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au 31 Mai 21 :
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Les Restes
Par Hestia
Harry Potter  -  Drame  -  fr
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    Chapitre 1     3 Reviews    
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Les Restes

Note: Un merci spécial à mon merveilleux détective de mari, qui a non seulement trouvé le titre de cette fic, mais en a aussi inspiré les meilleures idées (si bonne idée il y a)
Et un gros poutou (sur la fesse droite) à mon fistounet, qui fut l’un de ceux qui me soutinrent avec le meilleur acharnement

__________________

Il y avait exactement vingt pas, depuis la lisière du sous-bois jusqu’à la porte arrière de la maison. Dix pas pour grimper la pente et entendre crisser sous sa semelle la neige amoncelée par le ciel d’hiver; cinq encore pour arriver jusqu’au vieux portail, qui se balançait en cadence dans le vent en émettant des couinements aigus. Et enfin cinq pas de plus pour traverser le jardin recouvert et arriver devant la porte.

On ne se serait pas pressé; après tout, l’air, bien que frais, n’était pas si mordant et permettait qu’on se prête un temps au jeu de la contemplation. La lune brillait haut dans le ciel, à peine voilée par les épaisses volutes de fumée que crachait le toit de la maison. Elle projetait sur la lande son halo pale et inquiétant. La neige immaculée formait comme un tapis à ses pieds, et invitait à ce qu‘on y laisse la trace de ses pas. Du jardin encore émanait une odeur forte de terre lourde, par des mains d’homme maintes fois retournée.

Il n’y avait apparemment rien de plus commun pour un soir d’hiver.

 

Mais la maison aurait intrigué: un frisson soudain, comme un pressentiment morbide aurait pénétré le visiteur. On ne pouvait voir ce qui se passait à l’intérieur, et dans la nuit on ne distinguait que de vagues contours. Elle s’élevait dans l’obscurité comme un rempart à l’entendement.

Une faible lueur sortait par instant de l’unique fenêtre éclairée, et suffisait à allonger les ombres cadavériques des hêtres en contrebas.

La porte arrière avait cet aspect rustique qui sied si bien aux choses usées. Brute, épaisse et cérusée elle inquiétait autant qu’elle suscitait la curiosité. La main se serait aventurée toute seule vers la poignée, et le grincement de la porte aurait enfin brisé le silence qui sourdait du vallon, faisant naître sur l’échine un frisson particulier… Une ultime mise en garde.

Le sapin qui trônait près de l’escalier captivait le regard; les boules argentées qui y étaient suspendues renvoyaient dans les recoins de la pièce l’éclat d’un feu qui se mourrait, là-bas dans la cheminée. En tournant la tête vers l’âtre, le regard se serait indubitablement posé sur cette forme inerte qui gisait au sol, et dont on distinguait à peine les contours.

La curiosité malsaine aurait poussé à s’en approcher, et alors il n’y aurait plus eu d’incertitude. Cette main blanche révélée par un soudain jeu de lumière aurait confirmé les doutes, ainsi que ces deux grands yeux marrons, figés dans l’indécence, qui se perdaient avec effroi dans l’obscurité.

 

___________________________________________________________

 

Molly Weasley savait qu’un repas réussi ne tenait qu’à peu de choses: une table bien dressée, des mets savoureux, et des conversations assez pertinentes pour intéresser ses convives.

Elle s’était donc levée très tôt ce matin là, bien décidée à faire de ce déjeuner un instant inoubliable; et depuis elle s’activait sans relâche aux fourneaux. Elle avait enfilé son tablier de toujours: un peu élimée, taché par endroit, avec cette odeur de linge usé qui sert au quotidien, il lui serrait les hanches un peu plus qu’autrefois. Avec le temps, sa chair s’était affaissée, et elle portait sur son corps les stigmates des grossesses répétées, et de l’age tout simplement.

Elle rejeta négligemment une de ses mèches grisonnantes de son front, essuya la sueur qui perlait à ses tempes et se remit au travail. Elle saisit son couteau le plus affûté et trancha d’un coup net la nuque de la volaille qu’elle venait de plumer. Elle s’acharna longuement sur les lambeaux de peau qui formaient comme des filaments autour de la trachée ouverte de la bête; puis elle lança le reste de la tête dans la poubelle; les ultimes gouttes de sang suspendues à cette gorge vinrent s’échouer sur le plan de travail, et Molly les balaya d’un coup de tablier.

Il fallait ensuite s‘employer à une tache non moins ardue: Farcir la dinde, et Molly attendait ce moment-là comme une adoratrice. C’était là tout un art, il fallait introduire avec tact ses mains dans la bête, sans en déchirer la chair, et saisir avec non moins de précaution les organes un par un. Les poumons étaient une affaire des plus délicates, il fallait non seulement veiller à ce qu’ils ne se perforent pas, mais aussi à ce qu’ils se décollent aisément de la cage thoracique. Sans ses ongles, Molly n’y serait jamais parvenu.

Elle regroupa tous les abats dans un récipient en verre, mais jeta au préalables les intestins souillés, qui donnaient à la viande un goût des plus acre. Elle enfonça ensuite ses mains nues dans la chair tendre et en choisit les meilleurs morceaux, dont elle extirpa en les pressant un maximum de jus.

Elle usa ensuite de son savoir faire et reproduisit à la perfection la recette qu’elle avait toujours suivi.

Molly Weasley venait d’avoir 65 ans. Un visage plissé qui même lorsqu’il souriait n’exprimait plus que feinte gaieté, des mains tachées qui n’avaient plus rien d’agiles, des cheveux autrefois flamboyants qui avaient perdu de leur éclat… On s‘y serait pris à deux fois en la voyant pour reconnaître en elle la Molly Weasley de naguère.

Elle se massa les reins douloureusement, et se mit à la recherche de son mari. Elle se rendit presque instinctivement à la remise où il passait maintenant le plus clair de son temps.

Molly détestait cet endroit, l’air était saturé de poussières et fourmillait d’objets inutiles; elle détestait surtout le fait qu’elle ne puisse rien y faire: Arthur refusait catégoriquement qu’elle touche à ses babioles. Son mari y trouvait un intérêt qu’elle ne comprenait pas, et dont elle se moquait souvent, peut-être par jalousie. Que faire d’une collection d’allumes cigares, ou d’un vieux pistolet rouillé et pourquoi persévérait-il à vouloir percer les secrets de la composition d’une pile électrique ?

Molly soupira. Il avait même fini par y installer un lit de fortune, qu’il fréquentait bien plus souvent que leur lit conjugal.

Après avoir aboyé le nom de son mari une bonne douzaine de fois _ le pauvre devenait sourd _ elle se résigna à l’idée qu’il ne s’y trouvait pas.

 

Arthur Weasley avait en effet choisi de s’installer dans le salon, et s’occupait à contempler d’un œil vide les flammes rougeoyantes qui léchaient le bois dans la cheminée. Il avait sorti son vieux pull en laine, qui arborait fièrement ses initiales. Le temps froid avait réveillé ses rhumatismes et il ne se sentait pas de se lever pour aller s’employer à autre chose qu’à la paresse.

Arthur avait perdu le goût pour les activités trop physiques. Il se traînait encore parfois jusqu’à son atelier, plus pour échapper à sa femme que pour s’y distraire, mais avait tout de même été content quand il était tombé par hasard sur un lot de décapsuleurs électriques. Il laissa sa tête retomber lourdement sur son épaule, et dut s’endormir quelques instants. Il fut réveillé en sursaut par les cris de sa femme et mit quelques instants pour en comprendre le sens:

- Mais… Arthur ! Qu’est-ce que tu fais là ? La table n’est pas encore mise et il y a du bois à aller chercher pour le feu! Tu auras tout le temps de dormir cette nuit; pour l’instant j’ai besoin de toi. Allez viens un peu m’aider au lieu de traînasser par là »

Arthur ne répondit rien, se contenta de hocher distraitement la tête. Si une chose était certaine, c’était que Molly abhorrait toute forme d‘oisiveté, et qu’il ne valait mieux pas la contredire lorsqu’elle donnait un ordre. A quoi bon lui rappeler qu’il n’était que 8H et que leurs enfants n’arriveraient pas avant midi ? Il se leva avec réticence au grand damne de ses hanches qui émirent un craquement sonore . Tous ses membres n’étaient plus que douleur, quoiqu’il fasse. Arthur avait toujours été d’une constitution chétive, mais avec le temps il était devenu sec, presque maladif; il manifestait des signes révélateurs d’une décadence physique avancée.

Ses cheveux étaient depuis longtemps tombés et des taches de vieillesse avaient pris leur place sur son crâne; de grandes cernes assombrissaient également son regard et conféraient à ses traits une impression de continuelle lassitude.

Il sortit dans le froid, accompagné de son éternel duffel-coat. Il passa le portail et descendit la côte, souleva la bâche qui protégeait les morceaux de bois, et en pris quelques uns. Il n’écouta pas la plainte de ses articulations, qui venaient de craquer une énième fois. Il glissa un peu en remontant la côte et dut s’y prendre à deux fois pour en atteindre le sommet. Il n’avait plus l’âge pour ce genre de chose, il se demandait même comment il était parvenu, l’automne dernier, à trancher à la hache les bûches pour cet hiver.

Il arriva tremblant dans la maison, et se rassit par automatisme à sa place près de la cheminée, après s’être réchauffé les mains par des frictions rigoureuses. Molly avait eu le temps de dresser la table, vingt-trois assiettes en porcelaine y étaient alignées, et brillaient sous l’éclat des quelques bougies posées vers le centre. Molly, dans un souci d’organisation qui frôlait l‘obsession, avait même déposé de petites étiquettes à côté de chaque assiette, qui indiquaient la place qu’elle avait réservée à ses hôtes.

Arthur se contentait d’attendre dans son fauteuil, confortablement installé, ce qui agaçait grandement Molly; et elle ne se privait pas pour le lui faire remarquer:

- Tu pourrais au moins aller essayer ton costume de père noël! »

Il la regarda d’un air misérable. Elle s‘exaspéra:

- Arthur… C’est toi qui avait décidé ça pour faire plaisir aux enfants.

- Ca fait longtemps qu’ils ne croient plus au père noël… Chérie.

- La tradition, Arthur! »

Il ne protesta pas plus. Il monta l’escalier et découvrit dans leur chambre le dit costume, repassé et plié sur le lit. Molly avait en partie raison, mais c’était si ridicule. Les manches lui tombaient pathétiquement le long des bras, sa fausse bedaine lui donnait un aspect grossier, auquel on ne prenait pas. Et sa perruque et sa barbe blanche étaient une ultime ironie à sa calvitie sénescente. Oui, ridicule: il suscitait plus la pitié que le rire.

Il soupira et regarda sa montre, il plissa les yeux pour se forcer à mieux voir, et crut discerner l’heure de midi. Par Merlin, les enfants allaient arriver, il ne pouvait tout de même pas les accueillir dans cette tenue!

Il se dépêcha de se rhabiller, et se précipita dans les escaliers, aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Il arriva enfin dans le salon, mais se figea sur place:

- Molly ?! Mais qu’est-ce que tu fais ? »

Prise en flagrant délit. Un silence lourd s’éternisa entre Arthur et sa femme, pesant, et presque insupportable.

Avec un sourire coupable, elle reposa discrètement l’objet qu’elle tenait dans les mains et bafouilla quelques explications:

- Mais enfin Arthur, c’est… Je ne faisais rien. Je débarrassais le salon.

- Pourquoi tenais-tu ce pistolet entre les mains ? »

Il n’y avait pas de fureur dans la voix d’Arthur, pas même une once de reproche. Il paraissait juste… Surpris.

- Je regardais, c‘est tout. Et puis, c‘est dangereux Arthur! Poursuivit-elle, sans grande conviction. Imagine que les enfants tombent là-dessus pendant le déjeuner.

- Mais c’est à moi!

- C’est un vieux truc tout rouillé, que veux-tu en faire?

- Tout rouillé justement, il… Il ne marche même pas, c’est le mécanisme qui m’intéresse. C’est un objet de collection, un Mauser 25 comme on n’en fait plus… Et c’est à moi! Je n’aime pas que tu touches à mes affaires. »

Il avait cette fois élevé la voix, piqué au vif. Ses poings s’étaient posées sur ses hanches et il regardait sa femme d’un air de défi, comme un enfant capricieux.

- Tu m’énerves Arthur. Répartit-elle d’un ton las. J’en ai plus qu’assez de toutes tes fantaisies; tu sais combien nous ont coûté tes derniers achats ?

- C’est l’argent que j’ai gagné… »

Elle se tut quelques instants et le considéra de pied en cap. Ses joues avaient déjà commencé à rosir et Arthur savait que ce n‘était pas bon signe. Elle réussit à articuler une faible réponse, dans laquelle il perçut un ton de menace:

- Alors que je m’active comme une damnée… Arthur, tu es… Exaspérant »

La rougeur n’allait définitivement pas à Molly Weasley, et à ce moment précis, son visage empourpré de colère ressemblait à une de ses tartes surprises sur le point d’éclater. Elle fixait le visage boudeur de son mari, qui lui était d‘une blancheur cadavérique. Les yeux de Molly s’embuèrent de larmes de frustration. Elle se demandait à cet instant ce qui avait bien pu l’attirer chez cet homme. Un grand enfant, c’est ce qu’il avait toujours été, et cela transparaissait d’autant plus qu’ils étaient contraints de passer toutes leurs journées ensemble, maintenant qu’Arthur était à la retraite.

Ses muscles se tendirent, et elle sentit le sang battre un peu plus rapidement à ses tempes. Pourquoi ne comprenait-il pas? Il était devenu un de ces poids mort qu’il est pénible de supporter au quotidien. Une vraie loque, une pale copie de ce qu’avait été l‘homme qu‘elle avait épousé.

Arthur ne bougeait plus, s’était recroquevillé sur lui même et attendait que la dispute se passe, comme d‘habitude. Il s’inquiéta un peu quand il se rendit compte que Molly ne cillait plus et qu’elle avait repris le Mauser en mains. Les lignes de son front s’était progressivement crispées, et son regard noir braqué sur lui lui donnait l‘impression d‘être une proie devant une bête sauvage. Il eu un mouvement de recul. Il s’en voulu presque de l’avoir courroucée. Elle s’approcha dangereusement, l’arme à la main:

- Molly? Couina-t-il

Elle ne sembla plus l’entendre. Elle fit encore un pas, et le visage de Molly n’exprimait plus qu’une farouche détermination.

Elle leva le bras. Lentement. Et un grand bruit s’éleva du Terrier, qui fit fuir les hiboux perchés sur le rebord de la fenêtre.

 

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Molly eut un hoquet de surprise quand Hermione Weasley, accompagnée du reste de sa famille, frappa à la porte d’entrée. Elle se dépêcha de nettoyer les morceaux qui jonchaient le sol. Un simple accident n’allait pas venir gâcher ce qu’elle avait eu tant de mal à préparer. Prise de panique, elle cacha le tout sous le fin tapis, et tenta de tasser le tissu pour donner à l’ensemble un aspect égal. La chose émit un craquement quand Molly l‘aplatit de son poids; elle ne prêta pas attention au bruit sinistre qu’elle émettait, et encore moins au dégât que cela allait causer à son parquet qu’elle avait pourtant mis des heures à brosser.

Il ne fallait pas qu’ils se doutent de quoi que ce soit.

Elle se dirigea jusqu’à la porte, encore un peu choquée, mais sa belle fille ne fit pas attention au sourire fabriqué que Molly se força à arborer. Elle entama une conversation badine et les conduisit directement à la cuisine.

- Où est papa? Demanda soudain Ron. Il n’y avait pas à dire, celui là avait l’art pour poser les questions qu’il ne fallait pas.

- Dans la remise! Finit-elle par répondre, après un instant de réflexion.

Si Ron et Hermione se doutaient de quelque chose, du moins n’en montraient-ils rien; trop occupés sans doute à raconter les dernières histoires de leurs enfants: Hermione s’extasiait devant les progrès scolaires de sa fille, Ron sur les catastrophes provoquées par son fils.

Elle sourit avec indulgence: elle aussi avait aimé parler de ses enfants, et ce n’est que maintenant qu’elle se rendait compte à quel point cela avait du être fastidieux pour ses interlocuteurs de l’époque.

Elle reprit progressivement contenance, à mesure que ses enfants arrivaient et qu’elle se retrouvait baignée dans cette atmosphère familiale et chaleureuse qu’elle avait toujours connue. Un cocon protecteur et douillet, dans lequel elle pouvait se complaire sans crainte.

Elle se mêla en silence à ses hôtes, encore amassés dans la cuisine. Elle ne répondit que vaguement quand on lui demanda un énième fois où était Arthur, et les invités n’osèrent pas la questionner sur l’origine des tâches de sang qui maculaient son tablier.

 

 

Arthur Weasley ne parvenait pas à calmer la douleur à l’endroit de ses blessures, et il tentait maladroitement de contenir le flot de sang qui se répandait déjà sur ses vêtements. Il ramassa un chiffon dans la remise, et s’en servit pour éponger son bras meurtri.

Il avait vraiment eu peur cette fois-ci, jamais il n’avait vu Molly à ce point furieuse… Et à ce point étrange. Il avait cru, un moment, que l’unique balle du chargeur allait trouver une place toute destinée dans sa tête. La vision du canon lui faisait encore froid dans le dos.

Molly s’était contentée de lancer le pistolet dans le grand miroir de la salle à manger; il s’était coupé en ramassant les morceaux.

Il se demanda s’il allait, comme sa femme l’avait suggéré, ranger l’arme dans la remise.

Il finit par se décider…

 

 

Quand les convives se rassemblèrent dans la salle à manger, ils furent d’abord étonnés d’y trouver Arthur. Leur mère leur avait dit qu’il serait absent au moins pour le début du repas.

Molly et lui échangèrent un sourire tendu, et invitèrent tout le monde à commencer le déjeuner.

Il n’y avait rien à redire sur le repas en lui même: la table avait été mise avec soin, et ravissait les sens, comme d‘habitude. Mais Molly n‘eut même pas la courtoisie de rougir quand Fleur le lui fit remarquer. La nourriture également était excellente, la cuisinière avait une fois de plus prouvé ses qualités dans ce domaine. Le silence qui régnait à table aurait ainsi pu incomber au fait que tous préféraient savourer les différents plats. Il n’en était rien.

Percy avait bien essayé de lancer la discussion sur les arrêts ministériels concernant l’application de la nouvelle charte du commerce, mais s‘était heurté à une apparente réticence dans l‘assistance.

Les parents Weasley n’avaient pas décroché un mot, et tout le monde attendait de comprendre le lien entre la main blessée d’Arthur et le tablier ensanglanté. Ron, que l’impudeur n’effrayait pas, risqua la question. Fort ennuyée, Molly finit par répondre de façon prudente:

- Le miroir est tombé. J’ai dit à Arthur de ne pas toucher aux morceaux de verre, mais il n’en a fait qu’à sa tête comme d‘habitude.

Ils se retournèrent tous vers l’endroit qu’indiquait Molly.

- Quel miroir maman? Finit par demander Ginny

- Ne sois pas bête, celui qu’il y a au dessus de la… »

Elle ne termina pas sa phrase. Son regard avec convergé vers le manteau de la cheminée, sur lequel aurait du être posé l’encadrement du miroir. Elle resta interloquée quelques secondes avant de se retourner lentement vers Arthur. Ce dernier évita de croiser son regard et se plongea dans son assiette. La rougeur avait gagné ses joues et atteignait à présent ses oreilles…

Il y avait un Mauser 25 accroché avec défi à la place du miroir brisé.

 

 

Le reste du repas se déroula dans un mutisme encore plus sinistre, chacun évitant soigneusement de croiser le regard de l’autre. Seul le jeu des enfants à côté pouvait combler le vide.

Molly n’avait pas desserré la mâchoire, et le reste de la tablée osait à peine lever la tête pour lancer des œillades furtives au vieux couple. Ils furent tous contents quand on servit le dessert.

Molly alla le préparer dans la cuisine et revint les bras alourdis par une bûche à la framboise. Elle coupa elle même le gâteau, et insista peut être un peu trop sur la force qu’elle inculqua à son couteau, si bien qu’elle raya le plat qui se trouvait en dessous. Elle fit ainsi passer vingt-deux assiettes, oubliant volontairement Arthur:

- Pour ton régime, assura-t-elle.

Habituellement à Noël, le Terrier se remplissait de rires et d’anecdotes. On se regroupait près de la cheminée en attendant que l’après-midi passe, et tout le monde commentait les cadeaux qu’il avait reçu.

Ce jour là, on ne se formalisa pas de la tradition, et avant que la nuit tombe, les invités étaient déjà partis.

Arthur reprit sa place dans le fauteuil, et Molly débarrassa la table. Sans un mot.

La grande horloge de la cuisine sonna 18H.

D’écœurement, Molly alla jeter les restes du repas dehors et revint se poser devant Arthur, les poings sur les hanches.

- Je crois que tu me dois des explications. »

Il daigna lever la tête vers elle, et se mit debout. Elle entama une longue litanie de reproches, d’une voix qui se faisait de plus en plus forte et désagréable.

Il se rendit compte à quel point elle avait vieilli. Elle l’avait toujours écrasé par son autorité et son caractère imprévisible. Ca allait avant quand il y avait les enfants; il n’aspirait maintenant plus qu’à la tranquillité

Il y avait eu des disputes, avant, qui s’étaient vite réglées. Des malentendus et des désaccords aussi où chacun avait du faire des concessions.

Il tenta un mouvement de réconciliation vers sa femme, mais elle le rejeta violemment. Elle n’arrêtait pas de parler et ses paroles perdaient de leur sens à mesure qu‘elle avançait dans son raisonnement. Appuyé contre la cheminée, Arthur attendit qu’elle finisse.

C’était comme cela que ça se terminait toujours; Elle parlait, il écoutait, et hochait parfois la tête avec contrition.

Oh, elle ne se rendit pas tout de suite compte qu’Arthur avait décrocher le pistolet de la cheminée et qu’il l’examinait de sa main blessée. Elle aurait du arrêter de parler à ce moment là, elle aurait du lui laisser le temps de s’expliquer et de lui asséner à son tour les reproches qu’il gardait depuis toutes ses années. Elle aurait du aussi faire attention à leur antique horloge qui malheureusement pour elle se trouvait dans la cuisine: L’aiguille où figurait son portrait avait changé de position.

La nuit tombante avait allongé les ombres à l’intérieur du Terrier. Les bougies éteintes, seul le feu continuait à projeter sa lumière dans la pièce. Il regarda Molly gesticuler et eut un désir violent de la faire taire.

Sans s’en rendre compte, il tournait dans ses mains son Mauser 25, admirant la facture de l’arme et la texture brute qu’il sentait sous ses doigts. Il finit par le pointer sur Molly. Son bras trembla un peu, mais se cala quand il eut trouvé sa cible.

Elle s’en aperçut et cessa instantanément de parler. Elle recula de surprise et trébucha sur le tapis. Sous son poids, les morceaux de verre qu’elle y avait dissimulé déchirèrent le tissus et se plantèrent dans son dos. Il la trouva pathétique, et dans un sens… Enfin humaine. Elle gémit:

- Viens m’aider tu vois bien que j’ai mal, idiot. »

Le coup partit très vite, étonnant pour un objet si rouillé. Le bout du canon s’apaisa finalement dans une fine gerbe de fumée.

La dernière balle s’était fichée dans le front de la vieille femme et avait creusé un trou profond dans sa tête.

Son regard se vida à mesure que le sang coulait le long de son visage.

Le rouge ne lui allait finalement pas si mal, et Arthur resta un instant à la considérer ainsi, admirant le contraste saisissant entre sa peau pale et les reflets pourprés du sang qui étincelait dans la lumière de la cheminée.

 

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Il y avait exactement vingt pas depuis la porte arrière de la maison jusqu’à la lisière du sous bois; la neige partiellement fondue avait rendu la pente encore plus dangereuse, et Arthur Weasley glissa plusieurs fois avant de se résigner à se laisser porter jusqu’en bas, aidé dans sa chute par le poids mort qu’il traînait derrière lui.

Le sang du cadavre avait laissé une trace vive dans la neige immaculée, et lui indiquait le chemin à suivre pour remonter la pente.

Il laissa le cadavre à l’abri des grands hêtres et leur ombre envahissante recouvrit bientôt le corps de Molly Weasley.

 

Sans un regard en arrière, il rentra enfin chez lui.

 
     
     
 
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