Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, l'univers non plus. D'où le bordel. « Space Oddity » est l'œuvre de David Bowie.
Bêta : Duncan
NdA : Vous avez donc sous les yeux une version éditée et donc nettoyée, avec quelques changements mineurs.
Eve of destruction
Chapitre 3
Major Tom
« This is Major Tom to Ground Control
I'm stepping through the door
And I'm floating in a most peculiar way
And the stars look very different today »
Extrait de « Space Oddity » de David Bowie
Il n'était pas rare qu'à St Brutus, les gardiens cumulent les dépendances aux psychotropes en tous genres : allant des analgésiques narcotiques du type méthadone et morphine pour pallier une santé déclinante, jusqu'aux stimulants psychomoteurs de type amphétamine pour tenir la distance avec des gamins qui n'étaient jamais en reste.
Certes ils devaient passer des testes médicaux mais un petit bakchich* y aidant, leur dossier était toujours clean.
Ces gardiens avaient l'habitude de leur raconter des fables assez hallucinantes sur divers sujets allant de la Reine d'Angleterre adepte du lancer de poids à leur désir profond d'incendier St Brutus avec eux à l'intérieur afin de faire un bon barbecue.
Cependant, Harry avait toujours plus ou moins pensé qu'il s'agissait d'une caractéristique intrinsèquement liée à l'atmosphère sinistre du lieu. Il ne pensait certainement pas qu'il s'agissait d'une sorte de vérité universelle.
Il avait encore tant à apprendre.
Ou peut-être était-ce de l'humour vu que les autres rigolaient avec plus ou moins de conviction.
Le reste du voyage se fit en silence alors que Harry mangeait des yeux l'horizon sans fin. Tout était démesurément grand ici. Il n'y avait pas de barrières. Harry se surprit à sourire secrètement à la vue des maisons isolées du reste de l'humanité, il s'imaginait bien vivre dans ce type d'endroit loin de tout, à élever des moutons et faire du fromage. C'était une perspective d'avenir tout à fait honorable.
Le soleil était tombé derrière l'horizon et il devait être dans les dix-neuf heures.
Quand Harry se dit qu'ils n'arriveraient jamais à bon port, il distingua des lumières signalant qu'une agglomération n'était plus très loin.
C'était un hameau perdu au milieu de la campagne écossaise, où Lupin les conduisait. Ledit hameau était en fête si on tenait compte des banderoles et autres décorations qui illuminaient le village comme à Noël, et il était complètement désert.
Au vu de l'heure tardive les gens devaient sûrement être en train de se régaler d'un délicieux souper. Le ventre de Harry gargouilla de plus belle.
Lupin les surprit en brisant le silence qui régnait dans le minibus - et ce depuis que Granger avait cessé de commenter le paysage.
« Ceci est Pré-Au-Lard, le plus grand village sorcier de Grande-Bretagne. »
Cette fois, seule Granger se força à rire et se tut. Harry reconsidéra sa théorie une nouvelle fois.
Le minibus traversa le village et se retrouva de nouveau au milieu de nulle part sur une route cahoteuse, non bétonnée. Ils étaient tous très stressés - Harry était certain qu'il n'était pas le seul à se faire un scénario des plus sordides : Granger avait les yeux écarquillés et jetait des coups d'œil à la ronde à la recherche d'un point d'ancrage à la rationalité, Bulstrod et Thomas partageaient la même expression les sourcils froncés et Finch Fletchley dont Harry ne pouvait distinguer le visage battait frénétiquement la jambe.
Lupin semblait au premier abord assez inoffensif mais que savaient-ils de lui? De plus, personne n'avait jamais entendu parler de cette école.
Au détour d'un virage, leur nervosité s'évapora lorsqu'ils aperçurent un véritable château. Cela ne pouvait pas être...
« Et voici Poudlard. Impressionnant, n'est-ce pas? »
Il y avait un sourire dans la voix de Lupin.
Thomas jura et Harry fut parfaitement d'accord.
C'était grand. Non. Gigantesque. Colossal. Monstrueux. Titanesque. Et autres synonymes. Il y avait des tours, des tourelles et mêmes des enceintes de fortification. Il était sorti tout droit de l'époque médiévale, un anachronisme en pierre. Et ceci n'était que la partie immergée de ce que l'obscurité voulait bien leur révéler. Il n'osait imaginer la chose dans son ensemble, en plein jour.
Il n'y avait pas de parking là où Lupin gara le minibus,juste les immenses grilles du château. Il les invita à descendre :
« Laissez vos valises, le personnel s'en occupera», ajouta t-il.
Ils descendirent effectivement, même si Harry ne voyait pas vraiment l'intérêt de laisser son maigre sac à dos. Mais il ne voulait pas faire la forte tête, aussi fit-il comme les autres, et replongea ses mains dans ses poches.
Il y avait une légère brise glacée qui les fit frissonner de concert.
Ils échangèrent des regards de circonstance en emboîtant le pas de Lupin qui se dirigeait vers le château, et pour la première fois, Harry n'avait pas l'impression d'être un extra-terrestre. Ils étaient tous dans la même galère.
C'était positivement étrange qu'ils soient aussi peu pour une rentrée, ou peut-être étaient-ils seulement le groupe venant de Londres?
Malgré les doutes, la nature franchement suspecte de leur situation, Harry refusa de se laisser impressionner, il se tenait aussi droit qu'il était humainement possible et marchait sans hésitation. C'était ainsi qu'il concevait les choses, bonnes ou mauvaises, avec fatalité et dignité. C'était la droiture de son dos, sa fierté qui faisaient qu'il tenait toujours debout malgré un karma de merde. Et le fait qu'il soit un brin givré aussi.
La nature humaine étant ce qu'elle était, Harry sentait les autres se rapprocher de lui. Ils avançaient en groupe compact.
Le château était tellement imposant qu'il paraissait proche, en réalité ils marchèrent pendant un bon moment avant d'arriver devant les grandes portes de l'école, entre-temps ils se frigorifièrent complètement.
Lesdites grandes portes, ornées de multiples gravures difficilement cernables durant la nuit, s'ouvrirent toutes seules - "portes automatiques" murmurait Granger - libérant ainsi de l'air chaud et un lointain bruit d'une centaine de gamins chahutant. Ils se détendirent légèrement, ils ne s'étaient pas retrouvés dans un film d'horreur de série Z.
Avec un sourire d'encouragement, Lupin les invita à entrer.
A l'intérieur une sorte de grand hall donnait sur des couloirs, portes et escaliers et qui semblait avoir été dessiné par un architecte n'ayant aucun sens de l'harmonie.
Ils ne tardèrent pas à découvrir l'origine du bruit de fond, il s'agissait d'une grande porte close encadrée par des armures de chevaliers médiévaux. Mais Lupin ne les guida pas de ce coté, ils les fit traverser le hall et embarquer dans un des couloirs, recouverts de tableaux peints.
La première fois que cela arriva, Harry crut à un des fameux effets d'optique à la Granger, mais lorsqu'un second tableau lui sourit et que Finch Fletchley poussa un petit cri, Harry se remémora ce que Lupin avait dit : "École de sorcellerie", "village sorcier".
Il sentit une faiblesse au niveau de ses genoux et une terreur indicible au creux du ventre. Dans quel guêpier s'étaient-ils fourrés?
Granger l'avait attrapé par le bras et se tenait juste dans son dos, il ne dit rien. Il pouvait également sentir l'épaule de Finch Fletchley se coller à la sienne. Thomas échangea avec Harry un regard inquiet, sa mâchoire serrée et sa posture volontaire montrait qu'il gardait le sens de la réalité et Harry sentit instinctivement en lui un allié sûr.
Bulstrod pour sa part n'était pas sur le même plan astral qu'eux. Elle suivait de très près Lupin et regardait toutes les bizarreries du couloir avec beaucoup plus d'intérêt que de peur. Cela permit à Harry de conserver la tête froide, avec son impressionnante présence, Bulstrod était un garde-fou assez convainquant.
Au détour d'innombrable couloirs, à travers lesquelles les guida le pas mesuré et confiant de Lupin, ils arrivèrent en face d'une tapisserie représentant un paysage d'été et Harry distinguait clairement les épis de blés bouger comme des vrais.
Lupin releva la tapisserie derrière laquelle se trouvait une porte de bois noir laqué qu'il ouvrit et par laquelle il entra. Harry échangea un nouveau regard avec Thomas et après un signe de tête entendu, ils entrèrent derrière Bulstrod qui ne les avait pas attendue.
A l'intérieur, il y avait une pièce ronde relativement grande au mur de pierres noires avec au sol de grand tapis jaune pisseux, deux cheminées se trouvaient diamétralement opposées, et juste en face de la porte d'entrée deux escaliers qui descendaient Dieu savait où, en enfer sans doute. Plus rien n'étonnait Harry désormais.
Il se dégagea de la prise de Granger et de Finch Fletchley pour s'installer autour de la petite table ronde qui se trouvait au centre de la pièce et où Bulstrod avait déjà posé son solennel postérieur. Thomas et les deux autres l'imitèrent.
Le pauvre Finch Fletchley allait littéralement se faire dessus si cela continuait alors que Granger perdrait sûrement l'esprit.
Lupin ouvrit la bouche sur le point de briser enfin le lourd silence quand la porte s'ouvrit brusquement. Finch Fletchley ne fut pas le seul à sursauter.
Une femme à la silhouette petite et replète entra, le pas pressé, le nez en l'air. Elle était habillée d'un tailleur rose, un nœud dans ses cheveux bruns, rose également. La pièce était mal éclairée aussi était-ce sans doute à cause de cela qu'elle paraissait avoir une tête de crapaud. Ou était-ce simplement une injustice de Mère Nature.
Elle vint se placer à distance de Lupin, comme si ce dernier dégageait une odeur nauséabonde et elle ne lui accorda pas un regard.
En guise de salut elle les arrosa de mépris. Ses yeux s'attardèrent un quart de seconde sur Harry avant de glisser sur les autres. C'était plus que du mépris : du dégoût.
Elle se racla la gorge avant de commencer :
« Je suis Dolores Ombrage, la Représentante Officielle du Ministère de la Magie, Inspectrice Générale de l'Enseignement et Coordinatrice des Affaires M.B, également appelé Né Moldu.
Elle savait qu'elle utilisait des termes qu'ils ne saisissaient pas mais elle ne prit pas la peine de s'arrêter et d'expliquer, de même qu'elle ignora ostensiblement la main timidement levée de Granger.
- Vous êtes là aujourd'hui parce que vous avez été repéré par le Ministère de la Magie, comme étant apte à faire de la magie.
Elle plissa les yeux en ajoutant :
- Cela ne veut, évidemment, pas dire que vous êtes des sorciers bien sûr...
- Excusez-moi?
C'était Granger qui l'interrompait, sa voix était l'ombre d'elle-même.
Ombrage la fusilla du regard.
- Vous ai-je autorisés à parler?
- Non, mais je...
- Il n'y a pas de mais !
Son ton était sec et cassant. Harry jeta un regard noir à Ombrage qui agitait un bâton de bois en les toisant de haut.
Harry comprenait très bien ce qu'il se passait. Il n'avait pas besoin de moult explications. Ils étaient manifestement des rebuts de la société aux yeux de cette femme, qui devait être une "sorcière" et qui avait l'habitude du pouvoir.
Il n'aimait pas son attitude à l'égard de Granger qui n'était qu'une une gamine ordinaire qui voulait comprendre ce qu'on lui racontait.
Il remarqua du coin de l'œil que Bulstrod et Thomas affichaient la même frustration. Finch Fletchley était partagé entre la nausée et la colère sourde, à l'instar de Harry.
- Vous devriez être reconnaissant à l'égard de Monsieur le Ministre de la Magie Tom Riddle qui vous offre une chance inespérée d'accéder au monde de la magie. En effet, en intégrant la noble et prestigieuse Institution de Poudlard, vous allez apprendre à canaliser cette magie et à la brider, afin qu'elle ne se manifeste plus. Une fois cela fait vous pourrez reprendre votre vie de Moldu. Ainsi à l'issue de ces deux années d'études vous vous engagerez, par un contrat écrit, à ne plus l'utiliser sous n'importe quel prétexte ; consciemment ou non. Si les termes du contrat sont rompus, il y aura des conséquences juridiques pouvant aller de l'amande à peine de prison.
« Mais avant d'en arriver là, vous suivrez un enseignement à Poudlard, qui sera équivalent en tout point à celui dispensé par n'importe quelle école Moldue, avec en supplément les cours de Gestion de Magie. Le règlement de l'école vous sera indiqué par Monsieur Lupin. Je tiens néanmoins à insister sur l'interdiction d'entrer en contact avec les autres élèves qui eux sont des sorciers. Si vous les ennuyez, ils ont le droit de vous jeter des sorts sans qu'ils en soient fautifs. Ceci veut dire qu'il vous est fortement déconseillé de vous aventurer en dehors de votre salle commune.
Elle indiqua la salle ronde avec son bâton.
- Vous y prendrez vos repas et vous y travaillerez. Les dortoirs se trouvent ici.
Elle indiqua les escaliers derrière elle.
- Au terme des deux années d'enseignements, vous obtiendrez un diplôme reconnu par le Ministère de l'Éducation Moldu. Enfin, vous aurez le droit à une sortie à Édimbourg par mois. Vous êtes invités à rester en contact avec votre monde, mais en aucun cas, il ne vous est permis de parler du monde sorcier. Rompre le secret, c'est s'exposer au châtiment de l'exil, avec une mémoire complètement effacée. Ne sous-estimez en aucune façon la puissance de notre service de renseignement. Nous savons absolument tout. »
Elle balaya la table d'un sinistre regard. Ce n'était pas des menaces en l'air.
Pendant tout le temps où Ombrage faisait son discours, Lupin n'avait pas bougé d'un pouce, les dents serrées, le regard fixe et le visage fermé.
« Si vous avez des questions, Monsieur Lupin fera de son mieux pour y répondre. A défaut, faites suivre un courrier au Service des Affaires M.B au Ministère de la Magie et nous nous empresserons d'y répondre. »
Si ça ce n'était pas du sarcasme grinçant...
Harry pouvait sentir l'air vibrer. Ces camarades partageaient le même sentiment d'humiliation et de totale haine à l'égard de la grossièreté et de la condescendance de ce personnage.
Elle leur adressa un dernier petit sourire satisfait avant de tourner les talons et de partir.
Harry repensa à St Brutus, ce n'était pas si différent.
TBC... |