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A Coeurs Perdus : 2e Génération
Par Natalea
Harry Potter  -  Romance/Amitié  -  fr
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    Chapitre 23     Les chapitres     48 Reviews    
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Changement de Perspective

D’un geste sec, Scorpius souligna le résultat final de sa dernière équation. Un sourire satisfait s’épanouit sur ses lèvres, l’espace de quelques secondes, devant les vingt pages griffonnées de lettres et de nombres abstraits qu’il avait éparpillées tout au long de la matinée. Ce genre de satisfaction brève mais très intense le saisissait toujours au terme de sa réflexion, quand, après une bataille acharnée entre son esprit et les démons de la physique, il se révélait enfin triomphant. Alors seulement, il s’autorisait quelques courts instants d’estime personnelle. Puis venait le calme.

Lassé tout à coup, Scorpius se laissa aller en arrière sur son siège, rattrapé par la fatigue. Les yeux clos, il se massa la nuque, ressentant plus que jamais le manque d’exercice dans ses muscles noués, et les tensions qui s’y étaient accumulées. Seuls les chercheurs pouvaient comprendre les souffrances qu’il endurait à cet instant : le poids de longues heures passées courbé au-dessus d’un bureau, le nez dans un livre ou dans ses notes, sans autre perspective en ce monde que ce point minuscule que l’on cherchait à démontrer, mais qui n’importerait à personne d’autre.

Ce point-là importerait, pourtant. Scorpius ferait tout pour cela.

Jetant un bref coup d’œil à sa montre, il rassembla ses découvertes et s’accorda un déjeuner rapide : une pomme, un café noir et très fort, et une dose non négligeable de sucre. Scorpius s’était découvert accro à la caféine dès qu’il avait expérimenté les effets de ce breuvage sur ses capacités cérébrales – et sur sa résistance au sommeil. Scorpius fuyait le sommeil. Le café et la cigarette, telles étaient ses addictions. Elles l’enchainaient, sans qu’il ait la moindre envie de s’en défaire. Peut-être avait-il même volontairement passé ces chaînes.

En revanche, il n’était jamais retombé dans ses excès d’adolescent en matière d’alcool : ses recherches ne le lui permettaient pas. Avec le temps et en grandissant, il avait appris à juguler son être profond sans avoir recours à ce subterfuge. L’héritage génétique des Malefoy lui avait sans aucun doute servi, dans ce domaine. Scorpius avait toujours deviné cette aptitude chez son père, qui dès son plus jeune âge avait été contraint de refreiner ses pensées et ses émotions, parfois sous peine de mort. Scorpius n’avait pas subi un entraînement aussi rude, mais… Sa nature le poussait déjà à la réserve. Autrefois, c’était une réserve dangereuse, car ses passions pouvaient alors couver en lui pendant de longs mois, endormies, silencieuses, jusqu’à atteindre un point de rupture où tout lui devenait insupportable…

Mais non, plus maintenant. Scorpius avait trouvé cet équilibre douloureux en lui. Ce calme anormalement plat, tel les eaux lisses d’un lac, sans la moindre ride, le moindre souffle de vent. Souvent, cette tranquillité le déprimait. Rien ne semblait pouvoir agiter les tréfonds de son âme, rien ne semblait pouvoir le toucher, l’émouvoir, le faire vivre, comme il avait vécu autrefois… Le monde lui paraissait terne et sans nuance. Une palette de gris au goût de cendres, où rien n’accrochait plus son regard, rien n’éveillait ses pensées, rien.

Enfin, ce n’était pas totalement exact. Scorpius s’était toujours connu un esprit curieux. Cela expliquait pourquoi il pouvait se passionner pour un millier de choses très différentes les unes des autres, et les creuser profondément pour en retirer toute la substance, toute la moelle, s’en nourrir, et s’en émerveiller… Le monde avait toujours cet effet-là sur lui. Il renfermait trop de splendeurs pour les dédaigner. Mais c’était une vision toute scientifique, toute objective des choses : il décortiquait ses centres d’intérêt comme on l’aurait fait d’une souris, et ce n’était pas cela, vivre.

Le pire restait les gens. Depuis toujours, Scorpius avait entretenu un rapport conflictuel avec ses semblables. Deux monstres se battaient en lui : solitude et douceur. Solitude, car son esprit vif l’amenait parfois à porter un jugement rapide sur les gens, et à constater au mieux leur extrême différence, au pire leur médiocrité. Douceur, car il désapprouvait ces mauvaises pensées. Au fil des années, ces deux monstres avaient forgé en lui la certitude que personne ne pourrait jamais l’atteindre vraiment, le comprendre, vraiment, et qu’il serait condamné à se sentir seul en lui-même, tout au long de sa vie.

Il y avait eu une brève lueur d’espoir à l’horizon, bien entendu, mais… Cette lueur s’était évanouie depuis longtemps.

Depuis, Scorpius se tenait loin de ses congénères, encore plus qu’il ne le faisait étant plus jeune. Peut-être n’en avait-il pas entièrement conscience. Peut-être ignorait-il les raisons exactes de cette distance qu’il édifiait entre lui et le monde. Elle avait toujours été là, et rares étaient ceux à l’avoir franchie… Ce n’était pas de la timidité ou de la crainte. Réservé, Scorpius l’avait toujours été, mais c’était une attitude bien différente de la peur. Du moins, ça l’était à l’époque. On l’avait toujours éduqué comme si imposer ses sentiments aux autres était un manque de courtoisie. Mais à présent… Il ignorait qui la barrière était censée protéger : lui-même, ou les autres ? Il avait le sentiment d’avoir été… brûlé. Que quelque chose était mort en lui, avait été altéré, corrompu, d’une façon qui n’aurait jamais dû être permise… Il ne pouvait laisser voir cela à personne. A personne. Jamais.

Aussi son monde était-il également devenu un désert sans visage : il n’était qu’un pion dans une multitude anonyme, grouillante comme une colonie de cafards, et jamais la vie ne lui avait autant paru vide de sens.

Chassant ses idées noires, Scorpius laissa son regard dériver sur les bibliothèques pleines à craquer, de part et d’autre de son bureau. Les rayonnages regorgeaient de traités d’astrophysiques. D’obscurs théories mathématiques jusqu’aux profondeurs édifiantes de la physique quantique. Les reliures très marquées attestaient de leur consultation fréquente. De temps à autre, Herbert ou Asimov parvenaient à se frayer un chemin entre les grands savants, et leur couverture montraient autant de marques d’usure. Scorpius s’accorda un léger sourire, presque blasé. Il était là, le sens de sa vie. Sa raison d’exister. Mars… Plus rien d’autre ne comptait.

Il n’y avait qu’à regarder son appartement : toujours en plein cœur de Londres, et pourtant si différent du premier… C’était plus petit, bien sûr, mais aussi plus lumineux. Moins chaleureux pourtant : les meubles n’étaient pas les siens, il les avait loués en même temps que les murs, et en dehors des livres, rien n’exprimait son ressenti personnel. La peinture blanche répondait aux tons froids du canapé gris et de la descente de lit bleue. Le parquet flotté presque blanc renvoyait au bois synthétique du bureau. Dans un aquarium en face de la fenêtre, un combattant solitaire faisait des cercles, tel Scorpius dans son monde arithmétique…

Voyant que le temps s’écoulait, Scorpius attrapa ses notes et claqua la porte. Il n’habitait qu’à quinze minutes à pied du département de Physique du University College. Comme d’ordinaire, le quartier de Bloomsbury bruissait d’activité, bercé au rythme de la plus grande université londonienne, moldus et sorciers confondus. A 13h30, Scorpius avait rendez-vous avec son directeur de thèse. L’homme était grand et décharné : des cheveux de neige coupés courts, de grands yeux bleus alertes, et surtout, c’était l’un des meilleurs experts en astrophysique du monde. Avant même d’intégrer l’université, Scorpius concevait déjà pour lui un respect immense, et à présent, n’importe quel observateur extérieur aurait pu dire que ce respect était mutuel.

Les deux hommes se serrèrent la main, s’installèrent devant un café et pendant une demi-heure, s’entretinrent des avancées de Scorpius. Depuis six mois maintenant, ce dernier travaillait à l’élaboration d’un nouveau matériau suffisamment léger et résistant pour diminuer le prix d’envoi du kilo dans l’espace par cent. Un progrès qui pourrait provoquer un gigantesque bond en avant pour la recherche aérospatiale. En l’état actuel des connaissances, un tel matériau était impossible à fabriquer par des savants moldus. Mais Scorpius, de son côté, avait l’avantage de la magie, et son second directeur de thèse au département des Sorts et Enchantements lui avait assuré qu’il était sur la bonne voie. La partie la plus délicate de son travail, en fait, consisterait à justifier ses découvertes à la communauté scientifique moldue. Un exercice délicat pour lequel il avait à présent une assez bonne expérience.

Après une dernière poignée de main et une dizaine de références supplémentaires à consulter, Scorpius courut traverser la rue pour rejoindre le bâtiment principal de l’université : un gigantesque monument blanc immaculé à coupole et colonnade, telle une copie ambitieuse de la maison blanche. Grimpant les marches quatre à quatre, Scorpius répondit distraitement à quelques collègues et élèves qui le saluaient, puis poussa la porte d’un amphithéâtre. Les licences étaient déjà là. A cette heure-ci, c’étaient les deuxièmes années.

Scorpius s’installa derrière son pupitre, devant l’auditoire, et contempla d’un air froid les dizaines d’yeux braqués sur lui :

- Bonjour à tous, commença-t-il. Aujourd’hui, l’effondrement gravitationnel et ses conséquences.

Une armée de cliquetis de clavier se fit aussitôt entendre. Savourant cet emploi du temps qui ne lui laissait pas une seule seconde de répit, Scorpius se plongea dans l’enseignement de la vie et de la mort des étoiles, des trous noirs et autres supernovas. En ce sens, l’entrée en doctorat lui avait joué une véritable farce : s’il n’avait plus de cours à suivre afin de pouvoir en théorie se consacrer entièrement à ses recherches, il devait désormais donner des cours, aux licences de deuxième et troisième année. Ce qui consommait une majeure partie de son temps.

Non pas qu’il en éprouve le moindre déplaisir, mais avec seulement deux ans de pratique, Scorpius avait encore du mal à s’identifier au rôle d’enseignant. D’autant plus lorsque des élèves affolés et intimidés lui couraient après dans les couloirs en l’appelant : « Monsieur Malefoy ».

Après trois heures d’exposé intenses au cours desquelles les cerveaux de nombre d’étudiants approchèrent dangereusement de l’ébullition, Scorpius répondit brièvement à ceux de ses élèves qui se montrèrent assez téméraires pour lui poser une question. Puis il retrouva avec un semblant de soulagement la solitude de son laboratoire vide. Le University College comportait plusieurs laboratoires, et une zone entière de l’un d’eux était entièrement réservée à Scorpius. Sa solitude ne dura pas cependant : il avait à peine commencé l’étude de son nouveau modèle moléculaire qu’une jeune femme franchit la porte à son tour, déjà vêtue d’une blouse blanche :

- Scorpius, sourit-elle pour le saluer.

Il lui accorda un bref regard et hocha poliment la tête :

- Maya.

Son visage s’illumina, et elle s’installa elle aussi derrière ses écrans avec enthousiasme. Maya Harmon était une doctorante en astrophysique issue de la même promotion que Scorpius. Brillante, elle avait contemplé leurs camarades abandonner ou se disperser vers d’autres branches les uns après les autres, au cours de leurs années de licence et de master, jusqu’à ce que finalement, il ne reste plus que Scorpius et elle pour franchir le seuil du doctorat. Si Scorpius avait clairement choisi la recherche et le développement spatio-aéronautique, Maya était en revanche une spécialiste du Big Bang et des premiers âges de l’univers, tournée vers un passé vieux de plusieurs milliards d’années, ce qui en faisait l’ennemie héréditaire de Scorpius. Il leur arrivait souvent de plaisanter à ce sujet : elle l’archéologue de l’espace, et lui tourné vers l’avenir…

Si elle savait à quel point l’avenir l’indifférait, pourtant.

Durant le reste de l’après-midi, Scorpius et Maya respectèrent leur silence concentré et poursuivirent leurs recherches. Maya occupait la zone en face de la sienne, dans le labo, mais l’écrémage des rangs durant leur master avait déjà contribué à les rapprocher bien avant cela. Vers 17h, la jeune femme retira sa blouse et lui offrit un sourire fatigué par derrière ses écrans :

- Café ? proposa-t-elle.

Scorpius ne pouvait pas dire non à cela. Attrapant leurs affaires, ils sortirent dans la fraicheur du soir londonien et se dirigèrent sans se hâter vers un café qui avait leur préférence, depuis plusieurs années. Maya commanda un cappuccino, et Scorpius, comme d’habitude, un café noir avec beaucoup de sucre. Il ignora son regard désapprobateur tandis qu’il allumait son énième cigarette.

- Des progrès avec Quirke ? lui demanda-t-elle à défaut.

Quirke était le directeur de thèse de Scorpius.

- On avance, répondit-il en haussant les épaules. Il veut que je lise la thèse de Macmillan sur les nano-fibres de diamant, mais je hais ce type.

Arthur Macmillan était un ancien du University College. Elève de Quirke, il était l’un des pionniers dans le domaine des nouveaux matériaux, et aussi un enfoiré de première, ce que Scorpius avait pu relever rien qu’à son style d’écriture.

- De toute façon, ses nano-fibres de diamant ne permettront jamais d’alléger les coûts.

- C’est toujours le même problème. Tu résous soit la solidité, soit le prix, mais jamais les deux.

Scorpius sourit :

- Si, moi je résoudrai les deux. Et quand j’aurai fini, qui sait ? Si j’ai du temps à perdre, je te construirai peut-être une machine à remonter le temps, et tu pourras assister à ton foutu Big Bang par toi-même.

Maya lui rendit son air de requin :

- Le jour où vous accomplirez cela, monsieur Malefoy, vous aurez enfin gagné tout mon respect.

- Une récompense inestimable.

Elle lui donna un coup de pied par-dessous la table et ne dit rien. L’espace de quelques secondes, Scorpius le vit à nouveau, cet éclat. Juste-là, dans la prunelle de ses yeux.

Maya était une jolie jeune femme. Un visage fin, de longs cheveux clairs, une silhouette élancée qui concurrençait la sienne, et l’éclat naturel de ceux qui ignorent leur propre beauté. Moldue, elle avait un an de plus que Scorpius et ignorait tout de sa vie ou de ses origines. Elle le taquinait parfois sur ce qu’elle avait d’abord pris pour un culte du secret, mais qu’elle avait appris à assimiler, petit à petit, à une profonde noirceur intérieure. Maya était intelligente. Par-delà sa légèreté et ses tentatives désespérées de toujours tout tourner en dérision, elle jouait avec l’énigme que Scorpius représentait, captivée comme le serait n’importe quel scientifique face à une proie qui lui résiste, et Scorpius savait qu’elle avait pu voir en lui certaines de ses vérités : sa trop grande maîtrise de soi, sa froideur détachée, son abandon total à ses addictions comme s’il cherchait volontairement à s’empoisonner…

Seulement, Maya cherchait aussi à voir en lui ce qu’il n’était pas. A cet instant où les derniers rayons du Soleil éclairaient la rue, colorant les cheveux châtains clairs de Maya de reflets iridescents, Scorpius vit à nouveau dans ses yeux cette admiration qui s’attardait trop, cette étincelle qui buvait ses paroles, capturait ses traits, et la culpabilité l’envahit comme une compagne familière. Il savait que Maya espérait plus de lui qu’un ami. Il le savait depuis des années maintenant. Et pourtant, cela ne l’empêchait pas de venir lui parler, ou même d’accepter ses invitations pour aller prendre un café, voir une expo, écouter une conférence, toutes les semaines, presque quotidiennement.

Scorpius savait que Maya vivait chacune de ces rencontres avec un espoir sans cesse renouvelé, car il l’entretenait. Bien malgré lui, il l’entretenait…

La vérité était que Maya était une lueur rare au milieu de la foule terne et sans visage. L’une des seules personnes frappées du sceau de l’intérêt aux yeux de Scorpius. Il voyait en elle une jeune femme intelligente, fascinante et douce, à tous points de vue. Elle aimait débattre, comme lui. Elle aimait disserter durant des heures sur des sujets graves ou légers, avec la même intensité. Elle était toujours disponible, toujours partante pour de nouveaux échanges impromptus, de nouvelles joutes verbales qui auraient laissé nombre de leurs collègues pantois. Mais surtout, elle avait ce petit quelque chose que Scorpius estimait avoir perdu. L’idéalisme. La fougue. La foi.

Avant même d’avoir atteint la trentaine, Scorpius s’estimait déjà vieux. Il était devenu vieux alors même qu’il avait dix-huit ans. Depuis le monde était passé à travers le prisme de son cynisme et de sa désillusion, et il avait perdu quelque chose. L’envie de se battre. L’envie d’espérer, car l’espoir prolongeait les souffrances de l’homme. L’envie d’aller mieux.

Aussi curieux et ouvert qu’il puisse l’être, Scorpius vivait dans un monde aux horizons fermés. Jamais il ne pourrait envisager de relation amoureuse avec Maya, ou même avec qui que ce soit d’autre. Pas après ce qu’il avait vécu. Ce qu’il avait perdu. Pas alors qu’il se savait pertinemment incapable de rendre qui que ce soit heureux. 

Pourtant, il continuait de solliciter Maya tard le soir, lorsqu’il était rentré chez lui depuis des heures et qu’il était seul face à son ordinateur allumé. Il lui parlait sans raison, de tout et de rien, car sa compagnie, son intelligence et son esprit lui plaisait. Par cette attitude, il avait conscience d’encourager des espoirs qui n’étaient pas fondés, et il se détestait. Mais là aussi en l’occurrence, il avait de l’expérience en matière de haine personnelle, et tout cela se fondait dans les eaux calmes et noires du lac qui englaçait son cœur.

Lorsque Maya et lui se séparèrent ce soir-là, la jeune femme l’embrassa sur la joue pour lui dire au revoir, et une fois encore, Scorpius pria de tout son cœur pour qu’elle n’ajoute rien, pour qu’elle ne se déclare pas, et pour qu’ils puissent poursuivre leur amitié étrange dont il avait tant besoin. Cette fois encore, Maya respecta son souhait. Scorpius fit demi-tour et rentra chez lui.   

En franchissant la porte de son appartement, il sut tout de suite qu’il n’était pas seul. Une jolie chouette hulotte l’attendait perchée sur la table de la cuisine, les yeux plissés d’un air impatient. Scorpius soupira, détacha la lettre et récompensa l’oiseau. Il jeta ensuite la lettre sur son bureau où elle rejoignit une pile d’une dizaine de missives identiques, toutes non-ouvertes.

Mais Scorpius s’était aussi parfaitement intégré au monde Moldu, et il n’était pas le seul. Son téléphone sonna six fois ce soir-là, et un nombre égal de mails saturait sa messagerie électronique. Scorpius ne répondit pas. Lorsqu’il sortit de la douche une demi-heure plus tard, une voix féminine sur son répondeur résonna dans le noir :

- … Je t’en prie, Scorpius. Je sais que tu ne veux pas entendre parler d’elle, mais cette fois ça pourrait être important. Je t’en prie, rappelle-moi.

Scorpius pressa une touche et effaça le message.

XXX

Les jours qui suivirent se déroulèrent selon la même routine quotidienne. Avant de commencer sa thèse, Scorpius n’aurait jamais imaginé à quel point l’emploi du temps d’un chercheur pouvait s’avérer chargé. En master, il avait trop de temps libre pour son propre bien, mais à présent… La recherche ne consistait pas seulement à rechercher. Il fallait aussi se montrer, nouer des relations, s’exprimer en public, participer à des colloques, écrire des articles… En fin de semaine, Scorpius fit un saut à Paris pour une conférence à la Sorbonne sur le futur de l’exploration spatiale, et en ressortit plutôt pessimiste. Au stade où en était la recherche moldue actuelle, la discipline était morte. Il comptait bien lui redonner l’impulsion. Tout ce qu’il fallait pour motiver les hommes à aller sur Mars, c’était que ce soit rentable. Et bien soit, il rendrait cela rentable. Et au diable les nano-fibres de diamant.

Scorpius se laissa distraitement errer dans les jolies rues haussmanniennes de Paris, mais, troublé par la nostalgie que cela faisait naître en lui, il ne s’attarda pas. Il transplana jusqu’à son appartement et passa la soirée à discuter avec Maya par écrans interposés.

Le lendemain matin, alors qu’il apportait quelques corrections à son chapitre sur la résistance des forces de frottement, Scorpius fut distrait par trois coups frappés à sa porte. La personne semblait nerveuse mais déterminée. Cela n’annonçait rien de bon.

Scorpius soupira, et considéra un instant de ne pas répondre. Il pouvait aussi bien prétendre ne pas être là. Mais la voix féminine du répondeur l’interpella :

- Scorpius, si tu es là, ouvre-moi ! Je te signale que ce n’est que par courtoisie que je ne prends pas la peine de transplaner directement dans ton salon !

Scorpius se leva et ouvrit la porte. Le visage anxieux d’Emily Finnigan l’accueillit. La jeune femme tordit ses mains devant elle, hésita, puis le prit dans ses bras :

- Je suis contente de te revoir, dit-elle.

Il se tendit à son contact, mais ne la repoussa pas.

- Qu’est-ce que tu fais ici ?

- Tu ne réponds pas à mes lettres ! Ni à mes messages !

- Oui, et tu sais très bien pourquoi.

- Je t’en prie, Scorpius. Elle pourrait très bien avoir raison cette fois. Lily…

- Je ne veux pas entendre parler de Lily !

Scorpius se passa une main sur le visage, s’exhortant au calme. Il n’aurait pas dû crier. En face de lui, Emily s’était tue, blême et angoissée. Scorpius ignorait ce qu’elle craignait le plus : sa réaction, ou l’image qu’il lui donnait à voir.

- Excuse-moi, dit-il en fuyant son regard. Tu sais quoi ? Allons boire un café.

Il attrapa son manteau et les fit sortir aussi vite que possible. Une seconde de plus dans son appartement avec Emily et il menaçait d’exploser.

Il les fit asseoir dans le café où il avait l’habitude d’aller avec Maya et pendant quelques secondes, ni l’un ni l’autre ne prononcèrent un seul mot. Scorpius contemplait son ancienne camarade de classe, rattrapé par un passé qui l’avalait tout à coup, et il n’était pas sûr d’aimer cette sensation. Il était partagé entre la joie primaire de revoir Emily, et le rejet de tout ce monde qu’elle ramenait avec elle, et qu’il voulait fuir.

Emily n’avait pas beaucoup changé depuis leur dernière année à Poudlard. Ses cheveux noirs étaient un peu plus longs, peut-être, frôlant ses épaules. Elle avait toujours ses yeux rieurs qui lui donnaient l’air d’une fée, et cette énergie débordante qui se lisait dans chacun de ses traits. Pourtant, elle paraissait aussi plus sage, plus maîtrisée. Peut-être parce que la vision de Scorpius l’ébranlait elle aussi. Sans lui demander sa permission, Scorpius alluma une cigarette et inspira profondément. Il en aurait sans doute besoin d’ici la fin de la journée.

- Tu as l’air d’aller bien, dit-il, histoire de commencer quelque part.

Elle hésita quelques instants, fronça les sourcils, puis répondit :

- Toi aussi.

- Comment vont les choses chez Obscurus Books ?

Après quelques changements de parcours, Emily s’était finalement décidée à rejoindre le monde exigeant de l’édition sorcière. Obscurus Books comptait parmi l’une des maisons d’édition les plus renommées de Londres.

- Ecoute, Scorpius…, fit Emily. Je ne suis pas vraiment là pour rattraper le temps perdu.

- Je sais pourquoi tu es là.

- Alors tu vas m’écouter ?  

- Je suppose que je n’ai pas le choix.

Scorpius se recula en arrière et dévisagea la jeune femme. Cela eut le don de mettre Emily mal à l’aise, et rien que pour cet exploit, il se félicita intérieurement. Il essayait de toutes ses forces d’empêcher son cœur de battre plus vite.

- Lily m’a écrit il y a quelques semaines, commença Emily en retrouvant cet air farouche qui surmontait ses angoisses.

- Tu l’as revue ?

- Brièvement, oui.

Scorpius se renfrogna. Emily l’ignora :

- Elle m’a dit avoir pensé à une piste que nous n’avions pas encore envisagée.

- Une chimère de plus…

- Ecoute-moi jusqu’au bout, s’il te plait.

Avec réticence, Scorpius obtempéra. Cette conversation lui faisait mal, jusque dans les fibres de ses os.

- Est-ce que Rose t’avait parlé des lettres qu’elle écrivait à Harry, en se faisant passer pour Ron ? Lorsque personne n’était encore au courant de sa rechute ?

- Elle m’en a parlé une ou deux fois, oui.

- Dans ces lettres, Rose prétendait que Ron s’était passionné d’alpinisme. Qu’il arpentait les plus hauts sommets du monde : l’Everest, le K2, le Lhotse…

- Et c’est là que Lily propose d’aller la chercher ? Sur le toit du monde ?

- Ce n’est pas si ridicule, Scorpius ! Où n’a-t-on pas déjà cherché ? Nous avons fait tous les pays qui auraient pu lui plaire, tous les endroits dont elle aurait pu faire vaguement mention au cours de nos années à Poudlard… Tu connais Rose, tu sais qu’elle se serait probablement complètement retirée du monde sorcier après ce qu’il s’est passé.

- Ça ne veut pas dire qu’elle se trouve à huit mille mètres d’altitude.

- Lily a fait des recherches.

Scorpius soupira :

- Tu sais ce que je pense de ses recherches.

- Elle a d’abord cherché parmi les centres d’alpinisme du pays, mais bien sûr, elle n’a rien trouvé. Rose ne serait pas restée à Londres en sachant que nous y étions. Alors, elle s’est demandée quel serait le meilleur et le plus proche endroit pour s’entraîner à ce genre de discipline.

- Et alors, qu’est-ce que ça a donné ? L’Islande ?

- Les Alpes. Les Alpes franco-italiennes.

Scorpius éclata de rire :

- Tu vas me dire que Lily a frappé aux portes de tous les centres d’alpinisme de haute montagne, et qu’elle a contraint les moldus à identifier Rose ?

- C’est à peu près ça, oui.

- Ça a dû être fascinant. Elle a vraiment du temps à perdre.

- Elle a trouvé une piste, Scorpius. Une fille rousse, très jeune, qui s’est installée dans les Alpes françaises pendant un an et demie. Personne n’a su d’où elle venait, ni où est-ce qu’elle est repartie. 

- Et c’est pour ça que tu m’as fait venir ?

- Lily…

- Je me moque de ce que dit Lily !

Scorpius serra les poings tandis que le serveur leur apportait leurs cafés, fulminant de colère. Lorsqu’ils furent de nouveau seuls, il articula :

- Dis-moi pourquoi je devrais croire un seul mot de ce qui sort de sa bouche, hein ? Dis-moi quel intérêt elle aurait à retrouver Rose ? Elle mène tout son petit monde en bateau pour se faire bien voir, comme d’habitude, mais il n’y a que toi pour gober ses conneries !

- Elle se sent coupable, Scorpius…

- J’espère qu’elle se sent coupable ! J’espère qu’elle se sent coupable !

Scorpius se renfonça dans son siège, excédé contre le monde entier et contre lui-même. C’était une erreur d’avoir parlé à Emily. En face de lui, la jeune femme lui jeta un regard de compassion qui le mit encore plus en rage :

- Elle refuse de laisser tomber, Scorpius, dit-elle. Elle n’a jamais arrêté de chercher.

- C’est sa manière de croire qu’elle peut racheter ses fautes.

 - Ça ne veut pas dire que ses renseignements sont faux. Je crois que ça vaut la peine d’essayer, c’est notre meilleure piste depuis…

- Non ! Non, Emily ! J’en ai marre des manigances de Lily, et j’en ai marre de ses fausses promesses. Rose n’avait pas le moindre intérêt pour les Alpes ou la haute montagne, et elle n’en avait jamais parlé en dehors de ces lettres.

Emily le considéra gravement, pendant quelques secondes, et Scorpius sut qu’il avait fait une erreur :

- Pourquoi tu parles d’elle au passé ? demanda lentement la jeune femme. Rose n’est pas morte.

Il évita son regard, mais y revint pour avouer ce qui brûlait tout au fond de lui :

- Et comment peux-tu en être aussi sûre ? Hein, Emily, dis-moi ? Tu savais que la recherche Moldue tend à démontrer qu’il y a une part d’hérédité dans les comportements suicidaires ?

- Alors c’est ça que tu penses ? Tu crois que Rose est morte ?

Scorpius secoua la tête :

- Je peux seulement espérer qu’elle ne l’est pas. Et j’en ai fini avec l’espoir.

Voyant le jugement sévère que lui adressait la jeune femme, il reprit :

- Mais de toute façon, même si Lily la retrouvait, quelle différence est-ce que cela ferait ? Dis-moi ! J’ai consacré un an de ma vie à la rechercher, une putain d’année entière à marcher sur les débris de tout ce qu’elle avait laissé, et tout ça pour quoi ? La seule chose dont je peux être sûr, c’est qu’elle ne veut pas être auprès de moi. Même si je la retrouvais maintenant, qu’est-ce qui aurait changé ? Certainement pas son opinion. Elle a déjà eu mille fois l’occasion de rentrer, et elle ne l’a pas fait. Par contre, elle a très bien su couvrir ses traces, alors, si elle est vivante, crois-moi, je peux te dire qu’elle ne veut pas être retrouvée.

Emily le considéra longuement, incapable de trouver les mots, déchirée par le chagrin, la colère et la résignation qu’elle sentait en lui :

- Et tu l’acceptes, Scorpius ? Tu abandonnes alors que Lily…

Scorpius trembla de rage :

- J’ai fait tout ce que j’ai pu ! cracha-t-il. Mais tu n’as pas la moindre idée de ce que cela m’a fait à moi aussi, Emily ! Pas la moindre ! C’est elle qui nous a abandonnés ! C’est elle qui est partie.

- Tu sais pourquoi…

- Je connais ses raisons. Et je connais Rose. C’est aussi pour ça que je sais qu’elle ne rentrera pas.

Emily s’accorda quelques instants de silence, peut-être pour qu’il puisse se calmer. Après quoi, elle insista :

- Je ne crois pas que ce soit une raison pour écarter les recherches de Lily. Je comprends ta réaction, Albus non plus ne veut pas entendre parler d’elle, mais…

- Non, tu ne peux pas comprendre. Ce n’est pas toi qu’elle a blessée. Ce n’est pas ta famille.

Emily se figea, et Scorpius sut qu’il était allé trop loin. Il jura intérieurement. L’amertume l’avait rendu plus cassant :

- Ce n’est pas ce que je voulais dire, dit-il doucement. Excuse-moi. Bien sûr que tu fais partie de cette famille.

Jetant un coup d’œil à la bague qui brillait à l’annulaire gauche d’Emily, il ajouta :

- Toutes mes félicitations, au fait. Je ne crois pas avoir eu l’occasion de te le dire en personne depuis la nouvelle.

- Merci, sourit Emily, un semblant consolée.

Elle hésita, puis sembla abandonner momentanément son combat pour ce sujet plus léger :

- En tant que témoin, tu devrais contacter Albus, au fait, dit-elle. Normalement, ce n’est pas au fiancé d’organiser son propre enterrement de vie de garçon.

- Tu sais très bien qu’on s’amusera beaucoup plus si c’est lui qui s’en charge.

Emily rit :

- C’est probablement vrai.

Puis, plus sérieuse :

- Mais tu seras là, n’est-ce pas ? Tu viendras ?

Scorpius soupira :

- J’ai dit que je viendrai à la cérémonie. Mais je ne sais pas… Emily, je ne sais pas si je pourrai rester plus longtemps.

- Tout le monde sera très content de te revoir.

- Tu es sûre de ça ? Et moi, serai-je content de les revoir ?

- Autant que tu aimes me revoir en ce moment même.

Emily sourit, consciente de sa remarque à double tranchant.

- Je ne crois pas que Molly appréciera ma présence, dit calmement Scorpius. Elle aura déjà du mal à supporter que je serve de témoin.

- C’est son problème. Albus l’a prévenue qu’elle pouvait soit l’accepter soit partir.

Scorpius soupira, puis la gratifia d’un bref hochement de tête :

- Je vais y réfléchir.

Emily se perdit dans la contemplation des volutes de café :

- Rose aussi aurait dû être là…, murmura-t-elle. Elle aurait dû être mon témoin le jour de mon mariage.

Scorpius ne dit rien. Au bout d’un moment, la jeune femme releva la tête et sourit :

- Comment vont tes parents ?

Il haussa les épaules :

- Je ne les vois pas beaucoup. Ils s’inquiètent, comme les parents savent si bien le faire. Alors je les évite.

- Je connais ça.

- Alice est en deuxième année à Poudlard. Serdaigle, ça lui plait bien. Elle m’écrit de temps en temps. Ariane va bientôt fêter ses sept ans, et je… Je ne la vois pas beaucoup.

Emily acquiesça :

- Ta vie ici te plait ?

- Mes recherches avancent bien. C’est très stimulant.

- Tu es toujours avec Maya ?

- Je ne suis pas avec Maya.

- Si c’est ce que tu préfères te dire…

Emily s’interrompit, le temps de donner à son visage un air plus doux :

- Tu peux l’amener, tu sais ? Au mariage. Hugo comprendra.

- Je me vois mal comment lui expliquer les tenants et les aboutissants d’un mariage sorcier.

- Elle ne sait toujours pas que tu…

- Elle ne sait rien, Emily. Je te l’ai déjà dit. Nous ne sommes pas ensemble.

Emily hésita, puis s’avança pour lui presser la main :

- Ce ne serait pourtant pas une si mauvaise chose, tu sais. Ça pourrait peut-être te faire du bien de… d’en parler avec quelqu’un d’extérieur.

- On change de sujet. S’il te plait.

Emily soupira, mais obtempéra.

- Des nouvelles d’Hugo, à ce propos ? demanda Scorpius.

- Vous n’êtes pas en contact ?

- J’essaye, mais c’est… J’ai beaucoup de travail.

Comment pouvait-il dire à Emily que chaque mention d’Hugo le faisait irrésistiblement penser à Rose ? Que la moindre parcelle de ce passé disparu le torturait à tel point qu’il le rejetait de toutes ses forces, de toutes les manières possibles ?

- Il est toujours à Oxford, répondit enfin Emily. Sciences politiques sorcières. Il sort avec un nageur de haut niveau à ce qu’il parait, moldu, un certain Matthew. Il sera là au mariage.

Scorpius hocha la tête, satisfait qu’au moins l’un d’entre eux ait trouvé le bonheur. Tous, en vérité. Lui ne voulait pas du bonheur. Il le savait perdu. Consciente qu’ils n’avaient plus rien à se dire, Emily régla son café et se leva. Scorpius la raccompagna jusque dans la rue. Là, la jeune femme lui sourit et le serra très fort dans ses bras :

- Prends soin de toi, Scorpius, dit-elle en le dévisageant fixement. Je t’en prie, arrête de te punir ou de ne vivre que pour tes foutues équations. Tu as peut-être raison, peut-être que Lily n’arrivera à rien ou que Rose… ne reviendra jamais. Mais ce n’est pas pour ça que tu dois arrêter de vivre. S’il te plait. Passe à la maison, à l’occasion. Albus sera fou de joie de te revoir. Il joue Roméo et Juliette en ce moment, et cette fois, il a enfin eu le rôle de Roméo. Il sera ravi d’obtenir cette revanche sur toi.

- Je lui ferai peut-être la surprise.

- Encore mieux.

Emily caressa sa joue :

- Mange un peu plus, et… Embrasse Maya pour moi.

Scorpius lui concéda un sourire. Alors, Emily fit demi-tour et s’en alla.

De retour chez lui, Scorpius passa plus d’une heure dans son canapé, la tête entre les mains, incapable de réfléchir. Incapable de se détacher de la rencontre qu’il venait de vivre. Un choc brutal entre le monde d’où il venait et celui qu’il avait choisi. Entre son passé, et sa vie.

Plus que jamais, il prenait conscience qu’il avait changé. Il n’était plus cet adolescent pétri de romantisme noir qui avait aimé comme on s’enivre d’absinthe. Désormais, il était plus prudent avec ses émotions. Il ne pouvait plus se laisser emporter. Il en mourrait. Le poison résidait toujours dans ses veines, attendant l’occasion de le mordre au cœur. Emily avait bien failli le réveiller, aujourd’hui. Un poison qui s’appelait Rose…

Malgré lui, Scorpius vit l’image de la jeune fille qu’il avait connue se dessiner dans son esprit, plus vivante qu’un souvenir. Sa poitrine se contracta de toutes ses forces pour ne pas céder. Du travail, il avait du travail, encore des mois et des années d’effort, avant de parvenir à ce qu’il voulait faire…

Avide de toute distraction, n’importe laquelle, Scorpius se dirigea vers son bureau tel un zombie et, au crayon de papier, entama la nouvelle série de calculs qu’il s’était pourtant juré de reporter après le weekend de Pâques. Cette étape-là lui demanderait probablement des heures d’étude intense et de nombreuses nuits sans sommeil. Aucune importance. Lorsqu’il réfléchissait, Scorpius disparaissait, se dissolvait, oubliait tout de lui. Il ne ressentait plus rien que la profonde froideur objective des nombres. Il oubliait qu’il avait été ce jeune homme amoureux qui avait un jour cru en l’avenir, en l’amour et au sens de la vie. Il oubliait tout.

En ce bel après-midi d’avril, Scorpius Malefoy avait vingt-quatre ans. Il entamait sa deuxième année de thèse au University College de Londres. Il n’avait pas vu Rose depuis plus de six ans.  

 
 
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