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Argentique
Par Alecto
Originales  -  Fantaisie/Général  -  fr
3 chapitres - Complète - Rating : K (Tout public) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 3     Les chapitres     4 Reviews     Illustration    
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Chapitre 3

Note: Un énorme merci à Cloe Lockless pour sa correction, alors que je pataugeais péniblement au milieu de mes phrases, et à Elwyn pour ses encouragements!

Voici donc le dernier chapitre ^-^

******

 

Il longeait les boutiques, les mains blotties dans les poches de son manteau. Le col relevé lui mangeait la moitié du visage et il soufflait de clairs nuages pour le précéder. Il se glissa derrière un échafaudage, avançant de profil, et il remarqua des étoiles de givre sur les tiges de métal. C’était un mois d’avril touché par l’hiver ; l’air avait la transparence fragile qui appelle la neige. Il se rappela une phrase entendue : April is the cruelest month. Esquissant un sourire derrière l’épaisseur de laine il tira à regret une des mains de son abri ; neuf heures trente-quatre.

Bloqué à un carrefour dans l’attente d’une autre couleur, il haussa les épaules. Il avait parié sur le fait qu’elle serait en retard en lui donnant rendez-vous. C’était ainsi qu’il l’imaginait : arrivant sans excuse et sans sourire à une heure de fantaisie. Le feu était passé au vert et il pressa cependant le pas. Il était un peu fébrile.

Quelques silhouettes solitaires s’échappaient de la bouche de métro lorsqu’il l’atteignit. C’était l’une de ces sorties d’un vert de cuivre vieilli, les feuillages des rambardes dans l’esthétique art déco. A côté il y avait un square dépouillé aux grands arbres noirs ; c’était suffisant pour ne pas se croire tout à fait « ici ». Il tourna la tête pour mieux observer et la remarqua avec surprise, plantée au milieu de la chaussée ; ses lèvres gelées se refermèrent sur une phrase ironique.

Elle regardait ailleurs, un point entre le quatrième étage et le début du ciel, négligemment appuyée sur un grand parapluie. Une sorte de grêle fantôme : blouson noir, pantalon à rayures noires et blanches. Elle était exactement comme la fois précédente, peut-être même un peu plus pâle. Elle léchait distraitement, avec régularité, un sorbet aux tons roses. Lunaire.

Il s’avança, renonça à tendre la main alors qu’elle restait immobile. Elle surprit le regard qu’il jetait à sa glace et expliqua :

Je n’ai pas eu le temps de déjeuner.

Et le parapluie ? Il fait beau ce matin.

− C’est lorsque l’on se promène avec un parapluie qu’il ne pleut pas. C’est une règle élémentaire.

Elle eut une expression qu’il interpréta comme un sourire. Le sorbet alla s’échouer dans le fond d’une poubelle. Elle ajouta :

Je n’aime pas les cornets. Nous y allons ?

Il lui montra le chemin. Elle marchait un pas en arrière, légèrement en retrait. Le parapluie l’encombrait ; main gauche, main droite, ses doigts s’enroulaient autour de la poignée pour quelques instants seulement, puis elle essayait une nouvelle position. Elle s’en servit d’abord pour rythmer sa marche, puis le posa sur l’épaule. Changea à nouveau. Agacé, il lui proposa de le porter à sa place. Elle hésita, considéra le parapluie une nouvelle fois et le lui tendit avec une moue d’indifférence.

Ils ne parlaient pas. N’essayaient pas même. Parfois il se retournait pour s’assurer de sa présence, alors même que ses chaussures chuchotaient tout contre le pavé. Il croisait son regard, elle plissait légèrement les paupières en signe de reconnaissance. Une fois il sourit vaguement ; c’était un peu comme partager un secret, ou préparer un mauvais coup.

Il la mena à son appartement. Le bois usé de la porte craqua pour les laisser entrer. Sans attendre d’invitation, elle commença à évoluer dans la pièce, tournant sur elle-même comme pour tout mémoriser. Elle laissait sa main traîner, effleurant du bout des doigts le cuir d’un livre, l’arête d’une statue, le contour d’une tasse en porcelaine bleue. La lumière oblique qui filtrait par les baies faisait les ombres très nettes, chaque objet semblait se refléter dans un double monstrueux.

Vous me laissez votre manteau ? Aussi, il faudra vous maquiller.

Elle lui tendit sa veste, le fixa d’un air sévère.

Vous me voulez nue ?

− Pour certains clichés. Cela vous dérange ?

− Non. Pas du tout. C’est juste qu’il vaudrait mieux que le tissu ne frotte pas contre le maquillage.

Elle haussa les épaules d’un geste négligent. Il lui indiqua la salle de bain, lui prêta un peignoir. Bientôt elle le laissa entrer et, sans un mot, il lui tendit un crayon. Dressé derrière elle, il guettait son reflet dans le miroir tandis qu’elle traçait avec application le contour de ses yeux. Lorsqu’elle se retourna, il fronça les sourcils.

Vous permettez ?

Le crayon changea de main. Elle leva vers lui son visage, mais lorsque la pointe froide de l’objet frôla sa paupière, elle eut le réflexe de cligner des yeux ; murmura un mot d’excuse. Ses yeux se firent plus vagues alors qu’ils s’attachaient à un point au-delà de lui, immobiles, et à nouveau il repassa les traits, les appuya, la nuit gagnait ses paupières, fuyait vers les tempes ; de temps en temps il se mordait les lèvres, lorsque le geste n’était pas assez net. Quand il eut fini, on aurait dit que son regard était la seule chose réelle au milieu de son visage pâle. Le charbon semblait dévorer la peau ; étrange.

Les photos commencèrent. Il lui retira son peignoir et aussitôt les ombres investirent son corps ; elles se lovèrent dans le creux fragile de ses côtes, s’enroulèrent en virgule autour de ses vertèbres. Son visage était double. Une dernière vint jouer avec le relief de sa clavicule.

Il sourit. Ses membres créaient des angles baroques avec les objets de la pièce, une succession d’imprévus qui dessinaient un tableau imparfait. La ligne sinueuse de la bergère mimait plus pleinement l’arrondi de l’épaule, ses omoplates saillaient en ailes d’ange au milieu de son dos. Dans ce décor composé, elle paraissait une marionnette un peu triste et désarticulée ; ses jambes grêles dépassaient du cadre. Il faisait de toutes ces lignes brisées des architectures sur papier glacé. Sur le tapis naissaient avec les heures de nouveaux jeux de lumière que dispersait parfois un coup de vent : ils se mêlaient aux motifs géométriques, caressaient sa joue, se reflétaient vacillants dans les miroirs.

Le temps s’étirait doucement.

Enfin, lorsqu’il fut satisfait, l’esprit et les mains pleins de fragments d’images, il la laissa se rhabiller. Il resta de l’autre côté de la porte ; il la sentait aller et venir, le mur blanc n’était pas très épais. Il devinait ses pas, écouta l’eau ruisseler dans un bruit clair sur le fond de la cuve – sans doute pour enlever le noir de ses yeux. Il attendait avec impatience l’heure de son départ ; il avait pris d’elle tout ce dont il avait besoin. Il désirait la chambre noire.

Mais bientôt il entendit sa voix, affaiblie par les cloisons. Ce n’était qu’un murmure brisé par des silences, comme un dialogue à une voix. Il n’y prit pas garde. Il alluma une cigarette, tira un peu sur sa chemise pour mieux voir l’heure.

Lorsqu’elle sortit enfin, son expression avait quelque chose de tremblant, comme les verres de cristal que l’on fait vibrer jusqu’à ce qu’ils se fêlent. Pourtant il n’y avait rien de visible ; peut-être les prunelles vacillaient-elles un peu, mais il ne l’aurait pas juré. Elle le regarda un moment, sans trouver rien à dire. Puis elle parla, mais dans sa voix non plus, il n’y avait aucun mystère.

Nous n’avions pas fixé d’honoraires, je crois.

− Non, c’est vrai.

− Vous pensez faire à nouveau appel à moi ?

− Non.

Il lui proposa une somme. Elle accepta. Alors qu’il fouillait dans ses affaires pour parvenir à faire l’appoint, elle avisa la cigarette abandonnée dans un cendrier de fer blanc.

Je peux ?

Il hocha la tête, mais elle s’était déjà saisie du mégot. A nouveau, comme lorsqu’elle était entrée, elle se mit à parcourir la pièce, mais c’était différent. Elle errait sans voir, trébuchait sur ses pensées, vraiment absente. D’eux-mêmes ses pas la menèrent devant la psyché. Elle resta un moment immobile, la tête baissée. La cendre risquait de lui brûler les doigts. Puis, lentement, elle releva sa double tête, lança à son reflet un regard pensif ; les prunelles se figèrent comme des papillons brûlés. Enfin elle porta la cigarette à ses lèvres et expira dans un souffle un peu de poudre d’argent.

Une dernière fois, il y eut dans la pièce le bruit ténu d’un déclencheur.

*********

Tous les matins, en passant sur la place, elle essayait de l’ignorer. Elle s’efforçait de garder les yeux baissés, mais la ligne verticale du poteau d’affichage agissait sur elle comme un aimant, solitaire dans la monotonie plane du carrefour, et elle ne pouvait empêcher son regard de la remonter. Tous les matins, elle voyait l’image et serrait un peu les dents.

Elle n’avait aucun souvenir de cette photographie. Elle était de dos, face à la glace, et par-dessus son épaule les yeux du miroir la fixaient étrangement. Le noir et blanc glaçait son visage comme de la porcelaine et lui donnait l’expression inquiétante d’une poupée ; les paupières plissées souriaient à travers la cendre.

 

 

 
 
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