Chapitre de Natalea
Bonne lecture ! ;D
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Nous sommes le 24 décembre. La veille de Noël. Harry a transplané dans la neige et le froid, pour atterrir tête la première dans une congère englacée. En se redressant, il rabat l'ombre de sa cape sur lui. Puis il regarde aux alentours avec un dernier soupçon d'appréhension...et se détend. Il n'y a personne, il est suffisamment loin. Il a tout le temps qu'il lui faut.
Oldtown, petit village de 800 habitants, proche banlieue de Londres. Domicile de Ron, Hermione, Rose et Hugo Weasley. Et depuis peu, domicile d'Albus Potter.
Harry contemple les lumières de la place en contrebas, et entame sa descente. Les hurlements d'Ethan résonnent encore dans sa tête. Il a tout tenté pour le dissuader, absolument tout. Mais Harry a pris sa décision depuis longtemps, et rien ne le fera changer d'avis. Les paroles de Ron lors de leur réunion impromptue l'ont ébranlé bien plus qu'il ne l'aurait cru. Pour Noël, Harry veut voir son fils.
Il a tout prévu. Il sait que le village sera probablement infesté d'Aurors, sur le pied de guerre à l'attendre. Ron sera évidemment de la partie, puisqu'il est tout de même le premier intéressé. Mais aucun de ces obstacles ne l'a fait douter de sa résolution un seul instant. Il éprouve à présent un besoin absolu, viscéral, de prouver à Albus qu'il est toujours son père et qu'il occupe la moindre de ses pensées.
Harry a repéré une petite colline, à cinq kilomètres du village, suffisamment loin et difficile d'accès pour ne pas faire partie de la zone quadrillée. Il pense pouvoir y transplaner en toute sécurité, et c'est ce qu'il a fait. Au final, le plus grand danger de la soirée aura été ces congères qui dérobent la neige sous ses pieds.
Avant de venir, Harry s'est assuré qu'Albus passerait bien Noël chez les Weasley. Il a ses sources. Une des femmes qui s'est ralliées à sa cause, Holly MacCausland, travaille au Ministère de la Magie au service de la S.A.L.E, aux côtés d'Hermione. Il ne lui a été guère difficile de glisser Noël dans la conversation, un jour qu'elles buvaient un thé entre deux dossiers, et Hermione lui avait confié qu'ils fêteraient Noël en famille à Oldtown, cette année. La tradition dans la famille Weasley veut que Noël soit célébré à tour de rôle chez chacun des membres de la tribu. Cette année, peut-être pour réunir un peu de chaleur autour de Ron et Hermione, doublement affectés par la tragédie, le réveillon est organisé dans leur jolie maison de campagne, suffisamment vaste pour accueillir tout le monde. Elle servira d'ailleurs, bien plus tôt qu'ils ne l'imaginent tous, de nouveau Q.G à l'Ordre du Phénix, lorsque les évènements seront devenus incontrôlables...
Mais pour l'heure, toutes ces considérations sont au-delà de l'esprit d'Harry. Il ne peut même pas envisager que ses amis le perçoivent comme une menace. Même si, inconsciemment, il a cessé de compter sur qui que ce soit d'autre que sur lui-même. A part Ethan, peut-être. Parce qu'Ethan a su se rendre indispensable, dans les pires situations possibles. Ce genre de lien ne se défait pas.
Harry arrive au bas de la colline, un bon kilo de neige dans les chaussures. Et il reste encore deux ou trois champs à traverser, avant d'arriver en vue de la maison. Loin de le rebuter, cela le fait sourire. Il réalise à quel point il est bon, agréable, serein même, de n'avoir devant lui que des obstacles physiques, qu'il pourra aisément surmonter. Ne pas avoir à se préoccuper de quoi que ce soit d'autre, si ce n'est de la douleur de ses muscles. Il avait oublié ce genre de sensations authentiques, et simples. Il entame sa marche d'un bon pas. En arrivant à la lisière du village, il prend soin de se dissimuler pour guetter les Aurors. Il reste immobile pendant presque une heure, le temps de repérer leurs rondes, et le meilleur moment de s'engouffrer dans la faille.
Puis il abandonne sa baguette sur le sol. Il y a sans doute une alarme chargée de détecter sa magie. S'il doit entrer, il le fera en simple Moldu. Il se redresse dans le silence de la nuit et s'approche des premières maisons.
Tout aurait pu être fini à cet instant. Si Ethan avait transplané quelques secondes plus tôt. Mais Harry franchit le seuil du village et un cri retentissant déchire l'obscurité. Au même instant, ou presque, un craquement sonore se brise en écho sur les collines et Ethan apparait, hors d'haleine. Il aperçoit Harry et tend la main pour le retenir mais il est trop tard. Une armée d'Aurors se matérialise devant lui et une cage jaillit de nulle part, emprisonnant l'Elu contre le sol gelé.
Ethan est déjà passé à autre chose. Son esprit fonctionne vite et à plein régime. Les Aurors, et surtout Ron, sans doute, ont eu une idée de génie : piéger Harry avec la seule technologie qu'il n'attendrait pas de leur part : une alarme Moldue. Ethan, lui, est arrivé trois secondes trop tard, le temps qu'il lui a fallu pour forcer enfin Holly MacCausland à lui révéler la destination d'Harry. Seulement maintenant, l'attention des Aurors est distraite par la présence de l'Elu, qu'ils ont guettée toute la nuit. C'est le moment idéal pour agir.
Ethan jaillit de l'ombre comme un diable de sa boîte et jette un sort à grande échelle : une énorme bourrasque de vent qui balaye les Aurors à dix mètres à la ronde. Sans attendre, il entame une série de Stupéfix. Il maîtrise dix, quinze hommes. Mais il y en a déjà d'autres qui arrivent. Il faut faire vite...
Il se jette sur la cage où Harry reste prisonnier, totalement désarmé sans pouvoir user de sa baguette, mais même s'il l'avait eu, cela n'aurait pas changé grand-chose. Harry connait ce genre de matériel. C'est une Orbe Insensible, un artefact très rare et extrêmement dangereux. Pour faire simple, une sorte de trou noir magique. Pénétrer dans l'Orbe retire toute source de pouvoir. Et, accessoirement, peut engloutir la vie de son occupant. Qu'on ait donné l'ordre de se servir d'une telle arme contre lui démontre à quel point la situation est grave, plus grave qu'il ne l'avait pensé. Ron n'a pas pu autoriser une telle chose. Par conséquent, les ordres doivent venir de plus haut. Malgré sa mauvaise posture, Harry comprend tout cela en une fraction de seconde, et il sourit. Oh oui... Quelqu'un a peur de lui. De lui et de ce que ses actes sont en train de dévoiler.
Il voit Ethan se ruer vers lui et son sens des priorités reprend le dessus. Il est perdu. Il s'est fait prendre comme un bleu. Même si Ethan tente de fracasser la cage à mains nues, il sera incapable de le libérer. Non, ouvrir une Orbe Insensible, c'est une connaissance réservée au programme d'entraînement des Aurors, extrêmement complexe, jamais il n'aura le temps de lui expliquer comment...
Ethan n'attaque pas la cage, il saisit le deuxième barreau à une main, pèse de tout son poids sur l'armature du bas et réussit à le soulever de deux centimètres. Il glisse alors un doigt à l'intérieur de la tige de métal, creuse, et en retire une clé, minuscule. Puis il tire encore sur l'armature et la fait coulisser de côté, révélant la base à nue de trois autres barreaux. De l'extérieur, on pourrait croire qu'il résout un immense casse-tête chinois.
Il tire sur le cinquième barreau, vers le bas. Le haut de la tige révèle une serrure savamment imbriquée dans le métal. Ethan retourne la clé et l'introduit par la poignée, sans l'enclencher. Il y a un déclic. Puis une porte se dessine en longs traits lumineux à travers le métal des barreaux, et Harry est libre. Il contemple le visage de son sauveur en silence, pendant un long moment.
Un trait de lumière rouge surgit alors de nulle part et découpe une profonde entaille dans son bras droit. Sans réfléchir davantage, Ethan l'entraîne à toute vitesse vers les champs, en dehors du village, et du piège des Aurors. Dès qu'ils sont assez loin, ils transplanent. Harry a le temps de voir, à travers la confusion générale, la silhouette de son fils sortir sur le perron, dans la maison juste en face de lui. Il n'était qu'à quelques mètres...
Ils réapparaissent dans le cloaque d'Ethan, échevelés et trempés de neige. Harry tremble de tous ses membres. Du sang dégouline de son bras mais il n'en ressent même pas la douleur. Ethan le regarde gravement et lui tend sa baguette :
- J'ai récupéré ça, dit-il. Je me suis dit que ça pourrait t'être utile.
Puis, plus doucement, il approche une main pour toucher son épaule :
- Je t'avais dit qu'il ne fallait pas...
- Ne me touche pas !
Harry a feulé comme un animal blessé. Il se plaque contre le mur pour s'écarter d'Ethan, le regard enflammé et terrifié, le sentiment d'avoir été trahi se ranimant comme un poison dormant dans ses veines :
- Je t'ai vu ! J'ai vu comment tu as désactivé l'Orbe ! Seuls les Aurors savent faire ça !
Ethan baisse lentement la main et se pétrifie. Pour la première fois depuis qu'ils se connaissent, il n'a rien à répondre. Et ce silence sonne comme un aveu aux yeux d'Harry :
- Alors qui es-tu, Ethan Yale ? crache-t-il. Tu es l'un des leurs, c'est ça ? Tu es l'un des leurs venu pour me manipuler ? Pour m'agiter comme une marionnette pendant que le monde regarde et éclate de rire ? J'en ai marre ! J'en ai marre de tous ces mensonges !
Il se jette sur lui et l'empoigne par la gorge :
- Qui es-tu, bon sang ?! Tu vas répondre !
C'est presque une supplique, un hurlement de rage et de déception.
- Harry, calme-toi...
- Ne me dis pas ce que je dois faire !
- Je jette ma baguette, regarde...
Le bruit mat du bois qui heurte le sol rompt l'atmosphère électrique.
- Je suis à ta merci maintenant, alors... laisse-moi m'expliquer, d'accord ? murmure Ethan. Après tu feras ce que tu voudras.
Harry se plonge dans ses yeux pendant de longues secondes... et relâche sa respiration.
- Très bien, dit-il. Mais si je vois que tu prépares quelque chose, n'importe quoi... Je t'abats sur le champ comme un chien.
- Je sais.
Harry desserre son étreinte et Ethan reprend son souffle, résistant à l'envie de se masser la gorge :
- Je veux te montrer quelque chose, dit-il très lentement. C'est sous le matelas de mon lit, tu peux l'atteindre de là où tu es. Passe juste ta main en-dessous, au niveau de l'oreiller.
- Passe la toi-même.
Ethan pousse un soupir mais s'exécute. Il sort de sous le matelas une petite feuille cartonnée brunie, chiffonnée, pliée en deux. Comme si elle avait visité toutes les poches du monde. Il la tend à Harry qui la prend sans le quitter des yeux. Il appréhende déjà ce que c'est.
Jetant un coup d'œil à la fiche, il voit une photo d'Ethan, plus jeune, les cheveux courts et rasé de près, qui le fixe d'un air réglementaire. Il lit : « Ethan Yale, Service des Aurors ». Harry connait ce genre de cartes. Il a la même, chez lui.
Le regard qu'il adresse à son acolyte est glacé, sans la moindre fureur. Pas même la plus petite émotion. En son cœur, Harry a déjà pris sa décision. Mais alors, Ethan parle :
- Je suis Auror, dit-il. Je suis entré au Ministère de la Magie il y a dix-sept ans. J'étais doué, très doué. Mais j'avais tendance à ... relever les détails dérangeants. Deux ans après mon intégration, comme tout le reste de ma promotion, j'ai été soumis à des tests psychologiques. Les résultats ont décrété que j'avais un mental idéal pour l'infiltration. Alors j'ai été mis en poste ici, dans l'Allée des Embrumes. Je devais me fondre dans la masse, lier des relations et signaler tout réseau ou activité criminels. Tu vois de quoi je parle, je suppose. Une façon politiquement correcte de dire qu'on m'avait enterré bien profondément sous six pieds de boue. Ça ne me dérangeait pas. Je n'avais pas de famille, pas de parents proches... J'avais le sentiment de faire quelque chose de juste et d'utile. J'avais conscience de mener une mission difficile qui n'était pas à la portée de n'importe qui. J'étais fier de ce que je faisais. Et puis au fil des années, avec le souvenir de Voldemort qui commençait à s'estomper, le Ministère m'a...oublié. Tu comprends, la guerre était finie depuis longtemps. A leurs yeux, je n'étais plus qu'un pion boueux laissé à barboter en eaux troubles, et devenu totalement inutile. Ils n'avaient plus de soucis sur la conscience, plus de raisons de faire appel à moi. J'ai été oublié ici, Harry, dit-il avec un sourire. Je suis venu de moins en moins souvent au Ministère. Au bout d'un moment, je me suis rendu compte que plus personne ne lisait mes rapports. Ça aurait pu me frustrer, j'aurais pu laisser éclater ma colère, mais... De là où j'étais, j'avais commencé à remarquer des choses. Des anomalies. Je disposais en fait du meilleur poste d'observation possible. Parce que les magouilles organisées par le Ministère en haut-lieu, elles se voient ici, tout en bas, dans les bas-fonds. J'avais cessé d'exister en tant qu'Auror aux yeux du Ministère, mais j'étais toujours là, et j'assistais chaque jour à ce que le gouvernement dissimule avec soin aux yeux du peuple. La libération des Mangemorts. Je les ai vus arpenter les rues les uns après les autres. C'est là que j'ai compris...que le Ministère était pourri de l'intérieur. Dans ses plus hautes sphères. Que ça ne servait plus à rien que j'en réfère à mes supérieurs, qui se rappelaient à peine de mon existence. Que je ne pouvais plus faire confiance à aucun membre du gouvernement.
Ethan fait un pas vers Harry, qui ne se dérobe pas. Il n'a jamais entendu Ethan s'exprimer aussi longuement. Et il est fasciné.
- Alors oui, Harry, déclare lentement Ethan. Je suis Auror. Mais toi aussi. Nous sommes pareils, toi et moi. J'ai cessé de reconnaître l'autorité du Ministère depuis longtemps. Je suis une taupe dans leur fourmilière gangrénée dont ils ne soupçonnent même pas l'existence. Alors quand j'ai croisé ta route... Tu m'as donné la flamme qu'il me manquait. Pour agir, enfin. Pour me dresser contre ces traîtres, contre ce système révoltant qui me donne envie de vomir, jour après jour. Aies confiance en moi, je t'en supplie. Parce que je ne peux plus m'arrêter maintenant.
Harry fixe Ethan pendant de longues secondes. Son bienfaiteur, son complice, son ami. Il saisit la main qu'il lui tend et ne cherche pas à dissimuler son sourire, soulagé, ému, absurdement heureux :
- Je crois que...ce serait une bonne chose d'avoir un Auror dans nos rangs.
Alors Ethan sourit lui aussi, un véritable sourire chaud qu'il n'adresse qu'en peu d'occasions, et ils se donnent l'accolade comme deux frères.
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