Chapitre de Torajio ! Comment trouvez-vous notre collaboration ?
Bonne lecture !
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- La séance est ouverte !
La voix grave de Kingsley Shacklebolt résonne dans la salle d'audience du Magenmagot. Harry a entendu cette simple phrase prononcée par le ministre de la Magie chaque fois qu'il était convoqué pour un jugement. Mais en tant que directeur du service des Aurors, seuls les cas de grands criminels avaient défilé devant ses yeux lorsqu'il arborait cette robe prune décorée d'un M d'or. Mais aujourd'hui, il n'est pas assis sur les bancs cachés dans l'ombre, à observer et écouter un assassin plaider pour sa défense. Cette fois-ci, c'est lui qui est au centre de cette salle mal éclairée, écrasé par les regards d'une cinquantaine de sorciers, attendant qu'on lui donne la parole pour se défendre. Il avait quinze ans lorsqu'il s'était pour la première fois retrouvé à cette place, accusé d'avoir usé de magie en dehors de Poudlard. Aujourd'hui, il est là pour prouver qu'il n'a pas tué Ginny, James et Lily.
Harry est solidement attaché au fauteuil par les chaînes magiques qui cette fois se sont refermées sur ses bras. Le métal froid lui mord la chair des poignets, comme pour prendre une revanche sur le jeune garçon qui avait jadis pu rester libre en s'asseyant sur le siège de l'accusé. Mais Harry ne prête pas attention à cette futile torture. Son esprit est noyé dans un flot de sentiments d'une intensité telle qu'il n'en avait encore jamais ressentie. La solitude et le désespoir certes, mais aussi et surtout de la colère, une rage bestiale qu'il refoule au plus profond de son âme, et qui, il le sait, le traînerait dans les méandres de la folie s'il la laissait prendre le dessus. Assis au fond de son fauteuil, occultant jusqu'aux paroles de Shacklebolt, la tête baissée et tous les membres du corps crispés, il tente de contenir ses sentiments, de les dissimuler à tous ces sorciers réunis contre lui.
- Le tribunal pénal du Magenmagot a été rassemblé ce jour pour juger le dénommé Harry James Potter, accusé du meurtre de son épouse Ginevra Molly Potter, de sa fille Lily Luna Potter, et de son fils James Sirius Potter, retrouvés sans vie au domicile d'Harry Potter à la date du 17 septembre à 17h32, au 97, Wellmeadow Road, Lewisham. Vous êtes bien Harry James Potter, domicilié au 97, Wellmeadow Road, Lewisham ?
Harry se revoit des années en arrière, quand Cornelius Fudge lui avait posé la même question, vérification ultime et inutile de l'identité de l'adolescent. Mais de la bouche de Shacklebolt, ancien membre de l'Ordre du Phénix et ami d'Harry, cette question paraissait encore plus absurde que lorsqu'on la lui avait adressée pour la première fois. Harry murmure quelques sons inintelligibles pour toute réponse.
- Parlez plus fort que le tribunal puisse vous entendre, ordonne Shacklebolt, une pointe de compassion qu'il tente en vain de cacher dans la voix.
- Je suis Harry James Potter, répond Harry dans un souffle.
- Le directeur-adjoint du service des Aurors, Charles Lewison, va vous lire le rapport sur le déroulement des événements. Lorsque nous vous le demanderons, vous devrez confirmer ce qui y est consigné, ou corriger tout détail erroné. Avez-vous bien compris ?
- Oui.
- Bien. Lewison, je vous laisse la parole.
Un homme se lève dans l'assemblée, un long parchemin roulé entre les mains. Même sa longue robe et le faible éclairage des quelques bougies qui l'éclairent ne suffisent pas à donner de l'épaisseur à son corps longiligne, quoiqu'il ne soit guère plus grand qu'Harry. Ses cheveux blonds soigneusement coupés lui tombent sur les tempes, encadrant son visage fin de deux traits presque blancs. Depuis les vingt-et-un ans que Harry travaille avec lui, il ne peut s'empêcher d'imaginer la lueur d'avidité qui brille en permanence dans le regard de cet ambitieux, prêt à tout pour arriver à ses fins. Si Harry est définitivement démis de ses fonctions de directeur du service des Aurors, Charles en profitera pour prendre sa place, coûte que coûte.
Déroulant son parchemin, Lewison s'éclaircit la voix et lit sur un ton presque enjoué :
- Mrs Ginevra Molly Potter, épouse de Mr Harry James Potter, est retrouvée décédée dans la cuisine du domicile familial au 97, Wellmeadow Road, Lewisham. Le buste et les bras de la victime sont couverts de nombreuses ecchymoses dues à des coups portés à répétition et à mains nues. Elle reçoit par la suite un coup de couteau qui lui sectionne la carotide. Elle se brise la nuque en tombant contre le mur, et meurt sur le coup. Après sa mort, le meurtrier a utilisé une bouteille brisée pour frapper le visage de la victime à plusieurs reprises, la défigurant complètement. Cette description est-elle exacte ? lance Lewison dans la continuité de son discours.
- O... oui, bégaie Harry après un long silence.
- À l'étage, Lily Luna Potter et James Sirius Potter ont également été retrouvés morts dans leur chambre. Lily Luna a reçu quatorze coups de couteau à la poitrine, la même arme qui a servi au meurtre de Ginevra. Est-ce exact ?
- ... oui.
- Son frère James Sirius Potter était allongé à l'entrée de la pièce. Son dos présente de multiples lacérations d'origine magique qui ne l'ont pas tué sur le coup. Il a rampé du milieu de la chambre sur environ deux mètres vers la porte avant de décéder des suites de ses hémorragies. Toujours exact ?
- Oui.
- Bien ! » lâche Lewison, comme satisfait.
Le directeur-adjoint du bureau des Aurors marque une pause dans sa lecture. Harry le fixe avec intensité, et devine une esquisse de sourire sur ses lèvres décharnées. Comment ce monstre peut-il prendre plaisir à lire ce rapport ?
- De nombreux témoins Moldus ont affirmé vous avoir vu dans la rue couvert de sang. Or, nous n'avons retrouvé que des traces du sang des trois victimes, aussi bien dans la maison que sur vos vêtements. Est-ce encore une fois l'exacte vérité ?
Harry ne répond pas. Son cœur s'emballe et bat de plus en plus fort à l'en faire souffrir, telle une bombe qui n'attend qu'un signal pour exploser. Sa respiration s'accélère, ses poings se referment si fort que ses ongles lui rentrent dans la chair. Les chaînes magiques resserrent un peu plus leur étreinte. Harry laisse s'échapper une larme dans laquelle se mêlent toutes ses émotions : peur, doute, haine et désespoir. Puis, puisant dans ses dernières réserves de calme, il souffle :
- Oui...
- Expliquez-moi maintenant comment tout ce sang a pu arriver sur vous...
- Vous êtes uniquement censé lire ce rapport, Lewison ! l'interrompt Shacklebolt.
- ... alors que vous affirmez qu'ils étaient encore en vie en partant ? continue ce bourreau, imperturbable.
- Je n'en sais rien !
- Lewison, arrêtez immédiatement !
- Alors comment est-il possible que vous ne vous en soyez pas rendu compte ?
- JE N'EN SAIS RIEN ! hurle Harry hors de lui.
- ÇA SUFFIT ! rugit Shacklebolt.
Seule la respiration haletante d'Harry rompt le silence qui s'installe immédiatement. La tension est plus que palpable, elle est visible, écrasante. Elle empoisonne et oppresse quiconque se trouve dans la salle d'audience. Quelques secondes s'écoulent dans ce calme apparent, puis Shacklebolt reprend, sa voix plus grave qu'à l'ordinaire chargée de reproches :
- Contentez-vous de lire ce rapport, Lewison.
- J'avais presque terminé, de toute manière. Où en étais-je donc ?
Lewison parcourt les lignes de son parchemin de son doigt crochu avant d'afficher un air de satisfaction à peine dissimulé en retrouvant sa ligne. Il continue d'un ton monotone :
- Voilà. Le sang des trois victimes est le seul retrouvé dans la maison ainsi que sur les vêtements de Harry James Potter, sang déjà présent alors qu'il quittait le lieu du crime aux environ de huit heures trente d'après les témoignages des résidents Moldus voisins. De plus, les traces résiduelles de magie dans la chambre de Lily Luna Potter et de James Sirius Potter indiquent que le sort à l'origine des blessures de James Sirius Potter était le sortilège du Sectumsempra, lancé par la baguette de Harry James Potter.
- C'est faux ! Je ne l'ai pas tué !
- Ce n'est pas ce que disent les preuves !
- Lewison ! lâche Shacklebolt.
- JE NE LES AI PAS TUÉS ! »
Harry répète cette phrase encore et encore, écumant de rage et de haine. Il tremble, une énergie puissante fait vibrer chaque muscle et chaque os de son corps à un rythme effréné, alors que son teint vire au cramoisi. D'autres chaînes magiques surgissent des côtés de son fauteuil et lui enserrent les jambes, le ventre et le torse pour contenir son agitation démentielle. Harry hurle sa rage dans un cri inhumain. Au contact de sa peau, le métal commence à chauffer, à se fissurer jusqu'à ce que les maillons explosent en milliers de fragments incandescents. Se propulsant sur ses deux jambes, Harry vocifère une dernière fois :
- JAMAIS JE NE POURRAIS LEUR FAIRE DE MAL !
Des cris de surprise fusent de toute la salle. Même le teint sombre de Shacklebolt semble s'éclaircir devant la rage qui déforme le visage de l'Élu. Seul Lewison demeure impassible ; il sort lentement sa baguette de sa robe prune, la pointe sur l'accusé et murmure quelques sons qui se perdent dans les airs. Une lumière rouge éclaire la salle un instant. La seconde suivante, Harry est à terre, inconscient.
XXX
Lorsqu'il se réveille, il n'est plus devant le Magenmagot. Il se trouve désormais dans une salle de taille beaucoup plus modeste, presque entièrement blanche et éclairée d'une lumière naturelle de fin d'après-midi. Il est de nouveau à Sainte Mangouste, dans un lit d'hôpital. Sa colère, bien que toujours présente, s'est atténuée. Elle est retournée au fond de son cœur, attendant un moment plus opportun pour reprendre le contrôle.
Une infirmière s'affaire du côté gauche du lit.
- Que s'est-il passé ? demande Harry, la mémoire encore brumeuse.
La jeune femme ne prononce pas un mot, mais Harry entend quelqu'un s'éclaircir la voix de l'autre côté. Kingsley Shacklebolt.
- Bonjour Harry, dit-il. Lewison t'a jeté un Stupefix.
- Il a fait quoi ?
- Tu es devenu incontrôlable, comme fou. Tu as fait exploser les chaînes du fauteuil sans jeter de sort, tu n'avais même pas ta baguette !
- Il y a des sorts plus efficaces pour maîtriser un suspect.
- Et il m'entendra pour ne pas les avoir utilisés, plaisante le premier Ministre.
Le silence s'installe dans la petite chambre. Harry n'a pas encore les idées tout à fait claires, aussi se contente-t-il de fixer le vide devant lui. Après une minute, Kingsley reprend la parole :
- Malheureusement, je ne suis pas venu te voir uniquement pour vérifier que tu allais bien, et je ne peux pas rester longtemps, dit-il. Je voulais seulement t'annoncer en personne le verdict du Magenmagot. Lewison a plus ou moins pris la tête des discussions. Et au vote, nous n'étions plus que quelques-uns à te juger innocent.
Il marque une pause. Harry ne réagit pas en apparence, mais au fond de lui, ce sentiment sombre et profond qui germe depuis huit jours se nourrit encore de cette annonce pour accélérer sa croissance.
- Cependant, reprend Shacklebolt, en tant que Premier Ministre, j'ai réussi à te gracier et à t'éviter Azkaban en rappelant à tous ce que tu avais fait pour le monde des sorciers alors que tu n'étais encore qu'un jeune garçon. Sous certaines conditions. Tu es définitivement démis de tes fonctions de directeur du bureau des Aurors, et tu ne pourras plus retrouver de travail au sein du Ministère de la Magie. Tu seras de plus interné dans cet hôpital aux soins psychiatriques pour deux ans à compter de ce jour. Je suis désolé de ne pas avoir pu faire mieux.
Harry soupire :
- ... ce n'est rien. Merci d'avoir soutenu ma cause.
- Je devais le faire au nom de notre amitié et de l'Ordre. Sur ce, tu m'excuseras, je dois partir. Toutes mes condoléances pour ta famille. On souffre de leur perte autant que toi.
Kingsley franchit le pas de la porte. Alors Harry se lève, s'approche de la fenêtre, l'ouvre et tente d'y passer la main. Il se heurte à une sorte de mur invisible, produisant un léger halo de couleur jaune orangée. Il en va de même pour l'entrée de sa chambre. Le sort de Confinement est bien présent.
- « On souffre de leur perte autant que toi »..., répète Harry pour lui-même. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est cette souffrance. Vous n'avez aucune idée de ce qu'est cette souffrance ! AUCUNE !
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