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Par tokyofrance
Eragon  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 25     Les chapitres     7 Reviews     Illustration    
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La promesse de l'Aube

 

Il se tenait debout, dos à elle, le regard perdu par-delà le bois sombre. Il pleuvait.

Désormais il pouvait se lever sans craindre que le monstre ne surgisse à chaque mouvement et détruise son corps et sa conscience, même s’il restait imprévisible. C’est pourquoi il restait prudent et cette méfiance constante qu’il subissait entretenait la haine qu’il vouait à celui qui lui avait infligé ça. Cependant, Il n’était plus, Il était mort. Sa mère, un jour, avait disparu, personne ne savait où elle était allée ; Il était parti à sa recherche et s’était fait tué par un homme nommé Brom.

Brom.

Un étrange nom qui hantait ses pensées. Cet homme lui avait ôté l’énorme poids qui pesait depuis toujours sur son cœur mais en contrepartie il lui avait volé l’épée : la lame flamboyante qu’il craignait et désirait tant ; ce joyau source de sa souffrance mais qui l’attirait comme le soleil brûle les yeux qui veulent le regarder.

Sa mère était revenue il y a quelques jours, elle était faible, malade. Elle ne lui avait pas dit un mot ni adressé un regard.

Jéanna lui prit la main.

-          On joue ? Demanda-t-elle joyeusement.

Elle le tira légèrement.

-          Allez viens, Maman a dit qu’on devait jouer.

-          Non.

Il dégagea brutalement son bras et colla son front contre la vitre humide. De sa petite main il suivit la traînée que laissait une goutte d’eau sur le carreau ; il renifla, tâchant en vain de cacher ses larmes.

Soudain, il l’entendit partir en courant, il se retourna aussitôt pour lui dire de rester mais elle avait déjà disparu… Il se maudit intérieurement d’avoir refusé de s’amuser. Il était inquiet, triste, on ne l’autorisait pas à voir sa mère.

Il se laissa glisser contre la fenêtre froide et replia ses genoux vers lui ; un craquement déchira sa peau dans son dos mais miraculeusement il ne ressentit rien hormis une agréable sensation de fraîcheur comme lorsque l’on arrache une vieille croûte de sang.

Il se mit à sangloter, seul dans sa grande chambre. Il n’entendait que les battements frénétiques de son cœur et ne voyait que le visage de celle qu’il aimait tellement dans son esprit…

-          Tiens !

Il releva soudain la tête, surpris. Des fleurs pendaient mollement devant son visage, expulsant des gouttes d’eau fraîches sur lui.

Jéanna le regardait, un sourire éclairant son joli visage poupin ; elle dégoulinait littéralement, ses cheveux étaient trempés et collaient sur ses joues, ses vêtements laissaient des flaques par terre, quant à ses chaussures de cuir, elles avaient disparues sous une épaisse couche de vase… La fillette était essoufflée mais visiblement ravie.

-          Tiens, dit-elle en tendant un peu plus son maigre bouquet qui vint heurter le nez de Murtagh.

Il le prit et la considéra, perplexe, ses yeux bleus grand-ouverts la fixaient sans ciller. Elle s’assit devant lui.

-          Tu veux qu’on partage un secret ? Demanda-t-elle sérieusement.

Ses prunelles dorées étincelaient ; il acquiesça.

-          Le roi m’a chargé d’aller chercher sa confiture préférée aux cuisines, mais j’ai besoin de quelqu’un qui sache où elles sont. Tu m’aides ?

-          C’est mal de voler, déclara doucement Murtagh. Et le roi ne te demanderait jamais une telle chose, tu mens.

-          Mais non ! Se défendit Jéanna, c’est pas du vol, c’est une mission. On a même des noms secrets pour que personne ne nous reconnaisse..

-          Alors le mien c’est Cœur Cassé, marmonna Murtagh en la coupant.

Elle le dévisagea, déconcerté par cette dure réplique.

-          Non, ça ne va pas… Tant pis on abandonne les noms.

Le garçon baissa les yeux. Jéanna réfléchit un moment et tout à coup son visage s’éclaira en un magnifique sourire.

-          J’ai une idée. Pour se reconnaître, on aurait des talismans magiques qui s’allumeraient dans notre main quand on les montre ! D’accord ?

-          Mais on n’a pas de talismans, objecta Murtagh.

-          Si ! Regarde.

Elle sortit alors de sa poche deux galets, somme toute d’apparence banale et lui en donna un. Elle plaça l’autre au centre de sa paume et fronçant les sourcils sous l’effort, lança d’une voix claire :

-          Garjzla ! (lumière)

Soudain, sous les yeux ébahis de Murtagh, la pierre se mit à scintiller d’une lumière vive et chaude !

-          Comment… comment tu as fait ça ? s’exclama-t-il, impressionné, abandonnant immédiatement son air bougon.

Il tâta la pierre comme pour vérifier qu’il ne rêvait pas.

-          Je ne sais pas, je fais comme mon père, c’est tout. C’est lui qui m’a appris à faire apparaître de la lumière pour que je n’aie plus peur la nuit. Mais il m’a dit de faire attention, si je le fais trop longtemps je risque de me fatiguer et ça peut être dangereux, affirma la fillette avec un air de bon pédagogue.

-          Tu m’apprends ? S’exclama Murtagh fasciné.

-          Si tu veux. Mets la pierre dans ta main, comme ça. Et après pense très fort « Garjzla » et dis-le !

Le petit garçon ferma les yeux et répéta à voix basse garjzla garjzla garjzla garjzla. Puis il fixa la pierre intensément et prononça :

-          Garjzla !

Il ne se passa rien.

-          Garjzla ! Répéta-t-il.

Toujours rien.

Au bout de la sixième tentative il abandonna, découragé.

-          Pourquoi tu y arrives et pas moi ? Grogna-t-il, envieux.

-          C’est pas grave…

Elle le contempla, il faisait la moue visiblement très déçu, mais elle ne pouvait rien faire pour l’aider, à moins de …

-          Réessaie, peut-être que ça va marcher cette fois, suggéra-t-elle en souriant.

Il hésita mais referma une nouvelle fois les yeux et fronça les sourcils pour se concentrer. Elle-même focalisa son attention sur le mot…

-          Garjzla ! Lâcha-t-il soudain.

Alors, à sa plus grande surprise, avec un court décalage, le galet se mit à briller dans sa paume, réchauffant ses doigts.

-          Whaa ! Regarde ! Regarde Jéanna ! J’y arrive ! J’y arrive !!

C’était la première fois qu’il l’appelait par son nom.

-          Oui bravo ! Viens ! On va le montrer à Maman !

Ils se levèrent, surexcités et sortirent en trombe de la chambre, Murtagh brandissant devant lui le talisman magique. Ils dévalèrent les escaliers à toute vitesse riant et criant à la fois et faillirent percuter Tôcen, le père de Jéanna. Ils s’arrêtèrent brusquement et l’assaillirent de remarques :

-          Regarde Père ! Tu as vu !? S’exclama la fillette, resplendissante.

-          J’y arrive, j’y arrive moi aussi ! Renchérit le garçon.

Tôcen se pencha et admira le caillou qui émettait une lumière dorée aux reflets rouges orangés. Il regarda ensuite Murtagh dont les yeux pétillaient de joie et esquissa un sourire, amusé et attendri.

-          C’est très bien, assura-t-il. C’est Jéna qui t’a appris ce tour ?

-          Oui, il faut dire « Garjzla », récita le garçonnet.

-          Je te félicite, ce que tu as fait est vraiment difficile, le complimenta Tôcen.

-          Merci !!

Il se leva et croisa le regard de sa fille.

«  C’est toi qui as fait ça n’est-ce pas ? lui demanda-t-il dans son esprit.

« Et bien ? Je ne voulais pas qu’il soit triste, c’est mal ?

«  Non, c’était très gentil et généreux de ta part, je suis fier de toi Jéna.

Elle lui sourit, découvrant toutes ses petites dents blanches.

-          Mais dis-moi Jéna, poursuivit son père en prenant soudain et air dur et sérieux, qu’est-ce donc que toute cette boue sur tes vêtements ?! Tu es allée dehors par cette pluie !?

Ses joues s’enflammèrent, elle baissa la tête honteuse. Les grands pieds de son père qui dépassaient de son ample tunique firent un pas vers elle, mais Murtagh s’interposa.

-          C’était pour aller chercher nos talismans magiques ! La défendit-il. Et pour me cueillir des fleurs !

Tôcen éclata de rire devant l’innocence de cet enfant, qui malgré les difficultés ne se départait pas de son âme inconsciente.

-          Allez jouer, finit-il par dire.

Et ils repartirent dans l’autre sens en hurlant gaiement.

-          Ils s’amusent bien…

L’homme se retourna, Meryë était apparue dans l’encadrement d’une porte. Il s’approcha d’elle et la prit délicatement par la taille.

-          Que peut-on faire pour Murtagh, demanda-t-il, le regard tourné vers l’escalier où avaient disparu les enfants.

-          Rien, tu le sais bien.

Ils chuchotaient pour éviter toutes oreilles indiscrètes.

-          Jéna semble adorer ce petit.

-          Oui… je sais. Elle n’arrête pas de parler de lui. Ils ne se sont vus qu’une fois… deux en comptant aujourd’hui.

-          Ils sont adorables tous les deux. Jéna s’occupe de lui tendrement, c’est étrange… je ne l’ai jamais vue se comporter de manière si prévenante…

-          Hmmm… Selena aimerait lui parler, si tu la revois dis-lui de descendre, c’est important.

-          Je suis désolé de ne pouvoir rien faire de plus… Si j’étais arrivé plus tôt, peut-être que…

-          Ce n’est pas de ta faute.

Meryë prit le visage de son époux entre ses doigts fins.

-          Selena a pris beaucoup de risque et elle savait ce qu’elle encourrait, c’était son choix.

-          Pourquoi n’a-t-elle pas emmené son fils avec elle, je ne comprends pas…

-          Dans son état, elle ne pouvait se permettre de le prendre et je suis certaine qu’elle le regrette, s’empressa d’ajouter la jeune femme voyant que son Tôcen allait s’emporter.

Il soupira.

-          C’est dommage. Même si Morzan est mort, son fils ne sera jamais tranquille. Et maintenant… Que va-t-il devenir ?

-          Galbatorix le voudra à ses côtés.

-          Ne peut-on vraiment pas le recueillir ?

-          Nous ne sommes même pas sensés être ici. Le roi sait que je suis proche de Selena, mais pas au point de vouloir adopter son fils.

-          Et où se trouve Brom ? Il n’est pas revenu, il risque de ne jamais la revoir.

-          Personne ne sait où il se trouve…

 

 

***

 

 

Jéanna s’avança près du lit, ses petits pas claquaient étrangement sur le carrelage sombre. Les rideaux étaient tirés et seules quelques bougies éclairaient la pièce, l’enveloppant d’un manteau obscur et mystique. L’atmosphère était pesante, oppressante, il faisait étrangement froid ; un frisson d’angoisse remonta le long de l’échine de la fillette, vrillant sa peau, hérissant les poils de sa nuque et de ses bras.

-          Assieds-toi, murmura une faible voix.

Elle grimpa sur le matelas à côté de la jeune femme étendue sous une couverture épaisse. Elle était pâle, la lumière des chandelles jetait des ombres morbides sur son visage émacié. Ses cheveux, autrefois souples et soyeux, s’étendaient en fins filaments rachitiques autour d’elle comme une auréole terne et sans consistance.

-          Je vous ai entendu jouer tout à l’heure, commença Selena.

-          Il ne fallait pas ? On t’a dérangée ?

-          Non… non… C’est bien.

-          Tu es malade ? demanda-t-elle innocemment.

-          Oui, en quelque sorte.

-          Tu as quoi ?

-          Personne ne sait…

La fillette posa sa main frêle sur le front de la jeune femme. Il était brûlant et couvert de sueur. Elle se pencha au-dessus de Selena et embrassa sa joue avec un petit bruit lorsque ses lèvres s’éloignèrent de la peau blême de la malade.

-          Père peut te soigner, fit-elle d’un air convaincu et sincère.

-          Malheureusement, il a déjà essayé… Il n’y a rien à faire, articula Selena, les yeux rougis.

-          …Tu vas mourir ? Hésita Jéanna.

La jeune femme lui sourit tristement, semblant confirmer son interrogation. La fillette sentit alors une affreuse boule se bloquer dans sa gorge, ses narines se dilatèrent et de lourdes et chaudes larmes de chagrin émergèrent de ses yeux sans prévenir, brûlant ses joues, inondant son visage. Un profond tremblement enserra sa poitrine.

-          Allons, allons, cesse ces pleurs Jéanna, la consola Selena.

-          Pourquoi ? Pourquoi ? Tu n’as pas le droit de mourir, Murtagh t’aime trop ! Tu vas l’abandonner, tu ne peux pas ! Hurla-t-elle, perdant soudainement son calme.

Une main glaciale lui effleura la joue, essuyant au passage les traces salées qui s’écoulaient lentement.

-          Chut… ne t’inquiète pas Jéna, ma petite Jéna. Tu es gentille de te faire du souci pour lui, peu de gens agiraient ainsi tu sais.

Les prunelles noisette de la jeune femme la fixaient tendrement ; elle lui rendit son regard sans répliquer, son corps d’enfant parcouru de soubresauts dus aux sanglots qu’elle ne contrôlait pas.

Selena passa une main dans son dos et l’attira à elle. Jéanna s’allongea contre sa poitrine, sentant un bras osseux la retenir avec amour.

Elle pleura contre son sein, un étrange sentiment bouleversait son âme. Elle était triste et avait peur. Les caresse de Selena ne parvenaient pas à chasser ce trouble, mais la réconfortaient néanmoins.

-          Il ne sera pas seul, Jéna, déclara la mourante. Jamais… car tu seras là, tu veilleras sur lui. T’amener ici est l’une des seules bonnes choses que j’ai réalisées, aujourd’hui j’en mesure l’ampleur.

Jéanna écoutait les paroles que murmurait Selena plus pour elle-même ; elle écoutait mais ne comprenait pas ; tous ces mots alignés les uns après les autres étaient dénués de sens pour elle,  cependant elle ressentait la profondeur et l’importance qu’ils avaient pour la mère de Murtagh.

-          Je ne regrette plus d’avoir écouté cette étrange femme. Elle m’annonçait ma mort prochaine… Elle savait la perte qui était mienne, la souffrance qui entourait mon existence, mais voyait également la joie, l’espoir… la vie qui se profilaient à l’avenir. Elle t’avait vue aussi. Le regard qui a saisi le soleil veillera sur le corbeau enchaîné au flanc de la montagne

Selena poussa un rire, mi amusé mi dépité.

-          Quelle drôle de phrase… Je ne pourrais jamais les remercier. Il y a quelques mois encore je les aurais maudits pour m’avoir révéler tant de malheur, mais aujourd’hui… L’heure est arrivée et je n’ai qu’un regret… Jéna.

La fillette se releva et la regarda, quelque peu gênée d’avoir assisté aux confidences de la jeune femme.

-          Oui ? souffla-t-elle d’une petite voix

-          Je vais te demander quelque chose. Quelque chose de très important. Alors écoute-moi bien.

Jéanna acquiesça, ne saisissant pas l’importance du moment.

-          Me promettras-tu de veiller sur mon fils à ma place ? Non, même, pas à ma place. Car, Jéna, je sais que tu ne le laisseras pas souffrir, tu as immédiatement su quoi faire pour le protéger, pour l’aider.. pas comme moi… pas comme moi.

La respiration de Selena s’accéléra soudain devenant saccadée et bruyante, ses yeux se révulsèrent et papillonnèrent à toute vitesse.

-          Tu.. tu as quoi ?! Paniqua Jéanna.

Elle observait sans pouvoir agir, tâchant de stopper l’accès de fièvre de Selena en caressant avec maladresse son visage amaigri. Les larmes recommençaient à couler et s’écrasaient sur les joues creuses de la malade.

Elle allait appeler à l’aide lorsque la jeune femme se calma, aussi subitement qu’elle avait commencé à s’agiter. Elle tint ses paupières mi-closes et chuchota d’une voix où perçait la douleur :

-          Promets-moi Jéna. Promets-moi de ne pas défaillir et de veiller sur lui mieux que je n’ai pu le faire. Je t’en pris promets-moi…

La fillette ne comprenait pas, elle renifla et hocha la tête.

-          Oui, je promets.

-          C’est bien… Tu es courageuse, bien plus forte que je ne l’ai jamais été… Tu as un grand cœur Jéna, je te fais confiance…

-          Reste quand même. Maman dit que mourir c’est partir loin de nous, quelque part où on ne peut pas te suivre. Je ne veux pas que tu t’en ailles et Murtagh non plus, tu ne peux pas l’abandonner ! S’écria Jéanna voyant l’attention de Selena vaciller.

-          Je ne veux pas partir, mais je ne suis plus capable de rester…

-          Mais pourquoi ? Cria-t-elle à travers ses pleurs.

-          Excuse-moi…

 

 

***

 

 

-          Non ! Non ! Nooon ! Hurla-t-il.

Il voulait la suivre, rester avec elle, embrasser son visage, tenir sa main dans les siennes… mais les serviteurs le retenaient. L’empêchaient de courir la rejoindre. Il sentait les rayons de soleil caresser son visage envahit de larmes amères, un incroyable sentiment de vide pressait douloureusement son âme. Le cercueil laqué, porté par quatre hommes en noir disparut de sa vue au-delà des allées de buis et d’ifs centenaires. Le temps s’arrêta, les oiseaux ne chantaient plus, le vent avait cessé de souffler sur le flanc des montagnes ; il arrêta de se débattre, une rage contenue étouffait son cœur, il inspira une grande bouffée d’air frais, des sanglots agitaient sa gorge. Quelqu’un lui prit la main et le tira vers une calèche tirée par deux chevaux.

On l’emmenait.

Loin.

Jamais plus il ne la reverrait.

Des sentiments contraires tournoyaient dans son esprit : d’un côté il était soulagé de partir de l’endroit de toutes ses souffrance, mais d’un autre…

il abandonnait sa mère,

pour toujours…

 

 

 Le titre est un hommage à Romain Gary.

 
 
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