Mardi 14 Octobre 20..
Je savais pertinemment que mon frère m'en voulait de lui avoir divulgué ce que je savais. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il ne m'adressait plus la parole. Ce que je redoutais le plus, c'était qu'il me demande comment je savais tout cela. Si jamais il me posait la question, qu'aurais-je à lui répondre ? "Oui, en fait je peux m'infiltrer dans les pensées des autres". Bien évidemment, c'était complètement absurde de lui confier ce genre de vérité. Même si c'était mon frère, je ne pouvais me le permettre. Cependant, je ne connaissais toujours pas son manque de souffrance à chaque fois que je voyais cette vision. Le saurais-je un jour ?
Au lycée ce jour là, rien ne me paraissait comme avant. Je n'osais désormais plus jamais poser le regard sur ce garçon . Mais devrais-je me haïr d'avoir vu cette vision ? Elle était apparut contre mon plein gré et je n'y pouvais rien. Je ne savais comment contrôler mes visions. Ce que j'avais confusément aperçu me désarçonnait totalement.
Je me demandais incessamment qui il était réellement. Une question qui me tourmentait encore l'esprit à ce jour. Devais-je m'en méfier ? Si c'était le cas, je n'aurais qu'une seule chose à accomplir...Pourtant, la dernière fois, je n'avais réussit qu'à lui infliger que quelques gouttes de sang coulant de son nez mais pas un seul instant, il n'avait crié pas un seul instant il n'a gémit ni même souffert. Pas comme mes précédentes victimes. Était-il un être à part ou bien s'était-il enfuit avant que je ne le torture davantage ? Si jamais il était spécial, mon frère serait-il lui aussi ? Non, bien sûr que non, c'était inconcevable ! Je me déplaçais, l'air rêveuse, dans les couloirs du lycée parmi ces élèves déambulant et jacassant. Toujours ces pensées qui me traversaient la conscience. Je longeai ces murs dans la crainte de croiser cette personne. Quelqu'un me poussa très légèrement ce qui me réveilla hors de mes souvenirs. En plus de cela, il ne s'excusa même pas alors j'émis un grognement. Je me ressaisis et en face de moi se trouvait cette personne dialoguant avec une autre. En la voyant, je tressaillis. Que devais-je faire ? Simuler de ne pas la voir ?
Pourtant ce garçon ne pouvait être au courant de mon secret. Mais alors pourquoi avoir si peur ? Je traversai le couloir prestement. Il ne m'avait fallu que peu de temps avant de m'apercevoir qu'il posait discrètement le regard sur moi. Sans même le vouloir, je le dévisageai un instant. Le garçon me fixa de son air froid et profond. Il était assis sur une chaise rouge adossée le mur jaunâtre. Quant à son ami, il était lui aussi assis sur une des chaises rouges, ses pieds posés sur la table positionnée juste devant eux. Je ne voulais pas m'éterniser devant ces deux individus alors je poursuivis mon chemin. Je songeai encore à cette vision. Tout ce sang...Cette souffrance. Un être torturé sans même avoir utilisé mon pouvoir. Si je lui avais infligé un tel supplice moi-même, aurais-je eu des remords ? A chacune de mes victimes, mon plaisir devenait plus grand mais alors pourquoi m'en voulais-je d'avoir eu cette horrible vision ?
A la fin de la journée, mes amis me rejoignirent y compris Jaoven qui me regardait toujours de son air bien charmeur. Maëwenn parlait longuement sans cesser de dire ce qu'elle voulait. Néanmoins, je ne l'écoutais plus, plongée dans mes pensées. Je devais les quitter pour rejoindre mon bus. Avant de monter dans le car, je vis dans celui de derrière, le garçon de ma vision avec cette cicatrice inexpliquée. Comment s'était-il fait cela ? Il m'avisa de son regard sibyllin et foudroyant. Pour éviter de paraître trop peu sûre de moi, je le dévisageai avec insistance puis repris le chemin de mon bus. Dans le parking, je pus discerner quelques mots :
-Le gay, t'en vas pas !
Le gay ? Pourquoi avoir dit cela ? Peu de temps après, des coups violents firent écho. Curieuse comme je l'étais, je longeai le long des murs pour enfin arriver à l'entrée du parking. Peu de voitures étaient rangées là, encore moins de scooter mais cela suffisait à me cacher derrière l'une d'elles. Une voiture rouge bordeaux encrassée par la boue. J'examinai attentivement la scène qui s'offrait à moi. C'étaient trois hommes dont un que je reconnus immédiatement. Ses longs cheveux noirs et son visage que j'aurais repéré entre mille, c'était bien lui, Elouan...Il se faisait assener de coups par les deux autres adolescents qui étaient nettement plus grands. Que lui reprochaient-ils ?
-Ton frère va nous balancer ?
Un des deux garçons s'était exclamé, les yeux rouges, les dents serrées. Il semblait bien décidé à aller jusqu'au bout. Son regard n'exprimait aucune pitié. Il continuait de donner des coups de poing au niveau des abdominaux d'Elouan. Quant à l'autre, il le tenait fermement et lui infligeait des coups de pied. Elouan essaya en vain de rétorquer avec si peu de souffle et il avait du sang qui sortait de sa bouche.
-Mais non ! Je vous assure ! Il ne dira rien !
Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Je devais les empêcher d'aller plus loin ou alors je perdrais un ami. J'étais obligée de les tuer en même temps mais si cela ne marchait pas ? Je devais quand même m'évertuer à le faire. Contrairement aux autres victimes, je fixais les deux en même temps sans jamais broncher. Je les surveillais à chacun de leurs malheureux gestes. Ma vision devint sinistre brusquement, mes yeux devinrent plus ténébreux que jamais. Je les aperçus uniquement s'effondrer au sol quand une image apparut en face de moi. Un homme était là, le même regard sans expression qu'une des deux victimes. Puis, sans même avoir eu le temps de connaître plus de cette vision, celle-ci se transforma en un paysage moins patibulaire. De la verdure ainsi que des fleurs colorées décoraient ce splendide Parc entouré d'eau clair. Un ciel bleu turquoise enveloppait ce paysage grandiose et éclatant à la lumière. La première image réapparut, c'était toujours le même homme, mais cette fois, à la sortie d'une boite de nuit, forçant une fille à l'embrasser, prêt à la violer...Ces deux images revinrent mutuellement en moi. Je ne compris rien ! Tout s'enchevêtra dans mon cerveau. Je perdais le contrôle de mes visions. Ces dernières se mélangèrent entre elles.
Cette expérience me fit affreusement mal au crâne. Mes yeux redevinrent d'une couleur bleue. En face de moi, deux adolescents étaient au sol. Seul, Elouan restait debout mais plié en deux, une main posée sur son ventre comme pour calmer un mal invisible. Il était scandalisé et glacé d'effroi. Je ne l'avais jamais vu autant effarouché depuis que je le connaissais. Peut-être n'avait-il jamais vu autant de sang de toute sa vie. En effet, les deux hommes avaient leur peau déchirée, le sang ruisselant sur leurs torses Leurs yeux ouverts étaient devenus rouges par le fait que du sang avait dégouliné de leurs orbites. J'étais toujours cachée derrière cette voiture. Je ne pouvais pas me montrer, pas maintenant. Lui aussi me prendrait pour une folle ou alors il croirait que j'étais ici par simple hasard. Je le voyais, perdu, il ne savait que faire. Non ! le mal s'empara progressivement de moi. Encore une fois, comme ce même soir où j'avais eus cette horrible vision de torture...Dans un laboratoire. Mais pourquoi dans cet endroit ? Je ne pouvais réfléchir tant la douleur était insupportable. Je m'agenouillai, évitant le moindre cri.
A présent, je m'adossais contre la voiture. Les larmes aux yeux, je ne pouvais les empêcher de s'échapper. Alors elles coulèrent le long de mes joues fades. Qui me faisait subir tout cela ? Mais qui ? Quelqu'un voulait me voir morte ? Il fallait que je le sache. Mais cette torture s'opposait à ce que je fasse le moindre geste. Je restais là, souffrante. Pourtant, aucune goutte de sang ne giclait au sol. Une fois ce mal infligé arrêté, je pus me relever subtilement. En levant les yeux, je ne vis plus personne. Elouan était parti ou quelqu'un l'avait emmené avec lui pendant qu'on me faisait subir ce mal atroce ? Je m'efforçais de crier son prénom parmi ce silence pesant :
-Elouan !...Elouan !
Personne ne répondit. Je voulais comprendre et savoir pourquoi j'avais eu ces douleurs crâniennes. Tout ce que je pouvais croire, c'était que l'homme en question ne devait sûrement pas être mon ami...
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