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au 31 Mai 21 :
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contenant 15226 chapitres
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L'étoile du berger
Par artemis
Harry Potter  -  Romance/Drame  -  fr
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Chapitre II

L'étoile du berger

Chapitre II

 

Le début de leur troisième année est marqué par l’arrivée d’une petite étoile filante. Dennis Crivey, un mètre vingt de haut, un courage et un enthousiasme à faire pâlir Rogue. Son visage rond, ses cheveux blonds et bouclés, ses yeux clairs et son physique d’angelot lui attirent aussitôt la protection des filles plus âgées, qui semblent l’avoir adopté comme animal de compagnie. Ce qui ne parait pas le traumatiser outre mesure.

Il distribue ses sourires naïfs et malicieux à profusion, et il devient rapidement une petite mascotte gâtée par toute sa maison.

Ethan a craint, en voyant ce petit garçon noyé dans l’immense manteau de Hagrid, les cheveux trempés et collés à son crâne, les yeux brillants, de voir arriver une copie de Colin. C’était idiot, mais l’idée même que quelqu’un puisse ressembler au petit photographe l’avait choqué. Mais il s’est rapidement aperçu que Dennis est loin de son rêveur de frère. C’est avant tout un petit chiot agité, survolté, au comportement parfois surprenant. Ethan se souvient encore de cette altercation avec Coleman et de Dennis, sautant littéralement sur l’immense Malcolm Baddock, mesurant bien cinquante centimètres de plus que lui. C’est Richie qui était allé le décrocher des épaules de

Baddock, qui, trop surpris, n’avait même pas pensé à réagir.

Colin avait bien été le seul à ne pas être surpris par le comportement de son frère, se contentant d’en rire alors qu’Ethan en avait frôlé l’infarctus. Le petit Gryffondor pousse le courage de sa maison un peu trop loin, et Ethan a cru un nombre incalculable de fois qu’il allait finir par se tuer pour de bon. Néanmoins, il était presque impossible de résister au charme du cadet Crivey, et Ethan s’y est rapidement laissé prendre aussi.

Qu’importe si les expéditions en sa compagnie dans des endroits plus ou moins fréquentables du château lui ont déjà couté quelques retenues avec Rusard.

Parce que, quand il observe les deux frères chuchotant dans un vieux couloir poussiéreux et qu’ils s’arrêtent pour l’attendre, de la complicité plein les yeux ; quand Dennis lui saute au cou pour le saluer le matin ou qu’il s’endort entre eux, la tête blottie sur sa cuisse, pendant qu’ils font leurs devoirs, Ethan est heureux.

Depuis le début de l’année, les parents d’Ethan ont abandonné toutes les procédures de séparation, préférant être malheureux ensemble plutôt que de se partager la fortune familiale. Les lettres et les colis se font rares désormais, après tout l’enjeu n’est plus le même.

Petit à petit, il apprend à ne plus attendre de hibou le matin et quand Dennis tire sur sa manche pour attirer son attention et que Colin rit de son air ébouriffé, ça ne lui fait presque plus mal.

&

Le bal bat son plein dans la grande salle. La musique fait bourdonner les murs et, dans son dortoir, Ethan a l’impression d’être coincé à l’intérieur d’une immense cloche de pierre. Il observe Colin, du coin de l’œil. Ils savent tous qu’il aurait pu y être, lui, dans la grande salle. Qu’il devrait être en train de s’amuser en bas, de danser au bras de sa cavalière et peut être même de boire un peu d’alcool. Après tout, avec sa frimousse malicieuse et ses grands yeux innocents, il est la coqueluche des filles plus âgées, et deux d’entre elles l’ont invité, dont l’une venant de beauxbatons. Ils savent aussi que s’il a refusé, c’est pour ne pas les laisser se morfondre seuls dans leur dortoir.

Le son au rez de chaussé augmente, des rires se font entendre par la fenêtre, venant de la roseraie. Andrew soupire et résume l’opinion générale.

« Colin, Merlin sait si je t’adore mec, mais tu es vraiment con »

Ennuyé, Colin relève le nez de son album. Ethan, avachi contre l’un des montants de son lit, ricane en silence. Après ce qui semble être une intense réflexion, le petit photographe hausse les épaules avec indifférence et se penche vers Ethan pour récupérer une photo de sa pile « noir et blanc ». Le silence retombe, complice. Des sourires jouent sur toutes les lèvres, discrètement, pour préserver les restes de leurs egos de jeunes mâles délaissés.    

Un grondement sourd, lourd, suivi d’un craquement terrible les fait tous sursauter et presque aussitôt le crépitement de la pluie se fait entendre. L’orage qui couvait depuis le début de l’après midi vient de crever et des cris effarouchés se font entendre en provenance du jardin. Geoffrey se lève précipitamment pour fermer la fenêtre, sifflant de surprise au passage devant la force de l’orage. Ethan, lui, ne détourne pas les yeux de Colin. Le regard de ce dernier pétille d’émerveillement, et Ethan tente de trouver la raison.

C’est presque une obsession en ce moment, décrypter les quelques attitudes qui lui sont encore inconnues du petit photographe. Chacun de ces petits mystères, il les voit comme une offense personnelle et il se jure de les élucider tous. Mais cette fois, il n’a pas à chercher trop longtemps. Colin saute sur ses pieds et, un grand sourire aux lèvres, il l’attrape par le poignet et l’entraine en courant hors de la pièce. Ethan, surpris et trébuchant, a juste le temps d’intercepter les commentaires graveleux d’Andrew avant que le tableau de la grosse dame ne claque dans leur dos.

Ils descendent les escaliers à toute vitesse, et Ethan pâlit légèrement à l’idée que l’un d’eux ne se dérobe sous leurs pieds, se voyant déjà tomber dans les airs pour s’écraser sur le marbre froid. Pourtant, il ne peut se résoudre à contredire Colin plongé dans cette étrange euphorie, riant et saluant tous les tableaux sur leur passage de petits gestes de sa main libre. Quand ils finissent par arriver dans le hall du château, ils passent en coup de vent devant les portes ouvertes de la grande salle et quelques élèves se retournent sur leur passage, un sourire aux lèvres. Ethan rougit, se reprend et tente d’arrêter Colin dans l’espoir de conserver un zeste de dignité mais Colin lève les yeux au ciel et resserre sa prise sur son poignet. D’un coup de hanche il ouvre les grandes portes du château, laissant entrer un courant d’air froid et humide. Il tend à Ethan un regard de conspirateur puis, dans une révérence pompeuse adressée à un groupe de jeunes filles gloussantes, il les projette tous les deux au milieu des éléments déchainés.

Aussitôt, la respiration d’Ethan se coupe et il se crispe. Il a l’impression de plonger directement dans un lac gelé. La pluie, lourde, dense, s’infiltre partout, le vent faisant battre autour de lui les pans déjà trempés de sa robe de sorcier. Ses muscles se tétanisent sous la morsure de l’air glacé et il étouffe presque, sa cage thoracique paralysée. Un juron meurt sur ses lèvres alors que Colin l’entraine de nouveau plus loin, lui faisant contourner le château jusqu’à la roseraie.

Le petit photographe sourit toujours, et Ethan en vient à se demander s’il n’est pas devenu complètement fou. Les éclairs qui zèbrent le ciel de plomb envoient des frissons de peur danser le long de sa nuque et de sa colonne vertébrale. Il se sent terriblement vulnérable à cet instant, trainé par son ami qui ressemble bien plus à une créature mythologique et amphibie qu’au petit photographe doux qu’il connait.

Colin freine si brusquement qu’Ethan le percute, et seule sa volonté farouche de ne pas finir dans la boue l’empêche de s’étaler au sol. Il jette un regard peu convaincu autour de lui, incapable d’empêcher ses dents de claquer. Les belles roses semblent presque penaudes ainsi courbées vers le sol, maltraitées par l’eau. Leur fragrance délicate, connue de tous les amoureux du château, se mélange à celle métallique de la pluie et entêtante de la terre, faisant flotter dans l’air ambiant une odeur sirupeuse, ressemblant à celle d’un fruit trop mûr.

Merlin, Ethan sait qu’il est en train d’attraper la plus grosse pneumonie de sa vie, et la seule raison qu’il pourra fournir à Pomfresh est une envie subite de son meilleur ami de venir admirer les fleurs. L’idée est tellement surréaliste qu’il manque d’éclater de rire.

Il se retourne vers Colin et son rire s’éteint devant son expression sérieuse. La pluie plaque ses cheveux sur son visage, les assombrissant, et il semble encore plus jeune que leurs treize ans respectifs. L’eau goutte de ses cils, dégringole le long de ses joues pour dégouliner de son menton. Sa robe de sorcier est collée contre sa peau et Ethan est persuadé de le voir grelotter. Son regard est noir dans la semi pénombre, et Ethan n’ose pas lui demander de rentrer, n’arrive même pas à se rappeler pourquoi cette idée lui est passée par la tête. Colin semble dire quelque chose, mais sa voix se fait engloutir par la pluie une fois ses lèvres franchies. Semblant comprendre qu’Ethan ne peut pas l’entendre, il se rapproche et crie un « Juste à temps » qui n’éclaire pas beaucoup son ami, complètement perdu.

Colin sourit, mutin, et dans un geste fluide attrape son visage entre ses mains gelées. Ethan se fige, tétanisé par l’étrangeté de la situation. Ils sont les yeux dans les yeux, et le sourire de Colin s’étire de plus en plus, radieux, alors que le souffle échappe peu à peu à Ethan. Un gong grave résonne encore et encore, ne faisant que renforcer l’irréalité du moment.

Avec délicatesse, du bout des doigts, Colin le force à se détourner. Le regard d’Ethan suit le mouvement avec réluctance pour plonger dans leur environnement rendu flou par la pluie. Il distingue finalement la silhouette vaguement illuminée de l’horloge ouvragée, sonnant de son gong centenaire le dernier coup de minuit.

« Joyeux noël » lui souffle simplement Colin à l’oreille.

La bouche sèche, Ethan sent son cœur sombrer au niveau de son estomac alors que le bourdonnement de la pluie résonne dans son crâne à l’en étourdir. Les doigts de Colin s’attardent sur sa mâchoire, son rire heureux vibre au creux de son oreille. Il finit par se dégager, ayant l’impression terrifiante de s’embraser à la simple présence de Colin et cette constatation dérangeante lui fait monter le rouge aux joues. Colin cherche son regard, enchanté de sa surprise, mais pour la première fois Ethan ne peut pas l’affronter et il préfère baisser les yeux sur ses chaussures. Des pétales de rose arrachés se noient dans la boue et il les fixe avec désespoir, au bord des larmes sans raison.

Son premier noël loin de sa famille, Ethan le passera finalement dans un lit à l’infirmerie, les oreilles fumantes sous l’effet de la pimentine, Dennis Crivey blotti au pied de son lit comme un chiot fidèle et Colin s’excusant en riant.

&

Fin février, le froid terrible isole désormais le château millénaire dans une gangue de givre. Les premières batailles de boules de neige passées, l’euphorie était retombée et tous les élèves se retranchent à présent dans leurs dortoirs chauffés. Les Gryffondors, perchés dans leur tour, en ont fait une vraie tanière. Des couvertures et des oreillers trainent un peu partout dans la salle commune et les feux ont été poussé au maximum, léchant les bords de l’âtre et répandant une chaleur étouffante.

Dans un coin de la pièce, les troisièmes années se sont regroupées. Esther tresse avec un sourire la chevelure opulente de Veronica. Andrew se tient en équilibre sur l’accoudoir d’un fauteuil, à moitié avachi sur Richie. Demelza et Victoria pincent les lèvres, le regard dans le vide. Geoffrey a levé le nez de son livre, l’air goguenard. Ginny s’est levée et elle observe ses frères en train de faire des expériences sur des premières années avec une expression vaguement moqueuse. Dennis semble rayonner.

Tous s’empêchent de rire.

« …Je suis sûr que tu as triché » accuse finalement Ethan avec une parfaite mauvaise foi.

Colin sourit lentement, graduellement, avec un triomphe presque cruel.

« Echec et mat » prononce-t-il clairement, semblant savourer les mots.

Ethan grogne, vexé, alors que tous ses amis cèdent à leur fou rire. Le petit châtain se lève, exécute une révérence avant de saluer son public de la main qui l’applaudit avec enthousiasme. Le bruit attire l’attention des jumeaux Weasley qui débarquent accompagnés de deux élèves dont la tête possède la forme et la couleur d’une aubergine trop mûre.

« Peut-on s’enquérir des raisons d’une telle hilarité ? » demande George en s’appuyant lourdement sur le dossier d’un fauteuil, le visage fermé dans une imitation parfaite de Mc Gonagall. Veronica désigne d’un élégant mouvement du menton l’échiquier reposant sur la table basse et les jumeaux laissent échapper un même sourire carnassier.

« Oh ! Ethan, l’élève aurait-il dépassé le maitre ? Si mes yeux ne m’abusent, Colin vient de te massacrer ! »

« Ca fait quoi de se faire avoir par l’être le plus naïf de la création ? Un commentaire à partager avec le groupe ? »

Agacé, Ethan se relève brusquement, se dégageant sèchement de l’emprise des rouquins hilares. Il jette un nouveau regard furieux à l’échiquier, mais son roi demeure résolument un genou au sol, vaincu. Les échecs, c’était son point fort. Cette première défaite a un arrière goût amer, que les rires chaleureux autour de lui ne font qu’exacerber. Il respire profondément, tentant de contrôler son envie puérile d’envoyer voler le plateau de jeu.

Une main se pose sur son bras, légère, et il relève la tête. Sa joue se contracte en un tic nerveux quand il croise le regard inquiet et attristé de Colin. Il se fait honte soudain de faire tant d’histoire pour si peu et il lève les yeux au ciel. Quand il fixe de nouveau Colin, il sourit, et il annonce d’une voix claire qu’il ne s’y fera pas reprendre à deux fois.

A cet instant précis, une lumière aveuglante les agresse et Ethan cligne des paupières, ébloui. Ginny leur tire la langue, taquine, exposant dans sa main gauche le précieux appareil photo de Colin et dans l’autre un polaroïd à l’encre humide. Colin, horrifié, et tout enthousiasme disparu se jette sur elle pour reprendre son bien avec des airs de mère poule affolée. La rouquine lève les mains au ciel pour tenter de le calmer, s’excusant entre deux rires, le souffle court et les joues rouges. Colin lui-même ne parvient pas à garder son sérieux et ses réprimandes s’entrecoupent de gloussements.

Discrètement, Ethan récupère le polaroïd abandonné. Il examine le petit bout de papier glacé avec attention, souriant inconsciemment. Sur la gauche, il se voit, parfaite représentation du mauvais joueur morose. A ses côtés Colin rit aux éclats, ravi, levant parfois le bras au ciel en signe de victoire. Comme pour dérider son homologue de papier, il improvise même deux ou trois pas d’une petite danse de la joie et le Ethan miniature semble lutter pour rester en colère. La lumière n’est pas idéale, des ombres viennent parfois dissimuler une expression et l’image est presque floue. Prise à la va vite, un peu ratée.

Ethan la trouve atrocement belle pourtant cette photo, peut être plus que toutes celles qu’il a pu trouver dans les albums de son ami.

Mais soudain Colin la lui arrache des mains puis, après un regard désapprobateur à l’image, il la déchire sans hésitation, tirant à Ethan un glapissement de dépit. Colin lui jette un regard presque sévère, raisonnable, et fourre les restes du polaroïd dans la poche de sa robe. L’ambiance se refroidit légèrement, gênée.

Ils ont treize ans, et Colin vient de détruire la première photo qu’on n’ait jamais prise de lui, sans même sourciller.

Ethan ne peut pas s’empêcher de trouver ca profondément injuste.

&

Ethan est avachi sur le lit, appuyé contre l’un des montants, passionné par un épais grimoire traitant de sortilèges appliqués aux objets. Depuis peu, le sujet l’intéresse tellement qu’il va quotidiennement emprunter de nouveaux livres à la bibliothèque.

Ceux de son année lui font les gros yeux, lui répétant que ce n’est pas sain de prendre du travail en plus pendant leur dernière année de tranquillité avant les B.U.S.E.S. Colin ne dit plus rien depuis qu’Ethan a découvert dans ses livres un sort de pérennité permettant, une fois lancé sur la potion de révélation, de conserver le mouvement d’une photo pour toujours. Le petit châtain l’en remercie encore parfois aux moments les plus incongrus, et ces explosions décalées de joie réussissent toujours à tirer un sourire amusé à Ethan. Ils sont en quatrième année à Gryffondor et ils ont l’impression que cela durera toujours.

Dans la chambre, un doux bourdonnement de l’horloge de Geoffrey lui indique que minuit vient de passer. Avec un bâillement peu élégant, Ethan cherche à tâtons la petite lampe en forme de botruc perchée sur la table de chevet et l’éteint. Quand il referme avec délicatesse le vieil ouvrage, il crée un nuage de poussière qui s’en va danser paresseusement dans les rayons de lune. Un éternuement le fait sursauter et il se retourne.

Colin est allongé juste à côté de lui, recroquevillé sur lui-même pour conserver un maximum de chaleur. Les draps sont roulés en boule au bout du lit et le petit photographe frissonne, seulement vêtu de son boxer et d’un long tee-shirt blanc. Il marmonne dans son sommeil et se rapproche d’Ethan pour lui voler un peu de chaleur, fronçant son nez dans un dégout presque aristocratique quand une mèche de cheveu un peu trop longue vient le chatouiller. Cette expression fugace est si inhabituelle sur son visage qu’Ethan doit se retenir d’éclater de rire et il se contente de dégager l’impertinente du bout des doigts et la replacer soigneusement derrière son oreille. Colin laisse échapper un son proche d’un ronronnement et, dans un geste aussi inconscient que décidé, il cale son menton dans la paume d’Ethan. Sur sa gorge, les doigts crispés par la gêne du brun tentent de toucher le moins possible de peau, mais il sent quand même la vibration produite par le grognement de satisfaction de Colin et cette sensation le trouble légèrement.

Avec précaution, il étire son bras libre pour récupérer les draps au fond du lit et il les tire sur eux. Le petit châtain disparait littéralement sous une masse de tissus blanc à l’odeur de savon, ne laissant émerger que sa tête toujours blottie au creux de la main de son ami. Protégé du froid, Colin se détend et s’étire légèrement, posant mollement dans le mouvement sa main sur le genou d’Ethan. Il attire la jambe à lui, manquant de faire basculer le brun, surpris de la force de l’endormi. Le photographe bougonne en sentant sa prise remuer et il la cale avec autorité contre son front, son nez venant frotter l’étoffe du pantalon.

Ethan, en équilibre précaire sur le bord du lit, plié en deux et une jambe dans le vide, éclate de rire devant le ridicule de sa situation. Il reste discret car Andrew a le sommeil léger et une certaine ressemblance avec une harpie en furie quand on le prive de ses neuf heures de sommeil. Ethan ferme les yeux et se laisse aller en arrière, la tête contre le montant du lit et les yeux au plafond, en tentant de contenir ses gloussements. Son rire résonne, étouffé, dans la petite chambre, camouflé par les ronflements de Richie et Ethan se sent bien. Heureux sans raison et à sa place.
Quand enfin il finit par retrouver son calme, il reste de longues secondes à fixer le vide avant de laisser tomber son regard sur Colin. Il sourit, mais son sourire est un peu douloureux. Ce n’est pas une nouveauté mais une fois de plus, la scène qu’il a devant les yeux lui coupe inconsciemment le souffle. A cet instant, il n’imagine pas d’image plus belle que celle du petit châtain profondément endormi, ébouriffé, se découpant juste à la lumière de la lune sur une mer de coton blanc. Il voudrait pouvoir atteindre l’appareil photo de Colin et fixer pour toujours cet instant sur papier et le garder juste pour lui. Mais Colin le serre contre lui, l’appareil est soigneusement rangé dans sa malle et il est incapable de bouger.

Comme toujours, cette fascination presque religieuse qu’il ressent le dérange. Il sait que ça n’est pas normal de vénérer ce genre d’instant. D’être heureux de pouvoir connaitre le son d’un rire. De collectionner chacun des regards qu’il reçoit. De vouloir apprendre chacune des expressions de ces traits doux et chacune des intonations d’une voix enthousiaste. D’être capable de deviner son humeur à sa démarche ou à la teinte de ses yeux. D’être comblé par la seule pensée qu’il est celui vers lequel Colin se tourne toujours, oubliant les autres comme s’ils n’étaient au final que quantité négligeable.D’être le gardien de ses peurs, ses rêves et ses nuits.

Il sait qu’un garçon ne devrait pas être profondément heureux en observant un autre garçon vivre. Il découvre qu’on peut mal aimer et ca le terrifie, lui le Gryffondor. Cette différence honteuse au fond de lui lui fait bien plus peur que la guerre qui gronde au dehors. Un monstre revit, tranquillement protégé par le déni de tout un peuple, et lui ne se soucie que de cette amitié trop extrême qu’il ne sait expliquer et qui le ronge.

Il se sent soudain mal à l’aise, comme s’il était en train de commettre quelque chose de mal. Il sait qu’il devrait se lever et aller se coucher dans son lit, ne pas encourager ce qui gronde au fond de sa tête. Il voudrait fuir loin de son propre corps, de ses pensées confuses. Mais finalement il se contente d’arracher sa jambe à la prise de Colin avant de se glisser sous les draps, encore tout habillé. Colin soupire et se blottit contre lui comme un immense chaton. Ethan sait que s’il s’endort comme ça, il aura la main tout engourdie le lendemain et que les trois autres se moqueront d’eux pendant des jours après les avoir surpris ainsi. Sans parler de Lee et des jumeaux.

Il hausse les épaules, enfoui son nez dans une chevelure ébouriffée à la douce odeur d’amande douce et ferme les yeux avec un soupir.

&

« Colin, laisse-en un peu aux autres… » râle Andrew en s’avachissant sur la table pour tenter d’attraper le poignet du petit photographe. Colin se recule en riant, se penchant en arrière à en tomber du banc. Veronica siffle une remarque peu élogieuse avant de pincer les côtes d’Andrew qui se redresse en glapissant. Des chamailleries éclatent aussitôt entre la blonde et Andrew, assis directement sur la table et la bombardant de raisin sec.

Une voix minaudante mais sèche claque soudain dans la grande salle, douchant immédiatement le début de chaos à la table des Gryffondors. Andrew lance un regard sombre en direction d’Ombrage mais reprend docilement sa place sur le banc, grommelant une insulte à propos d’un certain crapaud tyrannique.

Seul Ethan reste calme, complètement détaché de cette atmosphère conspiratrice, fixant son assiette sans la voir. Au milieu de la porcelaine blanche, un visage maladroit au sourire bancal lui renvoie son regard vide. Perdu dans ses pensées, jouant avec sa fourchette du bout des doigts, Ethan, du haut de ses quatorze ans, accepte avec fatalité le fait que son monde vient de basculer. C’est étrange, il s’imaginait une ambiance grandiloquente, exceptionnelle pour accompagner ce genre de révélation.

Ils sont le huit octobre et un brouillard épais étrangle le château. Le plafond enchanté, couvert de nuages noirs, écrase un dîner se déroulant dans une ambiance morose. De nombreuses lois ministérielles fleurissent sur les vieux murs et Poudlard s’enferme dans un silence docile sous le regard satisfait d’Ombrage. Seuls les anciens professeurs sont capables de percevoir sous cette soumission obséquieuse le bourdonnement furieux de la ruche de pierre dérangée.

Mais de tout cela, Ethan s’en moque éperdument. Ce qui l’intéresse surtout c’est de savoir comment il va bien pouvoir faire pour se lever de ce banc, regagner son dortoir et faire comme si tout était normal.

« Ethan, tu es sûr que ça va ? » s’inquiète une voix douce en face de lui.

Ethan relève la tête par saccades, apeuré mais bien incapable de faire autrement. Là, il tombe sur Colin, le front plissé par la sollicitude et les cheveux en bataille après qu’il ait insisté pour faire un tour sous les rafales de vent. Ethan tente de lui sourire pour le rassurer mais son rictus grimaçant semble l’angoisser plus qu’autre chose. Le brun voudrait bien pouvoir tout lui avouer, se débarrasser de ce poids dont il sait déjà qu’il finira par le broyer. Car ce secret là n’a rien de la douce culpabilité qu’il ressentait après avoir consulté dans son dos ses albums photos. Ca le ronge déjà, ça le pétrifie de peur et il sait que si jamais un jour Colin l’apprend, cela détruira tout.

« Tu m’en veux ? Je sais que tu n’aime pas qu’on touche à ton assiette, mais j’ai fait ça pour rire tu sais… » plaide Colin en se penchant en avant, l’air préoccupé. Ethan soupire.

Il lui a fallu plus de trois ans pour admettre que Colin était la plus belle découverte qu’il ait faite. Malgré le fait qu’il soit littéralement obsédé par Harry Potter. Malgré le fait qu’il aime les balades sous l’orage et le bruit de la pluie se fracassant sur les vitres. Malgré ces heures allongé dans l’herbe à attendre la lumière idéale pour photographier une fleur. Malgré ses idées irréalistes et ses convictions naïves. Malgré ses yeux trop bleus pour qu’il ne parvienne à lui refuser quoique ce soit. Ou, peut être, à cause de tout ça.

Il trouve donc ça stupide de n’avoir eu ce déclic qu’après tout ce temps, après tous ces indices. Pour une raison aussi banale.

Pour un visage en chocolat tracé avec soin sur une crêpe.

Une étincelle vient de jaillir de son quotidien et menace de tout brûler jusqu’à l’os.

« Ce n’est rien » ment-il avec toute l’assurance dont il est capable. Colin lui sourit, un sourire soulagé et penaud à la fois.

Un sourire qu’Ethan voudrait pouvoir dévorer à même ses lèvres.

Huit octobre sur Poudlard, et la tempête gronde aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des murs. Le château ronronne comme un fauve aux aguets, guettant la faille chez son nouvel ennemi au gilet rose à froufrous. Et sur le banc des Gryffondors, un petit brun soupire de nouveau, avec résignation.

Car Ethan Lynkilen est amoureux d’un petit rêve aux yeux clairs, et, du haut de ses quatorze ans, il sait déjà que le réveil sera dur.

&

« Ethan, tu m’écoutes ? »

« Hm » soupire le brun.

« Il ment, je l’ai vu rêvasser devant les nuages qui passent » le dénonce Geoffrey en sortant sa tête d’un livre à la couverture de cuir violet.

Colin pince les lèvres, vexé, mais Ethan ne voit sa mine chiffonnée et outrée, trop occupé à fusiller le délateur du regard. Ce dernier hausse les épaules avec indifférence avant de retourner à sa lecture.

« Je t’écoutais » affirme ensuite Ethan avec conviction - et une parfaite mauvaise foi.

Dans son lit, Geoffrey ricane bruyamment. Ethan laisse jouer un instant ses doigts sur sa baguette, hésitant, avant de se retourner lentement et de sourire.

« Expelliarmus » prononce-t-il soigneusement avec un soupçon de sadisme. Le sort traverse le dortoir en sifflant avant de précipiter Geoffrey dans ses coussins en lui tirant un couinement étranglé. Après avoir repris sa respiration il se redresse sur ses coudes avant de grogner une injure acide.

« Tu vois Colin. J’écoutais » conclut le brun, satisfait, avant de poser ses mains sur ses genoux, une moue d’enfant sage sur le visage. Colin tente tant bien que mal de prendre un air réprobateur, se mordant la lèvre pour ne pas sourire. Raisonnable, Ethan détourne le regard de la bouche maltraitée, étranglant les images totalement déplacées qui lui passent à l’esprit.

« Tu attaques des gens désarmés maintenant Lynkilen ? Pas digne d’un Gryffondor ça » se moque Richie en pénétrant dans la chambre, imitant à merveille la voix de Coleman le Serpentard.

« Bah, je suis sûr qu’il avait une bonne raison. Mais tu aurais pu penser aux autres, et lui lancer un silencio à la place. Quant à moi, je vais prendre une douche, une telle chaleur devrait être illégale » geint Andrew en reniflant le col de sa chemise avec une grimace dégoutée. Richie s’écarte d’un pas symbolique, le nez froncé. Andrew le bouscule en passant avant de se précipiter dans la douche. Une chaussure vient s’abattre sur la porte à peine fermée et Geoffrey siffle, frustré d’avoir loupé sa cible.

« Bon, reprenons » finit par dire Colin en se raclant la gorge, les yeux pétillants d’amusement « Je disais donc que nous avions vu tous les nouveaux sorts que j’ai…appris » soupire le petit châtain avec une grimace.

Ethan lui sourit, amusé. Il sait pertinemment que Colin ne peut lui dire où il a soudain appris tous ces sorts, dont certains réservés au programme de septième année. Il n’a pu lui parler que d’une promesse et d’un parchemin signé dans un bar louche à Pré au Lard avant de se taire avec une grimace contrite. Un serment l’empêche de lui révéler un secret et Ethan ne peut s’empêcher d’être flatté par sa frustration.

Mais malgré ce silence forcé, il ne lui a pas fallu longtemps pour deviner ce qu’il se tramait. Il lui a suffit de surprendre les sourires gorgés de défi et de satisfaction des jumeaux Weasley et des frères Crivey durant les discours d’Ombrage pour comprendre que la rébellion latente des étudiants s’était concrétisée.

Et il lui avait suffi d’observer la lueur dans les yeux de Colin après ses expéditions nocturnes pour savoir qui en était l’instigateur. Potter, évidemment. Quel autre élève aurait osé s’élever contre un professeur et un envoyé du ministère ?

Colin lui avait bien proposé à demi mots de rejoindre leur mouvement de sécession mais le brun avait feint de ne pas comprendre. Ethan est amoureux, mais pas stupide, et il bien conscient que passer ses soirées dans la même pièce que son rival inatteignable ne pourrait que mal finir. Le petit photographe a insisté mais Ethan a détourné les yeux des mimiques implorantes et des expressions déçues.

L’idée a donc été oubliée en douceur mais, pour ne pas le laisser trop à l’écart, Colin a décidé de lui apprendre tous les nouveaux sorts enseignés par le Survivant. Ethan a bien tenté de refuser à nouveau, mais l’idée d’apprendre à protéger Colin avait surpassé ses réticences.

« Ethan, toujours avec moi ? » murmure le petit photographe, amusé par la distraction de son ami. Le brun se tourne vers lui et lui sourit doucement avant de hocher la tête. «

Tu me montres comment tu t’en sors avec ton patronus ? » continue innocemment Colin. Ethan hoche de nouveau la tête, soudain concentré.

Contrairement aux autres du dortoir, il n’a pas mis longtemps pour apprendre ce sort de haute magie. Car en quatre ans à Gryffondor, Ethan a accumulé assez de souvenirs heureux pour exécuter des dizaines de patronus. Il lève sa baguette, souffle le sort alors que l’image de Colin endormi contre lui s’installe confortablement dans son esprit.

Une lumière argentée éclaire la pièce dans un flash avant de s’adoucir, laissant place à la silhouette encore légèrement floue d’un grand chien au museau pointu et aux poils longs. Ce dernier flotte un instant au dessus de la couverture de laine avant de se rapprocher de Colin contre qui il frotte sa truffe immatérielle. Le petit photographe glousse avant de mimer une caresse avec un air sérieux mais enchanté. Cela fait plusieurs semaines que le patronus a pris sa forme corporelle, et cette dernière s’est instantanément entichée de Colin sans que son sorcier ne puisse rien y faire.

Le comportement étrange du sortilège est une source illimitée de plaisanteries au sein du dortoir alors que Colin semble au contraire chercher le moindre prétexte pour le voir. Et Ethan continue donc à se montrer en spectacle devant ses amis dans le seul but d’allumer à son tour cette lueur émerveillée dans les yeux bleus. Pendant un instant, il se hisse au niveau de Potter et il ne se lasse jamais de ces petites victoires.

Puis il croise le regard amusé et affectueux de Geoffrey, toujours étalé sur son matelas, et son sourire triomphant se fane. Les petits surnoms fleurissant dans son dortoir lui reviennent à l’esprit. La groupie du Fan. Le Colley de Colin.

Le Chien du Berger.

En observant le petit photographe rire alors que le patronus semblait l’écouter avec attention, Ethan se fait une fois de plus la réflexion que les comparaisons sont un peu trop justes. L’amertume vient ronger ses pensées heureuses et le canidé argenté se dissout dans les airs, sous l’œil déçu de Colin. La lueur dans le regard bleu s’éteint elle aussi et Ethan se rappelle alors que lui, il ne peut la faire apparaitre que fugacement.

Pour Harry Potter, elle brille bien plus fort et tellement plus longtemps. Ethan ferme les yeux. Une fois de plus, il se demande combien de temps il pourra supporter de passer toujours en second.

Malgré son jeune âge, Ethan Lynkilen est quelqu’un de très raisonnable. C’est pour cela que même dans ses projets les plus fous, il n’espère pas que le chien se transforme un jour en étoile.

Mais on lui a appris à rêver. Alors, souvent, il souhaite que le berger détourne son regard du ciel et baisse un peu les yeux sur lui. Et pour cela, il est près à attendre le temps qu’il faudra.

&

Ils ne sont en cinquième année que depuis peu mais déjà la pression commence à les étouffer. Les BUSES se rapprochent inexorablement, et les professeurs les noient sous des mètres de parchemin. Mais, plus que tout, ce sont les premières pages des journaux qui menacent de faire basculer le fragile équilibre de Poudlard dans l’enfer.

Celui dont on ne doit pas prononcer est de retour et la peur griffe déjà les murs du château.

Ce matin là, quand Ethan reçoit une lettre au sceau du ministère, il a le pressentiment qu’il ne va pas aimer ce qu’il va lire. Une calligraphie serrée, tatillonne, lui annonce que des mangemorts ont attaqué leur maison. Que son père a sauvé sa mère et qu’il en est mort. Il repli avec précaution le parchemin.

Son père est un héros. Son père est mort.

Quand il l’annonce à Colin d’une voix neutre, au milieu de la salle commune, il voit son visage se décomposer. Ethan l’observe avec une curiosité détachée, celle d’un scientifique tentant de décrypter le comportement d’un cobaye. Il n’a même pas conscience du silence soudain dans la salle commune, des rires interrompus et de la gêne, pesante, qui s’abat comme une chape de plomb sur l’ambiance bonne enfant. Lui ne voit que ces yeux trop bleus, immenses, sa pâleur et sa bouche tordue. Il a brisé son sourire, et ce fait lui semble bien plus atroce que l’entête du ministère en haut d’un parchemin.

Colin attrape son bras et le traine, littéralement, dans leur chambre. Il y a une urgence dans ses gestes, dans son regard, qui le surprend.

Quand il le tire sur son lit et le serre contre lui, il ne comprend pas plus. Il sent les bras qui tremblent autour de lui, les doigts qui se crispent sur sa chemise, les larmes qui tombent dans son cou. Il entend les sanglots et les excuses balbutiées, et ça aussi il ne le comprend pas. Colin n’a rien à voir avec ça, alors pourquoi s’excuse-t-il ? Cela ne devrait pas le concerner, alors pourquoi pleure-t-il ?

Ethan ignore aussi pourquoi son ami le serre aussi fort, comme s’il avait peur de le voir s’effriter, comme s’il pouvait l’empêcher de tomber en morceau par la seule force de ses bras. Il trouve ça ridicule cette façon qu’il a d’hoqueter des phrases sans sens, des regrets mêlés à des encouragements, des menaces et des promesses de vengeance.

Ethan ne comprend pas. Et pourtant, tout contre Colin, il laisse une larme lui échapper. Puis une deuxième. Parce que finalement, lui aussi possède un héros pour père. Parce qu’il avait enfin de quoi se vanter auprès de ses amis. Parce que son père en est mort et que ça fait mal. Parce qu’il découvre que, même du haut de ses quinze ans, il ne peut s’empêcher de s’effondrer comme un enfant. Parce qu’il est vide à l’intérieur, et qu’il s’accroche à Colin comme s’il était la dernière chose qui puisse l’empêcher de sombrer. Il froisse entre ses doigts la chemise du châtain, et il est parfaitement incapable de s’éloigner de lui. Il l’écrase contre lui, le nez dans son cou et il ne peut s’empêcher de le supplier de faire quelque chose, de lui rendre son père. A cet instant,

Colin est son monde, son dieu, et il le prie en sanglotant, trop dévasté pour apercevoir l’expression douloureuse et impuissante de son ami.

Quand Ethan s’endort, il a l’impression d’avoir pleuré des heures et d’être aussi faible qu’un Poufsouffle de première année. Mais sous les couvertures il n’est pas seul, et même au milieu de la nuit, Colin le serre contre lui avec désespoir, le berçant doucement.  

&

Colin sort avec une fille de Serdaigle, une certaine Leah Dorny. Ethan la déteste, évidemment. Il sait qu’il est injuste avec elle. Elle est belle, ça aussi il le sait. Elle est drôle et intelligente lui a-t-on dit. Mais il la hait, de plus en plus. C’est presque de la révulsion à présent et sa présence le fait souffrir presque physiquement. Parce qu’elle peut se permettre ce qu’il ne peut que rêver. Elle peut l’embrasser. Le toucher. Caresser ses cheveux. Tous ces gestes, auxquels il n’aura jamais droit et qu’il est forcé d’observer jour après jour.

Alors il sort les griffes, cherche le conflit et le trouve. Car elle est combative et refuse de se laisser faire. Et quand il finit par étouffer un peu trop de la voir le faire rire, ses yeux se plissent, haineux, et sa voix se fait venimeuse. Elle frissonne parfois, et il se demande si elle est capable de percevoir l’étendue de sa rancœur.

Colin soupire, Ginny et Demelza le pincent avec un regard noir. Au final, Leah se tourne toujours vers Colin pour lui demander de la défendre.

Une fois de plus, Colin soupire. Mais il ne dit rien. Jamais, malgré tout l’espoir qui brille dans les yeux de Leah. Il se tait et les traits de la belle s’affaissent, son sourire s’efface. Elle part souvent, au bord des larmes parfois. Ginny hurle au scandale, elle a même déjà baffé Ethan. Demelza court généralement après la Serdaigle avec un regard écœuré.

Mais Ethan s’en moque. Il fixe Colin qui ferme les yeux, las. Il le dévisage comme un chat fixerait un pot de crème. Avec convoitise, avec possessivité.

Et il se moque aussi de la grimace gênée d’Andrew, de l’expression neutre de Veronica, de la douce compassion d’Esther, du regard pudiquement détourné de Richie, des soupirs de Vicky ou de Geoffrey secouant la tête, affligé. Il ne sait pas jusqu’à quel point ils ont percé son secret honteux. Car il est encore le premier pour Colin.

Même s’il sait qu’il est un crétin, pendant un instant il est heureux. Après tout, il est juste un crétin jaloux.

Juste un crétin trop amoureux.

&

Cinq semaines plus tard, ils sont en plein cours de métamorphose et Colin tire la langue, plongé dans une réflexion visiblement complexe, tentant de deviner comment il est exactement censé parvenir à changer cette assiette en être vivant. Il est concentré, et Ethan, la tête posée sur sa main, le dévisage sans gène. Il a déjà trouvé comment faire lui, et son assiette, munie de trois pattes et d’un œil est à présent tapie sous leur bureau. Il a bien essayé de souffler la réponse à son ami, mais ce dernier lui a immédiatement renvoyé un regard outré, comme s’il venait d’être mortellement insulté.

Son entêtement fait rire Ethan, et il sait parfaitement que d’ici peu il finira par craquer et lui jeter un regard suppliant. Alors il attend, patiemment, souriant, simplement heureux de le voir ainsi, renfrogné et se mordillant la lèvre.

Quand la porte s’ouvre en claquant sur le préfet des Serdaigles, toute la classe sursaute. Le garçon jette un regard gêné sur Ethan et vient chuchoter quelque chose à l’oreille de Mc Gonagall. Cette dernière grimace, hoche la tête.

« Monsieur Lynkilen? Veuillez vous rendre dans le bureau du directeur, une personne demande à vous parler. Le mot de passe est ‘Espoir’»

La voix de son professeur est douce, bien trop, et un mauvais pressentiment vient immédiatement étreindre Ethan. Il se lève mais s’arracher à l’atmosphère douce, studieuse et banale de la classe le terrifie. Aussi quand Colin se redresse comme un ressort et annonce qu’il l’accompagne, il a l’impression de retrouver un peu d’oxygène. Mc Gonagall essaye bien d’empêcher cette désertion sans fondement de son cours, mais le jeune Crivey est si décidé, si inquiet, qu’elle ne dit rien et se contente de les congédier d’un geste agacé de la main.

Leur trajet leur parait bien trop court, malgré leur démarche lente et hésitante. Quand finalement ils poussent les portes du bureau, Ethan grimace.

Albus Dumbledore est assis derrière son bureau, et Ethan a l’impression fugitive de voir un vieillard que le temps a rongé. Ce constat le terrorise autant que les inconnus en face de lui en robes vertes, un os et une baguette croisés sur la poitrine, symbole de Sainte Mangouste. Il a beau essayer de se rassurer en se rappelant que cela fait bien longtemps que l’on se contente d’annoncer les morts par envoi d’un hibou, il ne peut s’empêcher de tressauter quand le directeur leur propose de s’asseoir.

« Monsieur Ethan Lynkilen je suppose ? » commence la femme d’une voix douce. Ethan hoche la tête et il voit nettement un éclair de pitié éclairer ses yeux noisette. Un instant, il se demande s’il a vraiment l’air aussi misérable qu’il le pense. « Je suis au regret de vous avouer que si nous sommes là, ce n’est pas pour vous annoncer une bonne nouvelle. Votre mère, Emeline Lynkilen, est internée depuis maintenant huit jours dans notre établissement »

Ethan tique sur le mot ‘internée’ mais ne fait aucun commentaire. A côté de lui, il entend le hoquet horrifié de Colin et il se sent presque honteux d’être tellement soulagé.
S’apercevant que le jeune Lynkilen ne compte pas ouvrir la bouche, l’autre médicomage s’avance.

« Le cas de madame Lynkilen est assez grave. Nous avons tenté tous les sorts que nous connaissions mais nous sommes impuissants. De plus, sa nature de cracmole nous interdit l’utilisation de nombreux sortilèges plus puissants. »

Ethan hoche la tête, digérant stoïquement les informations qui lui sont données. Ses mains tremblent mais il n’en tient pas compte.

« Que s’est il passé ? » demande-t-il simplement, avec une curiosité placide qui semble interpeller tous les personnes présentes. Le médicomage est le premier à se reprendre et sa réponse est prudente, empruntée.

« Votre mère a été retrouvée par un de vos voisins en train de parler seule dans le jardin et de se mettre des fleurs dans les cheveux. Après examen approfondi, il semblerait que le choc de la mort de son mari lui ai fait oublier toute sa vie d’adulte. Dans sa tête, elle n’est qu’une adolescente qui va bientôt se marier »

Ethan a un sourire amer. Alors finalement, sa mère s’était souvenue qu’elle avait aimé cet homme à la folie, qu’elle l’avait aimé bien plus que l’argent ? Elle avait fini par réaliser qu’elle l’aimait encore, malgré tout, et elle l’avait réalisé trop tard.

Ses parents sont de parfaits héros de tragédie romantique, et cela le ferait presque rire.

 « Se souvient-elle qu’elle a eu un fils ? » se renseigne-t-il avec détachement et il voit les yeux de la jeune femme s’assombrir alors qu’elle détourne le regard.

« Non » dit-elle tout simplement avant de reprendre « C’est la raison de notre visite. Nous souhaitons vous escorter jusqu’à Sainte Mangouste. Vous revoir lui permettra peut être de retrouver la mémoire »

Une bouffée d’espoir l’étouffe soudain à l’idée que ça pourrait être aussi simple que cela. Juste la voir et elle retrouverait sa lucidité. Et puis, il se rappelle qu’ils l’ont trouvée en train de se mettre des pâquerettes dans les cheveux. Il se souvient que le monde actuel, son monde, n’est pas si simple.

Elle est plongée dans un univers sans guerre, sans mort, seule avec le seul homme de sa vie. Elle a préféré fuir la réalité, car l’existence de son fils ne parvenait pas à compenser l’horreur qu’était devenue sa vie. Ethan ne se demande pas s’il a le droit de l’extirper de force de ce beau rêve qu’elle s’est forgée. Il sait. Il n’a que quinze ans, mais il se doit déjà de faire des choix raisonnables, d’ignorer que sa mère ne connaitra plus son prénom ou sa manie de laisser trainer ses affaires. Il se sent si usé, si vieux à l’intérieur qu’il s’étonne de voir que ses mains sont toujours aussi lisses que celle d’un adolescent normal. Il se fait la constatation distraite que même son corps le trahit.

« Non »    

Sa réponse, catégorique, semble choquer les medicomages qui l’observent avec des yeux ronds. Eux n’ont pas songés un instant qu’il pourrait refuser. Sa mère est malade, il faut la soigner. Qu’elle soit plus heureuse dans son monde onirique leur importe peu. Ils la préfèrent guérie et malheureuse, ils la préfèrent normale. Il ricane et il voit la femme sursauter, choquée.

« Mais vous avez une chance de permettre à votre mère de sortir de Sainte Mangouste » répète l’homme, incrédule, comme s’il le pensait assez stupide pour ne pas avoir compris la première fois.

« Je sais. Si vous n’avez rien d’autre à m’annoncer, puis je retourner en cours ? » Malgré sa politesse, il se rend bien compte que les adultes posent sur lui un regard mortifié. Il les horrifie, ils doivent voir en lui une espèce de monstre qui ne prend pas la peine de se déplacer pour aller sauver sa mère. Il a envie de les frapper.

Seul Dumbledore ne dit rien. Il croise ses mains et appuie le bout de ses doigts sur son nez, assez fort pour faire blanchir sa peau. Mais il n’intervient pas, même quand les deux médicomages se tournent vers lui avec l’air agacé des adultes devant ce qu’il considère comme un caprice d’enfant, exigeant de toute leur expression outrée une intervention de sa part.

Les adolescents quittent finalement le bureau en silence, laissant derrière eux un Albus encore vieilli et deux médicomages horrifiés. Dans le couloir, Colin attrape sa main avec autorité et, sans un mot, le tire en direction de leur tour. Le châtain a des larmes au bord des yeux et Ethan les essuie du bout des doigts, avec un petit sourire douloureux.
Colin ne pose pas de questions, Colin sait, et Colin pleure.


Ethan a quinze ans. Son père est un héros, sa mère une princesse romantique. Il a quinze ans et son père est mort alors que sa mère a sombré dans la folie.

Et la nuit, Colin Crivey le serre dans ses bras jusqu’à ce qu’il arrête de hurler.

&

La rumeur a rampé dans la salle commune avec frénésie. Colin Crivey et Dorny, la belle  Serdaigle, se sont séparés. L’information parvient aux oreilles par la voix délicate de Ginny qui se plante devant lui, les mains sur les hanches et l’air furibond. Il reste impassible sous ce regard accusateur, trop sonné pour réagir. Dean, l’actuel petit ami de Ginny, tente tant bien que mal de la calmer, adressant à Ethan un regard désolé. Mais la rouquine est plongée dans une telle rage qu’il finit par se laisser tomber dans son fauteuil et d’abandonner avec un haussement d’épaule. La voix de Ginny continue de prendre de l’ampleur, attirant l’attention de toute la salle commune sur eux. Elle lui hurle presque que tout est de sa faute, que Leah a exigé de Colin qu’il choisisse entre Ethan et elle et que Colin a préféré rompre. De nouveau, les chuchotements s’élèvent dans la pièce, avec ce ravissement faussement compatissant qu’affectent les spécialistes des ragots.

La jeune Weasley s’interrompt soudain, outrée. Elle vient de deviner dans le regard noir de son ami une flamme de triomphe et elle fronce les sourcils. Puis, alors que désemparée, elle cherche une explication, elle capte le sourire tendre et attristé d’Esther et celui moqueur et satisfait de Veronica. Et elle semble comprendre la petite rousse, car ses pommettes rougissent violement et qu’elle se mord la lèvre, mortifiée.

C’est sur ce silence de mort, gêné, que s’ouvre le tableau de la grosse dame pour laisser entrer Colin, trempé jusqu’aux os par la pluie. Tous les regards se détournent avec pudeur, les conversations reprenant avec un naturel forcé. Mais Colin traverse la salle commune sans même sembler s’apercevoir de leur présence et il monte l’escalier, les épaules basses.

Tous les regards convergent vers Ethan qui soupire avant de se masser les yeux du bout des doigts. Finalement, après une longue minute, il se lève et rejoint à son tour son dortoir, entendant clairement les conversations éclater dans la salle commune dès son départ.

En entrant dans la chambre il tombe sur la vision de Colin torse nu, s’essuyant les cheveux avec des gestes hachés. Il redresse doucement la tête avant de fixer Ethan dans les yeux. Son expression est grave, sa bouche étirée en un rictus amer et une ride barre son front. Ses cheveux retombent en mèches lourdes sur son regard presque froid.

Ethan le trouve beau à en pleurer.

Il sait qu’il devrait le rejoindre sur son lit comme il le fait depuis quatre ans. C’est leur rituel et l’album photo est déjà posé sur la couverture de laine près de son propriétaire.

Mais devant ce visage fermé, presque blessé, Ethan perd tout son courage de Gryffondor et lui tourne le dos pour se jeter sur son propre matelas. Il se tasse contre le mur, ramenant ses jambes contre sa poitrine et croisant ses doigts sur ses tibias. Il pose son front sur ses genoux et ferme les yeux de toutes ses forces. Il le savait pourtant qu’un jour sa jalousie détruirait tout. Mais il n’est pas prêt à le perdre, pas encore. Il voudrait simplement qu’on le laisse profiter de sa présence encore un peu, juste un peu plus.

Le matelas s’affaisse soudain sous le poids d’un autre corps et une main fraîche vient se poser sur la nuque d’Ethan. Un soupir se fait entendre près de son oreille et les doigts jouent sur sa nuque comme pour l’apaiser.

« C’est vrai ce que tout le monde raconte ? Leah t’a quitté à cause de moi ? » souffle-t-il sans bouger, incapable de l’affronter. De nouveau, Colin soupire et secoue la tête.

Quelques gouttes d’eau glacée s’échappent de ses cheveux et atterrissent sur les mains d’Ethan, lui arrachant un frisson.

« Elle m’a demandé de choisir entre mes amis et elle. Quand on aime quelqu’un, on ne lui impose pas ce genre de choix » esquive Colin.

« Et toi ? Tu l’aimais ? » ne peut s’empêcher de demander Ethan. Le silence qui succède à sa question le pétrifie et il se demande si sa jalousie n’a pas trop suintée de sa voix.

Mais Colin finit par répondre, à voix basse.

«…Non »

Un éclat de joie s’incruste dans le cœur d’Ethan avant de disparaitre immédiatement, le laissant abattu et malheureux. Combien de temps cette situation pourra-t-elle durer ? Colin tombera amoureux, se mariera même un jour. Comment pourra-t-il bien supporter de le voir heureux avec une autre personne ? Comment pourra-t-il ne pas mourir en l’imaginant dans des bras qui ne sont pas les siens pendant toute une vie ?

Il serre les dents et se blottit de nouveau contre le montant de son lit, se terrant comme un animal blessé. Il voudrait que Colin le laisse seul pour ruminer, s’enrouler dans sa culpabilité et sa peur. Qu’il s’écarte et qu’il emmène avec lui sa peau trop douce, sa présence rassurante et les miettes d’espoir qu’il lui impose involontairement.

Mais Colin restant Colin, il se rapproche encore et laisse ses doigts se perdre dans les cheveux d’Ethan en une caresse rassurante. Ethan ferme un peu plus les yeux.

« Ce n’est pas ta faute tu sais ? Ca arrive ce genre de choses.» murmure le petit photographe.

Ethan retient un rire acide devant le mensonge flagrant de son ami. Il voudrait lui dire que si, tout est de sa faute, car il l’aime mal. Car il lui ment depuis trop longtemps et qu’il ne sait plus comment être un ami. Il voudrait lui promettre de faire des efforts, de revenir à des sentiments plus raisonnables, de ne plus intervenir dans sa vie. Lui jurer de changer, de devenir un ami modèle, d’étouffer cet amour absurde.

Mais il se tait, car il ne veut plus mentir. Et que tous ces serments, jamais il ne pourra les tenir. Il est trop tard pour revenir en arrière, et il préfère continuer à s’écorcher à sa présence plutôt que de le perdre.

« Je suis désolé » lâche-t-il seulement d’une voix rauque. Il tourne la tête et pose sa tempe sur son genou, fixant le châtain dans les yeux avec sincérité. La main de Colin n’a pas suivi le mouvement et repose sur sa joue sans bouger, brulant la peau d’Ethan qui se retient de refermer les paupières de bien être.

« Et je ne t’excuse pas, après tout il n’y a pas de raison. Bon et maintenant, tu ne comptes même pas essayer de me consoler ? Je suis déçu, moi qui m’attendait à de longs discours sur l’amour qui n’est pas un fleuve tranquille et qui comporte de nombreux écueils … » Sa voix s’éteint d’elle-même sur un sourire alors qu’Ethan se contente de hausser un sourcil, clairement dubitatif.

Le silence s’éternise, paisible, alors que le brun observe le sourire de son ami se faner progressivement et son regard se faire absent. Il frotte délicatement sa joue contre la paume chaude de Colin, le tirant de ses pensées moroses et adoucissant son visage.

Ethan tente de lui sourire à son tour et son rictus un peu tremblant tire un rire à Colin.
Alors Ethan se décide et d’un geste vif il attrape Colin par les épaules et le tire à lui. Il le serre contre lui de toutes ses forces, enfouissant son visage dans son cou. Il ne sait pas vraiment si il veut consoler Colin ou se consoler lui-même, mais il sait en revanche avec certitude que c’est entre ces bras qu’est sa place. Colin rit toujours et il le remercie au creux de l’oreille avant de se pelotonner contre lui.

« Ils vont tous se moquer de nous en rentrant » Soupire finalement le châtain. Ethan approuve avec résignation, et resserre un peu plus son étreinte.

Les mains de Colin sont sagement croisées dans le bas de son dos et Ethan n’en demande pas plus pour être heureux.

&

Cette nuit là, la lune n’est qu’un croissant pâle perçant un ciel piqueté d’étoiles. Sa lumière faible donne à la rive du lac noir une allure blafarde, un calme fade. Le saule pleureur, ployant sous son poids jusqu’à laisser flotter l’extrémité de ses branches dans l’eau, dessine une ombre immense et floue sur l’herbe. L’eau du lac semble plus insondable que jamais, immobile et sombre comme de l’encre.

Assis sur les galets, Ethan serre ses genoux contre son torse et se balance d’avant en arrière dans un geste inconscient. Il ne fait rien de précis, le regard perdu dans le vide, ne réfléchit pas non plus. Sa baguette repose par terre, loin de lui, comme s’il n’était plus capable de soutenir sa vue. Un clapotis se fait entendre et il se tourne machinalement vers la source du bruit.

Colin est là, à quelques mètres du bord, plongé dans l’eau jusqu’à la taille. Sa robe flotte autour de lui en un halo sombre et mouvant alors qu’il reste immobile, la tête renversée en arrière. Il ressemble à une statue antique, implorant un dieu païen et Ethan l’observe avec une fascination presque sacrée. Sa pâleur sous la lune, le dessin délicat de son profil, la raideur de son maintien, son corps crispé dévoilé par ses vêtements collant à sa peau, gorgés d’eau. Cette fois, Ethan n’a même pas la force de se reprocher de l’aimer si mal, d’être incapable d’être l’ami fort qu’il feint d’être quotidiennement. Recroquevillé sur la rive comme un enfant apeuré, Ethan a l’impression persistante que le soleil ne se lèvera jamais plus, et cela ne provoque chez lui qu’une profonde indifférence.

Un sanglot étranglé lui parvient et il se redresse lourdement, mécaniquement. Il rentre dans l’eau sans réfléchir, frissonnant devant la morsure de glace de l’eau sur ses jambes malgré la chaleur de ce moi de juin. Des algues gluantes rendent son avancée difficile, et chaque pas mal assuré lui semble capable d’entrainer des conséquences inimaginables. Cette nuit est le dernier point avant la rupture. Si contre toute logique demain finit par arriver, il se lèvera sur un monde différent. L’eau s’infiltre dans ses vêtements, ses chaussures, le rendant pataud et le faisant déraper sur le fond limoneux. Quand il finit par atteindre Colin, il a l’impression d’avoir mis des heures pour parcourir la courte distance le séparant des la plage de galets gris.

Le châtain se retourne doucement et le fixe dans les yeux, le visage ravagé par des larmes silencieuses. Ethan s’aperçoit qu’il pleure aussi, même s’il est incapable de dire depuis quand. Ils restent ainsi longtemps, face à face, sans un mot, sans un geste de réconfort, plongés dans un silence partagé par tout Poudlard. Ils sombrent tous, tentant de ne pas se raccrocher aux autres, de découvrir encore de l’espoir dans leurs regards, d’y retrouver ce courage qu’ils ont perdu ce soir, tous, même les plus opiniâtres des Gryffondors.

Ils se fixent sans concession, sans douceur. Ils semblent se renvoyer à l’infini ces images et ces sons obsédants, comme un théâtre fantomatique impossible à exorciser. La marque des ténèbres, immonde crâne d’un vert malsain, illuminant le parc de sa lueur mouvante. Le rire démentiel de Bellatrix rebondissant contre les murs de pierre. Les sortilèges illuminant fugacement les couloirs, dévoilant les combats comme une suite d’images chaotique. La respiration chaude, animale de Greyback sortant d’une salle de classe, son visage et ses ongles rendus gluants par du sang presque noir. Bill Weasley, allongé au sol, comme mort, le visage labouré et à peine reconnaissable.

Et au pied de la tour d’astronomie, dans les herbes folles, le corps disloqué du plus grand sorcier de ce siècle, de l’homme aux cartes de chocogrenouilles, de leur directeur.

Albus Dumbledore, reposant au sol dans la pose grotesque d’un jouet brisé par un enfant capricieux.

&

Les autorités étant bien trop occupées par la gestion de Poudlard, décapité et désorganisé, personne ne s’est chargé d’encadrer les vacances d’été d’Ethan. Mais Colin n’a pas attendu longtemps pour lui proposer de l’accompagner chez lui et Ethan n’a même pas songé à refuser. Deux mois sans lui, c’est bien trop long.

Ces semaines dans le monde moldu lui semblent aussi fascinantes qu’étranges. Car depuis que Dennis est parti rejoindre ses meilleurs amis, Colin agit bizarrement. Ethan ne lui demande rien, attendant que ce dernier ne vienne lui en parler, grinçant des dents devant la ride d’angoisse qui se plisse parfois au creux de son front.

Mais trois jours avant la fin des vacances d’été, à la sortie du repas, Colin souffle au creux de l’oreille d’Ethan de monter faire ses bagages. Ce dernier frissonne et détourne le regard, pour ne pas voir la détermination durcir ces iris bleus. Durant ces deux mois, il a eu le temps de voir mûrir un projet dont il ignore tout mais qui le terrifie. Ce dernier semble décidé ce soir là, et Ethan voudrait le tirer loin d’ici avant qu’il ne fasse quelque chose qu’il regrettera toute sa vie.

Cependant il ne dit rien, car Colin n’a pas besoin de son avis cette fois. Alors il monte les escaliers, le pas et le cœur lourd, la respiration suspendue dans l’espoir d’entendre quelque chose. Mais les voix sont indistinctes, un simple bourdonnement sourd qui l’oppresse alors qu’il fourre à la va vite toutes ses affaires dans sa grande valise de cuir.

Celle de Colin repose dans un coin de la pièce, déjà bouclée, et Ethan sent comme un goût métallique, comme un goût de sang sur sa langue. Il ne sait pas précisément ce qu’il se trame, mais il sait déjà qu’il ne va pas aimer ça du tout.

Quand le petit photographe le rejoint, le visage blême, le regard vide, la baguette pendant au bout de sa main et la bouche crispée en un sourire mort, Ethan ferme les yeux le plus fort possible. Sans un mot, Colin s’empare de sa valise et lui prend la main pour le tirer à l’extérieur. La maison est vide, la porte laissée ouverte, mais Ethan ne pose aucune question.

Le trajet en magicobus lui parait infini et quand enfin, ils finissent par s’installer dans une chambre d’un hôtel proche de King cross, il ne se sent pas mieux. Il a l’impression de s’engluer dans le temps, de se faire rattraper par la réalité parce que Colin n’est plus là pour l’en protéger. Parce qu’il semble se détruire devant ses yeux, en silence, et qu’il ne sait pas quoi faire ou dire pour l’en empêcher.

C’est finalement au creux de la nuit que Colin vient le guider, une fois de plus. A genoux près de son lit, il attrape le bras d’Ethan avec le désespoir d’un homme en train de se noyer. A tâtons, s’aidant de la lumière grise et blafarde du lampadaire filtrant par les stores miteux, Ethan tente de trouver son épaule pour le réconforter. Mais Colin s’agrippe un peu plus fort, et, rampant presque,  il le tire jusqu’à son petit lit.

Trébuchant, plié en deux, Ethan le suit avant de se laisser tomber à ses côtés, l’écrasant à moitié. Il essaye de se dégager pour ne pas lui faire mal, mais la prise est trop forte et lui bien trop faible. Car les doigts fins froissent sa chemise, écorchant un peu la peau de son dos du bout des ongles et que son souffle court s’écrase dans son cou en vagues brûlante. Car Colin, son Colin, pleure sans un bruit, au bord de l’asphyxie. Il serre Ethan contre lui de toutes ses forces, à s’en faire mal, paniquant à chacune de ses tentatives pour s’écarter. Alors le petit brun passe ses bras autour de sa taille, délicatement, et il le presse contre lui brièvement. Colin laisse échapper une sorte de hoquet étranglé mais sa frénésie s’apaise.

Sa voix est chaude, rayée, quand il lui annonce qu’il a jeté le premier sort d’oubliette de sa vie et qu’il a dut s’y reprendre à trois fois avant que son père ne finisse par oublier ses deux fils. Que son père a pleuré, qu’il l’a supplié, qu’il a tenté de le fuir. Et qu’il est finalement parti, un sac sur le dos, sans un regard pour lui, direction la Norvège.

Ethan sourit doucement au choix du pays, ému et amer. Il se faufile sous les draps maladroitement, bataillant pour y parvenir sans s’éloigner de plus d’un centimètre du petit châtain. Il le berce, doucement, de peur de le briser un peu plus. A chacune des peurs de Colin, il lui promet qu’il sera toujours là, lui. Car il n’y a rien d’autre qu’il peut faire, mais que ce serment là, il sait qu’il ne le trahira jamais. Il le répète, encore et encore, en une litanie ininterrompue. Il fredonne une vieille berceuse Norvégienne que son père lui a appris, des années plus tôt, et Colin laisse échapper un sourire amusé au creux de son cou. Ethan sait qu’il n’a jamais été doué pour le chant, mais il continue encore et encore, puisque cela fait sourire Colin. Il embrasse ses cheveux parfois aussi, pas trop souvent pour ne pas paraitre suspect. Le photographe est calme à présent, mais il reste blotti contre lui.

Et ils s’endorment ainsi. Ethan détestant un peu plus ce monde capable de ronger quelqu’un comme Colin. Un peu plus écœuré de la guerre, qui avait fait d’eux des orphelins volontaires.

L’aimant toujours plus, lui.

 

A suivre

 
 
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