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au 31 Mai 21 :
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Par tokyofrance
Eragon  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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Poursuites et fuites

 

Ils levèrent le camp aux aurores après avoir trouvé un système plus confortable pour transporter l’elfe : ils l’attachèrent sous le ventre de Saphira à l’aide de couvertures ce qui faciliterait les atterrissages de la dragonne et garderait au chaud et en sécurité Arya.

Toute la journée ils chevauchèrent à vive allure, vérifiant sans cesse leurs arrières, et leurs avant ; Saphira dut plus d’une fois les avertir de l’arrivée de patrouilles armées dans leur direction, visiblement l’alerte générale avait été sonnée… Ils ne s’arrêtèrent pas non plus à la nuit tombée et durent faire des détours dangereux près de la ville de Bullridge où des dizaines de flambeaux éclairaient l’obscurité, annonciateurs des soldats à leur recherche. Enfin, lorsque l’aube se leva, ils s’accordèrent quelques heures de répit bien méritées.

-          Je prends le premier quart, proposa Murtagh.

Il s’assit en tailleur, l’épée sur les genoux, et regarda Eragon se lover contre le flanc de Saphira puis s’endormir sans attendre. Jéanna ne l’imita pas mais se pencha plutôt au-dessus de l’elfe endormie et effleura, l’air pensif, une mèche de cheveux noirs qui cachait son visage effilé.

-          Tu ne sais vraiment pas pourquoi elle était prisonnière ? Demanda Murtagh pour engager la conversation.

-          … J’ai mon idée, avoua-t-elle sans en dire plus.

Elle se releva, et d’un pas traînant s’assit au côté du jeune homme.

-          Tu devrais dormir, murmura-t-il.

-          Que vas-tu faire ? Aller chez les Vardens ? Dit-elle sans se préoccuper du conseil.

Il ne répondit pas ; la question avait déjà été abordée avec Eragon. Murtagh lui avait dit qu’il trouverait un autre chemin dans les montagnes pour fuir ailleurs ; mais Jéanna ne souhaitait pas le voir partir, seulement elle ne l’avait pas dit, ne savait pas si elle pouvait le faire, si elle en aurait le courage, l’audace. Elle glissa un bras autour de celui du jeune homme et s’appuya contre son épaule. Sa tête était vide, son corps lourd, la tension qui les poursuivait devenait insupportable, néanmoins elle chassa le passé quelques instants et se détendit, savourant la chaleur à ses côtés sans dire un mot.

Quelques minutes plus tard elle inspira profondément et chuchota :

-          Je ne veux pas te quitter de nouveau.

-          …Pourquoi cela ? Demanda Murtagh après un moment de silence.

-          Ne fais pas comme si tu ne savais pas, répondit-elle d’un ton plus froid qu’elle ne l’avait voulu.

Il rit et se retournant vers elle, prit brusquement son visage entre ses doigts. Elle tenta de se dégager, mais il ne laissa pas faire, passant un bras dans son dos, comme un filet entourant sa proie. Jéanna lui lança un regard noir mais cessa de bouger.

-          Tu as changé d’avis ? Se moqua-t-il d’un ton dur.

Il faisait bien sûr référence aux allusions évoquées lors de leur petite discussion d’il y maintenant une semaine et au refus de la jeune fille la veille.

Elle l’observa : il affichait un air sérieux, ses cheveux parcourus par une brise légère lui donnaient un côté sauvage presque effrayant. Elle sentit ses joues s’empourprer, son esprit vagabonder dans un passé fait d’une liesse qu’elle craignait et désirait retrouver à la fois…

Il approcha son visage du sien avec lenteur, la prise de sa main se faisant plus douce sur ses joues, ses doigts frôlant son échine telle une caresse, ses yeux limpides et fascinants hésitant entre ses prunelles dorées et ses lèvres entrouvertes… Jéanna détourna subitement la tête, s’arrachant de l’étreinte de ses mains.

-          Je ne t’ai pas retrouvé pour te laisser partir si vite, déclara-t-elle en se relevant avec précipitation. C’est tout, n’attends pas plus de moi Murtagh. Je t’en prie !

Elle lui tourna le dos, les larmes aux yeux, le cœur affolé et s’éloigna pour se coucher. Elle se recroquevilla sous sa couverture, une migraine percutait désormais sa tête et son âme la martelait de reproches avec lesquels elle n’était qu’à moitié en désaccord. Elle refusait de céder aux avances du jeune homme ainsi qu’à celles de son cœur car ce serait avouer sa faiblesse. Elle avait appris à être forte durant ses années d’obscurité et de mépris, et ne voulait pas renoncer… Mais tout cela était stupide, que perdait-elle à rouvrir les portes de son âme ? Qui sait s’ils seraient encore tous en vie, ou libres le lendemain, l’heure suivante ? Pourquoi résister ? Elle ne savait pas. N’avait pas de réponses. Pourtant elle s’était élancée dans cette voie-là et cela lui semblait impossible de rebrousser chemin.

 

Ils repartirent au crépuscule, aussi courbatus et éreintés que s’ils ne s’étaient pas reposés. Ni Murtagh ni Jéanna ne firent mention de ce qui avait failli ce produire le matin même, mais leurs pensées respectives s’y attardaient souvent.

Ils chevauchèrent toute la nuit jusqu’au petit matin où ils atteignirent le Ramr, le fleuve qui les séparait du désert. Malheureusement il n’y avait pas de gué proche et des soldats se rapprochaient d’eux à grande vitesse. Ils mirent alors à profit Saphira qui les transporta un à un, ainsi que les chevaux qui étaient paniqués à l’idée d’être emporté par la créature qui pouvait les croquer à tout instant depuis le début de leur voyage. Ils réussirent néanmoins à sortir tous sains et saufs de cette entreprise et après quelques heures de plus de chevauchée enflammée, ils se retrouvèrent face à l’immensité aride que formait le vaste désert du Hadarac. Tout jusqu’à la ligne d’horizon n’était que sable orangé tourbillonnant ici et là en lentes valses indomptables, dévalant les dunes aux pentes douces pour au final se désagréger et disparaître dans l’océan sans eau. On apercevait néanmoins fort loin des pics rocheux qui se fondaient avec le ciel bleu d’un côté et le sol chaud de l’autre.

Ils décidèrent de se reposer à l’ombre d’une dune, quasi-certains de ne plus avoir à craindre les soldats de l’Empire qu’ils avaient semés en traversant le fleuve. Si tant est que ces derniers retrouvent leurs traces de l’autre côté du Ramr, ils seraient déjà loin de là, en sécurité.

Jéanna soupira, exténuée. Des courbatures parcouraient son corps et ne serait-ce que s’asseoir lui était difficile et douloureux. Elle espérait que leur course effrénée s’arrêterait bientôt et qu’ils pourraient enfin profiter d’un lit moelleux et d’un vrai et copieux repas.

Elle défit le bandage qui lui serrait l’épaule pour examiner la blessure. Il était temps de la soigner correctement puisqu’elle avait l’occasion de se rétablir au moins durant quelques heures. Ainsi elle usa de la magie, puisant prudemment dans les quelques forces qui lui restaient, et la plaie cicatrisa ne laissant plus qu’une tâche blanche de peau neuve. Puis, après avoir vérifié que les garçons dormaient profondément, Jéanna se changea, dégoûtée de porter les mêmes vêtements poisseux depuis tant de jours, vêtements qui avaient endurés des journées particulièrement suantes.

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu’ils s’engagèrent dans la fournaise du désert, gravissant la dune qui les avait abrités. Toute la journée ils forcèrent leurs montures à un trot régulier, courant parfois devant eux pour les laisser souffler.

-          On ne pouvait pas faire ce chemin de nuit ? Maugréa Jéanna entre deux halètements. Quand il fait moins chaud.

-          J’aurais préféré aussi, mais si les soldats nous avaient rattrapés… argumenta Eragon, le visage rouge.

-          Nous sommes bientôt arrivés, regardez ! S’exclama Murtagh pour leur redonner courage.

En effet, les montagnes qu’ils avaient aperçues le matin se rapprochaient d’eux, et l’idée de ne plus avoir à supporter le sable qui s’infiltrait sous leurs vêtements et dans leurs yeux leur fit accélérer l’allure. Le soir enfin, ils se retrouvèrent sur un sol rocailleux où poussaient quelques buissons jaunis. L’ombre des falaises leur fit immédiatement du bien.

Tandis que Murtagh allumais un feu, Saphira creusa un trou dans la terre dur avec ses serres puissantes, dans lequel Eragon et Jéna, faisant appel à la magie, remontèrent de l’eau à la surface afin de remplir les gourdes et abreuver les bêtes. Ceci fait, ils mangèrent en silence, trop fatigués pour parler et s’endormirent immédiatement laissant à Saphira le soin de monter la garde.

Le lendemain ils continuèrent leur périple à travers l’immensité sableuse et vers midi, les majestueuses montagnes des Beors s’offrirent à eux dans toute leur splendeur ; ce qu’ils avaient d’abord prit pour le ciel étaient en fait les cimes recouvertes de neiges éternelles et qui disparaissaient par delà les nuages.

Alors que la lumière commençait à décliner à l’horizon, ils atteignirent les vastes prairies verdoyantes qui couvraient les pieds des monts avant de laisser place aux forêts de pins. Ils avaient quitté la chaleur écrasante du désert.

 

Jéanna se laissa tomber sur le sol couvert d’herbe, le visage arborant un sourire soulagé tandis que Murtagh et Eragon installaient le campement. Ils mangèrent ensuite, détendus et joyeux se félicitant de l’exploit qu’ils avaient accompli : parcourir plus de soixante lieus en cinq jours ! La pression accumulée et oppressante s’envolait petit à petit, les rendant plus agréables et ouverts qu’ils ne l’avaient été ces derniers temps.

Soudain, Eragon se leva sans dire mot et alla s’agenouiller près de l’elfe ; il plaça sa paume sur son front et ferma les yeux.

-          Que fait-il ? Murmura Murtagh.

-          Il doit vouloir lui parler pour savoir ce qui la plonge dans cet état…

Brusquement Eragon fut pris d’un soubresaut et son visage se contracta en une grimace de douleur. Jéanna se redressa aussitôt, par réflexe, mais se rassit immédiatement, elle ne pouvait rien faire.

Durant une heure entière, Eragon resta dans cette position.

Pendant ce temps, les deux jeunes gens et la dragonne l’observaient, inquiets et curieux.

« Saphira, ne peux-tu savoir ce qui le retient tant ? Demanda Jéanna.

« Non, je n’ai plus de contact avec son esprit, je sais seulement qu’il n’est plus en danger…

« Plus ?

« Oui… C’est étrange, mais dès qu’il est entré en contact avec Arya, j’ai senti qu’il se passait quelque chose d’anormal, c’est pour ça qu’il a sursauté.

« Espérons qu’il apprendra comment trouver les Vardens.

« Brom ne t’en a jamais parlé ?

« Je sais qu’ils se trouvent quelques part dans les montagnes, mais c’est insuffisant. Et nous ne pouvons tenter notre chance chez les Elfes, ils se trouvent trop loin et je doute qu’Arya survive encore longtemps dans cet état léthargique…

Les battements d’ailes d’une chauve souris fendirent le silence qui s’était installé autour du campement.

Eragon était toujours figé près de l’elfe.

Jéanna défit son regard du dragonnier et le tourna vers Murtagh, encore troublée par la réaction du jeune homme. Ses désirs étaient clairs et palpables, mais elle n’y répondait pas. Elle comprit soudainement ce qui la tenaillait. Elle avait peur, peur du choix qu’elle devrait faire… Il croisa brusquement son regard mais elle détourna la tête sans faire de commentaire. Que devait-elle faire ? Qui suivre ? Quelle promesse tenir ? Elle avait juré de les protéger tous les deux mais s’ils venaient à se séparer, lequel choisirait-elle ? La raison de son incertitude enfin révélée, elle se sentit plus légère car elle saisissait ce qui n’allait pas en elle. Mais désormais un doute plus crucial l’emprisonnait…

Enfin, Eragon rouvrit les yeux et retourna s’asseoir, l’expression grave d’une personne ayant appris quelque chose d’important et sérieux.

-          Alors ? Demanda Jéanna.

-          Tu as raison, elle s’appelle Arya. Elle m’a dit où trouver les Vardens mais j’ai bien peur que ce ne soit encore plus loin que Gil’ead ! Il y a aussi un autre problème : l’Ombre l’a empoisonnée et il ne lui reste que quelques jours à vivre.

-          Et on est sensés faire tout ce chemin en moins de temps que depuis Gil’ead ?! S’exclama Murtagh. C’est impossible, si on pousse encore plus les chevaux, ils vont mourir d’épuisement !

-          Si nous ne faisons rien, Arya mourra ! Je pourrais m’envoler avec elle et Saphira et vous nous rejoindrez en quelques jours…

Murtagh croisa les bras, furieux et s’emporta soudainement :

-         Bien sûr ! Murtagh la bête de somme ! Murtagh le garçon d’écurie ! Je ne suis bon qu’à ça, j’aurais dû m’en souvenir. Et je te rappelle que tous les soldats de l’Empire me recherchent, puisque tu n’as pas été capable de te défendre tout seul, et qu’il m’a fallu risquer ma peau pour sauver la tienne. D’accord, je suppose que je n’ai qu’à suivre tes instructions, et rester en arrière pour mener les chevaux, comme un bon serviteur.

-         Qu’est-ce qui te prend ? Répliqua Eragon en se levant. Je sais ce que je te dois et je t’en suis reconnaissant. Ce n’est pas moi qui t’aie demandé quoi que ce soit, tu as agi de ton propre gré, à moins que tu n’aies décidé de rester uniquement pour rattraper ton passé perdu avec Jéna ?!

-         Ne mêle pas Jéanna à tout ça ! Que pouvais-je faire face à un incapable qui n’arrive pas à se défendre seul ! Pouvais-je passer mon chemin la conscience tranquille lorsque vous étiez aux mains des Ra’zacs ?! Le problème avec toi Eragon, c’est qu’on se sent obligé de te venir en aide, conclut-il en enfonçant son index dans la poitrine du dragonnier après s’être levé.

Ils se jugèrent du regard en se lançant quelques piques, puis ils commencèrent à se battre.

« Qu’est-ce qu’ils ont ? S’alarma Saphira.

Jéanna se leva à son tour, elle n’était pas intervenue dans leur dispute car le malaise en jeu n’était pas le sien, du moins pas entièrement. Mais désormais Eragon et Murtagh roulait par terre en se frappant rageusement, cela désola la jeune fille et fit monter une colère chagrinée en son cœur.

Elle s’avança alors vers eux et prononça avec force :

-          Letta !

Aussitôt les deux jeunes garçons furent éloignés l’un de l’autre et immobilisés.

-          Arrêtez ces enfantillages, dit-elle sévèrement.

-          Laisse-nous tranquilles, rétorqua Eragon d’un ton cinglant.

-          Non, hors de question. Ce que vous faites est complètement inutile et puéril. Ce n’est pas le moment des discencions, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire, et peu de temps pour sauver Arya…

« Saphira aide-moi, je ne tiendrai pas longtemps encore, supplia Jéanna tandis qu’elle sentait ses forces décroitre rapidement.

A ces mots, la puissante dragonne s’approcha et plaqua ses pattes énormes sur Murtagh et Eragon, Jéanna cessa le flux de magie qui la dévorait.

« Elle a raison Eragon. Demande-lui ce qui le préoccupe tant ou vous resterez sous mes pieds toute la nuit, menaça Saphira.

-          Bon, elle va nous lâcher ? Marmonna Murtagh en bougeant pour se dégager.

-          Non, à moins que nous discutions… elle veut que je te demande quel est ton vrai problème, dit le dragonnier embarrassé.

Murtagh haussa les épaules sous l’œil réprobateur de la dragonne.

-          Je te l’ai déjà dit, je ne veux pas aller chez les Vardens.

-          Tu ne veux pas, ou tu ne peux pas …

Leur discussion se perdit lorsque Jéanna s’éloigna pour qu’ils s’expliquent seuls. Elle savait, elle. Savait ce qui le préoccupait mais les voir se battre de façon si immature l’énervait, ce n’était vraiment pas le moment de se diviser, elle souhaitait ne pas avoir à choisir si tôt…

Elle dardait un regard perdu dans l’horizon, de plus en plus perturbée par l’avenir, lorsque soudain elle aperçut une ligne de combattants, portant des étendards et des armes rutilantes à la lumière crépusculaire.

-          Regardez ! Cria-t-elle.

Saphira avait relâché les deux garçons qui se tenaient néanmoins à distance raisonnable l’un de l’autre.

Ils suivirent tous les trois son doigt pointé vers la longue file entourée de nuages de poussières. C’étaient des Urgals.

Les jeunes gens se dépêchèrent de rassembler leurs affaires, d’éteindre le feu et de s’enfuir une nouvelle fois, Murtagh ayant céder aux conseils d’Eragon de venir avec eux pour ne pas avoir à affronter une armée d’Urgals tout seul.

Ils galopèrent toute la nuit, se reposant à tour de rôle sur leur selle afin de ne pas se laisser rattraper par leurs poursuivants.

 

***

 

Ils s’étaient arrêtés auprès d’une rivière pour se désaltérer et Saphira leur avait laissé Arya pour chasser, lorsqu’ils entendirent des bruits de sabots. En effet, une vingtaine d’hommes bien armés et montés sur des chevaux de courses les avait repérés et les encerclait, leur coupant ainsi toute échappatoire.

L’un des hommes s’avança alors vers eux et les examina, un sourire torve sur les lèvres. Il était de carrure imposante et portait une massue avec laquelle il menaçait les jeunes gens.

-          Eh bien, c’est toujours mieux que les rebuts que nous récupérons d’ordinaire, ceux-là au moins sont en bonne santé et on n’a même pas eu besoin de leur tirer dessus. Tiens, y’a même une fille et plutôt jolie en plus ! Alors, ma mignonne, qu’est-ce que tu fais là accompagnée de ces deux larbins ?

Il fit mine de s’approcher de Jéanna, une lueur qui ne trompait personne dans les yeux, mais Eragon et Murtagh qui l’entouraient se rapprochèrent encore.

-          Vous pouvez toujours vous interposer les gars, vous êtes trois, nous sommes vingt ! Elle sera bientôt à moi ! Dit-il en retroussant les lèvres sur des dents jaunes et tordues. Grieg sera content ! A présent les enfants, jetez vox armes à terre pour ne pas ressembler à des pelotes d’épingles quand mes archers videront leur carquois sur vous.

Ces derniers gloussèrent, amusés.

-          Qui es-tu et que nous veux-tu, lança Murtagh en faisant des moulinets avec son épée, Jéanna l’avait senti se crisper lorsque le bandit l’avait menacée. Tu n’as nul droit de nous arrêter !

-          J’ai tous les droits, gamin, et les esclaves ne s’adressent pas sur ce ton à leur maître !

Des esclavagistes ! Un frisson parcourut la peau des trois jeunes gens, ils n’étaient pas en très bonne posture, à trois contre un… Mais ils avaient Saphira…

-          Eh Torkenbrand ! Celle-ci est une elfe !

Ils se retournèrent, surpris ; un des esclavagistes s’était approché discrètement de Feu de Neige et avait soulevé la couverture qui protégeait Arya des regards indiscrets. Torkenbrand, le chef, éclata d’un rire sonore et gras avant de se félicité de la fortune qu’ils recevraient pour la capture d’une elfe.

« Jéna, lui souffla Eragon, Tiens-toi prête, Saphira arrive.

La jeune fille opina et raffermit sa prise sur son épée.

Soudain, la dragonne surgit en piqué, effrayant les hommes qui tentèrent de fuir ; Jéanna, Murtagh et Eragon n’avaient pas attendu, ils s’étaient jetés sur eux, les désarçonnant de leur monture ou les frappant de leurs épées. Les brigands s’enfuirent sans demander leur reste, d’autant plus paniqués lorsqu’Eragon brandit Zar’roc au côté de Saphira qui s’était posée dans un rugissement effroyable. Seulement, Torkenbrand n’eut pas la chance de pouvoir partir, il fut percuté par un javelot et tomba au sol, abandonné par ses subordonnés. Alors, Murtagh mit pied à terre et leva son épée sur l’homme agenouillé devant lui.

-          Non ! Couina Eragon.

Mais il était trop tard.

Jéanna détourna la tête, écœurée, néanmoins elle ne put échapper au bruit que fit la lame en traversant la gorge du condamné ni à celui des deux parties tombant sur les graviers. Elle n’osa ouvrir les yeux, de peur de croiser le dernier regard de Torkenbrand.

-          Tu es malade ! S’écria Eragon. Pourquoi tu l’as tué ? Tu aurais pu le laisser partir, il était sans défense !

-          Sans monture il ne serait pas allé bien loin, répondit Murtagh, impassible. Les Urgals l’auraient rattrapés et il aurait pu leur révéler l’existence d’Arya, c’est ce que tu souhaitais peut-être ?!

-          Mais de là à le tuer ! Tu n’as donc aucune compassion ?

-          De la compassion ? Quelle compassion puis-je me permettre envers mes ennemis ? Aurais-je dû renoncer à me défendre pour les épargner ? En ce cas je serais mort depuis longtemps ! Il faut avoir la volonté de se protéger soi-même, et ceux qu’on aime, ajouta-t-il à voix basse. Quelqu’en soit le prix à payer.

-          En raisonnant ainsi tu peux justifier n’importe qu’elle atrocit.

-          Crois-tu que je le fasse par plaisir ? Cria Murtagh. Je n’ai jamais été en sécurité, alors j’ai appris à me préserver. Il était un danger, fit-il en désignant le cadavre sans tête, je l’ai éliminé. Je n’éprouve aucun regret. Ce qui est fait est fait.

-          Calmez-vous, intervint durement Jéanna. On ne peut revenir en arrière… Partons d’ici avant que les Urgals nous rattrapent.

Elle les foudroya tous les deux du regard et s’élança en avant.

Ils parcoururent une distance colossale cette journée-là, mais le soir, aucun des deux garçons ne dit mots, encore plongés dans leur obstination.

 

 

 
 
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