Le premier cours fut des plus agréables. La jeune fille s'amusa beaucoup de la réaction de ses deux camarades qui regardèrent leur professeur avec surprise et un peu de gène aussi. Il leur avait fait un discret clin d'oeil, leur promettant silencieusement de ne pas dévoiler leur petit secret.
Il se présenta avec flegme et leur exposa sa manière de travailler. En quelques minutes, il était parvenu à capter l'attention de son auditoire. Miku l'observait avec beaucoup d'attention, essayant de retrouver un peu du jeune homme qu'elle avait côtoyé il y a quelques nuits de cela. Il y avait cette aura bienveillante mais autoritaire, cependant, l'espièglerie dans son regard n'y était plus. A cet instant, il vivait pour son travail de professeur et rien d'autre. Cela lui fit peur. Elle ne s'imaginait pas ça. Elle frissonna et changea de position sur sa chaise, mal à l'aise, ce qui attira l'attention du dit professeur.
Immédiatement, son regard changea et elle le reconnut enfin. Il avait retrouvé cette lueur chaude et enjouée. Elle lui sourit discrètement, rassurée.
- J’attends beaucoup de votre classe et de certains élèves en particulier, déclara-t-il soudain sans la quitter des yeux. J'ai eu de bons retours et j'entends bien que cela dure. Sommes-nous d'accord ?
Les élèves émirent un oui unanime et le professeur se détendit et leur accorda un sourire, moins naturel que pour Miku mais c'était toujours ça. Elle se sentit privilégiée mais tant que ses petits camarades ne le remarquaient pas, cela ne lui posait pas de problème.
Pourtant, quand la sonnerie retentit, elle ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement. Elle n'imaginait pas que cela puisse être aussi compliqué de séparer vie professionnelle et vie privée. Il faillait surtout veiller à ce que Akané et Yuzu n'en parlent à personne. Sinon, les ennuis n'en finiraient pas et elle en avait suffisamment avec le cercle.
Cette pensée l'énerva et elle la chassa rapidement.
- La semaine prochaine, nous procéderons aux élections des délégués, annonça Hyo avec flegme. J'aimerai que les futurs candidats réfléchissent à un discours à présenter devant la classe. Sur ces bonnes paroles, je vous dis à plus tard.
- A plus tard, Monsieur Ootori, claironna une jeune fille en sortant de la salle.
Miku tiqua. Avait-elle bien entendu ? Le nom de Hyo était Ootori ? Prenant son téléphone, elle partit à vive allure sans attendre ses amies dans une des nombreuses cours qui constituaient leur école, vérifia qu'il n'y avait qu'elle et appela son père. Il devait être en train de s'occuper du petit oiseau qu'elle lui avait ramené il y a quelques jours. Le pauvre avait une aile cassée. Elle bouillait d'impatience et quand son père décrocha, elle le bombarda de questions.
- P'pa, saurais-tu si un membre de la famille Ootori est devenu professeur ? Un neveu de Kyoya, un cousin éloigné peut-être...
- ... Je crois qu'il y a quelques années, le fils de son plus grand-frère a refusé de devenir médecin... Il a été déshérité et n'a plus aucun contact avec les autres membres de la famille.
Miku était tétanisée de surprise. Se pourrait-il qu'il s'agisse de son professeur principal ? Si c'était le cas, elle comprenait mieux d'où lui venait son air naturellement hautain et autoritaire. Et aussi le fait qu'il l'ait reconnue avant qu'elle ne se rappelle qu'il était son professeur.
Elle l'aperçut à l'autre bout de la fontaine qui l'attendait, mains dans les poches.
- Tu vas bien, Miku, demanda enfin Mori.
- Oui, P'pa, bredouilla-t-elle. Je dois te laisser. On en reparle ce soir.
Elle raccrocha et s'avança, le cœur battant. Il savait qu'elle avait comprit. Tout le lycée n'allait pas tarder à comprendre de toute façon. Cela allait faire beaucoup de bruit....
- Alors, lança son professeur. Tu as mené ta petite enquête ?
- J'ignorai que tu étais le neveu de Kyoya, répondit-elle.
- On ne fait pas facilement le rapprochement entre l'héritier d'une firme internationale de pharmacopée et un ridicule étudiant reconverti en professeur, cracha-t-il avec mépris.
- Je n'ai pas dit ça et je le pense encore moins, ajouta-t-elle en voyant qu'il s'apprêtait à répliquer. Je suis juste étonnée de constater que la famille Ootori n'est pas uniquement composée de toutous obéissants et cupides. Désolée si ça ne te plaît pas mais je sais ce qui s'est passé quand ton oncle, mon père et les autres étaient au lycée et ça n'est pas la première ni la dernière fois que ça arrive.
- Je suis ravi de constater que je ne suis pas le seul à le penser, répondit-il enfin après quelques secondes de silence. Kyoya a toujours était un exemple pour moi alors que mon père et mon oncle le méprisaient. Il a été le seul à vivre pour lui et non pour la famille.
Il lui sourit, mélancolique et sortit une cigarette de sa veste. Il l'alluma et fit signe à la jeune fille de le suivre dans le labyrinthe botanique. Ils marchèrent côte-à-côte et finirent par s'asseoir là où s'étaient assis Tamaki et Haruhi lors d'une partie de cache-cache, il y a des années de cela.
- Je ne sais pas si j'ai bien fait de revenir ici, murmura-t-il pensivement. Il vaudrait mieux pour toi que nous gardions nos distances.
- Hors de question, répliqua-t-elle. Je ne vais pas rater l'occasion de provoquer les Ootori.
Il rit discrètement. Il ne pouvait pas lui reprocher son manque de respect envers son père. Depuis qu'il avait repris les rênes de la firme Ootori, la famille s'était divisée en deux clans. Kyoya avait définitivement coupé les ponts avec ses frères et voyaient rarement ses parents. Hyo en avait souffert dans son enfance mais en entrant au collège, il avait décidé de reprendre contact avec son oncle Kyoya. Celui-ci s'était montré compréhensif et accueillant et avait même tenté de le réconcilier avec son père. Mais Hyo lui ressemblait trop. Il endossait son costume d'héritier pour mieux vivre en liberté mais le jour où il fallut décider de son orientation après le lycée, il ne s'était plus caché et avait craché son mépris à la figure de son père. Depuis, il était parti malgré les supplications de sa mère et vivait de ses petits boulots.
Cette vie d'étudiant normal l'avait épanoui et il en était ressorti transformé et conscient de l'irréalité de la vie que menait les riches était plus que déroutante.
- Ecoute, Miku. Les autres ne vont pas tarder à faire le rapprochement entre nos familles et le tout premier cercle d’hôtes. Si on nous surprend ensemble, cela risque de causer de graves problèmes, pour moi mais aussi pour toi. - Je sais, répondit-elle calmement en lui prenant sa cigarette. Et c’est pour ça que j’ai une proposition à te faire.
Il ne dit rien, la regarda tirer sur sa cigarette, lui rendre et expirer la fumée, voluptueuse et compacte. A cet instant, elle faisait plus vieille que son âge, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Il chassa rapidement cette idée de son esprit.
- Le cercle d’hôte n’a pas de professeur référent, ce qui attire la jalousie des autres clubs. Tes cousins s’y trouvent. - Ah oui, Kenji et Fubuki. Je suis passé les voir, ce matin. - A vous trois, vous pourriez diriger le club. Cela ferait une bonne excuse pour nous « fréquenter ».
Elle avait mimé les guillemets ce qui le fit sourire. Ce n’était pas une mauvaise idée, même si cela lui ferait une charge de travail supplémentaire. Ça ne lui faisait pas peur et ne l’handicaperait pas.
- C’est une bonne idée, concéda-t-il. Mais pour cela, il faudrait que tu reviennes.
Elle ne dit rien. Revenir dans le cercle voulait dire qu’elle devrait supporter à nouveau Hikari et Zora qui ressemblaient en tout point à leurs pères pour ce qui était de taper sur le système des autres et être capricieuses et qu’elle devrait se réconcilier avec Emy. Mais pour ça, cette tête de mule devrait s’excuser.
- Si Emy admet que la baisse de fréquentation du club ne m’est pas dû, je reviendrai mais pas avant. D’après elle, les clients nous ont fuis parce que je n’étais pas assez accueillante et chaleureuse. - Kenji m’a expliqué et il n’a de cesse de le rappeler à Emy. Il m’a garanti que d’ici quelques jours, elle allait craquer. - Vous aviez déjà tout calculé, n’est-ce pas ? - Que veux-tu, fit-il en haussant les épaules, tout sourire. On ne se refait pas.
Elle rit à son tour et se leva. S’immobilisant face à lui, elle le jaugea du regard.
- Si je vais me présente au club, cette après-midi, tu viendrais avec moi ? - Avec plaisir, Princesse. |