays, expliqua le jeune blond. Chaque année, on décorait un grand sapin dans notre maison, avec des bougies et plein d’objets qui brillent. On réunissait toute la famille, on faisait un grand repas et ensuite, on s’échangeait des cadeaux autour du sapin...

Mynh considéra longuement le jeune garçon. Des étoiles de nostalgie brillaient dans ses grands yeux bleus, tandis qu’il regardait tomber les flocons par la fenêtre, d’un air songeur.

- C’est un genre de sacrifice rituel ? demanda-t-il avec perplexité. On faisait ça aussi, dans les marais. Quand le solstice arrivait, on allait tuer un…

- Ca n’a rien à voir ! S’offusqua Loki en gonflant les joues.

Son vis-à-vis ne put s’empêcher de sourire, amusé par sa réaction. Vexé, le jeune blond lui tira la langue, petit bout rose entre ses lèvres couleur de pêche.

- C’est une fête pour célébrer la communion et le partage. On se rassemble autour d’un repas chaud pour oublier l’hiver, et on s’offre des cadeaux pour se montrer à quel point on tient les uns aux autres…

Mynh s’accouda à la table, curieux.

- Et pourquoi vous décorez un sapin avec des objets qui brillent ?

- Pour la lumière, expliqua le jeune blond d’un air très sérieux. Pour que nos maisons soient tellement éclairées que le soleil comprenne qu’il est temps de revenir. Et parce que là où je vivais, il n’y avait que des sapins…

Loki était originaire d’une lointaine contrée du nord, recouverte par la neige et la nuit pendant la moitié de l’année. Pour Mynh, qui avait grandi dans la chaleur suffocante des marais du sud, un tel concept était plutôt difficile à saisir.

A ses yeux, le blond avait parfois des mœurs et des coutumes assez étranges.

- Tiens, les garçons ! Vous n’étiez pas parti traquer le Crapozaure qui semait la pagaille dans la vallée du Vent-qui-soupire ?

Ils levèrent tous les deux les yeux vers la jeune fille qui s’approchait de leur table, un plateau sur le bras.

- Bonjour, sourit Loki en reconnaissant leur serveuse habituelle.

- On est rentré plus tôt que prévu, expliqua son compagnon en haussant les épaules. Un autre groupe de la guilde passait par là, et ils nous ont donné un coup de main…

La jeune fille leur adressa un sourire étincelant, les mains sur les hanches.

- Tant mieux ! Avec ce froid qui arrive, vous auriez attrapé la mort ! Bon, qu’est ce que je vous sers ?

Ils étaient plutôt connus à l’auberge des Trois rochers, lieu de rendez-vous principal des membres de la célèbre guilde Goldenclock . C’était un endroit clair et chaleureux, tout de bois blond, à quelques rues du centre de la ville. Comme beaucoup de leurs congénères, Mynh et Loki aimaient se retrouver là entre deux quêtes, pour discuter de tout et de rien en attendant une nouvelle mission.

- Comme d’habitude, dirent-ils d’une même voix, avant d’échanger un sourire.

- Alors un jus de Babasse et une bière, soupira la serveuse en levant les yeux au ciel. Je vous emmène ça tout de suite !

Dans un froissement de jupons, elle repartit naviguer entre les tables d’une démarche chaloupée, sous le regard bienveillant des deux garçons.

- Ca fait plaisir de voir qu’il y a des choses qui ne changent pas…

- Oui, acquiesça Loki. Les saisons passent, mais les gens restent les mêmes…

Dehors, la neige tombait à gros flocons, recouvrant déjà le toit des maisons. La ville d’Harmonia était réputée pour ses rues fleuries et son climat extrêmement doux, mais l’hiver venu, elle se parait d’une fourrure blanche jusqu’au retour des beaux jours. Cela devait sans doute rappeler des souvenirs à Loki…

Le jeune garçon poussa soudain un soupir et défit le col de sa cape, qui lui entourait le cou comme une écharpe. Le lourd vêtement blanc tomba de ses épaules dans un bruit mat, et le blond rajusta ses habits de prêtre sous l’œil attentif de son camarade.

Sans son manteau de magicien et ses kilos de livres de sortilège, Loki ressemblait presque à un véritable ecclésiaste, comme ceux que l’on croisait parfois dans certaines villes, louant l’une ou l’autre des divinités du panthéon du coin. Mais le jeune homme ne croyait qu’en la toute puissance de l’astre solaire, dont il tirait la source de sa magie et de ses talents de guérison. De fait, il n’avait de « prêtre » que le titre guerrier, ce qui n’était pas plus mal quand on connaissait la réputation que trainaient la plupart des religions, d’une région à l’autre.

- Au fait, tu n’es pas allé chercher ta récompense à la guilde, non ?

Mynh fut gêné par la question et détourna les yeux, observant la ville à travers la fenêtre.

- Non… commença-t-il en sentant le rose lui monter aux joues. Je me connais, je vais tout dépenser en potions et en équipement…

Loki lui sourit d’un air bienveillant, lui mettant un peu de baume au cœur.

- Alors je préfère attendre de faire une ou deux missions de plus, continua-t-il. Je pourrais acheter quelque chose de mieux.

Le blond tendit la main par-dessus la table, pour la poser tout doucement sur la sienne.

Le bout des doigts de l’épéiste était tatoué, comme tout le reste de son corps, de traits bleu céruléen qui évoquaient le pelage rayé d’un félin. Comme Mynh n’avait ni la peau brunie, ni les traits taillés à la serpe que possédaient habituellement les gens qui venaient des marais, ces signes peint sur sa peau étaient peut-être le seul moyen de savoir qu’il était étranger. Ca et sa chevelure bleu électrique, plutôt exotique dans la contrée d’Harmonia.

- Et puis tu n’as pas besoin de potions tant que je suis avec toi, lui rappela Loki avec un sourire rayonnant.

De rose, les joues de Mynh virèrent au rouge écarlate, tandis que son cœur se mettait à battre la chamade. Loki ne se rendait pas compte de l’effet que sa sincérité produisait sur lui. A vrai dire, le jeune blond n’avait sans doute même pas conscience de pouvoir mettre quelqu’un en émoi, surtout pas un épéiste courageux et intrépide comme Mynh .

- Tu pourrais m’en dire plus sur Noël ? lança précipitamment ce dernier, saisissant la première chose qui lui était passée par la tête pour changer de sujet.

Une bonne idée, car Loki retira aussitôt sa main pour jouer avec ses doigts sous la table, une mine à la fois réjouie et gênée sur le visage.

- Tu veux bien ? Demanda-t-il timidement.

- Bien sûr, acquiesça Mynh, d’un air aussi naturel que possible. Tu as des étoiles dans les yeux quand tu en parles. Ca m’intrigue…

Loki sembla se mettre à rayonner, un large sourire aux lèvres.

- Ca me fait plaisir… avoua-t-il en rougissant. Je pensais que ça ne t’intéressait pas…

A vrai dire, c’était effectivement le cas, Mynh n’ayant jamais été très passionné par les fêtes populaires. A part peut-être celles de son enfance passée dans les marais du sud. Les sacrifices d’animaux et les orgies qui en découlaient, pendant lesquelles les adultes laissaient le champ libre à leurs rejetons déchainés…

Mais pour voir le sourire de Loki, il était prêt à tout. Il s’en effrayait d’ailleurs assez souvent.

La serveuse revint et déposa devant eux leurs commandes, avant de repartir sur un clin d’œil. Les basses températures du début de l’hiver avaient incité les badauds à se mettre au chaud, et la neige sur les routes limitait les déplacements des mercenaires de la guilde. De fait, l’auberge était bondée, et la jeune fille n’avait pas vraiment de temps à accorder à ses deux clients préférés.

Mynh en était presque soulagé, car il la soupçonnait d’avoir des vues sur lui et cela le mettait particulièrement mal à l’aise. Il l’aimait bien, mais se voyait mal devoir repousser ses avances et lui expliquer qu’il n’était pas intéressé par la gent féminine. Les habitants d’Harmonia avaient beau être très ouverts sur le sujet, il restait profondément marqué par les mœurs de son enfance, beaucoup moins tolérantes.

Il avait quitté ses marais natals à l’adolescence, à la recherche d’aventure et de gloire, rêvant depuis toujours d’intégrer l’une de ces célèbres guildes du pays d’Olvan, dont parlaient toutes les légendes du continent. A force de sueur et de bleus, il avait fini par intégrer Goldenclock, l’une des plus réputée dans la chasse aux monstres et aux créatures diverses qui semaient la pagaille parmi les humains -élevé comme un futur chasseur dans sa tribu, c’était tout à fait ce qui lui convenait. Mais il avait mis du temps à perdre ses habitudes et son comportement un peu sauvage, et aujourd’hui encore, les traditions sévères de sa contrée d’origine l’influençaient énormément.

C’était peut-être pour ça qu’il s’entendait si bien avec Loki. Lui aussi avait quitté son pays pour vivre son rêve, et devenir un adepte de magie blanche.

Au fond, même si l’un était presque trop civilisé, et l’autre beaucoup trop farouche pour l’endroit où ils vivaient, ils étaient pareils.

- Ce que j’aimais beaucoup à Noël, commença Loki en sirotant son jus de fruit, c’était l’ambiance. C’était très chaleureux, comme fête. Et puis les cadeaux, aussi, mais ça c’était quand j’étais plus petit…

Ils échangèrent un sourire, l’un timide, l’autre amusé.

Mynh bu quelques gorgées de sa bière, et se demanda un instant si cela ferait plaisir à son ami, qu’il lui offre un cadeau. Il n’avait jamais vraiment songé à le faire, peut-être parce qu’étant donné que les anniversaires n’avaient pas pour eux de symbolisme particulier, les occasions ne s’étaient jamais présentées. Et puis, qu’est-ce qui pourrait bien faire plaisir au jeune homme ?

Une idée lui traversa soudain l’esprit, aussi saugrenue qu’inopinée. Il fixa la mousse blanche sur le sommet de sa chope, plongé dans ses pensées. Et si… ?

- Mais je crois que ce que j’aimais le plus, continua Loki d’un ton rêveur, c’était le repas et le sapin. On passait tellement de temps à préparer les plats, et les décorations étaient si jolies…

Il s’interrompit pour regarder tomber la neige, dans les rues tranquilles de la ville. Les flocons s’accumulaient sur la croisée de la fenêtre, comme une bordure blanche qui entourerait le cadre d’une peinture. Il y avait peu de gens dehors, et l’on voyait briller beaucoup de flammes derrières les carreaux des maisons.

- Comment est-ce que vous le décoriez ? Demanda Mynh d’un ton curieux.

- Avec des rubans et des boules en verre, lui expliqua son camarade. Parfois des bougies, mais ça faisait peur à ma mère. Et puis, le plus important, c’était la décoration au sommet. Il fallait y mettre un objet très lumineux, il devait faire encore plus de lumière que le feu de la cheminée…

Son visage s’assombrit un peu et il baissa les yeux, les doigts serrés sur son jus de fruit.

- Mais je ne me souviens plus vraiment de ce que c’était, se chagrina-t-il. Les hommes du village allaient les chercher dans les montagnes, et les enfants n’avaient pas le droit d’y toucher. Je suis parti avant d’avoir pu être mis au secret…

- Peut-être une sorte de pierre de lune, ou un fragment de roche magique ? Tenta Mynh, la curiosité aiguisée.

Loki hocha la tête.

- Oui, je pense aussi que ça devait être quelque chose comme ça. Mais on ne trouve ce genre de chose que dans le nord, et elles perdent leur éclat avant de pouvoir être transportées jusqu’ici…

L’idée qui avait traversé l’esprit de Mynh se fit un peu plus présente, piquante comme une aiguille.

Les pierres lumineuses, artefacts magiques réputés pour dispenser un éclairage stupéfiant, ne se trouvaient que dans les terres gelées des pays nordiques. Une fois retirées de leurs prisons de glaces, leur lumière faiblissait, jusqu’à ce qu’elles redeviennent de vulgaires cailloux tombés du ciel. Quelques expéditions arrivaient parfois à en ramener jusque dans les grandes villes plus à l’est, avec l’aide de puissants magiciens de glace, mais les pierres s’arrachaient alors à des prix exorbitants.

Un grand fracas retentit dans l’auberge bondée, brisant le silence songeur dans lequel ils étaient tous les deux plongés. Une bourrasque d’air froid traversa la salle alors qu’un groupe de personnes franchissait le seuil, apportant avec lui un flot de neige fondue et de flocons dansants. A leurs grandes capes brodées de motifs d’or, il était facile de deviner qu’il s’agissait d’une troupe de nobles que l’air froid avait chassé des magasins luxueux du centre ville.

Mynh se tétanisa quand il reconnut parmi eux le manteau vert mousse de Kaldann. Riant avec un autre noble, le magicien abaissa sa capuche et dégagea ses longs cheveux cuivrés, confirmant les pires craintes de l’épéiste pour qui l’erreur n’était plus possible.

- Oh non ! Maugréa-t-il avant de se cacher derrière sa chope.

Dire qu’il avait réussi à entrainer Loki loin de chez lui et de ses vieux ouvrages de magie, qu’il s’enthousiasmait de pouvoir passer tout un après-midi en compagnie du jeune blond, après la semaine éreintante qu’ils avaient tous les deux passés en mission…

Ce noble aux cheveux rose allait une fois de plus tout gâcher.

Loki s’étonna de la mine défaite de son ami, et se retourna pour découvrir ce qui avait suscité sa réaction. Son visage s’illumina quand il aperçut le mage, et il lui fit de grands signes de bras.

- Ohé ! Kaldann !

Malgré le vacarme dans l’auberge, le noble reconnut parfaitement la douce voix du prêtre et se tourna vers leur table avec un sourire immense. Il congédia ses camarades d’un vague signe de tête et partit les rejoindre sans autre forme de procès.

- Loki, quel plaisir de te revoir enfin, susurra-t-il d’un ton charmeur tout en volant une chaise à la table derrière eux, pour s’installer juste à côté du jeune blond.

En face, Mynh rongeait son frein. Kaldann et lui se détestaient depuis toujours. Ils auraient peut-être plus se plaire l’un l’autre s’ils avaient fait des efforts, au tout début, quand ils avaient été présenté pour la première fois. Mais il était beaucoup plus facile d’haïr que d’aimer et à vrai dire, leur querelle durait depuis si longtemps qu’ils en avaient même oublié l’origine exacte.

Le courant ne passait pas entre eux, quoi qu’ils fassent. Ils ne se voyaient l’un et l’autre que comme « le noble orgueilleux d’Harmonia » et « le sauvage des marais du sud», étaient aussi différents de caractères qu’ils avaient des codes de conduite tout à fait opposés. Mynh avait beau passer pour un sauvage impétueux, il avait un profond sens du devoir et du respect, aussi bien envers la nature qu’envers les personnes. Kaldann, lui, se comportait comme si tout lui était acquis, petit prince gâté à qui on ne refusait rien, et qui traitait son entourage comme un enfant considérait ses jouets, les jetant dès qu’ils avaient perdu toute forme d’intérêt.

A vrai dire, ils n’auraient jamais dû se rencontrer, et ne se seraient jamais connus que de loin si Loki n’avait pas été là.

Tout comme Mynh, le prêtre avait rencontré Kaldann lors d’une quête. Malgré son ascendance noble, le mage était en effet un membre reconnu de Goldenclock. Plus qu’une lubie d’adolescent, sa famille était l’un des principaux bienfaiteurs de la guide, et malgré le fait qu’il ne soit encore que dans sa vingt-deuxième année, il siégeait déjà au conseil.

Mais ce qui énervait le plus Mynh, c’était qu’en dépit de son statut social et de sa place à Goldenclock, Kaldann se comportait toujours comme un adolescent irresponsable.

- Mynhyankë ! Le salua le mage d’un ton sardonique. Je croyais que les chats n’aimaient pas la neige ?

Mynh lui jeta un regard noir. Dans les marais, les cultes totémiques étaient très répandus. Si un enfant survivait jusqu’à l’âge de cinq ans, on le décidait apte à devenir un individu à part entière, et il recevait un nom ainsi qu’une divinité protectrice. On lui avait donné le patronyme de Mynhyankë, et son totem était le Noctulis, « un légendaire tigre à dent de sabre au pelage bleu comme le soir, dont l’arrivée chassait le soleil et laissait la place libre pour la lune et la nuit » (« à tes souhaits », répondaient souvent les membres de la guilde quand il leur expliquait ceci). On avait sans doute baptisé le jeune épéiste à cause de la couleur de ses cheveux, qui évoquait la couleur du ciel juste après le crépuscule. Ses tatouages, qui rappelaient les tigrures d’un fauve, avaient été faits en l’honneur de son animal protecteur.

Kaldann, très cultivé derrière ses aspects de noble insouciant, le savait parfaitement. La preuve en était qu’il devait être l’une des rares personnes dans la guilde à parvenir à prononcer –et épeler- le nom complet de Mynhyankë, les autres se contentant de sa version raccourcie.

Mais du totem de son rival, il ne retenait que le côté « chaton ».

- Et toi, Kaldann ? Je croyais que l’humidité faisait friser tes cheveux comme un petit mouton…

Le mage lui renvoya un sourire assassin. Leurs yeux lançaient des éclairs, chacun essayant de provoquer l’autre pour qu’il soit celui qui déclarerait les hostilités. Aucun des deux ne voulait trouver la disgrâce auprès de Loki.

Leur trio était célèbre, au sein de la guilde. On les surnommait « les trois cas », parce qu’ils avaient tous la même lettre dans leurs prénoms, et que leurs capacités en constante évolution étaient aussi redoutées que les disputes cataclysmiques de Mynh et Kaldann.

Le magicien avait beau siéger au conseil, il était encore jeune et au même niveau que Loki et Mynh. Les trois jeunes gens avaient des talents complémentaires et bien souvent, on les sollicitait tous les trois pour effectuer les mêmes quêtes.

Le pire était peut-être qu’ils formaient une équipe redoutable. Avec les sorts offensifs de Kaldann, la force et l’agilité de Mynh et la magie de soin de Loki, ils n’avaient encore jamais failli une seule des missions qu’on leur avait confiées.

- Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas retrouvé tous les trois ensembles, remarqua le prêtre de son air candide.

- C’est vrai, acquiesça Kaldann. Tu as été absent la semaine dernière, non ?

Mynh ne dit rien, ignorant le mage autant que ce dernier l’ignorait. Loki n’était pas dupe et savait parfaitement qu’ils ne pouvaient pas se supporter. Il tentait malgré tout de faire comme si de rien n’était, avec le secret espoir qu’un jour, peut-être, ses deux meilleurs amis arrêteraient de se mépriser.

Mais était-ce la faute de Mynh et Kaldann, s’ils étaient tous les deux tombés amoureux du même homme ?

Car au fond, tout l’objet de leur discorde reposait sur les frêles épaules du jeune prêtre.

Alors que l’épéiste restait relativement discret sur sa vie privée, le magicien, lui, l’étalait à travers toute la ville. Les femmes, les hommes, qu’importe les situations sociales, tous ceux qui avaient un joli minois et qui aimaient la flatterie avaient déjà terminé dans les bras de Kaldann. Coureur de jupon invétéré, il séduisait aussi vite qu’il se lassait, et il laissait dans son sillage bien des cœurs brisés. A vrai dire, Loki et Mynh étaient peut-être les deux seuls jeunes gens qui pouvaient se targuer de ne jamais avoir eu à subir ses avances. L’épéiste s’en était toujours senti un peu irrité.

C’était peut-être l’unique chose qu’il ne pouvait d’ailleurs pas reprocher à son rival. S’il ne cachait pas son attirance pour le jeune blond, il n’avait jamais rien tenté dans son sens, jugeant sans doute leur amitié trop importante pour être mise en péril par une relation plus poussée.

Mais Mynh ne pouvait s’empêcher de craindre qu’un jour, Kaldann ne finisse par céder à sa nature. Si jamais il faisait du mal à Loki…

- On est parti quelques jours pour faire une quête, expliqua le jeune prêtre. Chasser le Crapozaure…

Le délicat visage de Kaldann se fendit d’un sourire narquois.

- Oh, laisse-moi deviner, c’est Mynhyankë qui t’a embarqué là dedans ? Soupira-t-il en jetant un regard en coin à l’épéiste, dont la mine s’assombrit aussitôt. Ce genre de mission, c’est tout à fait son genre…

Mynh serra si fort sa chope de bière qu’il faillit la briser. Il avait suffit d’à peine quelques minutes pour que le mage ne lui sorte par les trous de nez. Son beau visage hautain, son air suffisant, sa langue de serpent…

Tout l’horripilait.

Du moins, c’était le seul mot qu’il arrivait à mettre sur le fourmillement qu’il ressentait dans ses membres, chaque fois qu’il pensait à lui.

- Moi au moins, je n’ai pas peur d’aller ruiner mes vêtements dans la campagne, comme certaines précieuses que je connais… glissa-t-il l’air de rien.

Kaldann cilla, mais ne se démit pas de son sourire railleur. A côté d’eux, Loki buvait sagement son jus de Babasse, avant qu’il ne refroidisse. Mynh avait entendu parler plusieurs fois des tendances polygames des gens du nord. Dans leurs pays gelés, les communautés étaient particulièrement soudées et ils ne voyaient pas le mal ni la difficulté d’aimer également plusieurs personnes à la fois. C’était probablement le cas de Loki, attaché à l’un comme à l’autre, sans jamais prendre position d’un côté précis de la balance.

Mynh faisait des efforts pour garder son calme, par respect pour le jeune prêtre. Mais c’était de plus en plus dur, et la joie qu’il ressentait à l’idée de passer l’après-midi avec son ami s’était déjà envolée.

Kaldann était une tique royale. Une fois qu’il s’accrochait, il ne lâchait pas prise. Il allait les suivre toute la journée, leur gâcher l’existence et les empêcher d’être seuls, tous les deux…

Un frisson d’énervement lui traversa l’échine. Il allait être d’une humeur exécrable, et il ne se passerait pas une minute sans que le noble et lui n’échangent des remarques assassines. Loki ferait comme si de rien n’était mais au fond, Mynh le savait bien, il serait chagriné que ses deux meilleurs amis se déchirent juste sous ses yeux.

L’épéiste ne voulait pas gâcher le plaisir du jeune blond. Ce dernier ne prenait que très rarement de pauses, entre les différentes quêtes qu’il effectuait et ses journées d’études. Il travaillait ardemment pour devenir l’un des meilleurs prêtres de la guilde Goldenclock, si bien que lorsqu’il n’était pas sur les routes, il s’enfermait chez lui ou à la bibliothèque et dévorait des ouvrages sur la magie blanche.

Pour que Loki profite de sa journée, il fallait que Kaldann et lui soient séparés et au plus grand regret de Mynh, ce ne serait certainement pas le magicien qui ferait cet effort.

- Il faut que j’aille faire quelque chose, soupira-t-il en se redressant. Ca m’était sorti de la tête…

Le noble cacha sa joie sous un masque d’indifférence, tandis que Loki affichait sans artifices sa déception.

- Tu t’en vas déjà ? Tu n’as même pas fini ta bière…

- Je suis désolé, s’excusa-t-il en secouant la tête, mais j’avais complètement oublié…

Mynh enroula sa longue cape autour de son cou, et s’emmitoufla dedans. Puis il déposa quelques pièces sur la table et passa une main amicale dans les mèches blondes de son meilleur ami. Parce qu’il était « un rustre des marais », il pouvait se permettre quelques gestes rapprochés, sous le couvert de l’affection, que Kaldann n’aurait jamais osé tenter. Mynh aperçut d’ailleurs celui-ci qui plantait très violemment ses ongles dans la chair de ses paumes, sous le coup de la jalousie. Il ne se posa même pas la question de savoir envers qui ce sentiment était tourné.

Cela passa un peu de baume sur le cœur de l’épéiste, d’autant plus que Loki lui lança un sourire rayonnant, qui lui remua agréablement les entrailles.

- On se reverra dans la semaine, alors ?

- Je viendrais te sortir de tes livres par la peau des fesses, lui assura Mynh en riant.

Il ignora superbement Kaldann et, après un dernier sourire à Loki, quitta l’auberge.

Avoir dû céder aussi vite sa place à son rival le contrariait un peu, parce qu’il aurait voulu que Loki lui parle encore un peu de cette fameuse fête de Noël, qui faisait tant briller ses yeux. Mais d’un autre côté, c’était le moment de commencer à réfléchir à cette petite idée qui lui avait traversé l’esprit…

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Kaldann et Loki rabattirent les capuches de leurs manteaux de mages, pour se protéger des flocons qui tombaient drus.

Après le départ de Mynh, le noble s’était empressé de voler sa place de l’autre côté de la table, et d’engager une conversation aussi animée que futile avec Loki. Il aimait faire sourire le jeune prêtre, de quelque manière que ce fut. Voir ses beaux yeux bleus sans nuages, son sourire si doux et sa fraicheur spontanée, cela lui suffisait pour être heureux pour les trois prochaines semaines. Même s’il avait dû avant supporter ce sauvage de Mynh…

Le guerrier avait des manières trop brusques et naturelles, pour lui qui avait toujours vécu dans un monde de masques et de mesure.

Il n’y avait que durant les quêtes que Kaldann pouvait se laisser aller, se comporter avec les autres aventuriers comme s’ils étaient tous sur un pied d’égalité. Quand il était en ville, le noble ne pouvait pas oublier quel sang coulait dans ses veines ; il ne pouvait pas se permettre de tripoter ses camarades et d’avoir des effusions de sentiments en plein milieu d’une auberge.

Mynh, lui, ne se gênait pas pour le faire, en témoignait cette main affectueuse qu’il avait laissé glisser dans les blonds cheveux de Loki. Et cela énervait le mage au plus au point, plus encore peut-être que le fait de s’être demandé une seconde ce que cela ferait, de sentir la main de Mynh ébouriffer son propre crâne.

Si l’épéiste n’avait pas été l’ami du jeune prêtre…

Les deux étrangers se connaissaient déjà, lorsque Kaldann avait rencontré Loki. Il avait pactisé avec ce dernier au cours d’une quête, pour aller chercher il ne savait quel artefact au fond d’une vieille grotte. Encore nouveau à l’époque, le blond restait toujours en retrait, n’osait se mêler aux autres, et cachait son ennui et sa timidité derrière un très joli sourire et un adorable accent du nord. Kaldann avait bien tenté de le séduire, en le voyant ainsi désœuvré…

Mais il n’avait pas eu envie de jouer avec lui comme il le faisait d’ordinaire avec les autres jeunes gens. Au lieu de ça, il était devenu son ami, situation aussi privilégiée que douloureuse pour son petit cœur de noble sensible. Loki était son premier et dernier véritable amour.

- Au fait, lança-t-il d’un ton anodin, pour relancer la discussion que leur sortie de l’auberge avait interrompue. Tu parlais de quoi avec Mynhyankë, avant que j’arrive ?

Ce n’était pas parce qu’il tolérait la présence de ce rustre des marais aux côtés de son meilleur ami qu’il n’avait pas le droit d’être jaloux.

Loki le comprit, et plutôt que de se chagriner, s’en amusa.

- Je lui parlais de la fête de Noël, lui expliqua-t-il avec un sourire rêveur.

La neige recouvrait déjà toute la ville, et il planait dans les rues un silence étrange et bien inhabituel.

Harmonia n’était pas une citée d’hiver. Les maisons en pierre taillées y étaient petites, hautes d’un ou deux étages, aux toits de tuiles colorées et aux rebords de fenêtres garnis de fleurs. Le printemps venu, les différents quartiers se paraient de couleurs chatoyantes et d’odeurs enivrantes. Toutes les fêtes célébraient le retour des beaux jours, la venue de l’été ou la fin des moissons. Mais dès que l’hiver arrivait, les rues tranquilles s’endormaient, et il n’y avait guère plus dans les jardinières que quelques fleurs d’hiver amoureusement entretenues.

- Ah, tu m’en avais aussi parlé, non ? Hésita Kaldann, tentant vainement de ramener l’attention sur lui plutôt que sur son rival.

- Oui, acquiesça Loki. C’est le moment de l’année où on commençait les préparatifs…

Il se tourna vers son ami et lui lança un énième sourire étincelant.

- Je ne sais pas pourquoi, mais… Chaque fois que je me retrouve avec vous à cette période, je ne peux pas m’empêcher d’y penser…

Peut-être parce que Noël était une fête de retrouvaille, dans la tradition du nord, et que Kaldann et Mynh étaient les deux seuls véritables amis qu’il s’était fait dans cette ville.

La neige craquait sous leurs bottes, et trempait le bas de leurs manteaux. Le paysage immobile avait quelque chose d’étrangement serein. Rougi par le froid, le visage d’ordinaire si pâle de Loki prenait des couleurs et avec ses vêtements blancs de prêtre, il semblait se fondre dans son élément.

Après tout, songea Kaldann, il était un enfant de la glace, né dans les lointaines contrées du nord. Il l’observa à la dérobée et en dépit du froid mordant, sentit une douce chaleur l’envahir à la vue de sa jolie frimousse.

- Pourquoi est-ce que tu ne le fêterais pas, cette année ?

Loki le regarda avec des yeux étonnés, pas sûr de comprendre.

- Noël ?

Kaldann hocha la tête, tirant sur les manches de son manteau pour protéger ses mains du froid.

- Ca demanderait trop de travail… Soupira Loki. Je ne suis pas un très bon bûcheron. Ni un très bon cuisinier…

En réalité, les deux jeunes hommes le savaient, il aurait été très facile d’organiser une fête de Noël comme l’entendait le prêtre. Certes, il n’y aurait eu qu’un arbuste en guise de sapin, avec du papier brillant au sommet, faute de pierre de lune. Le repas aurait été plutôt frugal, la décoration minime et les cadeaux un peu improvisés, mais avec un peu de bonne volonté, il aurait pu retrouver l’ambiance des Noëls de son enfance.

Seulement…

Cela ne servait à rien d’organiser tout ça pour passer la soirée en tête à tête avec sa chandelle. Et les deux seules personnes avec qui il aurait voulu partager ce moment ne pourraient jamais faire l’effort de se côtoyer pendant plus d’une heure sans se sauter à la gorge.

Même pour lui.

Kaldann en avait parfaitement conscience, et se sentit un peu coupable à cette pensée.

Alors qu’ils tournaient à l’angle d’une rue, ils aperçurent à travers le rideau neigeux l’horloge étincelante de la maison de leur guilde. Toute en or et en ivoire, elle semblait briller comme un phare en pleine tempête.

La guilde Goldenclock était plutôt célèbre dans le pays d’Olvan, malgré le fait qu’elle ne fasse pas partie des plus puissantes ou des plus honorées. Elle était un point de passage idéal pour les mercenaires de niveaux intermédiaires, en attendant d’acquérir suffisamment d’expérience pour être accepté par une guilde de plus grande renommée, ou pour tous ceux qui ne courraient pas à tout prix après la gloire et la richesse.

Pour l’heure, elle convenait parfaitement aux perspectives d’avenir du trio. La ville d’Harmonia était agréable à vivre, et ils s’entendaient très bien avec les autres membres de la guilde. D’autant plus que pour Kaldann et Mynh, partir signifierait quitter Loki…

- Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? S’enquit le mage en saisissant le fil de ses pensées. Tu as une quête de prévue ?

Le jeune prêtre leva les yeux vers le ciel blanc, observant la chute des flocons avec un sourire calme. La neige serait là pendant un bon moment. Il y en aurait probablement encore pour Noël…

- Je n’ai pas spécialement besoin d’argent ce mois ci, il me reste encore toutes les récompenses de mes dernières missions… Je crois que je vais attendre quelques semaines, conclut-il avec un doux sourire.

Toutes les quêtes étaient rémunérées, et constituaient en quelque sorte le salaire des mercenaires. Loki, lui, dépensait presque tout en livres de magie et en outils de soins. Plus les quêtes étaient cotées, plus grande était la récompense à partager, mais ce genre de missions étaient aussi plus longues et difficiles. A l’inverse, les quêtes de rangs inférieurs rapportaient peu, mais s’effectuaient rapidement et sans trop de difficultés. La vie de mercenaire n’était pas seulement faite de combats et de chasse aux monstres, elle nécessitait également une certaine capacité à gérer un budget. Le problème était que certains –pour ne pas citer Mynh comme exemple- étaient beaucoup plus doués avec leurs muscles qu’avec les mathématiques.

- Peut-être qu’on pourrait en faire une ensemble ? proposa aussitôt Kaldann. Ca fait longtemps qu’on ne l’a pas fait…

- Oui, pourquoi pas, acquiesça le jeune prêtre.

Partir en quête avec Loki. Parler avec lui pendant des heures sur le trajet, le protéger en cas d’attaques imprévues de monstres, dormir tout près de lui à la belle étoile, peut-être même partager une tente si les conditions de l’expédition le permettait…

Il avait hâte.

Ne restait qu’à espérer que ce sauvage de Mynh ne viendrait pas tout gâcher en réussissant à se mêler à la troupe.

Ils savaient tous les deux qu’ils convoitaient la même personne. Mais ils étaient tous les deux trop amoureux pour forcer la main de Loki, et risquer de perdre son amitié.

Le jeune prêtre était tout ce que Kaldann aurait voulu être. Quelqu’un de bon, généreux, courageux, qui n’avait pas peur de vivre ses rêves jusqu’au bout, quitte à faire des sacrifices. Le mage aurait adoré se spécialiser dans la magie blanche, mais dans une famille noble, les prêtres n’étaient pas particulièrement bien vus. Alors il s’était courbé face à la pression de son entourage, et avait embrassé l’apprentissage de la magie offensive, sans plus de protestations.

Pour devenir prêtre et entrer dans une guilde, Loki, lui, avait laissé sa famille, renoncé à son ancienne vie et débarqué dans un pays inconnu alors qu’il était âgé de dix-sept ans à peine. Cela faisait trois ans qu’il vivait à Harmonia, et il cachait ses peines et son mal du pays derrière un sourire permanent et une gentillesse presque dangereuse pour son cœur trop innocent.

Partagé entre admiration et respect, Kaldann essayait de le protéger, autant qu’il le pouvait.

On disait le mage frivole et insouciant; c’était vrai, il cueillait les jolies personnes comme des fleurs, et les jetait dès qu’elles commençaient à se faner. Il préférait accorder son temps et son amour à Loki, plutôt qu’à des inconnus qui n’étaient attirés que par son rang et sa fortune, ou bien par la tentation d’essayer de capturer son cœur, que l’on disait insaisissable.

Et pour cause, il l’avait confié entre de bonnes mains. Celles de Loki…

- On y est, fit remarquer le jeune homme alors qu’ils s’arrêtaient à hauteur de sa maison.

Le prêtre logeait dans un petit appartement d’à peine deux pièces, au dessus d’une boutique de fleur. C’était amplement suffisant pour ses livres et lui, mais Kaldann, qui vivait dans une immense villa des beaux quartiers, ne pouvait jamais s’empêcher de s’y sentir à l’étroit.

- Bon, eh bien je vais te laisser… soupira le mage, cachant sa déception derrière le rideau des flocons.

Il devait tout de même s’estimer heureux d’avoir pu passer un moment avec Loki, ce qui ne lui était plus arrivé depuis des jours. Une chance qu’il soit allée à l’auberge au bon moment, pour pouvoir le voler à Mynh…

- Merci de m’avoir raccompagné, le remercia Loki avec un sourire qui le réchauffa agréablement. Surtout, rentre bien…

Kaldann sentit ses doigts le picoter. La neige avait gardé les citadins à l’intérieur de leurs maisons. Il n’y avait personne dans la rue, aucuns témoins, juste le silence et les flocons. Il aurait pu passer sa main dans les cheveux de Loki, lui aussi. Très tactile, le jeune homme adorait ce genre de marques d’affections. Personne n’en aurait jamais rien su, et il en avait tellement envie…

Mais il se retint. Il n’y avait que ses innombrables conquêtes, qu’il se permettait de toucher en public. Loki était trop pur, trop innocent pour qu’il se permette ce genre de geste avec lui. Cela aurait revenu à franchir la limite qu’il s’était imposée.

- Ne t’en fais pas pour moi, le rassura-t-il simplement.

Ils se saluèrent de la main, et le prêtre se retourna pour gravir l’escalier extérieur qui conduisait à sa porte, avant de disparaître.

Kaldann poussa un profond soupir. Il n’avait plus qu’à rentrer chez lui. Il aurait pu rejoindre la petite troupe de nobles avec qui il avait passé le début de l’après midi, mais en réalité, leur compagnie l’agaçait. Il pouvait peut-être passer à la maison de la guilde, pour saluer quelques camarades mercenaires…

- Kaldann, je dois te parler, fit la voix de Mynh dans son dos.

Le mage fit un bond prodigieux, s’attendant à tout sauf à ça.

En l’espace d’une seconde, il passa de la surprise à la colère, et se retourna vivement pour foudroyer l’épéiste du regard. Ce dernier était emmitouflé jusqu’au nez dans sa cape aux bords effilochés, l’air frigorifié. Son visage était devenu aussi bleu que ses tatouages. Les chats n’aimaient pas le froid.

- Qu’est ce que tu veux ? Siffla le mage du ton le plus antipathique dont il était capable.

Loin de s’en effrayer, Mynh le saisit par la manche et le traina à l’angle d’une rue, hors de vue des fenêtres de Loki. Les volets de sa maison étaient clos, mais ils le connaissaient suffisamment pour savoir que le jeune prêtre pouvait être pris à tout instant par l’envie de les ouvrir pour regarder tomber la neige.

Kaldann se débattit comme un beau diable, mais le sauvage ne lâcha pas prise jusqu’à ce qu’ils soient à l’abri. Le noble récupéra sa manche avec un frisson qu’il tenta de faire passer pour du dégout, et l’épousseta soigneusement.

- C’est à propos de Loki, commença Mynh, ce qui eut aussitôt pour effet de calmer la véhémence de son rival. Il t’a parlé de Noël ?

Le mage resta silencieux quelques instants, hésitant. C’était plutôt inhabituel qu’ils se retrouvent tous les deux seuls, en tête à tête. A vrai dire, c’était même la première fois. D’ordinaire, il y avait toujours des passants ou d’autres membres de la guilde pour être témoin de leurs disputes dévastatrices.

- Il m’a même raconté trois fois l’histoire de la fée des neiges qui distribuait des cadeaux aux enfants sages et des cailloux aux autres, acquiesça-t-il finalement.

Les cheveux bleus de Mynh étaient trempés et couverts de flocons. S’il ne se dépêchait pas d’aller les sécher, il serait quitte pour un bon rhume. Mais cela ne paraissait pas l’inquiéter outre mesure –si l’on exceptait ses grelotements difficilement retenus.

- Ca à l’air de lui tenir à cœur, expliqua-t-il avec sérieux. J’aimerais faire quelque chose pour lui, mais… j’aurai besoin de ton aide.

On aurait dit que prononcer ces mots était aussi douloureux que se faire arracher le cœur avec une cuillère en bois. Kaldann ne cacha pas sa surprise, aussi décontenancé par son aveu, que parce qu’il venait de réaliser que c’était la première fois qu’ils échangeaient plus de trois phrases dénuées d’insultes et de remarques méprisantes. Découvrir qu’ils étaient capables d’une telle prouesse le laissait perplexe.

- Et en quoi est-ce que je pourrais t’être utile ? Questionna le mage avec suspicion.

Mynh lui tendit un parchemin, qu’il accepta du bout des doigts.

C’était une offre de mission, comme il y en avait des dizaines affichées sur les murs de la guilde. Kaldann la parcourut rapidement des yeux, sautant sur la récompense promise pour s’attarder sur la teneur de la quête.

Un Roc gigantesque s’était installé dans le défilé d’Ukluk’ Baleyn, un chemin bien connu des marchands, passage obligé de la route des épices. Il attaquait tous ceux qui tentaient d’emprunter le chemin, paralysant le commerce. La tâche n’avait pas l’air particulièrement difficile, ne nécessitait pas plus de deux ou trois hommes et moins d’une semaine d’absence, en comptant l’aller-retour et la durée de la traque.

- Juste pour ça ? S’étonna Kaldann.

Mynh aurait pu demander à n’importe qui d’autre, dans la guilde. Il était plutôt connu, et beaucoup appréciaient son caractère bien trempé et ses principes très chevaleresques. Le mage ne voyait pas en quoi sa présence était nécessaire.

- Pas seulement pour ça, justifia l’épéiste. Ca serait simplement le début. Tu connais la propriété des cœurs de Roc ?

Kaldann ouvrit la bouche, la referma. Il venait de comprendre.

Quelques jours –et chamailleries- plus tard, ils quittaient les rues enneigées de la ville pour prendre le chemin des montagnes d’Ukluk’ Baleyn.

--

Mynh était tombé amoureux de Loki dès la première quête qu’il avait partagée avec lui. Le jeune prêtre l’avait guéri alors que lui et quelques autres guerriers venaient d’affronter un troupeau d’Ours pourpre. Mynh n’avait qu’une légère éraflure au torse, mais le blond l’avait traité avec une telle gentillesse, une telle application pour une blessure aussi bénigne… Il ressentait encore la fraicheur de ses doigts blancs, sur la peau douloureuse autour de la plaie. Et son sourire, et ses yeux…

Ils étaient à l’époque deux étrangers fraichement débarqués dans la guilde, ne connaissant personne et restant toujours à l’écart. Ils s’étaient rapprochés tout naturellement.

Cela s’était passé trois années plus tôt ; quelques temps après, Loki avait rencontré Kaldann, leur trio s’était instauré, et la situation n’avait plus évolué depuis.

Jusqu’à aujourd’hui.

Si Loki avait mis trois ans avant d’oser lui parler de Noël, c’était forcément un signe. Quelque chose de très important pour lui, une réminiscence de son passé qu’il avait tenté d’enfouir mais qui était revenue malgré tout. Pour que Loki lui parle de quelque chose d’aussi important pour lui, il devait vraiment tenir à lui, et avoir envie de partager ce qui lui tenait à cœur. Mynh s’en était senti flatté. (Il omettait volontairement le fait que Loki avait aussi parlé de tout ça à Kaldann. Beaucoup plus qu’à lui.)

C’était pour cette raison qu’il était venu jusqu’au défilé d’Ukluk’ Baleyn. Et il ne quitterait pas cet endroit avant d’avoir obtenu ce qu’il cherchait.

- Bon, très bien, soupira Kaldann en se pinçant l’arrête du nez. Il faut qu’on sorte d’ici.

Ils étaient toujours coincés dans leur étroit boyau, sans nouvelles du Roc. Il était peu probable que ce dernier ait lâché ses proies, et il devait certainement être caché quelque part, en train de guetter une tentative de sortie.

- Je vais te lancer un sortilège d’accélération, annonça le mage après quelques minutes de réflexion. Et un sort d’endurcissement. Ca devrait tenir suffisamment longtemps pour que tu puisses te défendre pendant que je jette un Ralenti sur lui, et que je prépare une invocation.

Derrière sa réputation de jeune homme insouciant, Kaldann était en réalité un fin stratège. Ce n’était pas pour rien qu’il représentait sa famille au sein du conseil de la guilde, et qu’il faisait parti des magiciens les plus réputés de son niveau.

De fait, poussé par un instinct étrange, Mynh lui fit confiance et acquiesça sans réfléchir à son baragouinage magique, n’y connaissant strictement rien.

Ils avaient voyagé pendant trois jours pour arriver jusqu’ici, dans le silence le plus complet, pour éviter les disputes. Ils avaient pris leurs repas en se tournant le dos, dormi à la belle étoile chacun de leur côté, marché à plusieurs mètres de distances. Les rares paroles qu’ils avaient échangées ne concernaient que leur projet futur, et la mise en œuvre d’une technique de traque pour débusquer le Roc.

C’était ce dernier qui les avait débusqué, alors qu’ils remontaient le défilé jusqu’au nid présumé de la bête. Ils n’avaient pas eu le temps de réfléchir, pris de court par l’attaque aussi rapide que violente, et profitaient avec d’autant plus de soulagement de cet instant de répit, qui leur permettait enfin de faire le point sur la situation.

Cette pause se termina d’ailleurs de manière très brève.

Alors que Mynh massait les muscles douloureux de son épaule, attendant que Kaldann, les yeux fermés, ait fini de psalmodier son sortilège, un énorme grondement les fit tous deux sursauter.

La tête fuselée du Roc se glissa dans le boyau, ses yeux noirs les fixant d’un air mauvais. Ses ailes immenses, déployées, l’empêchaient de se glisser dans le passage, et il ne pouvait que lancer des cris perçants en tendant son bec en avant pour tenter de les atteindre.

Lorsqu’ils réalisèrent cela, ils poussèrent un profond soupir de soulagement.

La seconde d’après, le monstre repliait ses ailes et se frayait un chemin entre les parois de pierre, dardant son long cou un peu plus loin à chaque centimètre gagné.

- C’est pas vrai ! S’exclama Mynh en tirant son épée. Depuis quand ces bestioles sont intelligentes ?

- Tais-toi et repousse-le ! Ordonna Kaldann en reculant autant que possible au fond du passage, luttant pour ne pas céder à la panique.

Du coin de l’œil, l’épéiste le vit serrer les doigts sur son sceptre magique, et préparer à la hâte un nouveau sort. Mais il n’eut pas le loisir de lui demander de quelle magie il s’agissait car déjà, le Roc avait suffisamment avancé pour réussir à l’atteindre.

Son corps massif frottait contre les falaises, soulevant des nuages de poussière et arrachant bon nombre de gravats. Les yeux de Mynh se mirent rapidement à piquer, mais il fit de son mieux pour repousser les assauts de l’oiseau, croisant de nouveau le fer avec son bec.

Il comprenait mieux pourquoi personne n’avait accepté cette quête avant eux. Il avait été étonné de trouver l’annonce sur l’un des panneaux de la guilde. D’ordinaire, ce genre de missions simples et rapides s’arrachaient en quelques minutes. D’autant plus qu’avec la neige qui envahissait les rues, la maison de la guilde était beaucoup plus fréquentée ces derniers temps.

Ce monstre était beaucoup trop intelligent pour une créature de son espèce. Les Rocs normaux étaient plus petits, et se contentaient de foncer tête baissée sur les premiers bouts de viande ambulants qu’ils croisaient.

Que celui-ci soit allé jusqu’à les débusquer dans leur cachette, et encore pire, soit un Roc escrimeur, sortait pour le moins de ce qu’il avait l’habitude de voir.

S’ils survivaient, ils pourraient négocier au moins le triple de la récompense initiale.

- Baisse-toi ! Lui cria la voix de Kaldann, alors que l’oiseau venait de le mettre en difficulté.

Les jambes de Mynh lui obéirent toutes seules et il s’accroupit souplement, en dépit de son dos rendu douloureux par le combat dans un espace aussi réduit.

Une bourrasque de vent lui chatouilla le sommet du crâne et frappa le monstre de plein fouet, le repoussant violemment dans le défilé.

- Vitesse ! Annonça de nouveau Kaldann d’un ton autoritaire, l’extrémité sertie d’or de son bâton de mage tendue vers son camarade.

Mynh sentit aussitôt des ailes lui pousser aux pieds. A défaut d’apprendre la magie blanche, Kaldann s’était spécialisé dans la magie de soutien et d’entrave, se révélant un précieux allié lorsque les combats s’éternisaient (Curieusement, il était également devenu très habile avec les sorts de glace, depuis qu’il connaissait Loki).

Sans attendre les ordres de son compagnon, Mynh courut à l’assaut, ses forces renouvelées par le regain de célérité qu’il venait d’acquérir. Il se sentait incroyablement rapide, bougeait et réfléchissait plus vite que jamais. Ecrasé contre le sol, le Roc peinait à se remettre sur ses pattes, et se mit à battre furieusement des ailes lorsqu’il vit l’épéiste arriver sur lui avec une vélocité effarante. Il esquiva de justesse les coups de taille que l’humain tenta de lui porter, et le repoussa d’un violent coup d’aile, avant de réussir à se redresser.

Mais Mynh était déjà de retour, prêt à en découdre. Il attaquait tant et si bien que le Roc ne put reprendre correctement son envol. Cloué au sol par les assauts répétés, il se défendait à coup de bec et de serres, se révélant d’une agilité étonnante pour une bête aussi grande.

Le sort de vitesse ne tint cependant pas très longtemps, et dès qu’il commença à s’estomper, Mynh ressentit les premiers signes de fatigue.

Revenu dans le large passage du défilé, il était exposé à la rage du soleil, et sa peau déjà tannée par le voyage recommençait tout simplement à cuire. Son front était luisant de sueur, aussi bien à cause de l’effort que de la chaleur suffocante de l’après-midi. Il s’essuya du dos de la main, profitant d’une légère trêve dans le combat. Il avait réussi à percer plusieurs fois la défense de plume de la créature, et celle-ci saignait en divers endroits. Mais ce n’était que des éraflures et elle tenait désespérément bon, bien décidée à manger de la cuisse d’aventurier pour son prochain repas.

Mynh pesta contre sa propre inefficacité. Chacun des coups qu’il espérait décisifs étaient implacablement contrés. A ce rythme, il tomberait d’épuisement avant d’avoir pu apercevoir la fin de l’affrontement. L’accablement menaça de le faire flancher, mais il se ressaisit et serra les doigts autour de la poignée de son arme.

Il devait réussir. Pour Loki.

Et pour Kaldann.

S’il ne terrassait pas ce monstre, qui pourrait protéger les deux magiciens à sa place ?

Il rassembla sa force et banda les muscles, bien décidé à vaincre. Si seulement il ne faisait pas aussi chaud… Il était habitué au temps humide et étouffant des marais. Ces températures sèches et brûlantes n’étaient pas faites pour lui. Mais comme en soutien à son regain de motivation, un vent frais l’enveloppa soudain, aussi agréable qu’inattendu.

Un homme de glace lui fila sous le nez, le laissant pantois.

Il étincelait de blancheur, sous le soleil impitoyable. Comme une statue animée, taillée dans un seul bloc, il filait dans le ciel avec la grâce d’un flocon de neige et laissait derrière lui une pluie de cristaux miroitant. Seul son visage restait figé dans une expression incomplète, une ébauche de tête humaine que l’on aurait oublié d’achever.

Il fallut un certain temps à Mynh pour revenir de sa surprise, et reconnaître l’invocation favorite de Kaldann. Il l’aperçut derrière un rocher, l’air essoufflé et les doigts tendus, à la manière d’un marionnettiste qui manipulait un pantin.

C’était en fait un peu le cas. Kaldann n’avait pas encore le niveau ni le talent nécessaire pour faire appel à des invocations autonomes. Nix était une poupée de glace qu’il lui fallait manipuler lui-même, au lieu de lui donner des ordres.

Mynh sut enfin ce que préparait son compagnon, tandis qu’il luttait contre le Roc. Une telle magie nécessitait énormément de temps de préparation…

C’était leur unique chance, il ne fallait pas la gâcher.

Comme s’ils se connaissaient depuis toujours, ils n’eurent pas besoin de se parler pour savoir quoi faire.

L’être de glace virevolta autour de l’oiseau, qui tentait de chasser l’importun à coup de becs. Faisant preuve d’une force insoupçonnée, Nix fondit soudain sur le monstre et étira son corps gelé pour s’enrouler autour de lui, dans une étreinte aussi glacée qu’inextricable. Au même instant, Mynh grimpait sur un rocher pour avoir plus d’élan, profitant de l’immobilité forcée de la bête. Il sauta sur le Roc en mettant toutes ses forces dans sa lame.

Le cou du monstre céda aussi facilement que la branche d’un arbre sous une hache.

Mynh retomba lourdement sur le sol et roula dans la poussière pour se rétablir, la tête un peu secouée. Nix disparut dans une grande éclaboussure, l’aspergeant copieusement. L’épéiste vit la silhouette vert et cuivre de Kaldann s’affaisser contre un rocher, complètement épuisé.

Hagard, lui-même n’avait plus qu’une envie. S’écrouler par terre et savourer sa victoire, qu’il peinait à réaliser.

La monstrueuse masse de plume du Roc gisait sur le sol, à jamais immobile. En voilà un qui avait fini de terroriser la région. Même les autres carnassiers avaient déserté le défilé, depuis que celui-ci s’y était installé.

Mais plus que le sentiment d’avoir accompli une bonne action, émotion qu’il ressentait d’ordinaire après avoir achevé une quête, cette-fois ci, il n’y avait plus que le sourire de Loki qui l’obnubilait.

Ils avaient réussi. Ils avaient tué un Roc. Et pas n’importe lequel.

Mynh se dirigea droit sur la carcasse, sortant un coutelas de l’une de ses bottes et le plantant dans les muscles encore chaud avec la dextérité d’un chasseur. Il avait tué suffisamment de ces créatures pour connaître les rudiments de leur anatomie. Le cœur apparut à ses yeux comme un rubis dans un écrin de chair et de plumes ensanglantées, tellement frais qu’on aurait juré le voir palpiter.

Il sectionna les veines et les artères pour le retirer avec milles précautions ; il était si gros qu’il tenait dans ses deux mains jointes. Sitôt qu’il fut séparé du corps, l’organe bouillant se mit à durcir et se brunir, se transformant en quelques instants en une roche dure et tiède, un véritable cœur sculpté dans la pierre.

Emerveillé, Mynh le porta sans pouvoir en détacher les yeux et s’écroula aux côtés de Kaldann, le dos appuyé contre la roche. Aucun des deux jeunes hommes ne s’offusqua du fait que leurs deux corps soient en contact. Au milieu de la poussière et sous un soleil de plomb, la présence de l’autre avait quelque chose d’étrangement rafraichissant.

Le mage observa le cœur solidifié avec un vague air dégouté.

- C’est ça, ton fameux cœur de Roc ?

Mynh sortit son coutelas et gratta la surface de la pierre. Sous une légère croute brunâtre, une matière d’un doré translucide se mit soudain à briller, d’un éclat aussi lumineux qu’un rayon de soleil.

- Non, c’est ça, annonça-t-il avec un sourire rêveur.

Kaldann en oublia d’être fatigué, et resta bouche bée.

Tout contre lui, Mynh affichait un air béat.

Il n’arrivait pas à croire qu’ils l’aient fait. Ils avaient vaincu un véritable monstre, ensemble, et récupéré l’un des plus énormes cœurs de Roc qu’il n’ait jamais vu. C’était bien plus que ce qu’ils espéraient trouver, en partant…

Pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, ils détachèrent leurs yeux de la pierre et échangèrent un sourire complice. Le soulagement les envahit alors, dénouant leurs muscles noués par la tension de l’affrontement.

Ils étaient vivants. Ils avaient gagné.

Ils se sentaient tous les deux tellement bien, tout à coup…

Une pulsion aussi violente que surréaliste les traversa soudain, la fatigue et la fin de la bataille ayant ébréché le mur de ressentiment qui les séparait alors, et libéré en eux un besoin réprimé qu’ils n’auraient jamais cru ressentir un jour. Surtout pas envers cette personne là.

Mais c’était si puissant que leurs esprits épuisés cédèrent presque aussitôt, sans réfléchir plus longtemps aux conséquences qu’un tel acte provoquerait.

Mynh gémit presque de satisfaction lorsque les lèvres de Kaldann se posèrent sur les siennes. Il lâcha le cœur de Roc sur ses genoux et se saisit de la nuque du mage, glissant les doigts dans ses longs cheveux cuivrés. Le noble l’embrassait avec une ardeur qu’il ne lui avait jamais vu, chez aucunes de ses innombrables conquêtes que le mage ne se gênait pas d’embrasser en public. Ses lèvres étaient tellement douces, et sa langue si joueuse, qu’il se demanda un instant pourquoi est-ce qu’ils n’avaient jamais fait ça plus tôt.

Cela coulait pourtant de source.

Peut-être parce que jusqu’alors, la seule chose qu’il arrivait à lire dans les yeux de Kaldann était une jalousie féroce. Mais envers qui se tournait cette jalousie, lui-même, ou bien Loki ? Le mage devait certainement avoir vu la même chose dans son propre regard, et être en train de se poser la même question.

Loki. Le sourire rayonnant du blond s’imposa soudain dans leurs esprits et ils se séparèrent brutalement, les joues en feu et les lèvres rougies. Des tas de pensées se bousculaient dans leurs têtes, toutes plus contradictoires les unes que les autres.

L’évidence les frappa de plein fouet. Toutes ces années de haine, de disputes, de colère, parce qu’ils croyaient être rivaux… Il avait fallu qu’ils se retrouvent dans cette situation, seul dans un lieu désert, hagard et épuisés par un combat intense qu’ils avaient mené côte à côte, pour qu’ils comprennent enfin.

- Je suis en train de réaliser quelque chose d’affreux, bégaya Mynh d’un air choqué.

- Oui, moi aussi, chuchota Kaldann avec la même expression.

Mal à l’aise, ils fixèrent leurs pieds pendant un long, très long moment. Les rouages de leurs cerveaux n’avaient jamais tourné aussi vite, en dépit de leur épuisement.

- Pourquoi je suis le seul de la ville à qui tu n’as jamais fait d’avances ? Demanda soudain l’épéiste, brisant le silence.

Il ne regardait pas Kaldann, les yeux rivés sur le cœur de Roc, comme s’il cherchait un soutien de la part de l’objet inanimé. Le mage faisait de même avec l’extrémité de son sceptre.

- Parce que tu n’as jamais eu l’air intéressé. J’ai cru que je n’étais pas ton type, lâcha laconiquement le noble.

Ils replongèrent dans le silence, ne sachant quoi dire, se sentant comme deux idiots.

Ce qu’ils étaient peut-être, dans un certain sens.

- Tu crois… tu crois qu’il y a une chance pour que Loki… ?

Peu importait lequel des deux venait de parler. Ils partageaient tous les deux les mêmes pensées, à cet instant précis.

Parce qu’ils venaient de comprendre tout un tas de chose qui leurs étaient jusqu’alors passées sous le nez. Comme si ce baiser échangé avait complètement changé leur façon de voir le monde.

Un baiser désiré depuis si longtemps, sans qu’ils en aient conscience…

- Je ne sais pas. Peut-être… Il faudrait essayer.

Ils auraient pu rester des heures dans cette position, épaules contre épaules, hanches contre hanches, l’air perplexe et le cerveau hagard.

Mais la chaleur du soleil et le poids du cœur de Roc sur les cuisses de Mynh ramena ce dernier à la réalité, et il se redressa soudain.

- On ferait mieux de partir. Il faut qu’on traine la carcasse jusqu’à la ville et qu’on rentre à la guilde toucher la récompense. Tu sais où on peut trouver des boules en verres ?

Il tendit la main à Kaldann pour l’aider à se redresser, offre que celui-ci saisit sans hésiter. Ce contact inhabituel les fit frissonner tous les deux, comme à chaque fois qu’ils se touchaient, mais ils comprirent enfin que ce n’était certainement pas de honte ou de dégout.

- Non, mais avec l’argent qu’on va toucher, je sais où on pourra s’en faire fabriquer. Et toutes les décorations qui vont avec, rajouta-t-il en époussetant ses vêtements.

--

Loki frappa ses bottes contres les premières marches de l’escalier, pour chasser la neige qui en recouvrait les semelles. Les flammes magiques qui tremblotaient dans les lampadaires chassaient à peine les ténèbres de la nuit, et il avait hâte de se glisser devant la cheminée pour réchauffer ses os gelés.

Il avait encore neigé, pendant qu’il était à la bibliothèque. Un voile de poudre lisse recouvrait la ville, vierge de toute trace de pas, comme un heureux présage.

C’était le soir de noël, mais personne à Harmonia ne semblait être au courant. Ici, les gens n’aimaient pas l’hiver.

Rien à voir avec son pays natal, où les célébrations du solstice d’hiver s’étalaient sur plusieurs semaines. Quatre jour après le dit solstice - un chiffre symbolique pour son peuple-, la fée des neiges allait réveiller le soleil endormi, et déposait pour l’occasion des présents et des fragments de lumière dans toutes les maisons. C’était du moins la légende qu’on lui racontait, quand il était petit…

Il sourit, serrant contre lui le paquet qu’il venait à peine de recevoir. Sa mère s’y prenait toujours des semaines à l’avance, pour être sûre que le colis lui parvienne à temps pour noël. Des kilos de biscuits sablés, enveloppés de papier brillant qui conservait la fraicheur des aliments. C’était un bien maigre cadeau, mais il suffisait amplement à combler de joie le cœur de Loki.

Le jeune prêtre poussa un soupir et gravit lentement les marches, cherchant son trousseau de clef au fond des larges poches de son manteau blanc. Il avait multiplié les appels du pied à ses deux meilleurs amis, pour essayer de leur faire comprendre qu’il aurait bien aimé passer Noël avec eux. Même si cela ne représentait rien pour eux, même s’il n’y avait pas de décorations, de repas chaud et de pierre de lune étincelante au sommet du sapin…

Mais Mynh et Kaldann avaient tous les deux acceptés des quêtes pour la guilde, au dernier moment. Une fois de plus, il se retrouvait seul pour Noël.

Alors qu’il allait glisser la clef dans la serrure, il aperçut un inhabituel rais de lumière sous sa porte. Fronçant les sourcils, il remarqua soudain la fumée grise qui s’échappait de sa cheminée, comme de toutes celles des autres maisons de la ville. Depuis quand est-ce qu’une cheminée fonctionnait toute seule ?

Les voleurs étaient rares à Harmonia, d’autant plus qu’il n’avait rien qui vaille la peine d’être dérobé, excepté de vieux livres de magie blanche qui devaient avoir bien peu de valeur aux yeux des brigands. Et ces derniers se permettaient rarement d’allumer un feu de cheminée le temps de commettre un larcin.

Le cœur battant, il tourna la clef et poussa la porte.

Son œil fut aussitôt attiré par la tignasse cuivrée et la tunique brodée de Kaldann, agenouillé devant la cheminée, surveillant un plat qui mijotait doucement. Le mage se redressa en l’entendant entrer, et se tourna vers lui avec un sourire.

- Déjà là ? Il me semblait que la bibliothèque fermait plus tard…

Mynh referma la porte derrière Loki, provoquant le sursaut de ce dernier, qui ne l’avait pas remarqué.

- On dirait qu’on a mal prévu notre coup, s’amusa l’épéiste en délestant le prêtre de sa besace et de son lourd manteau.

Ce dernier les observa tour à tour, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

- Mais… Que…

Sa tête lui tournait tellement qu’il avait l’impression qu’on venait de lui asséner un énorme coup de massue.

Il devait tout simplement être en train de rêver.

La toute petite pièce était métamorphosée. La table minuscule était recouverte par une jolie nappe, sur laquelle on avait dressé trois couverts. Un immense sapin mangeait tout l’espace entre la porte de sa chambre et la cheminée, embaumant la pièce de senteurs boisées, auxquelles se mêlait le fumet du plat sur le feu. L’arbre était décoré de boules de toutes les couleurs et de rubans brillants, comme tout le reste de la pièce. Et à son sommet…

Une énorme pierre taillée brillait de mille feux, produisant plus d’éclat encore que les chandelles et la cheminée réunies.

- Vous… Bégaya-t-il sans réussir à terminer.

- Tu nous en a tellement parlé qu’on a fini par craquer… sourit Kaldann en guise d’explication.

- Les cadeaux sont dans ta chambre, rajouta Mynh. On n’a pas encore eut le temps de les mettre au pied du sapin.

Loki se sentit défaillir, et s’appuya au bord de la table pour ne pas tomber. Il en avait rêvé pendant des mois, sans jamais oser y croire. Et maintenant… Et maintenant…

Il crut que son cœur allait éclater de joie.

- Il ne fallait pas…Je.. Je n’ai rien à vous offrir, moi ! remarqua-t-il soudain, avec une moue peinée.

Côtes à côtes, Mynh et Kaldann échangèrent un regard anxieux. Le jeune prêtre était trop sonné pour s’étonner du fait qu’ils ne s’étaient pas encore sautés à la gorge pour s’étriper proprement, comme ils ne manquaient pas de le faire d’habitude.

- En fait, si, il y a peut-être quelque chose, commença le mage. Tu sais, on a beaucoup réfléchi ces derniers temps, et on a réalisé que… peut-être…

Comme il ne parvenait pas à finir, l’épéiste prit sa suite, avec une aisance qui le stupéfia lui-même. Ils étaient aussi coordonnés que durant leur combat contre le Roc, comme si leurs deux esprits avaient fusionné pour ne plus former qu’un.

- Peut-être qu’on ne se détestait pas tant que ça. Ou qu’on prenait pour de la haine quelque chose qui n’en était pas.

Kaldann hocha vigoureusement la tête pour confirmer les mots de son camarade. Plus que jamais, la lumière du cœur de Roc faisait ressembler sa chevelure à de longs et soyeux fils de cuivre.

Loki les regarda tour à tour, d’un air perdu.

- Mais le problème, reprit le noble, c’est que toi, tu n’es peut-être pas dans le même cas que nous. Je veux dire, en théorie, même si on raconte toutes ces choses sur le nord, les gens ne sont pas sensés tomber amoureux de plusieurs personnes en même temps…

- Mais ce n’est pas grave, s’empressa d’assurer Mynh. Il suffit que tu le dises, et après le repas… Celui qui est en trop s’en ira.

- Sans regrets, ajouta Kaldann.

Ils se regardèrent de nouveau, profondément mal à l’aise. Sur le chemin du retour, ils avaient eu tout le loisir de réfléchir à ce qui s’était passé dans le défilé, et d’en tirer les conclusions qui s’imposaient.

D’une certaine manière, Mynh et Kaldann étaient attirés l’un de l’autre depuis bien longtemps. Mais en même temps, sans qu’ils puissent s’expliquer comment une telle chose était possible, ils aimaient aussi Loki, avec autant de force.

Mais le prêtre, dans tout ça ?

Ils avaient discuté de ce moment pendant des heures, imaginant à chaque fois des théories différentes, s’effrayant l’un l’autre des conséquences possibles de leur aveu accouché dans la douleur. Tant et si bien que ce discours qu’ils avaient mis un temps fou à préparer était sorti de leurs bouches sans même qu’ils ne s’en rendent compte.

Mais ils n’eurent pas le temps de le remarquer. La réaction de Loki les prit tous les deux de court, dépassant toutes les hypothèses qu’ils avaient élaboré quant à sa réaction.

Le jeune blond s’était précipité sur Kaldann, pour poser ses lèvres sur les siennes.

Mais avant que les deux compères ne puissent le réaliser, il se détourna du mage et se hissa de nouveau sur la pointe des pieds, pour embrasser tout aussi chastement Mynh.

Puis il fondit dans leur bras, son visage rouge jurant énormément avec ses vêtements immaculés.

- Si vous saviez… murmura-t-il d’une voix étranglée. Vous avez été tellement long à comprendre, je commençais à croire que ça n’arriverait jamais…

Il ne put en dire plus, la gorge nouée. Cela faisait des mois qu’il essayait de leur ouvrir des yeux. Il avait remarqué depuis longtemps ce qui se cachait vraiment, derrière la haine de ses deux meilleurs amis. Mais ils étaient tous les deux tellement bornés et obtus, qu’ils étaient restés aveugles à tous ces petits signes qui crevaient pourtant les yeux.

Mynh et Kaldann sourirent, et l’enlacèrent tendrement.

L’instant était si surréaliste qu’ils ne savaient pas trop quoi en penser, leurs esprits semblant complètement éteints. Il n’y avait dans leurs têtes qu’une énorme bouffée d’amour, si grosse qu’elle en était presque étouffante.

Le bonheur et la surprise leurs étreignaient douloureusement la poitrine. Ils avaient eu raison, en allant traquer ce Roc gigantesque. Pour aimer deux personnes en même temps, il valait mieux avoir le plus gros cœur possible.

Kaldann jeta tout à coup un œil curieux vers la marmite.

-Il y en a au moins pour une heure, avant que ça soit prêt…

- C’est très long, une heure, fit remarquer Mynh.

Ils échangèrent un accord silencieux. Ces derniers jours, ils n’avaient cessé de s’étonner eux-mêmes, en réalisant à quel point ils pouvaient se comprendre sans prononcer un seul mot. Comme s’ils avaient toujours été sur la même longueur d’onde.

Le noble poussa doucement un Loki un peu perdu jusque dans sa chambre, laissant à Mynh le soin de refermer la porte sur leur trio.

Ils comptaient bien commencer de la plus belle façon qui soit le tout premier Noël commun de leurs vies.

Le premier d’une très longue série.

- Ah, non, pas ici ! Je vais voir mes cadeaux ! s’exclama la voix courroucée de Loki derrière la porte close.

ooo

Ce one-shot date un peu maintenant, mais malgré tous les défauts que je lui trouve, j’y ai passé tellement de temps que je l’aime bien quand même. J’espère que cela en a été de même pour vous ! : p

N’hésitez pas à me laisser un petit mot pour me dire ce que vous en avez pensé, ou me faire part d’éventuelles remarques, j’y répondrais avec plaisir. ^^

Sur ce, je vous dis à bientôt et vous souhaite à tous un Joyeux Noël et de très Bonnes Fêtes ! :D

 
     
     
 
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