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au 31 Mai 21 :
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Bec d'écaille, croc de plume
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 2     Les chapitres     64 Reviews     Illustration    
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Flocon

 Disclaimer : Tous les personnages/ lieux/ périodes sont issus de ma propre imagination. J’ai cependant utilisé certains personnages pour des forums Rpg, ne vous étonnez donc pas si vous les croisez un jour, au hasard du net. :3

Notes :

- Ce chapitre est pour l'instant le plus court de toute l'histoire, et le restera probablement. A peine 4500 mots, alors que les autres font tous plus de 7000... Du coup, il me paraît un peu défasé par rapport au reste. D'autant plus que la première partie est assez floue... :p

- Je m’excuse par avance pour les fautes de grammaire ou d’orthographe qui m’ont échappée, j’avoue avoir des lacunes dans ce domaine, en particulier sur un ordinateur …

____________________________________________________________________ 

Chapitre 2 : Flocon

-Allez ma vieille, accroche toi !

La jeune femme hurla de douleur, et retomba en sueur sur les draps blancs. Sa large robe immaculée enserrait son ventre rond, alors que ses doigts si fins et si fragiles s’accrochaient de toutes ses faibles forces de femme enceinte à l’oreiller. Penchée sur elle, une autre femme, gracieuse et belle, refaisait son chignon d’ébène et remontait à nouveau ses manches brodées sur ses bras graciles.

Dans un pareil moment, les peuples, les rangs et les titres ne comptaient plus, seul restaient les femmes, et leur soutiens indestructible.

Une troisième entra dans la pièce luxueuse en tenant un baquet d’eau. Elle avait remonté sa belle robe noire et l’avait nouée sur sa cuisse, afin d’être plus libre dans ses mouvements. Si elle eut un haut le cœur, en lisant la douleur sur le si beau visage de sa jeune amie, elle n’en montra rien et s’approcha à grand pas, posant son fardeau au pied du lit sans en renverser une goutte.

-Allez pousse ma vieille, pousse !

La parturiente hurla de nouveau, le dos courbé par l’effort. Ses ongles se plantèrent violemment dans la chair de ses paumes, et sans l’intervention de la troisième femme, elle se serait probablement blessée jusqu’au sang.

-Je n’y arriverai pas… C’est trop dur… gémit-elle avant de hurler de nouveau.

La femme aux cheveux noirs la fixa, d’un œil sévère et autoritaire.

-Je disais la même chose le jour où j’ai mis ton arrière grand père au monde, et si je n’y étais pas arrivé, tu ne serais pas là aujourd’hui. Allez, pousse ! Ca y est presque, je vois sa tête !

La jeune femme s’exécuta, et hurla de nouveau, hurla comme jamais elle n’avait hurlé, et comme elle n’hurlerait probablement plus jamais. L’autre se pencha au dessus d’elle, de l’autre côté du vaste lit, une mèche noire s’échappant de sa coiffure faite à la va vite.

-Pousse Emélcya ! Tu es une reine bon sang !

Un nouveau hurlement retentit, alors qu’une larme de douleur s’écoulait le long de la joue pâle de la reine. La jeune femme à la robe noire s’assit à ses côtés, et serra sa main avec force, pour lui redonner courage.

L’accouchement des reines d’Isallyis n’avait jamais été une chose facile. A croire que les nouveaux nés savaient quel serait leur destin, et s’accrochaient de toutes leurs forces pour ne pas quitter le cocon de chaleur qui les avaient vus se développer pendant des mois. Mais s’il y avait bien une chose de plus terrible que l’accouchement d’une reine, c’était les encouragements et les ordres d’une autre. Léoma était peut-être une souveraine, qui plus est l’une des plus nobles et des plus respectées, mais elle n’en aidait pas moins depuis des siècles les femmes de son peuple à mettre au monde. Ce n’était pas parce qu’aujourd’hui, la femme enceinte était de rang égal au sien, et étrangère à son espèce, qu’elle allait renoncer.

Ses yeux noirs se plissèrent.

-Emélcya ! Encore un effort, tu y es presque ! Va-y, montre lui que tu es sa mère et qu’il doit t’obéir !

Le visage de la jeune reine était rouge d’effort, et de grosses gouttes salées coulaient sur ses joues. Cependant, les mots de Léoma lui redonnaient courage, lui transmettaient sa force, lui permettaient de continuer. Pour que son enfant vive, pour qu’il assume son rôle d’héritier, pour qu’elle soit fière de lui, même si elle l’était déjà depuis le jour où elle s’était sue enceinte. Et pour que, nom d’une limace, elle leur prouve à tous qu’elle était une reine, et que ce n’était pas parce que sa forteresse était assiégée qu’elle n’accoucherait pas.

-Allez ! Encore un peu !

Un cri déchira l’air. Deux. Même trois.

Le premier était celui de la reine. Le second, celui de son enfant. Le troisième, beaucoup plus lointain, celui d’un homme, au dehors, qui s’effondrait sur les murs blancs en laissant une traînée de sang sur les dalles de pierres.

Et un rire, un rire clair, et un soulagement, un énorme soulagement.

-Tu y es arrivée ! Tu y es arrivée ma vieille, regarde, il est là !

Emélcya s’effondra sur les draps. Elle était en sueur, elle était éreintée. Mais elle était fière, plus qu’il était conseillé de l’être, et elle était heureuse. Immensément heureuse. Elle sourit, difficilement, et la jeune femme à côté d’elle lui rendit son sourire.

Léoma coupa le cordon ombilical, avec une paire de ciseau d’argent, et souleva le petit corps frêle, rouge et fripé, qui lui aussi, hurlait de toute la force de ses petits poumons. Et elle sourit. Un sourire fier. Fière d’avoir un jour mise au monde un être qui, a son tour, avait donné une femme aussi noble et belle qu’Emélcya.

-Félicitations ma grande, c’est un magnifique petit casse pied. Déjà aussi chiant que son père.

La jeune reine sourit de plus belle, habituée au langage fleuri de sa royale ancêtre.

Un garçon.

Elle en était sûre.

La troisième femme, celle à la robe noire, poussa un profond soupir de soulagement, puisque aucune des deux autres n’était décidée à le faire. Alors elle soupira pour trois, et plutôt deux fois qu’une.

Doucement, Léoma nettoya et empaqueta le petit bout d’homme dans un tissu blanc. Et, tout aussi doucement, elle le tendit à sa mère.

C’était une chose dont elle ne se lasserait jamais. Le visage d’une femme la première fois qu’elle portait son enfant dans ses bras. Un mélange d’amour, de fierté et de bienveillance.

-Mon fils… murmura la jeune reine en fermant les paupières.

Comme s’il l’avait compris, l’enfant cessa de crier, brandissant un petit poing à peine plus gros qu’une phalange vers sa mère. Et ensemble, presque tous les deux, ils ouvrirent leurs yeux. Leurs si beaux yeux, unique, d’une belle couleur pâle, bleue et violette à la fois. Un mélange de lavande et de lilas, comme le disait si souvent la vieille femme qui s’occupait des jardins du château. Une mèche de cette même couleur si belle tomba sur le tendre visage de la jeune reine, alors qu’elle se penchait pour déposer un baiser sur le front de son fils.

-Lékilam. Celui qui ne doute pas.

Léoma hocha la tête.

-Un nom digne d’un prince.

Le petit prince, bercé par la chaleur protectrice de sa mère, ferma à nouveau ses petites paupières, et sembla sombrer dans un profond sommeil. Emélcya le couva du regard, un regard amoureux et tendre. La jeune femme à la robe noire se leva, comme pour les laisser dans un cocon d’intimité. Elle, elle n’avait jamais accouché, mais assistait très souvent à la naissance des héritiers. Tellement, qu’elle n’était pas pressée que son tour arrive. Ce qui avait de toute manière peu de chance de se produire, puisque pour qu’il y ait un jeune prince, il fallait aussi qu’il y ait un jeune roi.

-Alors, ça y est ? C’est un petit gars ?

Les trois jeunes femmes sursautèrent, si bien que l’enfant se remit à crier dans les bras de sa mère. Celle-ci se mit à le bercer, doucement, pour l’apaiser.

Furieuse, Léoma se tourna vers la fenêtre, et foudroya l’intrus du regard.

C’était un adolescent, vêtu de noir, ses courts cheveux en batailles sur sa tête juvénile. Il avait de grands yeux pleins d’innocences, bien qu’il ne le soit certainement plus depuis longtemps, et il se tenait accroupi sur le rebord de la fenêtre ouverte, une épée scintillante entre les bras.

-Ma dame ? C’est vraiment un petit gars ?

Non, décidemment, aucune des trois reines ne pouvait se résoudre à tancer proprement et dignement ce jeune impertinent, qui se faufilait par la fenêtre de la plus haute tour du château, pour prendre des nouvelles de l’accouchement.

Quoique, elles étaient reines, tout de même.

-Allons donc, de quel droit oses-tu pénétrer comme cela dans la chambre d’une dame ? L’accusa la jeune femme à la robe noire, qui se redressait pour s’approcher de lui.

Léoma se recula, d’un pas. Elle avait beau être reine, cet homme n’était pas l’un de ses sujets, et ce n’était pas à elle de le réprimander. Le jeune homme cilla un peu sous la remarque, et baissa subitement les yeux vers le sol, comme s’il prenait enfin conscience du lieu dans lequel il se trouvait, et du rang des trois femmes qui lui faisaient face.

- Pardonnez-moi, ma reine…

Son regard vif se leva de nouveau, et croisa celui de sa souveraine. Ils se sourirent.

-Retourna à ton poste, et protège cette forteresse comme si elle était la tienne. Et oui, jeune démon, c’est aujourd’hui un prince qui héritera du royaume des phénix.

Le garçon sourit de plus belle, s’inclina du plus qu’on le pouvait lorsqu’on était accroupi sur un rebord, et bascula en arrière, chutant à grande vitesse vers la grande esplanade, là où la bataille faisait rage, là où le sang coulait à flot, et là où un peuple se battait pour sa reine.

-UN PRINCE ! ! !

Il était étonnant de voir à quel point un aussi jeune homme pouvait crier aussi fort, et combien sa voix pouvait porter loin, et longtemps. Et il était aussi étonnant d’entendre, quelques secondes à peine après que le cri se soit éteint, six autres hurlement de joie, qui bravaient le vent, qui bravaient le fracas des armes et la violence des affrontements, qui bravaient même l’altitude et portaient jusqu’à la plus haute fenêtre de la plus haute tour. Et ils résonnèrent, ces six cris de joie, puissant, d’hommes et de femmes, qui se battaient pour une reine, à six contres des dizaines, pour empêcher les rares ennemis que les milliers de guerriers ne pouvaient retenir aux pieds de la forteresse.

-Ceci, dit calmement la démone à la robe noire, après que les cris se soient éteints, sont les félicitations de mon peuple, et la preuve de toute la fierté qu’ils ont à se battre auprès de vos hommes, Emélcya.

La jeune reine inclina la tête.

-Et je les en remercie, Gaïa. Je leur serai éternellement reconnaissante d’avoir risqué leurs vies en ce jour pour protéger la mienne.

Et aussitôt, elle s’éleva, sourde, comme prononcée par des millions et des millions de voix, à l’unisson. Une clameur bruyante, victorieuse, joyeuse. Pendant de longues et longues minutes, elle parcourut la forteresse, de part en part, portée par le vent et toute la force des poumons dont étaient capable les soldats.

-Et ceci, sourit Léoma, c’est le salut de ton peuple, à son futur roi. "

- C’est ainsi que naquit le prince héritier, alors que l’ultime forteresse phénix était sur le point de tomber. Ce jour là, grâce au courage du peuple phénix, à l’aide précieuse d’un groupe de valeureux démons, et à la bénédiction de Léoma la blanche et Gaïa Kilibrista, Lékilam vint au monde, acclamé et porté par la totalité de son peuple.

La jeune femme referma le livre aux pages abimées par le temps, et laissa ses doigts glisser sur les dorures de la reliure. Elle leva son regard vers l’homme accoudé à la fenêtre, qui regardait silencieusement les flocons tomber.

-Ca c’est vraiment passer comme ça ? C’est vraiment comme ça que tu es venu au monde, Lékilam ? demanda-t-elle en inclinant gracieusement la tête.

- Je pense que oui. Dans les grandes lignes. Du moins, c’est comme cela que ma mère me l’a raconté, et qu’elle a apparemment tenu à l’écrire.

La jeune femme baissa les yeux, et considéra un moment le vieux livre abimé. Un livre ne mentait jamais. C’était celui qui écrivait, qui était dans le mensonge, pas les lettres qui se dessinaient sur les pages et s’accrochaient les unes aux autres.

Le jeune prince sourit, alors que, sur ses belles prunelles lavande et lilas, se reflétait l’image d’un flocon de neige.

Dans l’immeuble, quelqu’un s’éveilla d’un long sommeil, avec la curieuse impression d’avoir assisté à une conversation sans y avoir été présent.

--

Ehissian venait de découvrir qu’en réalité, il n’était pas un phénix, mais une larve. Une larve qui dormait dans son cocon, et qui n’aurait jamais dû le quitter. C’était fou comme sa couette lui avait manqué, avec ses jolis triangles rouge et vert, sur un fond blanc immaculé. Comme la neige qui tombait au dehors, à gros flocons.

Bon, d’accord, il s’ennuyait. Sérieusement même. Il avait espéré pouvoir se rendormir sans problème, après sa courte escapade à l’épicerie, mais le sommeil ne semblait plus vouloir de lui.

Ses cheveux bleu nuit, beaucoup trop longs aux yeux de certains, pas assez pour les autres, retombaient en mèches éparses sur ses yeux à chaque mouvement qu’il faisait, si bien qu’il regretta au bout d’un moment de ne pas encore pouvoir les nouer. Il commençait à comprendre pourquoi sa sœur les gardait tous le temps nattés.

Détachés, ils étaient trop casse pied, comme elle le disait souvent, ô combien à raison.

Il poussa un énième soupir, se retournant une énième fois, refit un énième mouvement de la main pour remettre ses cheveux derrière son crâne.

En fait, il ne s’ennuyait pas, il se sentait seul.

Très seul.

A cause de la tempête et de l’hiver, beaucoup étaient partis vers des régions plus chaudes, et il ne pouvait pas sortir faire un tour dans les rues du centre ville. Kellnet serait certainement en train de roucouler avec sa belle oiselle, ou de faire une longue sieste dans un coin, et il ne connaissait personne d’autre à aller embêter dans l’immeuble.

Ou plutôt si, il connaissait beaucoup de monde, mais il savait qu’eux aussi seraient occupés. Même Elika, sa sœur, devait profiter de cette journée de calme pour vérifier entièrement les stocks de sa boutique.

Il se tourna encore.

Il n’aurait jamais dû quitter le lit dans lequel il s’était réveillé, pour la toute première fois de la journée. Il aimait énormément sa couette, mais elle ne pourrait jamais remplacer l’étreinte d’un amant endormi.

Ehissian ferma les yeux, alors que sa main glissait distraitement sur la cicatrice qui barrait son torse. Elle lui faisait encore mal, et le gênait très souvent. Il craignait que l’un de ses proches découvre un jour son existence, en le voyant grimacer à la suite d’un mauvais mouvement. Car si c’était le cas, l’engueulade qui suivrait serait mémorable… Et il aurait beaucoup de mal à expliquer pourquoi est-ce qu’il avait une cicatrice pareille en plein milieu de l’abdomen.

Fallnir, lui, ne lui avait rien demandé. Il s’était contenté de l’effleurer, du bout des doigts, guettant en silence chaque trait de son visage pour voir s’il ne lui faisait pas mal, sans même froncer les sourcils en découvrant son corps clairsemé d’éraflures.

Ehissian n’avait jamais rencontré quelqu’un d’aussi attentionné que le dragon. Pas attentionné dans le sens bouquet de fleur et ouverture de portière, non, il ne le voyait pas du tout faire ça. Mais chacun de ses gestes, chacune de ses caresses était prévenante, délicate, et évitait comme par enchantement les blessures qui le faisaient encore souffrir, lorsqu’on les touchait. C’était la première fois que le phénix rencontrait quelqu’un comme lui, qui prenait autant de précaution avec un inconnu qu’il voyait pour la première et dernière fois.

Et pourtant, sans se livrer au premier venu, Ehissian devait tout de même reconnaître que pour ce genre de chose, il ne disait que très rarement non. Mais uniquement avec les gens qu’il connaissait plus ou moins. C’était la première fois qu’il tombait aussi facilement sous le charme d’un parfait étranger.

Et d’ailleurs, plus il y réfléchissait, plus il se demandait comment cela avait bien pu arriver.

D’accord, Fallnir l’avait soigné, et avait été énormément gentil avec lui. D’accord, il était vraiment séduisant, avec sa voix enrouée et ses yeux clairs. D’accord, il avait un corps absolument parfait, qu’il soit habillé ou dans le plus simple appareil. Mais ce n’était pas une raison pour se l’envoyer dans la minute qui suivait.

Ses joues s’empourprèrent légèrement à cette pensée, sa propre stupidité l’affligeait.

Rageusement, il envoya sa couette bouler à l’autre bout du lit. Il n’arriverait plus à s’endormir, il était temps de bouger.

--

Shézac, en tout bon démon enthousiasme qu’il était, entra presque en sautillant dans le compartiment, cheveux dorés volant derrière lui et gros bonnet enfoncé jusqu’au dessus de ses yeux marine.

-Il neiiiiiiige ! ! ! S’écria-t-il joyeusement en se collant au carreau du train, comme l’aurait fait un jeune enfant.

Fallnir poussa un long, long, long soupir.

L’auburn se demandait encore ce qu’il lui avait pris de faire appel au démon pour ses recherches.

En fait, plus il y réfléchissait, et plus il réalisait qu’il y avait des dizaines d’autres personnes à qui il aurait pu demander de l’aide, ou glaner des renseignements. Les contacts, ce n’était pas ce qu’il lui manquait, loin de là.

Alors pourquoi, pourquoi est-ce qu’il avait fait appel à lui?

Peut-être parce qu’il était le plus proche, le seul immortel de sa connaissance, et surtout, le seul individu qu’il ne risquait pas de déranger. Quand on était majeur et bien présentable, on ne dérangeait jamais Shézac. Il le répétait souvent lui même. Et Fallnir craignait que ce soit vrai.

-Wouaouuuuuuu !

Inutile de fuir vers le wagon restaurant ou d’essayer de s’échapper par une fenêtre, le démon le retrouverait et le rattraperait en quelques minutes, où qu’il aille. Inutile aussi de lui demander de se taire et de se calmer, il en était tout bonnement incapable. Shézac était une véritable pile électrique sur patte.

-Regarde Fallnir, c’est une vraie tempête ! s’exclama-t-il en désignant l’extérieur du doigt.

Rectification, une centrale électrique ambulante.

Le mieux, pensa le dragon, était de se calmer, d’inspirer, plusieurs fois, et d’attendre qu’il se fatigue de lui même, en espérant que le trajet se termine vite. Ou d’espérer qu’à force de sautiller comme ça dans les wagons, un cahot du train le déséquilibrerait et l’assommerait. En fait, n’importe quoi, du moment qu’il le laissait tranquille.

Fallnir farfouilla un petit moment dans son sac, et réussit à extirper un livre d’une pyramide de pull et de chemise. En s’efforçant d’ignorer les braillements enthousiastes de son compagnon, il retira son nouveau marque page, une belle plume bleue effilée, et se plongea dans la lecture. Pas pour longtemps, certes, mais ça, il ne le saurait que dans une douzaine de secondes.

Une onzaine. Une dizaine. Une…

-Au fait, à cause de la tempête, le train s’arrêtera à la prochaine ville et on devra dormir dans le train, annonça Shézac comme s’il parlait de la météo –ce qui était d’ailleurs à moitié le cas- et sans décoller son nez du carreau.

Mais Fallnir tiqua.

-Ou aller à l’hôtel, mais vu que ce sont des wagons couchettes, ça serait dommage de bouger pour ça, rajouta le démon en haussant les épaules. Oooooh regarde, un près à vache !

Le dragon referma un peu trop violemment son livre. Il y eut un claquement sec, qui dépassa même le grondement du train, et Shézac se tourna vers lui, se détournant de la contemplation de « la jolie colline toute pleine de sapin vert ».

-Eh bien, qu’est ce qu’il y a ? Pourquoi tu fais cette tête ?

Le dragon posa soigneusement son livre, et ferma les yeux un moment, pour se calmer.

-Il est absolument hors de question que je dorme dans la même pièce que toi, Shézac.

Le démon haussa les épaules.

-Il faudra bien, mon vieux.

Fallnir inspira, expira, recommença une seconde fois, et encore une troisième.

-Très bien. Alors tente la moindre petite chose, le moindre petit câlin, et je t’arrache les yeux à main nue.

Shézac lui adressa le plus beau regard teinté d’innocence dont il était capable, qu’il utilisait certainement depuis des siècles dans ce genre de situation.

-Tenter quelque chose, moi ? dit-il en levant une main au niveau de son visage, et en posant l’autre sur son torse, montrant ainsi patte blanche.

Fallnir devait reconnaître que Shézac avait été étonnement rapide, pour retrouver celui qu’il cherchait. En un simple coup de fil, il avait obtenu ce qu’il aurait lui-même mis des semaines à trouver, et encore, sans compter le temps qu’il lui aurait fallu pour contacter d’autres personnes sur place et trouver un logement.

Shézac, lui, avait toujours été très sociable et bourré d’amis fidèles.

De plus, on ne pouvait que très difficilement lui résister, pour quoi que ce soit…Le démon trouvait toujours un moyen de vous faire craquer, que ce soit par ses mimiques suppliantes, par son sourire ravageur, ou tout simplement par un chantage vil et odieux dont lui seul avait le secret.

Mais si basse étaient les méthodes, les résultats étaient là, le dragon était bien forcé de le reconnaître.

Préférant penser à autre chose qu’à l’air totalement angélique –et faux- de son compagnon, Fallnir recommença à lire. Même s’il lui fallu un petit moment pour retrouver sa page, puisqu’il n’avait évidemment pas pensé à remettre la plume avant de refermer brusquement son livre. Il lui faudrait plusieurs minutes pour se replonger dans les lettres et les phrases, récupérer le fil de l’histoire, et enfin savoir si oui ou non, le héros allait terminer avec la belle blonde mystérieuse ou son meilleur ami. A condition que son camarade démon ne soit pas soudainement pris d’une crise de blabla, sous peine de quoi il devrait en plus rajouter le temps qu’il faudrait à son esprit pour faire abstraction de ses babillages.

Mais un miracle se produisit, et Shézac ne dit plus rien.

Pas la moindre parole, pas le moindre mot. Le silence.

Fallnir s’en serait presque mit à remercier le ciel et les quelques petites centaines de divinité qu’il connaissait.

Juste les cahots du train, le bruit sourd des roues sur les rails, et parfois, si on tendait l’oreille, le sifflement du vent au dehors. Et le bruit des pages que l’on tournait. Et le soupir de quelqu’un qui s’asseyait convenablement sur la banquette.

-Fallnir, pourquoi tu tiens à ce point à le revoir, ce type ?

Evidemment. C’était trop beau pour durer. Mais en même temps, il s’agissait de Shézac, et l’inverse aurait été plutôt inquiétant.

Pourtant, Fallnir ne put s’empêcher de penser que s’il tenait tant que ça à poser une question, il aurait pu en poser une autre que celle-ci. Sans relever les yeux de son livre, il répondit avec une pointe de cynisme dans la voix.

-Est-ce que je te demande pourquoi tu tiens à ce point à m’accompagner ? Rétorqua Fallnir sans interrompre sa lecture.

Le démon renifla.

-Parce qu’il y a un grand ami que je n’ai pas vu depuis très longtemps, là bas, alors je profite de l’occasion. Et d’ailleurs, c’est grâce à lui que tu vas le revoir, ton oiseau.

-Ce n’était pas une question, Shézac.

-Alors ce sera un prêté pour un rendu. Je t’écoute, pourquoi veux-tu revoir un type que tu connais à peine, qui n’a si ça se trouve strictement rien à faire de toi, et t’a déjà oublié ?

Le démon avait dis cela d’un ton neutre, calme, sans la moindre méchanceté ou lueur de reproche. Et pourtant, cela suffit à intriguer Fallnir, et à lui faire relever les yeux.

Shézac était avachi sur la banquette, les bras croisés sur sa poitrine, un air morne et indifférent sur le visage. Le dragon le connaissait suffisamment pour savoir que c’était la tête qu’il faisait quand quelque chose le tracassait, et qu’il n’arrivait pas à savoir quoi. Il savait aussi qu’il était quelqu’un d’obstiné, et qu’il pouvait devenir extrêmement horripilant –encore plus que d’habitude- quand il voulait savoir quelque chose, que ce soit une grande question philosophique ou le temps de cuisson des pattes à la Carbonara.

Aussi se dit-il qu’il valait mieux lui répondre.

-Parce que… J’ai envie de le revoir. C’est tout.

Le démon haussa un sourcil peu convaincu.

-Traverser la moitié d’un continent pour revoir un amant d’une nuit ?

Fallnir sourit, de l’un de ses sourires étranges, qui disait clairement qu’il y avait autre chose mais que c’était inutile de demander plus.

-Tu ne peux pas comprendre, dit-il finalement en baissant de nouveau les yeux sur son livre.

Shézac ne dit plus rien. Effectivement, il ne comprenait pas. Peut-être parce qu’il était un démon, et que pour lui, les amants d’une nuit, ce n’était vraiment qu’une nuit. Un flirt, une nuit agréable, éventuellement un petit déjeuner, un numéro de téléphone échangé dans quelques rares cas, et puis rien d’autre. A part un vague salut dans la supérette du coin, si jamais il le recroisait quelques jours plus tard.

Mais les démons et les dragons étaient des peuples très proches, sur de nombreux points… Alors si, il comprenait, en fait. Et c’était justement ça qui lui faisait peur.

A suivre…

ooo

Hop hop hop, chapitre deux terminé ! Hum, j’espère que je ne vous ais pas déjà embrouillé avec les personnages et les bribes de rêves…

En tout cas, je vous remercie vivement d'avoir lu jusqu'ici, et je vous invite à ne pas hésiter à me laisser un petit message pour me dire ce que vous en avez pensé, si jamais vous en aviez le temps et l'envie... :p

J'espère vous revoir très bientôt ! :D

 
 
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