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Eméria
Par tokyofrance
Originales  -  Mystère/Fantaisie  -  fr
3 chapitres - Complète - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 1     Les chapitres     3 Reviews    
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L'Essence de la Mort

Bonjour ! J'ai décidé de poster des petits OS pouvant être lus séparément mais qui se rejoignent tous plus ou moins (plus pour moi, moins pour vous ^^). En espérant qu'ils vous plaisent =) Bonne lecture...

~*~*~*~

 

 

Lumière.

Le monde n’est que lumière ; blancheur étincelante. Aneyr ne voit rien, elle est comme aveugle, aveuglée par l’éclat et non à cause de la noirceur.

Elle avance

Chaque pas supplémentaire l’enfonce un peu plus dans cette immensité sans textures ; elle a l’impression de flotter dans le vide et un perfide vertige la fait vaciller à chaque foulée. Sous ses pieds hésitants, elle sent le sol tanguer. Il n’est ni dur, ni mou. Il semble même ne pas exister. Aucun son non plus ne lui permet de se repérer dans l’espace, tout est calme, comme effacé dans un néant cotonneux ; sa respiration est avalée par le silence, et seuls les battements frénétiques de son cœur pulsant à ses oreilles lui prouvent qu’elle est en vie. Qu’elle n’est pas morte. Pas encore.

Incertaine,

Elle commence à ralentir. La peur s’insinue dans les fibres de son corps. Depuis quand marche-t-elle ? Depuis toujours lui semble-t-il, car dans ce jour perpétuel, Soleil et Lune n’ont pas de cycles. Cependant, elle veut y croire : son but est proche ; si elle tend les bras… Une force soudain l’oblige à s’arrêter, elle reçoit de plein fouet les flux électriques qui lui barrent le chemin et tombe. Un hurlement déchire sa gorge, et l’écho de cette plainte vibre longuement dans les lumineuses Ténèbres. Aneyr ne peut plus bouger. A genoux sur le plancher éblouissant, elle entend tout à coup un murmure résonnant, une voix au timbre clair et pourtant si profonde.

-          Qu’es-tu venue faire en ce lieu, fille Humaine ?

Elle frémit, les mots ne franchissent pas ses lèvres qui brûlent pourtant de les dire.

-          Que cherches-tu ?

Une simple phrase sort enfin de sa bouche, elle la lance d’un ton assuré :

-          L’Essence de la Mort.

-          Tu ne peux y accéder, déclare sèchement l’entité invisible.

-          Pourquoi ?

-          Parce que sa notion même t’échappe, tu ne peux concevoir ce qui n’existe même pas pour toi !

Des images de lames devenues rouges sous le sang effleurent la conscience échauffée d’Aneyr.

-          J’ai déjà assisté à plus d’une mort, réplique-t-elle. J’ai déjà survécu plus d’une fois à la mort.

-          Non. Tu n’as pas survécu à la Mort. C’est elle qui n’est pas venue à toi. Quant aux vies que tu as vues disparaître, elles ne prouvent pas que tu aies aperçu la Mort. Tu peux constater la non-vie mais tu ne vois pas la Mort. Personne ne le peut, pas même les mourants. Ils se sentent partir, parviennent parfois à l’accepter, mais ils ne touchent pas à l’Essence de la Mort car elle est insaisissable. Seuls son Gardien et les Dieux, Maîtres du Tout, connaissent sa véritable nature, et leur fardeau n’est pas partageable.

L’entité prononce cette dernière phrase une pointe d’amertume et de douleur dans la voix.

Une question émerge alors dans l’esprit d’Aneyr, mais l’incompréhension s’y mêle également.

-          Etes-vous la Mort ? Demande-t-elle.

Des grésillements crépitent sur sa peau, signe de l’agitation de son interlocuteur.

-          Mais, j’aurais pensé que…

-          Quoi ?! Tonne la Mort, exaspérée. Que je ne serais qu’obscurité et désespoir ? Des limbes poisseuses, froides, charriant les odeurs de l’infinité de corps décomposés que je laisse sur mon passage ?! Je le pensais moi aussi, reprend-elle plus calmement. Je le pensais… Mais le chagrin que je sème a déteint sur moi et a nui à mon devoir. Maintes erreurs ont été commises par ma faute. Les âmes en peine que j’ai négligées sont retournées du mauvais côté du miroir et…

-          Elles ont détruit trop de vie, termine Aneyr avec amertume.

-          Elles ont influencé la Mort pour qu’elle vienne se servir, reprend l’entité. Je suis la Mort et son Gardien. Je guide les âmes rappelées à Altahir jusqu’au jour où elles seront soufflées de nouveau dans la chair d’une vie. Mais je ne décide pas du moment de la mort, il m’est imposé par les voies inexplorables que me montre Père et je ne peux que m’y soumettre. Les causes du Rappel ne relèvent pas de mes pouvoirs.

-          Et pourtant vous vous êtes soucié du sort des Spectres, ainsi que de tous les tords qu’ils ont infligés aux vivants.

Un souffle léger percute la jeune fille. Ce triste soupir l’enveloppe, lui faisant ressentir toutes les peines de la Mort. Elle envisage soudain le lourd fardeau qui est le sien et une pointe de compassion naît en elle.

-          Pourquoi ? Demande enfin la Mort. Pourquoi cherches-tu l’Essence de l’Invoulu ? Que puit t’apporter la Mort alors que ton heure n’est pas encore venue ? Sache qu’il est impossible de rendre vie à un corps car le cercle d’Elfen en serait rompu.

-          Je ne souhaite pas ressusciter quelqu’un, répond Aneyr. J’ai besoin de l’Essence de la Mort pour ramener l’équilibre et la paix en l’ajoutant à la sève de Yew, l’Arbre-Monde.

-          Cette tâche est bien trop difficile pour une simple mortelle, tu n’y arriveras pas.

-          Comment pouvez-vous dire ça ! S’emporte-t-elle brusquement. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour repartir bredouille. Si je n’essaie pas, personne ne le fera et tous seront condamnés !

-          Ton sens du devoir t’honore, mais que gagnes-tu à te sacrifier ? Tu n’es même pas certaine de parvenir à tes fins, hors dans tous les cas, tu mourras. Si tu réussis, ton souvenir ne sera qu’une mince poussière dans l’esprit des gens. Ils te vénèreront peut-être un temps mais bien vite tu n’existeras plus et l’égoïsme qui sommeil en chacun d’eux remplacera la gratitude. 

Aneyr se mord les lèvres. Les paroles de la Mort sonnent juste mais elle ne veut pas y penser. Son destin avait été scellé le jour où sa route avait croisé celle de la Nature.

-          C’est ainsi, dit-elle. Je n’ai plus le choix.

-          Réfléchis bien, fille Humaine, poursuit l’entité. N’y a-t-il personne à qui tu manqueras lorsque Père décidera d’aspirer ton âme ? Ton acte de bravoure ne blessera-t-il personne, les regrets n’envahiront-il pas l’être qui partage ton cœur lorsqu’il se demandera pourquoi il ne l’a pas fait à ta place ?

-          Eythan ne se laisserait pas abattre pour ça ! S’exclame-t-elle vivement. Il connaît mes intentions et les respecte.

-          Façade et profondeur. Il ne montre peut-être pas ses réelles émotions.

Le parfum envoûtant du jeune homme étincèle soudain dans le cœur d’Aneyr. Le doute se fait de plus en plus présent ; peut-elle décemment abandonner cette félicité qui s’offre à elle, tourner le dos aux yeux brûlants d’Eythan alors que cela fait si peu de temps qu’elle comprend et partage ces regards appuyés qu’il lui infligeait depuis le premier instant ? Une agréable chaleur  remonte ses joues lorsqu’elle se rappelle ses lèvres contre les siennes, de l’étrange gêne qu’elle avait ressentie alors.

-          Ma décision est infaillible, déclare-t-elle brusquement, pour de mettre fin aux souvenirs heureux et douloureux qui la hantent. Je suis venue chercher l’Essence de la Mort. Me donnerez-vous ce pourquoi je suis là ?

Un poing glacial explose soudain dans sa poitrine, ses particules se répandant dans tout son être comme le mal se déverse sur la terre. Le monde devient noir, incandescent, des tâches multicolores flamboient à travers ses prunelles. Elle avancerait désormais, un poison sans antidote dans le sang,

Vers la Mort.

 
 
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