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au 31 Mai 21 :
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Aladin, Mozenrath et les sorciers
Par Aqat
Harry Potter  -  Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 3     Les chapitres     0 Review    
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Premiers pas à Poudlard

Le magicien revint à lui en premier. Aladin gisait un peu plus loin, allongé sur le parvis de ce qui ressemblait à un porche surélevé de quelques marches. La pierre usée et grise donnait le sentiment d’être immémoriale, surtout appareillée à gros moellons autour de cette porte bardée de ferrures. La pente s’inclinait fortement dans un rayon de vingt ou trente mètres à compter de la construction, la dureté du terrain à peine mitigée par une herbe pelée et rase, qui cédait sous les doigts du sorcier dans son effort pour chasser l’engourdissement en même qu’il se relevait. Une sensation de confinement autour de son poignet droit l’avertit que la chair recouvrait de nouveau ses ossements. Ses yeux le confirmèrent. Un membre neuf lui était poussé, complet jusqu’aux ongles mi longs que Mozenrath ne se rappelait plus hormis sous la forme de griffes.

Le paysage était étrange. Le luminaire céleste accroché parmi les étoiles accusait une inflation considérable par rapport aux nuitées du désert, lissant le front hirsute et chevelu de la forêt de part et d’autre du porche. Ce dernier enjambait un raidillon au delà duquel, autant que la vue du sorcier noir pouvait se projeter, il n’y avait plus rien, si ce n’était, à l’arrière-plan, les formes douloureusement verticales de la citadelle aperçue au dedans du portail. Dans la direction opposée, la pente serpentait au flanc de la colline, en surplomb d’une vaste étendue aux airs de potager. L’unique source de clarté qui ne fût pas la lune émanait des fenêtres de la cabane ronde, sise peu de mètres en retrait des dernières rangées de plantations. Mozenrath ne fut pas en mesure de déterminer ce qui exactement lui rendait accueillant cet ensemble ; la vérité était qu’il ne s’y sentait point dépaysé. Nulle familiarité ne s’attachait au décor, mieux, à y réfléchir la bucolique tranquillité du cadre aurait dû lui répugner ; cependant il s’y trouvait à son aise.

Dans son dos, un mouvement ponctué de sons d’herbe froissée le prévint qu’Aladin recouvrait la conscience. Le Sire du Désert Noir s’en désintéressa : une autre sensation s’élevait dans son corps, celle d’un intense courant énergétique. Vive et bien près d’en être douloureuse. L’exploration sommaire à laquelle il venait de se livrer prit fin dans la seconde ; l’eût-il souhaité ardemment qu’il n’aurait pas été à même d’imposer à ses jambes de reprendre leur marche. Il lui fallut s’adosser à une souche non loin du rat d’égout. Les forces enchantées au creux de ses boyaux menaient un beau tapage, diaprant sa vue, parsemant de sons erratiques le silence de ce coin de nature. Le malaise abandonnait de sa prégnance quand un bruit qu’il ne put replacer résonna dans le calme. Quelle ne fut pas sa stupéfaction de découvrir qu’il émanait de lui ! Un faisceau de minuscules étincelles bleues parcourait le dessus de son avant-bras droit, reconstituant fibre après fibre le gantelet magique sur son membre anciennement défunt.

— “ Je ne sais où nous avons atterri ”, commenta-t-il à voix basse tout en pliant ses doigts sous le cuir de l’item, “ mais je sens que cet endroit va me plaire. ”

— “ Parle pour toi, alors ”, lui fut-il répondu par un Aladin maussade ; ses mains frottaient les muscles de ses bras avec une énergie proche du désespoir. Un silence pesant s’installa, rompu tantôt par les dents du héros qui claquaient par intervalles ; la chair de poule hérissait les plaines de son torse dénudé par les pans du gilet. “ Ce qu’il fait froid... ”, reprit-il en sautillant sur place pour combattre la torpeur de ses membres. “ Une chose est sûre : nous sommes loin, très loin, des Sept Déserts. Aucune de ces constellations ne m’évoque quoi que ce soit. ”

— “ D’après la position des étoiles, on est assez près du Nord. En d’autres termes, on a changé d’hémisphère. Ceci n’explique néanmoins ni l’absence de ta chère carpette, ni la réapparition de mon gant — et moins que tout la saturation de l’air en magie brute. Regarde... ”

Il fit claquer les doigts de sa main gantée ; un éclair aussitôt se propagea le long de son poignet, qui dansa et se tordit sur ses jointures avant de s’éteindre lorsque le sorcier noir ouvrit le poing. Aladin avait beau n’y rien connaître en occultisme, il faisait fort peu de doute que la décharge n’émanait pas des pouvoirs de son rival.

— “ Tu me vois ravi du retour de ta force ; si seulement, cher Moz, tu consentais à l’utiliser, je ne sais pas ? mettons : pour me couvrir un peu plus chaudement, ce serait idéal. Mais je ne veux pas te commander ; tu as l’air de t’amuser tant... ”

— “ L’ironie te va mal... Il suffisait de demander. ”

Un moulinet de l’index fit s’allonger le gilet du héros en un long et lourd habit tombant, auquel un set de brodequins ferrés, des chausses laineuses, une ceinture à maille d’argent et les plis d’une cape de feutre feu mirent la dernière touche. Aladin considéra un instant son nouveau train d’affaires, surpris par la sollicitude de Mozenrath ; il était vêtu de blanc, exception faite de la capeline, à l’instar de son ex accoutrement de prince Ali, ce qui était pour le moins étonnant. Une seconde, le jeune homme avait craint de se trouver couvert de pied en cap de noir, tel son vis-à-vis. Ce dernier portait bien mieux que lui la couleur du deuil...

— “ Si tu n’as plus froid, revenons-en aux préoccupations de l’heure... Il y a de la lumière dans une masure, par là. Autant aller y faire un tour. ”

— “ D’accord, mais tu me laisses agir. Ton tact légendaire est bon à nous faire claquer la porte dans la figure... Or je suis fatigué, j’ai faim et j’apprécierai vraiment un coin tiède pour dormir. On va jouer les voyageurs perdus. ”

Mozenrath grommela sa désapprobation. Il préparait un sort de déplacement lorsqu’il se retrouva tout seul. L’avenir promettait, s’ils commençaient déjà à se perdre de vue... Où avait donc filé l’autre va-nu-pieds ? Il ne s’était quand même pas élancé en direction de la cahute au milieu du jardin... Hormis le versant où se dressait le porche, qui bénéficiait de l’éloignement de la forêt, l’ensemble du paysage était plongé par cette dernière, lune imposante ou non, dans des ténèbres à peu près insondables. Seule la vision nocturne du sorcier lui permettait d’y voir point trop mal. Aladin était très bien parti pour se rompre le cou, au détour des lacets du chemin, avec le peu qu’il avait dû apercevoir tantôt.. Mozenrath soupira ; qu’il lui déplaisait d’incarner les bons Samaritains...

Il darda son bras droit en avant. L’air nocturne se déchira à hauteur d’homme, ouvrant une brèche dans l’espace. Le bref regard qu’il y lança lui apprit que le héros avait mis une assez large distance entre eux, et qu’il n’avait aucune espèce d’idée sur la route à suivre. Evidemment ; c’était typique du champion d’Agrabah de partir fleur au fusil, à tâche aux autres de le suivre... Les appels étouffés que lançait Aladin arrivaient à son adversaire par le repli dimensionnel ; c’est ainsi qu’il sut que le héros n’en menait pas large, derrière sa façade téméraire. Il répétait le nom de Mozenrath à la façon d’un mantra.

Aladin ne fut guère étonné lorsqu’une poigne assurée le saisit par le col et l’entraîna au tréfonds d’un espace kaléidoscopique pour le relâcher presque aussitôt en un lieu différent. Finie la froide obscurité de ce chemin de chèvres qu’il avait suivi en aveugle, confiant dans la pente, et en sa bonne étoile, afin de le conduire sain et sauf au pied de la colline. Mozenrath aurait dû le suivre, n’est-ce pas ? Mieux valait tard que jamais... même s’il devait reconnaître qu’il était parti sans réfléchir, tout à son désir de prouver au sorcier qu’il n’avait rien perdu de sa superbe.

— “ Quand je disais d’aller à la masure, j’entendais par magie, non à pied ”, le tança son allié. “ Maintenant, c’est à ton tour de montrer tes talents. ”

Aladin acquiesça avec une grimace, ses yeux braqués sur le double cylindre et les toits loqueteux de la cabane, point trop mal éclairés par le gant et son halo phosphorescent. Quelle existence passée à faire buisson creux pouvait-elle s’abriter ici ? L’habitation respirait la misère, entre sa porte de guingois, légèrement trop large pour le gabarit du chambranle, ce qui l’inclinait vers l’intérieur de plusieurs degrés, le bois fendillé des fenêtres, les pierres sèches grossièrement jointives et si mal calibrées qu’on en comptait une de taille standard contre dix minuscules, et le ridicule du toit hexagonal en chapeau de sorcière. Que dire aussi de la volée de planches servant de perron ? S’exhortant au courage, l’ancien vagabond posa les doigts sur le loquet, pour les retirer aussitôt ; le métal de la serrure était tiède en dépit de la température peu clémente ! Un gloussement l’avertit que la patience de Mozenrath allait s’effilochant ; il ne se permit donc le moindre commentaire et empoigna de nouveau le loquet. Cette fois-ci, sa constance de nerf réussit à engager le pêne de la serrure. Le vantail s’écarta pour leur livrer passage.

L’intérieur était vide. Tant la cuisine encombrée jusqu’au capharnaüm que la chambre attenante. Les meubles rugueux d’aspect et surdimensionnés répondaient au cachet de la bicoque en un mépris souverain du confort ; d’autant plus grande était la dissonance avec la joie prise par les flammes à siffloter dans l’âtre et la cantate a minore chantée par le bec de la bouilloire. Plus que l’incongruité de ces objets animés de vie propre, tel le vaste chaudron qui glougloutait tout seul, l’impression de quiétude douillette flottant sur ce cadre sentait l’artifice à plein nez.

— “ Magie élémentaire ”, constata Mozenrath en promenant ses yeux du poêle à bois sur lequel chauffait la bouilloire à la cheminée chargée de houille. “ Soit on entendait donner le change... ”

— “ Soit les occupants sont partis précipitamment, laissant toutes choses en plan. Le contenu de l’écuelle n’a pas encore refroidi — à moins que tu ne saches un sort qui prolonge la chaleur des aliments. ” Aladin avait fait quelques pas vers la table et inspectait, front plissé, les couverts sur la desserte. Vase en boire et écuelle en zinc, une unique fourchette, un couteau. Spartiate...

— “ C’est réalisable, en effet. On n’apprendra rien ici ; retournons au porche... ”

Les deux garçons sortirent de la masure. Une ombre se mut soudain hors des ténèbres, fonçant sur Mozenrath. Pris par surprise, le Sire du Désert Noir fut incapable de cadrer son sort de protection ; le souffle invisible fusa sur la droite de l’assaillant, si bien que ce dernier, dans un grognement retentissant, déboula sur le sorcier. Un chien. Enorme et vaguement brun. Sa gueule s’ouvrait et se fermait sur des crocs effrayants à faible distance de la gorge de sa proie, tandis que ses antérieurs pesaient sur les épaules de l’homme couché sous lui. De la bave par seaux gouttait des mâchoires du molosse. Sa queue décrivait un mouvement de battoir comme d’un fauve.

— “ Sale bête ! Lâche-le ”, intima Aladin en balayant d’un déluge de coups de pied les flancs de la montagne canine, non sans se garder de la queue qui fouettait ses côtes avec furie.

Taillé en force comme l’était l’animal, les efforts du héros portaient sur une fraction seulement de leur efficacité. La rage consumait ses entrailles ; la sale bête allait dérouiller, s’il avait son mot à dire... Ses doigts se refermèrent à la base de l’appendice caudal, et serrèrent avec toute la vigueur dont il était capable. Le molosse jappa sa souffrance, pour se retourner contre Aladin ; à ce moment, un éclair bleu glacier monta de sous sa masse, et il fut projeté tel un sac de patates contre les contreforts de l’entrée de la cahute. La façon dont il s’écroula sur le pas de la porte suggérait qu’il avait son compte.

— “ Tu m’as fait peur ”, confessa le basané pendait qu’il aidait son compagnon à se remettre sur son séant. “ Comme quoi, ni tes pouvoirs ni mes muscles ne peuvent grand-chose séparément. ”

— “ Merci de ton aide... ” La voix du magicien était infime quand il articula ces mots. Elle gagna ensuite en fermeté. “ Combien de fois va-t-il falloir que l’on me saute dessus ? ”

La conversation s’était faite légère lorsque Mozenrath se sentit suffisamment stable sur ses jambes afin de marcher seul. Une autre brèche dans le tissu de la nuit les ramena, Aladin et lui, à leur point de départ, au sommet du versant. La lune au firmament ruisselait de blancheur. Un murmure semblait s’être communiqué à la forêt voisine, conférant aux arêtes indistinctes du château dans le lointain un caractère flou et fantomatique mal fait pour rassurer le héros.

— “ Une porte, ça ne demande qu’à être ouvert ; annonçons-nous à qui occupe ces murs ! ”

Sa main gantée préparait une décharge comme ses pas conduisaient le sorcier à hauteur des marches. Aladin l’y suivit, emmitouflé jusqu’aux yeux. La température chutait fortement à chaque déploiement de force magique. Le voleur se demanda si l’autre l’avait perçu. On eût dit que le gantelet, au lieu de dégorger sa puissance propre, recourait à celle diffuse dans l’air et les alentours. Tu es ridicule, mon vieux Al, se dit le garçon en blanc ; Moz s’en serait aperçu... Il y avait toutefois un point sur lequel il n’était pas résolu à garder le silence.

— “ Tu en feras à ta tête, comme toujours ”, lança-t-il du ton de celui qui sait en toute certitude qu’il ne sera pas écouté, “ mais ne peux-tu simplement la déverrouiller ? On n’est pas obligé de casser la baraque... ”

— “ Qui prétend le contraire ? ”

Le regard de Mozenrath pétillait de malice malgré le roulement ostentatoire de ses yeux. Il mima le geste d’actionner l’huis, puis étendit le bras. La serrure s’enclencha avec un fracas de rouages grippés, sa réticence évidente nonobstant l’enchantement, avant que le pêne rébarbatif condescende à céder. Le battant alors de s’ouvrir tout grand. Une longue galerie où le bois brut courait sur trois côtés attendait sur le seuil du portique. Le garçon en noir y suscita une vive clarté d’une pichenette de ses doigts. Aladin, qui s’était rapproché, se la vit éteindre au nez. A peine avait-il lancé un coup d’œil à la passerelle couverte. Cela suffisait pourtant pour la déclarer inhospitalière, sinon hostile, et hésiter à y plonger. Son expression avait dû paraître sur ses traits, attendu que Mozenrath suspendit devant eux une balle de lumière blanchâtre et lactescente.

— “ Nous n’avons pas le choix. On est coincés ici tout autant que je n’arriverai pas à reformuler l’incantation qui a mal fonctionné ; ce qui promet d’être complexe... Je suis disposé à montrer patte blanche aux gens du cru, tout autant que nous ne sommes pas attaqués. Si le cas se produit, abrite-toi comme tu peux. Ce clébard m’a vraiment mis de mauvais poil... ”

— “ Tu t’attends à rencontrer des sorciers ? ” La voix d’Aladin éveillait des échos sourds sous le toit de la galerie ; il la baissa jusqu’au chuchotis. C’était bien assez comme cela du cognement sourd que leurs pieds provoquaient contre les madriers du plancher, quelques précautions qu’ils prissent afin de progresser à faible allure. “ Stupide n’est pas mon deuxième prénom ; je sais que quelque chose influe sur ta magie. Comme cela n’arrive guère qu’en présence d’adversaires puissants, Jafar, Chaos ou Mirage, il y a d’autres magiciens aux environs. ”

— “ Tu as tout bon... Sincèrement, j’ignore ce qui peut nous attendre à l’extrémité de ce pont. Je présume que ce château n’abrite pas que de l’air, mais je sais que les gens comme moi pullulent alentour ; débrouille-toi pour n’être pas un fardeau dans le cas d’une rixe... ”

— “ J’ai réussi à te contrer combien de fois ? Et dans le cas de Mirage ? Si je suis arrivé à vous mettre Fanny, elle et toi, je ne crains pas d’autres jeteurs de sorts ! ”

Mozenrath n’ayant rien à objecter à ce raisonnement, il se tint coi. A quoi bon rétorquer que l’assistance du héros, quoique utile en ce qu’elle lui avait donné loisir de dégager une main et foudroyer le molosse, devait son efficacité coutumière à la chance, cette chance insolente que l’on eût crue aimantée à Aladin, et non à la force de son bras ? Cela aurait été cruel. Or, comble des paradoxes, il ne tenait plus guère à cœur au magicien noir de contrister son compagnon.

Le restant de leur marche eut lieu dans le silence. Le passage du temps faisait merveilles sur la confiance d’Aladin en lui-même ; sa démarche, d’hésitante et chassée après l’irruption du chien, recouvrait le mixe d’arrogance et de décontraction pour lequel le sorcier des sables l’avait peu ou prou toujours haï, conscient comme ce dernier l’était qu’Aladin n’en surajoutait pas dans la témérité — il n’éprouvait réellement que peu incertitude et peur. Les parcelles sombres dans l’âme de Mozenrath ricanaient du spectacle qu’offrait le vagabond marchant crânement à l’aventure ; elles soupesaient ses chances de ne survivre pas à ce monde enchanté. Sa pensée consciente, quant à elle, bataillait pied à pied, dans son refus d’admettre que c’était pur cynisme si le jeune homme supportait ainsi la présence de son pire ennemi. A supposer qu’on lui aurait prédit, la veille au matin, que la journée à venir le verrait être défait deux fois par Aladin, avant de se terminer dans une excursion sous une latitude inconnue en compagnie de son rival, le Sire des Sables Noirs fût parti d’un immense éclat de rire — et eût grillé sur place le devin impudent. Ces sombres pensées, comme de juste, n’agitaient pas ledit héros. Celui-ci ressassait un autre type de considérations : Tapis, Abou et Génie lui manquaient, pour sûr ; en revanche, le reste de la bande, il n’était pas certain de désirer les fréquenter, à son retour. Et le champion d’Agrabah goûtait davantage qu’il ne lui plaisait de l’avouer la présence de Mozenrath, à présent que le magicien ne paraissait plus aussi bouffi de rancune et d’orgueil. Ne se montrait-il pas cordial — si tel n’était pas le cas, alors tout se passait comme s’il s’efforçait de l’être.

Si on lui donnait de choisir entre un retour prompt à la cité et l’opportunité d’un séjour avec ce Mozenrath qui ne se pensait plus obligé de se montrer infect, Aladin sut distinctement qu’il ne balancerait pas. Il demeurerait avec le jeune homme pâle. Pourquoi, il voulait bien être damné s’il le savait. Cela avait rapport avec la connexion qu’il percevait entre le noble et lui...

L’extrémité du tunnel se profila dès lors presque trop tôt au gré des marcheurs. L’ombre s’estompa, et ils émergèrent sous la relative pénombre qui survivait à la lune à son apogée. Ils avaient abouti dans une cour carrée, de dimensions médiocres, apparentée à un cloître de par ses arches et ses murailles à gros appareillage, quoique le maniérisme des parterres de gazon qui rétrécissaient le chemin en lui imprimant l’aspect d’une croix autour de la pièce d’eau centrale, s’inscrivait en faux contre cette interprétation religieuse de l’architecture. Ils s’ébranlèrent sans tergiverser à travers l’ordonnance de l’espace vert dans la direction de la façade du château, une longue rangée de fenêtres en ogive rehaussées de vitraux. La porte à battant double en défendant l’accès céda prestement sous la magie du gant ; elle s’ouvrit juste assez pour qu’ils se faufilent à l’intérieur, sur quoi le vantail dont Mozenrath avait actionné le mécanisme se rabattit après eux. Un passage en revue de la tessiture enchantée de l’air confirma ce dont se doutait le magicien, dont une odeur d’enchantement avait chatouillé les narines aussitôt le seuil franchi. Ses pouvoirs avaient fait litière du sort de verrouillage, or il en flottait d’autres, épars et plus subtils, dans un rayon de plusieurs mètres aux parages de l’entrée. Probablement l’équivalent de ses détecteurs de force occulte. L’heure n’était pas à la prise de risques, et les neutraliser tenait de la gageure, avec l’impulsivité faite homme à ses côtés — le brave d’Agrabah, chez qui l’impatience pointait déjà, devant le contretemps de leur progression arrêtée. Avec un soupir qui en disait long sur sa lassitude, Mozenrath les fit apparaître tous deux au delà de la portée présumable des sorts.

Ils s’étaient préparés à enfiler des couloirs ; l’immensité du corridor qu’ils découvrirent ne les déconcerta donc pas, non moins que la clarté diffuse projetée du dehors au travers des tentures ou que l’éclat fuligineux qui sourdait des rares torches éclairées contre le mur du fond. Le vieux bois encaustiqué à l’excès alternait le long des parois avec les tentures aux motifs mythologiques, les meubles à la fonction méconnaissable mais sempiternellement malcommodes et anciens, et la noble et vide coquille des armures, en une harmonie on pouvait plus dépaysante pour les deux jeunes Bédouins. Le parquet lustré craquait même en le foulant d’un pied prudent, rançon d’avoir vu défiler tant et tant de bipèdes. Néanmoins, aucun risque qu’ils se perdissent ; passé un premier tournant, ils étaient en droit de s’interroger sur la disposition des lieux quand ils débouchèrent dans une galerie d’une majesté très supérieure, à l’extrémité de laquelle se détachaient les formes impressionnantes d’un immense escalier. Ses spires de marbre encadrées par les battants d’une porte couraient sur la hauteur des murs dans leur totalité. La même décoration luxuriante mais fanée leur souhaitait la bienvenue dans ce hall, accrue de loin en loin par la blonde irisation des cadres des tableaux dont les couches d’or évoquaient, en mineur, les reliefs et les caissons louis quatorziens des battants grands ouverts sur l’escalier.

Ils amorçaient leur progression vers le vestibule central, ou ce qui paraissait tel, quand un pinceau lumineux fusa au pied des volutes de marches. Aladin se porta aussitôt vers l’avant, mais c’était compter sans Mozenrath. Son allié le retint en lui intimant par gestes de se faire très discret. Ils devaient progresser en rasant le mur ne comportant aucune torche... Le héros n’était pas convaincu ; un coup d’œil aux lignes déterminées altérant la porcelaine du front du Sire du Désert Noir lui fit néanmoins prendre la mesure du sérieux de la situation. Ce n’était pas souvent que le leader des Mamelouks intimait un ordre exempt d’arrière-pensée. Aladin fit ce qui lui était demandé — se tapir le long de la cloison lambrissée, celle dont les pièces adjacentes étaient sans l’ombre d’une exception fermées et où s’accrochait l’obscurité la plus opaque, en cheminant de tâche grise en tâche grise. D’autres rais colorés striaient la blancheur de l’escalier, ainsi que des bribes d’éclats de voix, dont la distance qui s’amenuisait entre les deux intrus et le grand hall ne filtrait plus aussi efficacement la portée. Ils en furent tantôt convaincus : on se battait au pied des marches ! Et âprement, à en juger d’après la fièvre évidente dans les mots incompréhensibles que se crachaient à la face les protagonistes. Davantage que les paroles, il y a des accents qui ne trompent pas... Aladin et Mozenrath se questionnaient du regard, l’un comme l’autre en proie à l’indécision ; ils étaient poursuivis par la poisse, nom de nom, pour atterrir au beau milieu d’une rixe qui avait l’air de tout, sauf de se dérouler à fleurets mouchetés !

Leurs jambes avaient cependant continué de les porter vers l’avant. Deux mètres tout au plus, et ils se fussent tenus au seuil du vestibule. Les accents rageurs sous-tendant les mots qui se répercutaient dans la salle appartenaient à des voix jeunes, des deux sexes ; un certain nombre de timbres adultes s’exprimaient parmi ce concert, sans en être noyés mais sans prédominer. En se décrochant la nuque, Aladin avait coulé un regard au delà des ors blasonnés de la grand porte. Mozenrath était, quant à lui, affairé à déterminer l’origine de la magie toute proche, qui n’était pas l’échange de sorts dans le grand hall. Une restriction contenait les combats au sein de celui-ci ; il devait ainsi être possible d’y entrer, mais pas d’en réchapper par cette voie. Ladite barrière possédait un niveau très supérieur aux enchantements d’alarme qui garnissaient les entrées du château — rien dont le sorcier noir ne fût pas venu à bout, mais trop de combattants rompaient des lances dans le voisinage immédiat pour qu’il prît le risque de se découvrir et lancer le contre sort. Au demeurant , il éprouvait peu d’envie à se mêler à l’affrontement ; quelque parti qui l’emportât, leur sort serait scellé, à Aladin et lui, s’ils se trompaient de camp — or comment le bien choisir en s’y trouvant par définition extérieurs ?

Il en était là dans ses réflexions lorsqu’on renifla non lui de lui — le genre de bruit qui n’annonçait rien qui valût. Lever les yeux lui fit s’apercevoir qu’il allait devoir déterminer très vite le cours des événements. Car c’était Aladin. Mais un Aladin parvenu aux suprêmes limites de son tempérament. Ce à quoi il avait assisté suffisait à parer son visage d’une sainte colère ; ses lèvres pulpeuses rétrécies jusqu’à la contrariété en une ligne butée, des plaques de fièvre aux joues et sur le front, le champion d’Agrabah fulminait.

Mozenrath lui décocha une mimique compréhensive, tout en tenant paré le sortilège qui préviendrait l’acte insensé dans lequel se tendaient toutes les énergies de l’héroïque tête folle. Il eut alors la douloureuse surprise de se faire prendre son avant-bras ganté dans l’étau des mains de ladite tête folle. La poigne d’Aladin était inexorable. Elle ne diminua point même quand les forces magiques mécontentes qu’on les contraignît se prirent à dessiner des arabesques d’énergie sur le chagrin du gantelet. Les deux ennemis jurés se bravaient du regard.

— “ N’essaie pas de m’en empêcher ”, claqua la voix déterminée du voleur, “ même au nom de ma sécurité. Rends-toi utile autrement : en me donnant moyen de ne pas aller au tapis dès qu’on me visera. Je n’ai pas de fierté lorsque la vie d’autrui est en balance ; s’il te plaît, Mozenrath... ”

— “ Soit, mais ne viens pas pleurer si tu te fourres dans le pétrin ”, soupira le susdit trop pris par le massage de son poignet qu’Aladin venait de relâcher pour regarder dans les orbes embuées de larmes de ce dernier. Il y aurait lu le conflit qui faisait rage dans le cœur de son vis-à-vis..

En dépit de ce qu’il y paraissait, l’inconscience ne se nommait point Aladin. Non moins que l’esprit d’aventure envers et contre tout. Hélas, nul ne se refaisait ; celui qui avait été assez pur pour que la Caverne aux Merveilles l’autorisât à y prélever ses plus précieux trésors, Tapis et le Génie, ne pouvait aucunement placer un mouchoir sur ce qu’il avait vu naguère dans le grand hall — les trop jeunes défenseurs du château en mauvaise posture aussi bien que le garçon traîné de force par l’essaim d’ombres à face de cadavre. Aladin avait eu son lot, et davantage, d’escarmouches contre les forces du Mal ; son intuition subodorait la proche victoire de celles-ci. Attendu que Mozenrath, sauf divine surprise, demeurerait à peu près certainement sourd à ce genre de considérations, aucun autre choix ne se présentait à lui hormis de le manipuler. Cela ne signifiait pas que le héros se tenait quitte de ce procédé. D’où le conflit.

Le magicien des Sables serrait les mâchoires. Avec une lenteur exaspérante, il finit par maugréer son accord. Cette modération relative rendit la suite du message d’Aladin plus facile à délivrer. Cela eût été mieux s’il était arrivé à parer son visage d’un authentique sourire, hélas ses masséters, crispés qu’ils étaient jusqu’à endolorir le bas de son palais, se refusaient absolument à délivrer davantage qu’un rictus.

— “ Il nous faut une tactique. Couvre-moi si ce n’est pas trop te demander ; bien entendu, l’idéal serait que tu ne tues personne. Moi j’ai quelqu’un à emmener à l’abri. ”

Il s’agissait d’une mise en garde, et Mozenrath l’accueillit en tant que telle. A une autre époque, il aurait roulé de gros yeux contrariés et servi une réplique acerbe à cette tentative pour brider la complète absence de scrupules et de fair-play avec laquelle il se battait ; il se tint quitte d’une inclination du chef que suivit le plissement d’un sourcil épilé et aristocratique. Acquiescer à l’exigence du rat pouilleux ne signifiait point que le Sire des Sables Noirs s’interdisait, le cas échéant, de mettre celui-ci hors combat dût le cours de ses jours se trouver menacé. Mozenrath s’en voudrait plus tard de veiller à la survie de sa Némésis tel un amant jaloux. Au diable la fausse honte... En cette heure, tout ce qui lui importait tenait en Aladin.

Aladin justement s’était rendu au seuil du vestibule. Sur le versant opposé du seuil, à pas un mètre de sa figure, les lumières écrues suscitées par la bataille de magiciens jetaient un jour sépulcral, accentuant la sensation de fragilité du jeune homme. Tout champion qu’il était, cœur de fer mais âme tendre, il semblait si dérisoire. Ce n’était plus de lignes volontaires et de plaines émaciées que souriait mécaniquement son visage, déjà projeté dans les gestes qui allaient être siens dès qu’il se serait insinué dans la mêlée ; à la lueur des sorts qui volaient dus, on eût juré l’esquisse d’une tête de mort. Mozenrath dissipa l’illusion d’un battement de cils, pour rejoindre l’objet de ses tourments dans l’ombre projetée à la diagonale par un battant monumental. Sa main gantée s’appesantit sur l’épaule d’Aladin proche les caissons dorés, y instillant, de pair avec le froid mordant de sa magie, les écailles invisibles de sa meilleur invocation de défense.

— “ Te voilà protégé ”, souffla-t-il sur un ton qu’il espérait vivement être égal et détaché. “ Que cela ne te pousse pas à courir plus de risques ; des attaques trop puissantes, à frapper cette aura que j’ai mise sur ton corps, finiraient à la longue par le broyer. Autre point d’importance : ne te fais pas prendre en tenailles par plus de deux adversaires ; leur magie saperait trop rapidement le bouclier. Au contraire, reste mobile et profite de ta vitesse de déplacement pour venir au close combat. Un adversaire dont la seule capacité est mystique sera sans force contre toi... ”

Les regards des garçons se cherchèrent. La scène qui leur avait paru s’être étirée sur de longues, trop longues minutes n’avait au vrai pas duré davantage qu’une passe d’armes entre les belligérants. Le pas qui les mena de l’ombre de la grand porte à l’orée du vestibule fit prendre à Mozenrath la pleine mesure de l’action. Il en oublia le son mouillé qu’émit la restriction quand elle se referma derrière eux, rideau à nouveau effectif.

 
 
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