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A Coeurs Perdus : 2e Génération
Par Natalea
Harry Potter  -  Romance/Amitié  -  fr
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    Chapitre 30     Les chapitres     48 Reviews    
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Bonus : Hypérion

Je vous souhaite un joyeux Noël à tous =)

Ceci est un chapitre bonus écrit pour mon amie Enorae. Vous n'êtes pas obligés de le lire si vous estimez que la fin se suffit à elle-même, ou si vous préférez la fin alternative. C'était simplement l'occasion pour moi de revenir sur une promesse que Scorpius avait faite à Rose, dans le chapitre 20 (Vénus et Mars) et que je n'avais pas eu l'occasion de lui faire tenir.

Enjoy ;D

Nat'

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Le centre était animé d’une agitation bourdonnante en cette fin d’après-midi hivernale. Partout, ce n’était que ferveur et frénésie : la vie trépidante d’une communauté scientifique en ébullition, avec ses savants, ses étudiants, et le chassé-croisé constant des connaissances qui transmettait le flambeau aux générations suivantes…

Seul au milieu de cette ruche miniature, Scorpius remontait lentement les allées du parc qui traversait le campus. De toute part, les gens le saluaient, le croisaient, lui réclamaient un sourire ou une poignée de main. Scorpius s’en acquittait de bonne grâce. Il avait l’habitude, depuis le temps. Il était estimé, renommé : ces mondanités faisaient partie de son quotidien. Mais personne ne tenta d’engager la conversation avec lui ce jour-là. Il leur en fut reconnaissant. La rumeur avait sans doute déjà fait tout le tour de la ville…

Soupirant, Scorpius se laissa dépasser par un groupe de jeunes gens débattant vigoureusement de physique quantique, et les regarda s’éloigner, un petit sourire aux lèvres. Depuis sa plus tendre enfance, il se connaissait un esprit contemplatif. Malgré sa vivacité, il appréciait parfois de simplement s’arrêter pour regarder les choses avec lenteur, sérénité, toute l’attention qu’elles méritaient, tout simplement, pour déceler ce qu’elles recelaient de plus beau… Mais avec le temps, la vie lui avait peu à peu imposé ce mode de vie contemplatif. Il n’avait plus la vigueur de ses vingt ans…

Sans s’attarder sur de telles considérations, Scorpius obliqua vers le bâtiment que l’on nommait le sas. C’était une vieille construction, sans doute l’une des premières qu’ils avaient érigées ici. Elle portait distinctement les signes de ce pourquoi elle avait été conçue : efficacité, solidité, rigueur. Un outil de science, sans la moindre préoccupation esthétique. Scorpius avait remédié à cela, par la suite… Il aimait beaucoup trop l’art pour s’en priver à jamais. En vérité, à travers ses yeux, le monde entier était art.

C’est pourquoi le parc et le campus qu’il venait de traverser étaient si différents des premiers bâtiments construits ici près de cinquante ans plus tôt. Scorpius y avait insufflé tous ses élans de romantisme, ses connaissances d’ingénieur en architecture, ses inclinaisons pour l’art antique, l’art nouveau, et même le gothic revival ayant bercé son enfance en la demeure de Drago et Hermione Malefoy… A lui seul, tout au long de ces années, Scorpius avait édifié une cité entière, en célébration de la beauté, de l’harmonie, et de l’irrésistible élan de l’humanité vers les cieux. Il avait insufflé une petite part de lui-même à chacun de ses projets, car oui, il avait bel et bien été au cœur de tout ceci, lui et lui seul, à chaque instant, démiurge total et connu de tous. En son hommage, les autorités dirigeantes avaient choisi de baptiser la cité « Hypérion »…

Hypérion. Un seul nom, qui ravivait tant de souvenirs… Scorpius se surprit à sourire tandis que l’intrigue de Dan Simmons qu’il avait découverte pour la première fois il y a si longtemps l’étreignait à nouveau. Hypérion, c’était le livre qu’il avait toujours préféré, encore aujourd’hui. C’était le présent que son père lui avait offert le jour de ses douze ans. C’était le cadeau qu’il avait lui-même choisi d’offrir à Rose, lors d’une veille de Noël, une éternité plus tôt…

Scorpius soupira. Hypérion, c’était aussi un recueil de John Keats. C’était un héros de la guerre de Troie, ou encore l’un des titans de la mythologie grecque… Ces appellations avaient donné leurs noms à l’une des lunes de Saturne, voisine de Titan, ainsi qu’à un astéroïde de type troyen jovien… L’espace d’un instant, Scorpius savoura ces jeux de mots subtils. Il avait toujours aimé les liens entre l’astronomie et la mythologie… La façon dont les anciens avaient expliqué cet infini au-dessus de leurs têtes, avec tant de poésie…

Scorpius s’accorda un instant pour lui-même. Hypérion, c’était aussi son deuxième prénom… 

Reprenant sa route, il referma son manteau sur ses épaules pour affronter l’atmosphère toujours fraiche, le temps de rejoindre enfin la chaleur du sas. Là, des techniciens l’accueillirent aussitôt. On le salua avec prévenance, on le débarrassa de ses affaires, on le changea. On l’aida à enfiler la combinaison qui s’était faite plus légère avec le temps, mais qui demeurait indispensable…

Enfin, son fardeau entre les mains, on ouvrit devant lui ce tunnel vers l’immensité qui l’avait toujours exalté. Encore aujourd’hui, après toutes ces années, alors qu’il l’avait emprunté des milliers et des milliers de fois, il ressentit de nouveau cette euphorie pénétrante, ce mélange de peur, d’impatience et de triomphe, grisant, enivrant, à en perdre la raison, comme le tout premier instant où il avait posé le pied dans cet inconnu total…

Il inspira à fond. Il n’était pas seul aujourd’hui. Quelque part, il avait attendu ce moment toute sa vie…

 Refermant les bras sur sa charge, il suivit le tunnel jusqu’à l’extérieur. L’immense toile dressée au-dessus d’Hypérion ondulait à quelques mètres à peine devant lui : transparente, soyeuse, parfaite… Cette toile qui les protégeait de l’atmosphère extérieure. De l’âpreté du vent, de la corrosivité de la poussière… Celle qui faisait d’Hypérion une chrysalide dans son cocon de soie…

Scorpius franchit la toile et se retrouva dans l’infini.

Partout, à perte de vue, un paysage comme la Terre n’en avait nulle part à offrir. Rien qu’une vaste étendue désolée, dévastée, mais rouge comme le sang du Soleil au crépuscule. Une succession de crevasses et de gouffres, de reliefs escarpés, de monts écorchés à vif et de rochers dentelés, de dunes impitoyables, sans fin, éternelles… Mars se révélait à lui dans toute sa splendeur et sa sauvagerie absolues. Un monde nouveau. Un monde organique, qui criait son passé de toute la force de ses plaies. Un monde sans limites…

Scorpius resta quelques instants immobile, incapable de bouger, saisi, en vérité, comme à chaque fois, par l’intensité pure qu’il éprouvait. Il se sentait littéralement vibrer au diapason de ce monde qu’il avait si longtemps admiré de loin, à la lentille de son télescope… Un monde qu’il avait désiré, admiré, aimé, un monde qui avait constitué le centre gravitationnel de sa vie, et qu’il avait enfin rejoint, enfin…

Le souvenir de cette première communion resterait à tout jamais gravé dans sa mémoire. Encore maintenant, à cet instant précis, Scorpius n’avait qu’à fermer les yeux pour s’en souvenir. A l’époque, il avait trente-cinq ans. Dix années s’étaient écoulées depuis sa thèse révolutionnaire… Dix années de recherches et de découvertes prodigieuses, toutes mises au service d’un seul et unique projet : aller sur Mars…

A trente-cinq ans, Scorpius avait abandonné son épouse Maya et leur fils de six ans, pour se lancer dans une odyssée qui devrait durer plus de trois ans. Un sacrifice que tous deux, en tant que scientifiques, avaient consenti à faire dès les premiers instants de leur mariage…

Cela avait été difficile. Mais ils avaient eu le temps de s’y préparer. Derrière lui, Scorpius avait laissé des livres, des notes, des vidéos de lui destinées à son fils, où il lui lisait des histoires, lui donnait des leçons, ou lui parlait de sa vie, tout simplement… Autant d’empreintes pour qu’Ezra ne l’oublie pas, durant ces trois ans…

Et puis le jour J était arrivé. A trente-cinq ans, Scorpius avait embarqué dans la navette spatiale Arès I. La première du genre. Six mois de voyage, et enfin… Enfin, la planète rouge à l’horizon. Le berceau de tous ses rêves, de tous ses espoirs, de tout ce qui avait toujours fait de lui l’homme qu’il était, au plus profond de lui-même…

Pour sa contribution incroyable à la mission, Scorpius avait gagné le privilège de descendre le premier. Un tout jeune scientifique britannique, ambassadeur d’une planète entière qui retenait son souffle, et de deux mondes unis : Moldus et sorciers…

Scorpius avait posé le pied sur Mars, et depuis ce jour-là, son cœur n’avait plus jamais battu de la même façon. Il se remémorait tout cela tandis que les souvenirs l’envahissaient aujourd’hui, cinquante ans après. Il leva son regard vers le ciel. Il vit l’infini des étoiles, légèrement teinté de rose par l’atmosphère de Mars. Il faisait presque nuit, mais l’air était pur, limpide. Encore trop froid pour qu’on s’y aventure sans combinaison chauffante. Encore trop pauvre pour qu’on le respire. Mais limpide…

Eperdu, Scorpius éprouva soudain le besoin, comme à chaque fois, de se raccrocher à son humanité. Il contempla ses mains emmitouflées dans leurs moufles aux couleurs de la planète. Il sentit comme à chaque fois la résonnance que Mars infusait dans toute la moelle de ses os… Et alors, l’espace d’une seconde, il eut l’impression d’être immortel. Membre d’un tout à la fois immense et primordial, ridicule étincelle de conscience qui aspirait, malgré tout, à un petit bout de grandeur… Il se sentit en communion parfaite, et le poids de sa vie se dilua dans l’immensité qui l’avalait…

Scorpius rejeta la tête en arrière. Il avait quatre-vingt-six ans aujourd’hui. Le temps avait blanchi ses cheveux, ridé son visage et ses mains, ambré son regard… Mais il restait ce petit garçon qui contemplait Mars depuis la fenêtre de sa chambre les nuits d’automne. Il restait ce petit garçon qui voulait croire que l’ambition de l’Homme était possible, et qu’il fallait tout faire pour la réaliser…

Après deux ans sur la planète rouge, deux années d’intenses travaux et de mise en place de ce qui deviendrait Hypérion, Scorpius avait pris le chemin de retour pour la Terre. Là, il avait retrouvé Maya, et un fils qui avait grandi de trois ans. Mais qui le reconnaissait toujours…

Alors s’étaient posées les questions réellement importantes. Scorpius le savait, il l’avait su dès la seconde où il s’était embarqué : il devait y retourner. Il faudrait qu’il y retourne, très bientôt. Et un jour, il cesserait de revenir…

Alors, avec Maya, ils avaient pris leurs dispositions. Ils avaient établi tout le protocole et le matériel nécessaire dont la jeune femme aurait besoin pour poursuivre ses travaux sur le Big Bang. Ils avaient fait leurs adieux à leurs amis et à leurs familles. Et, cédant à l’appel d’un but bien plus immense qu’eux-mêmes, ils s’étaient envolés vers Mars, tous les trois, première famille à peupler la future Hypérion…

C’était pour cela que Scorpius avait fondé un campus, doublé d’une école pour les plus jeunes. L’université Keats. Mi-Moldue, mi-sorcière. Pour lui permettre d’assurer l’éducation de son fils. Et pour que d’autres, au fil des années, puissent venir le rejoindre…

Cela avait pris du temps, bien sûr. Mais petit à petit, l’immigration sur Mars était passée dans les mœurs. Les scientifiques affectés à vie à leur mission avaient fait venir leurs femmes et leurs enfants, parfois leur famille entière. Et d’autres familles encore s’étaient formées naturellement sur la planète rouge. Les premiers bébés martiens étaient nés un peu plus de dix ans après le premier arènissage…

Scorpius songeait à la Terre, parfois. Il se rappelait tout ce qui lui manquait. L’herbe. Le ciel bleu. La caresse du vent qui courait librement sur son visage… Et ses amis, bien sûr. Sa famille…

Scorpius était un vieil homme maintenant. Ses parents étaient morts depuis des années. Mais il savait qu’ils avaient eu une vie heureuse. Ses beaux-parents aussi. Drago et Hermione s’étaient tous les deux endormis dans leur sommeil à trois mois d’intervalle. Comme s’ils ne pouvaient décidément rien faire l’un sans l’autre… Quant à Henry et Astoria, ils avaient eux aussi succombé lentement à l’inéluctable leucémie qui attaque les personnes âgées, passé un certain stade… Ils n’avaient pas souffert. C’était le cours naturel des choses.

A tous points de vue, Scorpius s’estimait béni des dieux. Sa demi-sœur Alice était devenue une journaliste à succès, qui vivait toujours dans le manoir familial de cette bonne vieille Angleterre. Son autre sœur Ariane avait repris la passion de sa mère pour les dentelles et la couture, et était devenue l’une des créatrices les plus courues du monde sorcier… Toutes deux étaient vieilles elles aussi, à présent. Scorpius se plaisait à penser à quel point la vieillesse pouvait gommer les différences d’âge qui les avaient séparés autrefois.

Durant sa longue existence remplie de découvertes, Scorpius n’était retourné que trois fois sur Terre. Le voyage réclamait à chaque fois un an pour faire l’aller et le retour, aussi n’était-ce jamais une entreprise décidée à la légère… Mais avec le temps, les moyens de communication avec la planète mère s’étaient améliorés. Aussi, Scorpius avait pu suivre chaque évolution de la vie de ses sœurs, comme s’il les y avait encouragées. Elles s’étaient mariées, avaient eu une famille, une vie prolifique… Elles étaient venues sur Mars, une seule fois…

Mais seul Scorpius avait cédé à l’appel définitif de l’espace. Au final, il avait passé presque cinquante ans sur Mars. Plus que son existence sur Terre…

Son demi-frère Hugo lui avait dit un jour qu’il avait toujours su qu’il n’était pas de ce monde. Ou du moins, pas destiné à y rester… Que personne n’aurait pu l’empêcher de suivre sa trajectoire, jamais. Scorpius aimait cette image. Il se voyait comme un explorateur, ayant enfin atteint son étoile…

Les paroles d’Hugo avaient toujours été sages. Après son diplôme, le jeune homme était devenu un grand politicien sorcier, et il avait été élu Ministre de la magie à seulement quarante ans. Il avait largement encouragé la coopération entre sorciers et moldus sur Mars, si bien que la planète rouge était à présent le seul territoire de la galaxie où les deux mondes cohabitaient en pleine lumière… Il s’était marié avec ce Matthew qu’il avait tant aimé, et ensemble, ils avaient eu deux enfants, eux aussi… Malheureusement, Hugo était mort d’une des plus anciennes maladies au monde : une crise cardiaque à seulement soixante ans, et le monde sorcier avait longtemps pleuré sa mort…

Scorpius secoua la tête. Il chercha à écraser une larme à travers sa combinaison, mais en fut empêché par son casque… Cela faisait si longtemps tout cela. Son demi-frère lui manquait.

Heureusement, il y avait toujours Albus. Albus Potter était devenu un comédien reconnu, et demeurait, encore aujourd’hui, une sommité dans le monde de la magie. Il avait enterré son père et sa mère près de vingt ans plus tôt. Des funérailles en grandes pompes. La fin des héros de l’ancienne guerre…

Mais le plus difficile avait été sa femme, Emily. Elle s’était éteinte voilà presque trois ans maintenant, et même s’il faisait bonne figure, Scorpius sentait bien, à chacun de leurs échanges, à quel point son meilleur ami se débattait encore dans son propre chagrin… Emily et lui s’étaient connus depuis leur plus jeune âge. Ils avaient passé presque toute leur vie ensemble. Elle était son repère, sa raison de vivre, son ancre. Aujourd’hui sans elle, il était perdu…

Mais il restait Albus Potter. Il ne se laisserait jamais abattre. A quatre-vingt-six ans lui aussi, il venait de signer pour une nouvelle adaptation de Shakespeare, où il jouait non plus Roméo, mais cette fois le roi Lear…

Scorpius sourit. Ils étaient vieux. Ils étaient tous amenés à disparaître. L’avenir appartenait à la nouvelle génération : Valeria et ses quatre frères et sœurs : Inès, Lyra, Antoine et Gabriel (Albus et Emily avaient été productifs…), Ezra et son jeune frère Liam, né sur Mars au terme du premier voyage de Maya, Juliette et Marjorie, les jumelles de Matthew et Hugo, Vincent, Rachel, Camille et Jonathan, les enfants d’Alice et Ariane, et enfin, Alexandre et Séléné… Les enfants que Rose avait eus avec Léo.

Scorpius soupira en lui-même. Il avait toujours eu du mal à se faire à l’idée qu’il aimait bien Léo. Profondément, intrinsèquement, c’était un homme bon. Curieux, éclairé, intelligent, autant de qualités que Scorpius estimait. D’ailleurs, après son départ pour Mars, Léo avait immédiatement repris son poste au University College de Londres, après avoir finalement obtenu son doctorat… Il était à la retraite à présent. Entouré par ses enfants, qui avaient grandi pour devenir tout ce qu’ils promettaient de devenir… Scorpius et lui avaient souvent été amenés à se fréquenter au fil des années, et ce malgré le peu de temps que Scorpius passait sur Terre. Presque malgré eux, ils étaient devenus amis. Avec un mélange de gêne et de sympathie, ils s’estimaient. Scorpius se retrouvait beaucoup en lui, en fait…

Resserrant sa prise sur son fardeau, Scorpius abandonna ses réflexions. Il se résolut à s’aventurer plus avant sur le plateau de Tharsis, dominé par la silhouette culminante d’Olympus Mons au loin… Le plus haut volcan du système solaire… 22 500 mètres… Presque trois fois ce que Rose avait escaladé au sommet de l’Everest…

A chaque fois qu’il levait les yeux pour contempler cette vue, Scorpius se sentait redevenir un petit garçon, émerveillé devant le monde féérique qu’il avait toujours rêvé de découvrir. Une longue marche l’attendait aujourd’hui. Scorpius parcourut les premiers kilomètres, paisiblement, savourant l’intensité unique de chaque instant…

Puis, lorsque la fatigue commença à se faire sentir, il transplana jusqu’au sommet d’Olympus Mons.

La vue était imprenable, de là-haut. Le plus haut sommet du système solaire… Scorpius resta immobile ainsi, en plein crépuscule, sous le ciel étoilé, à contempler l’infini. Perdu entre ciel et terre… Il se rappela fugitivement de son père, qui lui aussi éprouvait cet attrait très particulier pour les étoiles, qui procurait une mélancolie douloureuse et bienfaisante à la fois…

Il avait aimé son père. Lui aussi lui manquait…

Mais ce jour appartenait à une autre.

Lentement, pesamment, Scorpius déposa l’objet qu’il avait transporté jusqu’ici, à la sueur de son front, dans la poussière rouge de Mars. Le récipient avait pesé lourd dans ses bras de vieil homme, et à présent, le métal noir luisait d’un éclat délicatement cuivré, sous les derniers feux du Soleil… Un reflet roux, parfait. L’ultime hommage que l’on pouvait lui donner…

Précautionneusement, Scorpius extirpa sa baguette de sa combinaison et lança un sortilège de Tête-en-Bulle. Il l’avait perfectionné des années plus tôt, pour l’adapter aux modifications de pressions et de températures… Libéré de la contrainte du casque, il dévoila son visage à l’air libre, et s’inclina précautionneusement pour dévisser le couvercle du vase. C’était une urne. Elle céda sans effort sous ses doigts gantés. Rose était avec lui…

Inspirant douloureusement, Scorpius put passer librement ses doigts sur ses larmes, cette fois. Il s’agenouilla à même la poussière, et ramena doucement l’urne contre lui, la serrant de toutes ses forces jusqu’à en avoir mal :

- On l’a fait, Rose…, murmura-t-il, la voix brisée par le temps et les sanglots. On l’a fait… On y est… Je t’ai emmenée sur Mars…

Brusquement, comme un flot qui se déverse et envahit tout le reste, comme un raz-de-marée qui submergerait les canyons entiers de Valles Marineris, Scorpius sentit le chagrin et les larmes s’abattre sur lui. Le deuil le transperça de son épine acérée, impitoyable, mordante. Et tout le reste disparut. Tout, absolument tout. Il n’y avait plus que lui, et Rose… Et cette nuit d’avril qu’ils avaient passée sur le toit de la demeure de leurs parents, à s’aimer pour la première fois, et pour toute l’éternité…

Scorpius sentit deux larmes se frayer un chemin dans le paysage tavelé de ses rides. Il sentit la brûlure d’un amour vieux de mille ans le consumer, et avec lui, tous les souvenirs, les regrets, les actes manqués, les décisions qui auraient pu être prises autrement, et les destins qui en avaient résulté…

Toute sa vie, Scorpius s’était efforcé d’avancer sans regarder en arrière. Il avait aimé Maya sincèrement – la seule façon dont il était capable d’aimer, de toute façon – et il avait eu une vie longue et merveilleuse avec elle. Encore aujourd’hui, elle l’attendait dans la chaleur de leur foyer, sous la protection de la grande toile d’Hypérion… Ils avaient eu deux fils magnifiques, et tous ensemble, ils s’étaient accomplis, aimés, forgés. Mais Scorpius n’avait jamais véritablement pu quitter l’orbite de Rose…

Peut-être parce que leurs amis et leurs familles étaient si proches. Peut-être aussi parce qu’ils avaient toujours été deux planètes tournant l’une autour de l’autre. Vénus et Mars…

Scorpius se rappelait de cette première nuit à deux, et de toutes les autres nuits, et de tout le reste : un laps de temps infiniment court, mais dont l’écho, comme les premiers instants du Big Bang, avait résonné tout au long de leurs vies, et résonnait encore… Par-delà l’espace et le temps…

Scorpius avait suivi de loin la vie de Rose. Il l’avait vue tomber amoureuse d’un autre que lui. Peut-être différemment, peut-être autrement, mais amoureuse malgré tout. Il avait appris l’annonce de leurs fiançailles alors qu’il venait de décoller pour Mars. Rose avait attendu qu’il soit dans l’espace pour épouser Léo… Une preuve, aux yeux de tous, y compris de Léo lui-même, que le passé ne serait jamais totalement oublié…

Mais ils avaient été heureux, malgré tout. Scorpius savait que Léo l’avait profondément aimée, et Rose, en retour, lui avait donné tout ce qu’il y avait de merveilleux en elle-même : sa vivacité, sa flamme, sa combattivité, sa passion et son admiration sans bornes, son essence, tout simplement. Ils avaient formé un couple complice, malicieux et tendre. Et leurs enfants l’étaient tout autant.

Tandis que Léo intégrait le corps professoral du University College, Rose avait terminé ses études de lettres, et était devenue écrivain. Scorpius avait lu chacun de ses ouvrages. Il lui en envoyait des commentaires, régulièrement. Au détour de chaque page, il retrouvait le caractère même de celle qu’il avait aimée, et même des bribes de souvenirs parfois… Un personnage un peu trop proche de lui… Une intrigue un peu trop tournée vers les étoiles… Vers l’âge de quarante ans, Rose avait même osé se livrer sur sa vie personnelle, et avait publié un livre consacré à son enfance et à Ron. Scorpius y tenait une place non négligeable, bien sûr. Léo aussi. Et chaque chapitre racontait l’histoire de leur maturité et de leur guérison…

Scorpius avait aimé Rose à travers ces pages, comme on aime une amie proche, une sœur, quelqu’un qui avait été tout pour lui… Il l’avait revue à chacun de ses voyages sur Terre. Et tous deux s’étaient efforcés, malgré la légère douleur que cela leur procurait à chaque fois, de garder contact par vidéo aussi souvent que possible. Ils avaient vu leurs enfants grandir et devenir amis, malgré la distance. Ils avaient vu leurs conjoints respectifs sympathiser à leur tour – chacun comprenant probablement les angoisses de l’autre. Et surtout, ils s’étaient vus réaliser leurs rêves l’un et l’autre, séparément, mais ensemble, d’une certaine façon…

Chaque nouveau succès avait apporté cette petite amertume dans le cœur de Scorpius. Le premier arénissage sur Mars. Le premier livre de Rose. Toutes ces choses qu’ils s’étaient promis de faire tous les deux alors qu’ils avaient dix-sept ans… Au final, ils l’avaient fait avec d’autres…

A quatre-vingt-six ans, Scorpius était heureux de la vie qu’il avait menée. Il était plusieurs fois grand-père et arrière-grand-père de petits martiens en parfaite santé. Il avait la chance d’avoir toujours son épouse auprès de lui, qui l’aimait. Mais aujourd’hui, c’était Rose qui était avec lui. Sur Mars. Rose était morte près de treize mois plus tôt, et Scorpius venait de passer un an dans l’espace pour aller chercher cette urne contenant ses cendres, et la ramener avec lui…

Parce que cette amertume jamais résolue entre Rose et lui, cette chose qui s’était toujours tenue entre eux, les liant et les déchirant à chaque avancée… C’était une promesse. Une promesse que Scorpius avait faite à Rose, soixante-neuf ans plus tôt, sur le toit de leur maison lorsqu’ils s’étaient aimés pour la toute première fois, alors qu’ils avaient dix-sept ans…

Rose avait dit : « Promets-moi que tu m’emmèneras sur Mars, un jour ». Et Scorpius avait répondu : « Oui, bien sûr… ».

Des décennies après, Scorpius se rappelait encore de cet instant, comme s’il était gravé dans sa mémoire, dans son cœur et dans son âme, jusqu’à la fin des temps. Alors, aujourd’hui, enfin… L’heure était venue. Rose était morte, mais Scorpius et elle étaient réunis à présent. Ensemble, sur Mars…

- J’ai tenu ma promesse, Rose, articula Scorpius en serrant compulsivement l’urne entre ses bras. J’ai tenu ma promesse…

Se relevant brusquement, il enlaça le vase tout contre son cœur. Il ferma les yeux, et le paysage onirique autour de lui resta imprimé sur sa rétine, parfait, inoubliable. Scorpius se vit dans ce paysage, et il la vit elle : jeune, magnifique, éblouissante, son sourire et ses larmes mêlées dans ce visage qu’il avait tant aimé… Et lui aussi était jeune. Inexorablement, ils furent attirés l’un vers l’autre, et leurs mains se lièrent, puis leurs lèvres : leur rêve enfin révélé, enfin…

L’espace de quelques minutes – quelques minutes seulement – Scorpius s’autorisa à ressentir ce qu’il avait tenté de dépasser toute sa vie. L’espace de quelques minutes, il laissa les regrets l’envahir, se faire maîtres de lui-même, et alors, toute la vie qu’il aurait pu avoir avec Rose déroula devant ses yeux : toutes les découvertes, les bonheurs, les joies, toutes les étreintes, leurs enfants, et un amour par-delà le temps…

Scorpius embrassait les cendres de Rose, et il sentait sa présence auprès de lui, aussi vivante qu’une flamme, ardente jusqu’à la fin de l’éternité, son âme sœur, sa muse, l’inspiration de tout ce qu’il avait été capable d’accomplir…

Il pleura jusqu’à l’essence même de ses os. Bouleversé par un passé qui le rattrapait, l’engloutissait. Par ces retrouvailles et ces adieux mêlés. Par cette promesse entre eux, enfin satisfaite…

A cet instant, il n’y avait plus que lui et Rose, et un amour qui avait traversé les mondes. Cet instant, il le lui dédiait à elle. Il était entièrement sien. Le présent pourrait le réclamer à nouveau, après. Mais pour l’heure…

Tremblant, de ses mains parcheminées, Scorpius saisit une poignée de cendres, et lentement, il la laissa se délier dans le vent. Comme le destin de Rose, qui lui avait échappé… Comme leurs deux vies ensemble… Il pouvait se permettre de les vivre, à cet instant précis. Pour mieux lâcher prise…

Poignée par poignée, Scorpius dispersa les cendres de Rose sur la terre de Mars. Ainsi, Vénus avait enfin rejoint son bien-aimé, et ils ne seraient plus jamais séparés. A chaque envolée, il voyait se dessiner dans les ombres du soir la silhouette des adolescents qu’ils avaient été, amoureux, pleins de vie, et infinis…

Lorsqu’enfin, il ne resta plus que le fond de l’urne, Scorpius tendit les bras vers le ciel. Lentement, il libéra les dernières particules, qui tourbillonnèrent et disparurent, dans une ultime caresse… Il était temps de la laisser partir.

Eperdu, à bout de forces, Scorpius laissa retomber l’urne sur le sol. Il se sentait seul. Il se sentait vide. Mais c’était un vide salvateur, il le savait. Ce qu’il ressentait en ce moment, il en avait besoin pour faire son deuil. Pour lui dire adieu, convenablement. Mais surtout, pour honorer l’amour qu’ils avaient toujours ressenti l’un pour l’autre…

- Adieu, Rose…, souffla-t-il.

Le crépuscule sanglant de Mars lui répondit. Rouge, comme les cheveux de Rose… Alors, Scorpius sourit. Lentement, il commença à redescendre la paroi du volcan. Il transplanerait d’ici peu, il le savait. Sa femme, ses fils et leur famille l’attendaient à la maison. Mais pendant quelques secondes encore, Scorpius voulait être ce jeune homme qui avait tenu Rose Weasley dans ses bras, et lui avait murmuré : « Je t’aime »… Il voulait sentir à nouveau le baiser de ses lèvres sur les siennes, chaudes, merveilleuses. Il voulait l’aimer comme si la vie leur avait permis de se retrouver, quelque part à la croisée des chemins…

A cœurs perdus. 

 

 

 
 
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