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au 31 Mai 21 :
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pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Esteiles
Par Harro
Originales  -  Romance/Drame  -  fr
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    Chapitre 1     0 Review    
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Je n'ai jamais eu de réels avis (sauf deux mais qui ne comptent pas vu que ce sont des filles trop gentilles qui les ont fait) sur cette histoire. (Bon en même temps je ne l'ai jamais posté nul part XD) Et je tiens à préciser que je l'ai écrit il y a 4 ans, c'est dire... herm... le manque de qualité de l'intrigue et de l'écriture XD

Donc voilà XD

J'espère que vous passerez tout de même un moment, pas trop mauvais^^

...

 

 

 

 

     Il y a toujours un commencement et une fin. Une naissance et une mort. Toujours. Mais rarement, le commencement est annonciateur de fin.

     Pourtant, malgré cet étrange paradoxe, ce le fût pour moi. Dès l’instant, où je t’ai vu. Assise, perdue, au comptoir de cette minuscule brasserie, dont j’ai oublié le nom, qui se trouve au 96, Berry St à Brooklyn. Je me souvins m’être demandé ce que tu pouvais bien faire là, dans ce modeste bar aux allures poussiéreuses et mal famées. Même moi, jeune homme peu cultivé, sorti du fin fond de mon état du Wyoming, je te connaissais. Je savais qui tu étais. A peine arrivé aux portes de New York, j’avais vu ton visage, plein d’une innocence enfantine, un incalculable nombre de fois.

     Tu étais plus jeune que moi d’un an, mais tu me faisais déjà rêver comme une femme fait rêver un homme. Tu étais déjà dans tous les esprits, toutes les têtes. Tu n’avais pourtant rien fait d’exceptionnel, de mémorable. Mais ton physique accrochait tous les regards, et ton visage semblait être marqué par une empreinte divine. Comme si quelqu’un avait brandi près de ta peau une flamme qui semblait pouvoir éclairer la plus sombre des obscurités.

     Belle, fraîche, tu faisais tourner les têtes. Tu inspirais confiance aux gens. Vieillards, hommes, femmes, enfants, tous étaient à tes pieds. Et cela n’a pas changé. Ta physionomie tout entière était l’étendard, la bannière même de la femme dans toute sa splendeur. Dès que je t’ai vu en chair et en os, dans ce bar miteux, si peu à ta place, j’ai su.

     J’ai su que, désormais, j’attacherai mes pas aux tiens. Quel qu’en soit le prix. J’ai eu tord de marcher vers toi, de m’asseoir sur le tabouret collant de graisse qui était placé à côté du tien. Si j’avais su, j’aurai probablement rebroussé chemin dans l’instant.

     Je ne savais pas, je n’ai pas rebroussé chemin. Pour mon malheur. Je me suis assis à tes côtés, nerveux de ce que tu en pourrais dire. Et tu n’as rien dit. Tu m’as juste regardé quelques fractions de secondes et tu m’as souri. Le plus beau sourire au monde. Je t’ai répondu, heureux, enchanté que tu m'acceptes. Comme si ce mouvement splendide de tes lèvres parfaites affirmait pleinement que j’étais digne. Digne de ton intérêt, digne de toi.

     J’ai eu l’illusion que tu m’attendais. Que tu n’étais là que pour moi.

     Et c’était le cas, n’est-ce pas?

     Nous sommes sortis ensemble dehors, dans la bise glaciale de l’automne qui annonçait l’hiver. Les voitures ronronnaient, dégageaient leur fumée irrespirable dans toutes les rues, les boulevards de la ville. Les klaxons n’arrivaient pas à me détacher de toi, de ton visage rougi et lumineux. Je n’arrivais pas à me résoudre à te quitter, de te perdre alors que je venais juste de te trouver. Je voulais t’escorter tout au long du chemin. Au sens propre comme au figuré. Mais il m’a bien fallu te quitter à un moment donné. Je me souviens des larmes brûlantes qui ont strié mes joues, alors que je me retrouvais seul, abandonné dans la rue. Je venais seulement d’effleurer du bout des doigts le plus merveilleux rêve qu’il me fut accordé d’entrevoir pour le perdre presque aussitôt. C’était injuste. C'était la vie.

     Mais je t’ai revu.

     Nous nous sommes revus.

 

***

 

     Je crie ton nom dans la foule, perdu parmi tous ces gens qui scandent inlassablement ton prénom.

REBECCA! REBECCA! REBECCA!

     Je me sens stupide de t’appeler alors que tu ne peux m’entendre, noyée au travers des hurlements stridents de cette foule bigarrée, effrayante, monstrueuse. Pourtant tu te retournes et croises mon regard après quelques secondes, comme si quelque chose en toi t’avait alerté de ma présence; aussi étrange que cela puisse paraître.

     Tu sembles me reconnaître, tu me fais signe. Signe de venir jusqu’à toi. Tu cries un ordre à l’un de tes gardes du corps. Sous ton commandement, il fend la foule pour me rejoindre et m’escorter jusqu’à toi. Je me sens euphorique. Tu te souviens de moi! Moi, un inconnu avec qui tu as parlé moins d’une heure. Tu te souviens de moi et tu souhaites m’avoir à tes côtés. Je me retrouve de l’autre côté de la barrière, grisé par les exclamations de ton public qui jusque là m’épouvantait. Je me retourne vers toi et manque de défaillir lorsque je vois ta main tendue vers moi. Je m’y accroche comme un homme désespéré qui se noie en mer et à qui on lance une bouée de sauvetage inespérée. Tu m’entraînes vers la limousine noire qui patiente sur le trottoir, la portière grande ouverte, t’attendant. Nous attendant.

     Nous nous y engouffrons en toute hâte. La portière claque et je me retrouve assis à tes côtés sur le coussin moelleux de la banquette arrière. Je me sens encore étourdi de l’irréalité de l’instant, assourdi par les cris irrationnels du fauve sauvage qu’est la foule déchainée par ta simple apparition.

 

***

 

     Je t’ai retrouvé ainsi, aussi bizarre que cela puisse paraître. Tu m’as proposé de rester avec toi et je me suis empressé d’accepter. Quand j’y repense, je me demande sans cesse comment ai-je pu ne pas me demander :" pourquoi ? ". 

Pourquoi moi? ".

     Mais non, sur le moment cela me semblait normal, naturel, presque banal. Comme si une célébrité aussi connue que toi s’affichait couramment avec quelqu’un comme moi. Comme si ma place était naturellement désignée comme étant avec toi. Non la seule question que je me posais à cet instant-ci était : "Combien de temps ma bonne fortune va-t-elle durée? ".

     Je n’avais pas la réponse. Et le temps s’est écoulé, me laissant espérer que ce moment d’équilibre et de bonheur intense à tes côtés durerai toute ma vie. Mais il y a toujours un commencement et une fin. Et ta lassitude en marquait les prémices.

 

***

 

     Nous sommes enfin rentrés à l’hôtel. Pas que le cocktail auquel nous avons assisté ce soir ait été fatiguant ou même ennuyant. Juste inintéressant. Tu me tournes le dos. Je suis inquiet, depuis plusieurs jours tu as l’air las, épuisé, harassé, lorsque nous sommes seuls. Habituellement, tout se déroule merveilleusement bien lorsque nous sommes réunis. Tu es la splendide princesse, je joue les princes charmants. Même si tu ne me l’as jamais demandé. Mais rien ne pourrai m’empêcher de te fournir ce dont tu as besoin. Je volerai, je tuerai, je mourrai pour combler tes envies, tes désirs.

     Je te regarde fixement. Tu me rends mon regard, irritée pour une raison qui m’est inconnue. Tu me sembles blessante, méprisante. Et je ne comprends pas pourquoi, quand soudain tu laisses éclater ta colère :

"_ Quoi ?! J’ai quelque chose sur la figure ou quoi ?! Pourquoi tu me regardes comme ça, toi ?!

_ Rebecca, je…

_ Non c’est bon ! J’en ai ma claque ! Toi, tous les autres … vous me fatiguez ! J’en ai assez, tu peux comprendre ?! Non, bien sûr tu peux pas ! Tu ne comprends rien de toute façon ! Tu es un idiot ! Un idiot, Neil ! Je me demande même pourquoi tu es ici à me fixer bêtement ! Je te déteste ! Je ne t’aime pas, ne suis pas amoureuse de toi ! Dégage ! Fiche le camp, j’en ai marre de te voir, comme si tu étais mon petit toutou obéissant ! "

 

***

   

     Je t’ai regardée, abasourdi. Et j’ai eu peur. Vraiment très peur. Tu ne pouvais pas penser ça. Pas réellement. Tu as semblé te calmer un peu. Tu ne m’as pas regardé, tu as détourné le regard pour enlever tes chaussures à talons, retirer tes collants. Tu as disparu dans la salle de bain, sûrement pour te démaquiller, me laissant seul avec mon horreur grandissante.

     Je ne voulais pas y croire, mais rien ne te forçait à prononcer ces atroces phrases. Rien, à part l’envie que tu en avais. Tu me détestais. Tu ne m’aimais pas. Tu l’avais dit toi même.

     Tu as changé. A mes yeux du moins. Tu étais toujours aussi belle, mais tes sourires m’apparaissaient enfin comme ils étaient réellement : faux, factices. Tu n’étais pas heureuse. Si je ne t’aimais pas autant, je ne m’en serais pas soucié ; mon bonheur personnel aurait suffi. Mais je t’aimais. Et je me suis soucié de cette facticité qui émanait de toi. Je n’aurais pas dû. Cela m’a conduit à ta perte et à la mienne.

 

***

     Je croise ton regard au travers de la foule, aveuglé par les lumières scintillantes de la salle. Les verres, les carafes de cristal, les pendants aux oreilles des femmes, les couleurs éclatantes des robes de soirée, le noir sobre des costumes ; tout attire l’attention, tout brille de mille feux.

     Mais, comme toujours, tu éclipses, tu te démarques des autres, plus qu’éblouissante grâce à ton incomparable beauté. Nul en ce monde ne peut prétendre t’égaler. Ton port de tête est altier. Ta silhouette sans défauts se retrouve moulée à la perfection dans ta robe moirée. Cet élégant fourreau noir qui met en valeur de grands triangles de peau dénudée, éclatante de santé et de soleil.

     Tes cheveux, libres, cascadent en boucles sur tes épaules nues, brillants de leurs reflets mordorés. Tes lèvres charnues sont étirées en une moue séduisante, ravageuse. Ta voix est pareille aux chants fatals et mythiques des sirènes de l’ancien temps. Elle envoûte le moindre de tes interlocuteurs, qu’il soit de sexe masculin ou féminin.

     Et tes yeux… tes yeux me glacent, m’effraient. Tes prunelles d’un doux et chaud brun caramélisé me liquéfient sur place. Tes yeux… si froids, si détachés, si indifférents au monde, aux gens qui t’entourent. Ils me font peur. Depuis peu, j’ai ouvert les yeux sur ton comportement hautain, dédaigneux. Dire qu’avant je ne voyais rien. Ou plutôt, je nevoulaisrien voir. Je t’aimais. Et malgré tout, je t’aime encore. Même si tu ne m’as jamais vraiment accordé un regard autre que purement intéressé. Je t’aime. Malgré moi, malgré ton indifférence, malgré le néant qui t’habite. Juste ça… je t’aime.

     Je croise ton regard au travers de la foule, aveuglé par les lumières scintillantes de la salle. Tes yeux qui m’ordonnent de te rejoindre dans l’instant. Je me sens - je me sais - acculé. Machinalement, mes pas me conduisent auprès de toi. Auprès de ton corps souple et chaud. Tu n’es qu’un robot sans vie, sans âme. Un robot à la plastique parfaite. La question qui me hante depuis des semaines refait tout à coup surface.Mais que t’est-il donc arrivé, pour que tu sois ainsi?

     Je ne peux qu’émettre des hypothèses. As-tu connu, toi aussi, les ravages de l’amour non réciproque? Une enfance traumatisée par un manque notoire d’affection? Ton esprit s’est-il brisé sous une trop grande, trop immense douleur? Ou est-ce dans ta nature d’être si impersonnelle? Es-tu seulement humaine? Tu l’es par ton enveloppe charnelle, je le sais. Mais de par ton âme, es-tu humaine?

     Tu es belle, froide, inaccessible comme les superbes mannequins, figés dans leur sourire étudié, immobiles sur les pages des magazines de mode. Tu es belle et tu le sais. Tu en profites. Cela ne te rend que plus arrogante, que plus méprisante. Tu es sans âme, si mécanique et si factice. Insensible et tellement superficielle. Le monde entier souhaiterait te connaître. Moi je ne veux que t’oublier.

     Je t’ai attendue, appelée, protégée, aimée, fidèlement, toujours au poste. Je n’ai rien récolté de plus qu’un demi-regard vague, las et impassible. Pour tout le monde je suis l’homme le plus heureux de la Terre. Je l’étais. Tu m’avais choisi, moi! Moi et pas un autre. J’étais fier et orgueilleux comme un paon. J’étais heureux … avant de me rendre compte de ton manque d’intérêt pour tout ce qui n’est pas toi.

     Le monde t’adule, soupire après toi. Tu n’as pas d’ennemis, et encore moins de rivales. A bas les masques, à bas les faux-semblants. Je montrerai au monde entier ton vrai visage. Un masque d’une froideur et d’une indifférence sans égales.

     Ne pourrais-tu pas enlever ton masque juste une fois ? Juste avec moi ?

 

***

 

     Ton regard si vide. Je ne pouvais plus le supporter. C’était enfin décidé. J’étais parti dès le lendemain. J’avais enfin réussi à me détacher de toi. Et j’étais décidé à réapprendre comment être heureux sans toi à mes côtés. A réapprendre à vivre sans toi. Tu n’avais qu’à te trouver un autre pantin. Un qui accepterai de jouer à ton jeu. Un qui accepterai de prendre ma place. C’est ainsi que je me suis retrouvé à la rue, avec pour tout bagage un sac à dos et pour toute richesse le paquet gonflant de billets que tu m’accordais chaque mois pour que mes habits égalent les tiens en splendeur. Pour mes extras également. Une véritable fortune, en somme.

     Je me souviens d’avoir eu un rire jaune. Tu me manquais déjà, même si je ne l’aurais jamais avoué à quiconque en cet instant-là. A quiconque et certainement pas à moi-même. Je ne savais pas où aller, quoi décider. J’ai pris le train, puis l’avion et encore le train. Je crois que j’essayais de me perdre inconsciemment. Me perdre afin de ne pas te retrouver. J’ai pris des taxis, j’ai marché le long des routes, je ne sais même plus dans quel pays j’étais.

     J’ai essayé, tu sais. Vraiment essayé. En vain. Je n’ai même pas tenu six mois loin de toi.

 

***

 

     J’aurai du le comprendre depuis bien longtemps. Je suis à toi. Je ne pourrais jamais me détacher complètement de toi, de tes hypocrites mais si ensorcelants sourires, de tes gestes automatiques et mécaniques, de ton regard si vide. Je suis anxieux lorsque tu n’es pas là, auprès de moi. Et je suis nerveux lorsque tu l’es.

      J’aurai du…

     Tout flanche dans ma tête. Je vois trouble, je crois que j’hallucine.

     Une ronde. Une ronde de masques, de visages impénétrables. Une ronde qui se met soudain à tourner, de plus en plus vite. Je m’écroule au sol, tel une poupée de chiffons, tout est flou autour de moi excepté les figures blanches et ricanantes. Tous mes membres semblent échapper à mon contrôle et se mettent à trembler spasmodiquement. Ma respiration se crispe sous la peur. Je panique. Je te vois partout tel un fantôme caquetant et moqueur.

     Tu es partout, partout, partout. Tu envahis mon champ de vision, me gloussant des phrases, des mots à l’oreille. Je t’entends si distinctement!

     Ah! Tu croyais pouvoir m’échapper! C’est mal joué! Saches que tu es à moi, rien qu’à moi ! Tu m’appartiens pour l’éternité! Pour toujours! Toujours…

     Tes mots résonnent dans ma tête et mon cœur. Je n’entends plus qu’eux, je ne ressens plus qu’eux. Eux qui m’immobilisent, l’épouvante couvant sous mon crâne. Mon cœur pulse dans chaque fibre de mon être, affolé, comme pris dans un piège mortel.

     Ton rire retentit comme une dernière musique, comme l'un de ces rires nasillards et cruels typique des films d’horreur. Comme une effroyable promesse à vous glacer les sangs. L’image de ton visage, déformé dans une hideuse et sadique grimace, se superpose devant mes yeux. Puis, plus rien. Le noir. Le néant. Un gouffre sans fond dans lequel je sombre inéluctablement.

     Le blanc. Un blanc qui fait mal à mes yeux fermés tant il est éclatant. J’ai froid. Mes mains et mon visage sont gelés. Je reprends peu à peu conscience du poids de mon corps enfoncé dans la terre. Chacun de mes membres est engourdi, raidi par l’atmosphère polaire qui règne. J’ouvre les yeux péniblement en me redressant difficilement sur mes coudes. Coudes qui s’enfoncent avec une surprenante aisance dans le sol humide. La neige. Partout. Une immensité glaciale. Aussi glaciale que ton cœur de pierre…

 

***

 

     Je suis revenu auprès de toi. Parce que tu étais mon seul repère, mon essentielle en ce monde. Et j’ai souffert, encore et encore. De te voir si détachée, si belle et froide à la fois. J’étais peut-être ridicule à m’accrocher à toi comme si je me noyais, mais je ne réussissais à faire autrement. N’importe quelle femme aurait été ravie d’être aimée comme je t’aimais. Mais tu étais l’exception à la règle. Et je me cramponnais à toi en vain, inutilement. J’attendais de toi ce que tu ne pouvais me donner. On dit souvent que les gens qui attendent alors qu’il n’y a aucun espoir sont des fous.

     Et les personnes qui pensent ainsi ont raison.

     Quand je suis rentré, quand je t’ai retrouvé après ce qui me semblait être une éternité, tu ne m’as pas sauté au cou, tu ne m’as pas dit à quel point je t’avais manqué. Pourtant j’ai senti ton regard peser sur moi, comme satisfait, apaisé. Et, même si cela n’avait été que le fruit de mon imagination, j’ai été fier et heureux pendant quelques minutes, juste avant de plonger mes yeux dans les tiens et de voir la flamme dangereuse qui y brillait. Et de me retrouver, de nouveau, enchaîné à la réalité.

 

***

 

     Je te vois. Je te vois sourire, rire, parler, enchanteresse. Sorcière maléfique qui hante mes cauchemars. Je te vois et mon cœur bondit à ton approche. Je t’aime mais je n’arrive pas oublier. J’ai l’impression qu’un événement dramatique me surplombe, m’inspirant dégoût et peur. Plusieurs semaines ont passé depuis mon retour, et je me souviens à peine d'être parti. Je me sens tellement à ma place auprès de toi. Même si tout n’est que simulacre.

     Chaque soir en me couchant, je redoute le sommeil. Et je ne parviens à m’endormir que lorsque ton corps me rejoint sous les draps. Je m’endors, mais à quel prix ? Au prix de mes cauchemars et de mes peurs. Rebecca… Je t’aime.

     Plus que tu ne pourras jamais l’imaginer.

 

***

 

     Je me suis réveillé en sursaut. L’image de ton visage, amer, déçu et colérique a obscurci encore quelques secondes supplémentaires la rétine de mes globes oculaires. Le cauchemar n’était que l’imitation de la réalité. Tu me détestais, tu l’avais dit. Tandis que moi je ne pouvais m’empêcher de t’aimer, d’être drogué à ta présence. J’étais revenu, vaincu par l’emprise que tu exerçais sur moi.

     J’ai mis quelques instants de plus à me rendre compte de ton absence. Tu n’étais ni dans le lit aux couvertures mises à mal par mon cauchemar, ni dans la chambre. Tout dans la pièce me criait ton absence et la lumière de l’aube qui entrait par la fente des volets me paru effrayante.

     J’ai eu peur. Vraiment très peur. Comme si je savais déjà que tout était fini, que tout était perdu. Le monde m’a soudain paru très terne. Comme dépossédé de son étoile, de sa lumière la plus éclatante. Je me suis mis à prier de toutes mes forces, redoutant le pire. J’étais terrifié. Je me sentais seul, abandonné, misérable. Mais ce n’était rien comparé au choc que j’ai reçu en apprenant la nouvelle. Même si tu m’y avais préparé à mon insu. Je ne pouvais pas vivre, survivre sans toi. Et pourtant je l’ai fait, pendant près de 8 ans.Très franchement, je ne m’en saurais jamais cru capable. Mais je l’ai pourtant fait. J’y suis arrivé mais pour mieux te rejoindre…

 

***

 

     J’ai envie de tout casser. " Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi toi ? Pourquoi as-tu fais ça ? "Autant de questions sans réponses qui tourbillonnent sans repos dans ma tête. Je ne réalise pas vraiment les événements encore récents de seulement quelques heures. Je suis assis dans le cabinet de ton avocat. Celui-ci m’a expressément convoqué, mais avec une déférence à laquelle je ne suis pas habitué.

     L’homme est installé d’une façon raide dans son fauteuil de cuir marocain, une pile épaisse et distincte de papiers placée devant lui. Il prend la parole, un air navré de circonstance peint sur le visage qui n’améliore aucunement mon humeur :

_ Mr Torrington, Miss Rebecca Miller a laissé derrière elle une fortune considérable, colossale dont le montant s’élève à plus de dix…

_ Ca ne m’intéresse pas.

 

***

 

     Ma voix froide a résonné dans la pièce, porteuse d’une glaciale sécheresse. Il s’est aussitôt tu. C’était vrai. Ca ne m’intéressait pas. Je ne voulais pas savoir, peu m’importait le montant, qu’il soit vague ou exact. Je ne voulais pas de cet argent. Tout ce que je voulais c’était toi. Comme toujours, malgré moi. Juste toi.

     Il m’a regardé, un air craintif sur le visage. Tu devais lui rapporter beaucoup pour qu’il ait eu cette moue terrifiée tatouée à même la peau. Sûrement la peur de perdre un aussi gros client. Il m’était indifférent.

Pourquoi, bon sang ?! Pourquoi as-tu sauté ?!

     Il a repris son monologue, faible ronron que je n’entendais pas. Il a avancé quelques papiers à signer dans ma direction. J’ai signé sans lire, sans même l’écouter. Il ne comprenait pas qu’avec toi j’avais tout perdu, dont le plus important : mon envie de vivre. Parce que vivre sans toi n’était pas vivre. Parce que tu m’étais devenue plus essentielle que l’air que je respirais, que l’eau que je buvais. Plus essentielle encore que le sang qui alimentait mon cœur et mes veines. Plus essentielle que Tout. J’en avais déjà fait l’expérience ; je ne pourrai jamais me sevrer de toi.

     Ton avocat s’est arrêté de parler. Il a fouillé dans ses tiroirs bien ordonnés. Il m’a tendu une jolie pochette plastifiée d’un bleu uni, en disant que c’était de ta part. J’ai contemplé l’objet comme s’il était ma rédemption, mon sauveur. De toi ! C’est de toi ! Je l’ai saisi doucement, précieusement. Je n’avais qu’une envie : celle de rentrer à l’hôtel. J’ai attendu patiemment la fin de l’entretien, sourd et muet, les yeux fixés sur mon miracle personnel. Enfin il s’est levé et je l’ai imité mécaniquement. La poignée de mains que nous avons échangée, lui et moi, m’a semblé bien moite. A peine sorti de la pièce, à peine la porte du cabinet refermée sur l’homme guindé, je me suis enfui en direction de mon hôtel.

     Je voulais être seul.

 

***

 

     Je suis sur mon lit à l’hôtel. La pochette plastifiée m’hypnotise, attire constamment mon regard comme un aimant. Je n’ai pas envie de l’ouvrir, j’ai peur d’être déçu. Mais j’en ai également envie. Je veux –dois– savoir. Peut-être m’as-tu laissé une lettre m’expliquant enfin le moindre de tes faits et gestes. Mes doigts glissent, rabattent les élastiques qui ferment la chemise de plastique. J’ouvre. Et je suis irrémédiablement déçu par son contenu. Rien. Rien d’autre que des coupures de journaux, plus ou moins vieilles. Rien d’autre…

     Dans ma déception j’envoie balader la pochette contre le mur, les coupures volent dans la pièce. Je ne comprends pas. Je n’arriverai probablement jamais à te comprendre. Mon visage se cache dans le creux de mes mains et je sens monter le long de ma jugulaire des sanglots silencieux. Je ne sais pas combien de temps je reste prostré ainsi, dans cette chambre vide. Vide de toi.

     Pourquoi ?

     Longtemps après, enfin, je me redresse et contemple – les yeux hagards et rougis – les dégâts que mon chagrin et ma fureur ont causés dans la pièce. Les feuilles sont éparpillées en un désordre brouillon sur le sol luxueux. Elles sont tout ce qu’il me reste de toi, à part tes photos, ton argent et les souvenirs. Je me baisse et les ramasse, plein de regrets. Mon miracle n’en était pas un.

     Pourquoi m’as-tu légué ceci, Rebecca ?

     Je consens enfin à leur jeter un coup d’œil. Les différents titres me font pâlir d’horreur.

 

1998 : La Belle Madeline a sauté.

1955 : Elaine, douce enfant à la tragique envolée.

1987 : John, l’Aigle Royal s’envole pour s’écraser au bas d’un immeuble.

2003 : Adieu, Nathan, Ange Déchu.

1974 : Jane, la Beauté , une mort obscure, meurtre ou suicide ?

1963 : Charles, le Grand Roc, porté disparu.

 

     Et d’autres ! Tellement d’autres… Sur le sol, par terre. Les murs tournent, j’ai envie de vomir. Tous morts. Tous morts… Comme toi. Je mets quelques temps à reprendre mes esprits, même si je ne sais pascombien. Je ne sais pas, je ne sais plus… Je sais juste qu’immuablement je t’aime. Que je suis pris dans tes filets pour le restant de ma vie. Cette constatation me fait prendre conscience qu’à mon tour je me perdrai pour te rejoindre. Je me suis déjà perdu. Depuis que je t’ai rencontré. Je suis mort de l’intérieur. Mort…

 

 

***

 

     Le tout premier et dernier saut de l’Ange.

     Voilà le titre qui a longuement accaparé la Une de tous les journaux du continent. Bien après ta mort, on parle encore de toi, ton visage apparaît quelques fois dans les journaux. Des gens t’ont vu t’envoler, littéralement. Ils ont témoigné, un par un, de t’avoir vu, toi, petite silhouette dans l’aube nouvelle, t’élancer du haut de cet immeuble avec une grâce surnaturelle. Ils t’ont vu, suspendue un instant dans les airs telle une ballerine constellée d’étoiles, tes jambes jointes admirablement arquées, la pointe de tes pieds tendue à son maximum, tes bras ouverts comme pour accueillir le monde dans ton étreinte.

     Puis chuter, tomber dans le vide sans un bruit, sans un cri. Seul l’impact de ton corps sur le bitume a dû produire un faible et mou claquement. On s’est précipités vers ton corps immobile, horrifiés. Les journaux ont publié d’immondes photos de ton visage aplati et sanguinolent. Tu n’étais même pas reconnaissable. Au final, il ne restait rien d’autre que ton nom et des photos de toi dispersées aux quatre coins du continent pour prouver que tu avais existé. New York est devenue triste, a porté ton deuil. La rose avait fané. Ce n’est qu’après ta mort que j’ai compris ton véritable but.

     Tous ses gens qui t’admiraient, qui t’étouffaient. Tu les aimais. Comme une mère se devait d’aimer ses enfants. Mais, lassée par les fastueuses soirées, par ce devoir de tenir un rôle à chaque seconde – celui-là même qui m’avait fait douter de ton humanité – tu avais préféré tirer ta révérence en ne leur laissant de toi qu’un dernier souvenir, empli de grâce et de liberté.

     La vraie Dame de New York, c’était toi. Mais tu faisais rêver les gens et il te semblait impensable de ne rien laisser derrière toi, autre qu’un souvenir, tout aussi beau qu’il puisse paraître.

     Je sais, j’ai enfin compris. Ton véritable but était de te trouver un remplaçant. Quelqu’un qui aurait su tenir ton rôle. Celui de faire rêver les gens, de leur offrir un soupçon d’émerveillement, une touche de magnificence dans leur vie tristement monotone. Et qui mieux que moi pouvait endosser ce rôle à tes yeux? L’homme prêt à tout pour toi, prêt à voler, tuer, mourir pour ton joli minois.

     Qui mieux que moi? Tu m’as laissé cet héritage, ce fardeau. Et je ne pourrais m’en libérer qu’après avoir, moi aussi, trouvé quelqu’un pour me remplacer. Je ne pourrais te rejoindre qu’après avoir joué cette sordide pantomime de l’être heureux, de l’être comblé. Les gens me prêteront cette image qui n’appartenait qu’à toi, puisque tu m’as éclaboussé de cette mystérieuse et captivante aura qui fait naître les légendes. Un jour, dans quelques semaines, quelques mois, quelques années, je retournerais probablement à ce bar vieillot et miteux. Pour l’attendre, la femme qui prendra ma place. Car c’est là-bas, n’est-ce pas, que tout se joue? Là-bas que se rencontrent les figures de proue de ce monde.

     J’en frissonne rien que t’imaginer au comptoir avachi, pour ta propre rencontre avec le diable. Petite fille innocente prise au piège par le grand méchant loup. Petite fille consentante, aux yeux écarquillés, émerveillés. Tu as du souffrir autant j’ai souffert en percevant cette distance, ce gouffre sans fond entre toi et ton prédécesseur, entre toi et moi. Tu l’aimais, petite fille, comme je t’ai aimé? Comme je t’aime? Certainement.

     Sache que je te rejoindrai un jour, en haut, parmi les étoiles. Là-haut, nous y avons notre place. Nous sommes les étoiles de ce monde. Et les étoiles ne meurent jamais.

     Tu vois? Tu as réussi. Tu as atteint ton but. Finalement je suis devenu comme toi. Une étoile, un flambeau. Tu peux partir tranquille. Je continuerai à suivre cette route sordide, pleine de faux-semblants. Je continuerai jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de route. Juste le gratte-ciel et la fin…

 

***

 

     La glace me renvoie mon image. Assis sur le lit mou de la chambre d’hôtel, je me contemple attentivement dans le miroir. Je traque cette étincelle éblouissante qui me fait paraître différent auprès des autres. J’attire à présent l’attention autant que tu le faisais, avant. Je me contemple et je ne vois rien. Rien d’autre qu’un jeune homme aux cheveux brun, à la mâchoire carrée et aux yeux bleus, revêtu d’un luxueux costume noir à la cravate négligemment nouée.

     Je suis moi. Comme avant. Les traits un peu plus marqués, cependant. Un peu plus graves, moins innocents. Un visage d’adulte, mais pas seulement. Tu as laissé une marque en moi, cela seul est certain. Une marque invisible. Celle du cœur blessé, esseulé, morcelé. Je t’aime, petite Rebecca. Et tu ne changeras pas ça. Tu m’as tout pris, je ne te laisserai pas me prendre ça. Je ne te laisserai pas me prendre l’amour que j’éprouve pour toi, ni ça, ni la douleur que ta perte évoque en moi.

     Je veux pouvoir évoquer mon malheur autant que je le souhaite, m’effondrer en larmes et me laisser aller entre tes bras de fantôme. Pouvoir me dire que tu m’as abandonné, me sentir trahi, me sentir tout seul dans ce monde immense et trop grand pour moi. Pouvoir me dire que tout est ta faute, juste quelques instants, même si je sais que c’est pertinemment faux. Me rouler en boule sous la couette froide de ta présence et y rester jusqu’à en mourir.

     Voilà ce que je voudrais vraiment. Mais je ne peux pas. Pas ce soir, du moins. Ni les autres soirs – ceux qui viendront – à bien y réfléchir. Quelque part, je te l’ai promis. De ne pas mourir avant d’avoir trouvé la femme qui tombera amoureuse de moi et qui prendra ma place en ce monde comme j’ai pris la tienne. C’est tellement dur de faire semblant lorsque l’on n’est pas habitué. Et après quelques mois de ce régime je n’y suis toujours pas accoutumé. L’est-on un jour? Est-ce seulement possible? Toujours des questions, jamais de réponses.

     Je me défie encore du regard quelques minutes, puis, presque rageusement, replace correctement ma cravate et bondi du lit moelleux. Déjà des coups retentissants cognent à ma porte. Je regarde ma montre, presque par jeu. Pile à l’heure comme toujours. J’attrape ma veste de costume et l’enfile prestement. Me dirige vers la porte et l’ouvre. Et suis les – mes – gardes du corps dans le couloir de l’hôtel jusqu’à l’ascenseur. La représentation du soir vient officiellement de commencer. La pantomime de l’être heureux est en marche. Un sourire éblouissant mais faux se plaque sur mon visage et le déforme grossièrement.

     Mais je sais par expérience que personne ne remarquera qu’il est factice. Personne. J’entends déjà les premiers hurlements des gens dans la rue. Le fauve affamé.

 

Rebecca. Petite étoile.

Je te rejoindrai bien un jour. Je te le promets.

Petite Rebecca…

 

***

 

     Les mois ont passé. Lentement et plus encore. Où es-tu Rebecca ? Où es-tu sale petite garce que je ne peux m’empêcher d’aimer ? De vouloir rejoindre ? Où es-tu ? Où… ?

 

***

 

     J’attends depuis deux heures. As-tu patienté aussi longtemps pour moi? Mais je sens que c’est aujourd’hui, maintenant. Comme une horloge interne qui me crierai de rester là et de L’attendre.

     Le son tintinnabulant des clochettes accrochées à la porte me tire de mon inertie. A peine entrevois-je la silhouette féminine se découper à contre-jour sur le seuil que je sais déjà que c’est dans la poche. Bingo. Je gagne enfin au loto.En effet, après quelques hésitations, la femme se dirige lentement vers le tabouret qui est collé au mien. Les yeux pleins d’étoiles et un sourire éclatant qui illumine son visage.

      Elle ne te ressemble pas le moins du monde. Elle est aussi blonde que tu étais brune. Et ses yeux sont bleus. Sa peau est pâle tandis que la tienne était cuivrée par le soleil. Banale comparée à la déesse vivante que tu étais. Je suppose que tu étais également quelconque avant d’entrer dans cette minuscule brasserie pour la première fois. Ca me fait mal de le penser. Tu es tellement intouchable à mes yeux. Tellement pleine de magnificence.

      Même si elle m’est insignifiante, je lui rends son sourire. Petite humaine que je n’aimerai jamais. Je souris en pensant à toi, Rebecca. A toi et aux quelques mois qu’il me reste à tenir. Je me sens tellement libre tout d’un coup! Libéré de tous poids. Elle est enfin là. Prête à prendre la relève. Je ne culpabilise même pas de l’enfermer dans le même piège que celui dans lequel j’ai été pris. Pourtant je ne lui souhaite pas de connaître les tourments que j’ai connu.

     Mais je ne pourrais pas briser la boucle immorale de ce cercle obscène. C’est trop tard pour elle. Je la vois se perde dans l’océan de mes yeux et je la plains. Elle qui n’a même pas conscience de ce qu’il va lui arriver. Pauvre petite innocente qui sera bientôt ravagée par son amour pour moi.

     J’ai remis la pochette plastifiée, remplie des mêmes coupures de journaux plus celles qui relatent ta mort, à mon avocat. Il n’attend plus que le nom de cette jeune femme et ma propre mort pour la lui remettre comme tu me l’as léguée à titre posthume. Je sens mon sourire s’élargir à cette pensée. Il me tarde d'y être. Sur cet immeuble. Mais contrairement à toi je pense que je choisirais le crépuscule. Pour voir les étoiles encore une fois. Une dernière fois.

 

Ma Rebecca. Ma petite étoile scintillante.

Je serai bientôt à tes côtés. Bientôt.

Petite fille…

 

***

 

     Le vent s’engouffre dans mes cheveux, dans les pans de ma veste. Il me gifle violement le visage comme pour me punir de l’acte que je m’apprête à commettre. Je le laisse faire, au lieu de me faire changer d’avis, il ne me grise que d’autant plus. Enfin… Mes jambes se balancent dans le vide et mes paumes supportent mon buste. Assis sur la rambarde du toit de l’immeuble, j’attends. J’attends qu’il fasse assez noir pour apercevoir les étoiles. Une dernière fois.

     Quand j’ai silencieusement quitté la chambre de l’hôtel, la femme dormait paisiblement dans les draps blancs du lit trop mou. Elle s’appelle Summer. Et elle est la prochaine étoile de ce monde. Après moi bien sûr. Je ne suis pas encore mort. Pas encore. Et cette perceptive inéluctable me ravit, crois-moi. Je regarde ma montre, puis l’horizon où le soleil se couche trop paresseusement à mon goût. Plus qu’une poignée de minutes.

     Je me redresse, descends du muret et époussette mon pantalon, puis fourre mes mains dans mes poches. Et lève la tête. Pile à l’heure.Bonsoir, jolies étoiles.Je contemple l’immense voûte du ciel. Où es-tu Rebecca parmi tous ces petits points brillants? Je vais bientôt le savoir. Je vous ai vues, petites étoiles miroitantes, une dernière fois. Et ça me suffit.

     Je grimpe à nouveau sur la rambarde et me retrouve debout, au-dessus des lumières de la plus active ville du monde. C’est magnifique. C’est tellement enivrant, plus encore que je ne me l’imaginais. Et en bas, tout en bas, le goudron du boulevard. Celui que ton corps a percuté. Comme c’est plaisant d’imaginer que le mien suivra le même chemin dans quelques secondes. Je n’ai plus que ça à faire. Me laisser tomber.

     Mes yeux s’ouvrent pour apercevoir les étoiles tandis que mon pied gauche heurte le vide, le néant. Je me sens tomber en avant et mes bras battent l’air par reflexe. Je crie ton prénom dans la nuit. " Pourquoi, Rebecca ? Pourquoi ?! ".Là où je vais j’aurai peut-être la réponse, qui sait ? Le vide, la chute, toi et moi, Summer, la foule, tout se mélange dans ma tête. Je ne sais plus rien, me souviens plus de rien. Juste que je t’aime, petite garce.Plus rien ne me retient en ce monde. Je suis une étoile. Nous sommes les étoiles.

 

Nous sommes des étoiles.

Et les étoiles ne meurent jamais.

Rebecca…

 

***

 

     La jeune femme semble en proie au pire de ses cauchemars. Elle hoquète, sanglote misérablement dans son sommeil. Elle crie, elle hurle, se débat contre des fantômes, des tourments invisibles. Un hurlement rauque et guttural échappe de sa gorge blanche, tandis que – dans un dernier sursaut d’horreur – le rêve prend fin, la libère du sommeil.

     Elle se réveille enfin et, assise maladroitement sur le matelas mou de son lit, entortillée dans les draps blanchâtres, elle n’a jamais autant ressemblé à une petite fille perdue, paniquée. Elle halète difficilement, sa lourde natte de cheveux blonds – en grande partie défaite – auréole son petit visage de poupée affolée. Elle balbutie des mots sans queues ni têtes, sa figure de porcelaine maculée de larmes qui brillent à la pâle clarté de la lune.

     Enfin, elle semble se calmer quelque peu, retrouver un semblant de sérénité. Sa main cherche la masse chaude d’un homme endormi parmi le linge de coton vierge. Et ne se heurte qu’aux draps froids, vides de toute présence. Encore prisonnière de son cauchemar, elle sent son esprit être écrasé sous le poids oppressant de la panique. Elle a peur. Vraiment très peur. Ses doigts enserrent, labourent les draps blancs. Et de sa bouche s’élève le cri horrifié et épouvanté du cœur esseulé, solitaire.

 

NEIL ! "

 

     Mais je ne suis déjà plus là pour l’entendre…

 

 

 

 

 
     
     
 
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