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Bec d'écaille, croc de plume
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 26     Les chapitres     64 Reviews     Illustration    
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Petits imprévus

Disclaimer : Tous les personnages/ lieu/ périodes m’appartiennent, je n’ai aucune excuse pour ce désastre.

Notes :

- Je m’excuse par avance pour les fautes de grammaire ou d’orthographe qui m’ont échappée, j’avoue avoir des lacunes dans ce domaine, en particulier sur un ordinateur …

 ________________________________________________________________________

Chapitre 26 : Petits imprévus

 

 - Donnez moi une seule bonne raison de ne pas donner l’alerte tout de suite, articula lentement Ader en se pinçant l’arrête du nez.

Derek et Scysios échangèrent un regard, sourcils arqués.

- Tu serais mort avant ? proposa le médecin en haussant les épaules.

Dire qu’Ader s’était imaginé un flirt endiablé dans le parking, seul à seul avec le directeur, où il aurait été question de paquet de cigarette vicieusement dérobé et de galipettes sauvages dans une voiture oubliée…

Le vampire avait vainement cru que, peut-être, Derek serait vraiment de leur côté jusqu’au bout, où du moins, attendrait un peu avant de les trahir. Seulement, il était à présent devant le fait accompli. Ils se tenaient tous les trois sur le seuil de la porte du parking, une volée de marche en dessous de l’accès au hall d’entrée, là où se trouvait l’ascenseur et toute une troupe de vampires.

Il savait pertinemment à quel camp appartenait Scysios, et dès que ses yeux s’étaient posés sur lui, il avait compris. D’une manière ou d’une autre, le directeur avait prévenu la tour phénix, et avait divulgué le véritable endroit où le prince était retenu. Est-ce que cela voulait dire qu’ils avaient mis leurs égouts en l’air pour rien ? Le vampire avait le secret espoir que leur petit piège aurait au moins fichu la frousse à un ou deux phénix.

- Ader, commença plus sérieusement Derek. Je sais que vous avez autant envie que moi d’aider votre chef et Taenekos. Vous n’irez pas donner l’alerte.

Le vampire croisa les bras sur sa poitrine et les toisa de son éternel sourire narquois.

- Ah oui ? Vous en êtes sûr ?

Derek hocha la tête en guise de réponse, avec un  tel aplomb qu’Ader en fut un instant déstabilisé.

Le démon avait vu juste, il n’avait pas envie d’avertir les autres vampires de la présence d’un intrus dans leurs murs. Parce que cela aurait revenu à aider leur seigneur à garder le prince en otage, en jouant le jeu du kidnappeur.

Ce fichu seigneur qui les gouvernait comme on jouait aux échecs sur un ordinateur, sans se soucier des pions sacrifiés. C’était à cause de lui qu’ils se terraient dans des cachettes obscures, entassaient des marchandises de prix, ramenaient de l’argent toutes les semaines. En échange, ils avaient le droit de vivre avec les autres, au sein de la communauté.

Les vampires n’aimaient pas la solitude, préféraient vivre dans la contrainte et pouvoir bénéficier de la maigre consolation de ne jamais s’endormir tout seul, le matin, dans les dortoirs.

Leur chef était en place depuis si longtemps, avait tellement de subordonnés, de vampires sous ses ordres qu’il ne devait même plus connaître le nombre exact de ses représentants directs, dont Ader faisait partie. Qui aurait eu envie de l’aider, parmi tous les chefs qu’il avait placés à la tête des villes qu’ils contrôlaient ? Ader avait obéi à Taenekos parce qu’il n’avait pas le choix, comme l’auraient fait tous ses congénères à sa place. Mais il n’avait absolument pas envie de faire du zèle.

- Okay, j’avoue, concéda-t-il avec une moue contrite. Mais quand vous aurez ramené votre petit prince bien au chaud chez lui, je pourrais pas faire comme si je vous avais pas vu passer. Ca va me retomber sur la tête.

Il appuya ses mots d’un regard lourd de reproches, qui n’eut aucun effet. Dans la cage d’escalier, la lumière que diffusaient les veilleuses atténuait beaucoup les expressions faciales.

- Pas si les phénix vous protègent, vous et les autres, le contredit aussitôt Derek.

Ader écarquilla les yeux.

- Avant que votre chef ne prenne le contrôle, continua Scysios, les vampires n’étaient pas hostiles au phénix. C’est lui qui a décidé qu’il ne voulait pas d’étrangers sur cette planète. Ca remonte à très longtemps…

Le vampire ne dit rien, suspicieux. Il avait bien entendu une histoire de ce genre, un jour, de la bouche d’un vieux vampire un peu bizarre. Si tout le monde savait bien que leur petit monde de gang n’existait pas avant leur chef, c’était une toute autre chose pour leurs rapports avec les étrangers. D’un autre côté, avant l’arrivée du chef, beaucoup de vieux vampires racontaient qu’ils n’étaient de toute manière pas assez nombreux pour avoir la moindre importance…

Ader n’y avait jamais trop fait attention, lui qui était de toute manière pour la neutralité des choses, et prenait bien garde à ne jamais empiéter sur les plates bandes des phénix. Mais effectivement, c’était leur vénéré maitre, seigneur suprême des vampires, qui avait décrété qu’ils devaient haïr les étrangers aussi fort que les buveurs de soda haïssaient les alcooliques.

- Je me suis renseigné sur toutes vos affaires, reprit calmement Derek. Vous et les autres, vous pensez tous la même chose. Vous en avez assez de votre seigneur, de la vie qu’il vous impose et de ses décisions aveugles.  Il parait que la visite de Taenekos à certains de vos collègues a failli provoquer des révoltes…

Ader fronça les sourcils, pour tenter de cacher son trouble. Comment est-ce que le démon avait fait pour être au courant de ça ? Même parmi les vampires, ce n’étaient que des rumeurs ; ils n’étaient qu’une poignée de chefs à avoir été mis au courant par leurs collègues concernés, affolés d’avoir à contenir seuls une bande de vampires insurgés.

- Et vous me proposez quoi ? De me rebeller et de m’allier au phénix ?

- Exactement, répondit très sérieusement Derek, en secouant le paquet de cigarette qu’il lui avait dérobé un peu plus tôt. Pourquoi est-ce que vous croyez que je vous ai fait descendre ?

Depuis l’arrivée de Scysios dans le parking, il n’avait cessé d’espérer que le vampire arriverait avant qu’ils ne soient obligés de commencer le sauvetage du prince. On pouvait dire que le timing avait été très serré.

Perdant instantanément son sourire narquois, Ader le foudroya du regard, profondément vexé.

- Vous pensez franchement que je vais gober ça ?

Dans d’autres circonstances, il aurait pu y croire, peut-être. Mais des serments sur le seuil d’une porte, fait à quelqu’un qui pouvait à tout moment menacer de donner l’alerte, il n’était pas dupe. Même si ça venait de son fantasme, la perfection incarnée, l’homme qui le hantait depuis trois jours et pour lequel il aurait pu être prêt à faire des folies.

- Je ne vous demande pas de me croire, mais de réfléchir. Si les phénix avaient voulu éliminer les vampires, ils l’auraient fait depuis longtemps. Si vous choisissez de récupérer le contrôle de vos vies, ils vous aideront.

Derek était incroyablement sérieux, comme à son habitude. Les mains dans les poches de son costume, il dardait ses yeux violets sur son vis-à-vis, aussi lisses et impénétrables que deux miroirs. Cette attitude acheva d’énerver le vampire à l’humeur fragile.

- Après ce qu’on a fait à leur prince ? siffla presque haineusement Ader.

Il recula d’un pas, avec la ferme intention d’aller prévenir les autres. S’il n’en avait pas eu envie jusqu’à maintenant, Derek venait de le convaincre de rester fidèle à sa race. Et tant pis si leur seigneur se fichait de ses sujets comme de sa première décoloration et les contraignait à une vie qu’ils n’avaient pas choisie, en les obligeant à toujours rapporter de l’argent à la communauté. Etre la marionnette d’une personne lui suffisait amplement, Ader n’avait pas envie d’être en plus roulé dans la farine par les grands mots d’une bande d’emplumés. Le simple fait que le démon puisse s’imaginer qu’il allait le croire le blessait mortellement. Il avait eu la vaine impression que le directeur l’avait plutôt à la bonne, traitait de manière sincère avec lui, le considérait autrement que comme un vulgaire moucheron suceur de sang.

Il constatait amèrement à quel point il s’était trompé.

Brusquement, Derek le saisit fermement par la nuque et s’empara sauvagement de ses lèvres, l’embrassant à perdre haleine. Ader, avec l’impression qu’on venait de lui scier les jambes, mit un certain temps à comprendre ce qu’il lui arrivait.

Puis sa cervelle se liquéfia, à la manière d’une midinette qui était en train de rouler le patin de sa vie au plus beau garçon du lycée, et il tâcha de répondre au baiser avec le peu de dignité qui lui restait.

Merde, on ne l’avait jamais embrassé comme ça, jura-t-il mentalement entre deux ondes d’euphorie. Même le vieux. Même Maerys.

- S’ils refusent de vous aider, alors c’est moi qui le ferait, souffla doucement Derek en détachant leurs lèvres.

Il y avait eu tant d’ardeur dans ce baiser, il y avait pour une fois tant de sincérité dans les yeux violets du directeur, qu’Ader sentit ses jambes flageoler et fut à cet instant précis intimement persuadé qu’il pouvait lui faire confiance.

Et ce n’était absolument pas parce que son fantasme venait de l’embrasser comme il en rêvait depuis trois jours, non, absolument pas.

Les vampires étaient des êtres faibles.

Et puis au fond, tant pis si Derek n’avait fait ça que pour le faire céder. Subitement, Ader réalisa qu’il en avait assez de tout, des manigances, des tromperies, des coups en traitres qui lui planaient sans cesse au dessus de la tête. Pour une fois dans sa vie que quelqu’un comptait un peu sur lui, même si ce n’était pas vraiment pour la personne qu’il était, même si c’était juste pour le jeter ensuite comme une vieille chaussette, est-ce qu’il n’avait pas le droit de tenter ?

La girouette que formait jusque là le tourbillon de ses volontés se fixa enfin dans une direction, et une bourrasque de vent envoya valser toute sa colère passée, tous ses ressentiments, toutes ses appréhensions.

Ce fut un Ader vierge de toute réflexion qui déglutit difficilement, toujours prisonniers des grandes mains du directeur collées sur sa nuque.

-Okay, admettons que vous êtes sincère, finit-il par lâcher du bout des lèvres.

Il était peut-être en train de faire la plus grosse bêtise de sa vie. Ce n’était pas parce qu’il était adulte qu’il ne devait plus se méfier des inconnus qui promettaient des bonbons si on acceptait de les suivre.

Et qu’en était-il de la scène qu’il venait de faire mentalement ? Depuis quand est-ce qu’il accordait aussi rapidement sa confiance à des inconnus, des ennemis qui plus est, sans aucune garantie de leur bonne foi ?

Est-ce qu’il n’avait pas été profondément blessé par la proposition de Derek, un instant plus tôt ?

Il ne s’en souvenait déjà plus. A croire qu’en l’embrassant, le démon avait volé tout ce qu’il y avait à l’intérieur de la tête du vampire, ne laissant qu’un cotonneux mélange de rêveries confuses.

 

oo

 

Maerys tournait en rond dans le bureau trop vaste, à bout de nerf. Il s’ennuyait tellement qu’il lui semblait que cela faisait des heures qu’Ader était parti. Dans la pièce trop éclairée, il n’y avait rien d’autre à faire que de regarder les murs, avec le secret espoir de réussir à les faire exploser rien que par la seule force de son regard –oui, c’était une occupation bien étrange, mais c’était la seule qui lui convenait. Près de la porte, un subordonné d’Ader, l’arme à la main, semblait autant que lui en proie à un ennui le plus total. Il ne cessait de faire des allez retour entre le bureau et le couloir, cherchant en vain quelqu’un à qui parler, chose qu’il n’osait faire avec Maerys à cause de la présence du prince.

Celui-ci restait étrangement calme.

Ligoté comme un saucisson sur une chaise du bureau, il parvenait quand même à conserver une certaine forme de dignité, le dos bien droit et les yeux fermés. Maerys aurait été curieux de savoir à quoi est-ce qu’il était en train de penser.

Est-ce que ce type était vraiment prince ? Il avait l’air si jeune, si… normal, que le vampire avait du mal à croire que c’était vraiment ce garçon qui tenait leur monde entre ses mains, depuis des siècles. Il paraissait être entre deux âges, ni adulte, ni complètement adolescent.

Exactement comme lui, réalisa Maerys avec effroi.

Cela ne fit que rendre le prince un peu plus antipathique à ses yeux, et il tourna vivement la tête dans l’autre direction.

Par la baie vitrée, on voyait scintiller les lumières de la ville comme un tapis de guirlandes lumineuses. Le jeune vampire se serait volontiers approché pour coller son nez aux carreaux, et contempler à loisir la vue qui s’étendait dans tous le cadre de la fenêtre. Pour lui qui ne connaissait que les égouts depuis plus de vingt ans, se retrouver aussi haut avait quelque chose de magique.

Seulement, pour s’approcher de la baie vitrée, il lui fallait aller jusqu’au fond de la pièce et contourner l’imposant bureau du directeur. Or, la présence invisible de cet homme, si grand et impassible, le bloquait complètement.

En fait, Maerys était jaloux.

Il avait bien vu la tête qu’avait faite Ader, quand le directeur lui avait mis la main aux fesses, soit disant pour lui voler ses cigarettes. Le vampire avait alors eu une expression bizarre, un mélange de surprise brute et de désir ardent, aussi fugace qu’elle avait été intense. Jamais encore le jeune vampire ne l’avait vu avec un visage pareil, et ça le vexait, profondément, que quelqu’un d’autre que lui ait réussi à faire ressurgir un aspect inconnu de sa personne.

Parce qu’il aurait fait n’importe quoi pour lui plaire.

Ader était pervers, brutal, avare de tendresse. Ses baisers étaient possessifs, ses mains ne caressaient pas mais le tenaient fermement, imprimaient leurs marques sur sa peau blanche. Quand ils couchaient ensemble, il ne se souciait que de son propre plaisir, s’inquiétait rarement de ce que ressentait Maerys. Le jeune vampire ne se souvenait plus de la dernière fois où son ainé l’avait enlacé, embrassé sans arrière pensée, pas pour lui signifier qu’il lui appartenait, juste par envie ou par une impulsion aussi subite que surréaliste.

Et pourtant… Et pourtant Maerys s’en contentait, plus encore, en redemandait. Cela l’effrayait presque de voir à quel point il s’était accoutumé à la sauvagerie d’Ader.

Lui qui était autrefois un enfant si douillet et affectueux…

Les vampires chérissaient la violence, la recherchaient avec une force qui frôlait le désespoir. C’était pour eux aussi vital que le sang dont ils se nourrissaient, aussi insatiable que leur appétit sexuel. Ils avaient besoin de se battre, d’être malmenés, comme une drogue létale aux effets redoutables.

Parce qu’au fond, c’était les trois seules choses qui leurs permettaient d’avoir l’intime conviction d’être encore vivant.

Et puis, d’une certaine manière, Maerys le rendait bien à son supérieur. Il obtenait toujours une forme de paiement en échange de ses faveurs, et quand il avait vraiment envie d’autre chose que des bleus et des bosses, il arrivait presque à chaque fois à adoucir son ainé.

Ader était extrêmement agile de sa langue, avait des lèvres faites pour embrasser et savait faire jouir quelqu’un en quelques minutes rien qu’avec sa bouche. Malheureusement, il s’agissait d’un talent qu’il préférait garder secret et qu’il n’exerçait que très rarement, seulement en cas d’urgence. La dernière fois datait du jour où Maerys avait été traumatisé par l’agression particulièrement violente d’un autre vampire par une bande d’humains, qui s’était déroulée juste sous ses yeux ; c’était dire à quel point le fait était exceptionnel.

Il était le seul avec qui Ader se permettait ce genre de faiblesses. Cette idée le gonflait d’un sentiment de fierté, de supériorité jaloux et égoïste, auquel il se raccrochait de toutes ses forces. Parce qu’Ader était tout, pour le jeune vampire.

Son univers, son monde, la bouée de sauvetage qui lui avait permis de supporter le choc de sa transformation. Ader était la seule personne qui l’avait connu avant, quand il était encore un humain, un petit garçon joyeux qui aimait bien venir embêter son grand père pendant que ce dernier jouait au mécanicien avec son amant vampire.

Sans lui, Maerys était perdu, s’effrayait de tout et se sentait atrocement en danger. Et cela n’était pas seulement lié au fait qu’Ader lui avait plusieurs fois sauvé la vie.

Il était prêt à tout pour lui faire plaisir, pour exaucer le moindre de ses souhaits, même s’il rechignait, même si ce qu’il lui demandait lui déplaisait au plus haut point. Bien souvent, il n’obtenait en échange de son dévouement qu’une gratitude un peu bourrue, quand ce n’était pas une totale indifférence et un léger haussement de sourcil en guise de remerciement. Mais aussi étrange, anormal et malsain que cela puisse paraître, cela lui convenait.

Parce qu’en contrepartie, Maerys possédait quelque chose d’unique, d’irremplaçable, qu’il chérissait tendrement comme le plus précieux de ses trésors.  Certes, Ader était souvent brutal, l’ignorait parfois, le considérait rarement plus que comme une chose qui lui appartenait et qu’il devait jalousement protéger des convoitises.

Mais indéniablement, le vampire tenait à lui, d’une manière beaucoup plus profonde que la simple affection que l’on ressentait pour un objet que l’on possédait.

Parce qu’avec ses cheveux noirs, sa bouche mutine et ses mains précieuses, et toutes ces autres petites choses qu’il avait héritées de son grand père, Maerys était la dernière trace vivante de la seule période heureuse de la vie d’Ader.

Un claquement le fit sursauter, interrompant le fil de ses pensées.

L’autre vampire venait de sortir, en refermant un peu trop fort la porte derrière lui. Il se retrouvait seul avec le prince…

Maerys n’y tint plus. Passant outre l’ordre d’Ader, il quitta à son tour le bureau, sans un regard en arrière.

L’autre vampire n’était déjà plus là, mais étonnamment, il trouva à sa place une dizaine de congénères, agglutinés près de la porte de la cage d’escalier. Ils avaient investi sans aucun remord le vaste bureau d’une secrétaire, dispersant les paperasses et les stylos pour y déposer leurs illustres arrières trains.

Maerys fut presque soulagé en reconnaissant la plupart des visages, et la tignasse blonde d’Helga, le bras droit d’Ader. Il n’y avait aucun vampire du quartier nord, ce qui ne l’étonna pas ; il n’en avait pas vu un seul, excepté lorsqu’ils étaient arrivés à l’étage, quand ces derniers avaient investi d’office un poste de sécurité au fond du couloir.

Les autres lui firent des signes de tête amicaux quand il s’intégra au groupe, et une fille du quartier ouest qu’il connaissait plutôt bien lui expliqua en quelques mots qu’ils venaient des étages supérieurs, et faisaient une pause avant de rejoindre leur place définitive, beaucoup plus bas dans l’immeuble. Puis sa voix fut happée au milieu des conversations des autres, auxquelles le jeune garçon s’intégra sans difficulté.

Les vampires n’étaient pas réputés pour leur entrain et leur joie de vivre mais ce soir là, ils semblaient atteindre des sommets de mauvaise humeur. Saisissant le fil de la discussion principale, Maerys sentit ses cheveux se dresser sur sa tête à l’évocation du nom d’Ader. Ils lui reprochaient d’avoir accepté les ordres de leur seigneur et de Thane, et d’avoir organisé l’enlèvement.

- C’est vrai, quoi, lança un vampire de sa communauté. Ca fait déjà des heures qu’on poireaute, on attend quoi ? Je vois pas pourquoi on devrait obéir aux ordres qui viennent d’en haut, pour ce qu’on en a en retour…

- Mais Ader sait ce qu’il fait ! protesta Maerys, sentant dans les paroles du vampire les affres de la révolte.

L’autre haussa les épaules.

-Tu parles… J’étais là l’autre soir, quand cet étranger est venu… Ader fait tout ce qu’il lui demande…

- Parce que tu crois que le grand manitou permettrait qu’on lui obéisse pas ? Renifla une vampire à l’air narquois.

Un flot de conversation éclata, autour du petit bureau. Il y avait ceux qui étaient pour la révolte, un retour à l’autarcie, comme avant qu’ils ne soient tous réunis sous la volonté d’un même vampire, leur seigneur.

Après tout, les communautés se débrouillaient très bien toutes seules, le chef suprême n’était plus là que pour les fédérer – voire les écraser avec indifférence sous sa botte.

D’autres s’inquiétaient d’une répression, avaient peur que les clans des autres villes viennent les forcer à rentrer dans le rang de manière sanglante, si jamais ils se permettaient l’audace de refuser des ordres.

Certains encore trouvaient qu’au contraire, des événements récents prouvaient que toutes les communautés en avaient ras le bol, et qu’il suffirait qu’une poignée de téméraires ait le courage de se lancer, pour que tous suivent leur exemple et se séparent de l’autorité de leur seigneur. Après tout, n’y avait-il pas ces rumeurs selon lesquelles Ader et d’autres chefs des villes voisines avaient de justesse ramené à la raison un groupe d’insurgés ?

Toutefois, malgré leurs divergences d’opinions, ils s’accordaient tous sur un point : ils n’avaient aucune patience et en avaient déjà assez d’être là.

Les vampires étaient faits pour l’action, les opérations musclées. Les longues attentes et les prises d’otages, ça n’était pas pour eux.

Une porte s’ouvrit tout à coup, et tous se turent de concert. Un homme armé leur lança un regard peu amène, puis traversa le couloir jusqu’à une autre pièce. Ils le scrutèrent attentivement, dans un silence suspect.

- Tsss, siffla quelqu’un quand il eut disparu. Je me demande vraiment ce qu’ils foutent ici, les gars du quartier nord. Ils ont jamais pu blairer les autres…

Une femme s’empressa d’intervenir, tout en lissant d’une main ses longs cheveux bruns.

-Y a plus qu’eux qui pensent du bien du grand chef. Il parait que l’étranger est aussi venu les voir, et leur a monté la tête comme quoi il leur faisait plus confiance à eux qu’à nous…

Maerys sentit son intérêt redoubler à l’évocation du nom de Thane. Le démon lui avait paru sympathique lorsqu’il l’avait abordé, l’autre soir. Il avait été gentil avec lui, l’avait traité avec beaucoup de courtoisie en apprenant que le jeune garçon avait des ancêtres démons. Il aurait aimé le connaître un peu plus…

Ainsi, il était allé voir les gens du quartier nord ? Ader et les deux autres chefs de la ville n’avaient jamais manifesté de sympathie à l’égard de la communauté de cette zone…

- En plus, intervint un autre vampire, vous avez vu comment ils sont armés ? Et dès qu’on est arrivé, ils se sont tous rués sur les postes de sécurité…

Le vampire qui venait de traverser leur couloir s’était rendu dans la salle de vidéo surveillance, au même étage que le bureau du directeur.

Apprendre qu’un groupe aussi antipathique braquait ses yeux sur leurs moindres fait et gestes n’était pas pour arranger le moral des autres.

Sachant bien comment fonctionnaient ses subordonnés, Helga le sentit et avant que la conversation ne s’envenime, sauta du perchoir sur lequel elle était assise et parla pour la première fois depuis que Maerys les avait rejoint.

- Ouais, et c’est pour ça que nous on se retrouve à surveiller des coins pourris. D’ailleurs, on va y aller, parce qu’on a une sacré trotte à faire, ajouta-t-elle d’un air sévère.

Les autres maugréèrent et poussèrent des soupirs mécontents, mais se résignèrent malgré tout à bouger. Maerys fit la moue, déçu de n’avoir eu qu’une petite distraction. Il les salua de la main et les regarda tristement disparaître derrière la porte à double battant, jusqu’à ne plus entendre leurs pas dans l’escalier.

En quelques instants, il se retrouvait seul dans le couloir désert. Habitué aux ruelles sombres et bondées de la vieille ville, le silence de mort et la lumière trop vive le firent frissonner. Ne voyant aucune trace du vampire qui était censé monter la garde dans le bureau, il se décida à regagner la chaise qu’Ader lui avait intimé de ne pas quitter, la mort dans l’âme.

Il se retrouva de nouveau dans la pièce silencieuse, seul avec le prince. Il conclut que l’autre vampire avait dû profiter du départ des autres pour s’éclipser il ne savait où.

Mais de toute manière, le prince était tellement saucissonné qu’il aurait eu bien du mal à s’échapper de la pièce, et encore moins de l’immeuble bardé de vampires.

Maerys s’assit en soupirant sur la chaise la plus éloignée possible du phénix. Celui-ci lui avait jeté un vague regard curieux lorsqu’il était rentré, pour se désintéresser aussitôt et recommencer à fixer le vide. Il devait certainement s’ennuyer, encore plus que le jeune vampire. Pourtant, celui-ci n’arrivait pas pour autant à éprouver de la pitié.

Il se mit à fixer la moquette avec une grande attention, laissant son esprit vagabonder, pendant ce qu’il crut durer des heures.  Mais il ne dut s’écouler en réalité que plusieurs dizaines de minutes, tout au plus.

Puis, sans prévenir, le prince releva la tête.

- C’est de ma faute, n’est ce pas ? Demanda-t-il d’un ton étrangement calme.

Le jeune vampire sursauta brutalement, surpris par le son de sa voix qu’il entendait pour la première fois. La lumière trop crue du bureau donnait un air maladif à la peau du prince, et creusait des cernes sous ses yeux étranges. Son regard insistant en était d’autant plus perturbant.

- De quoi ? S’enquit très intelligemment Maerys, d’un ton peu aimable.

Le phénix répondit aussitôt, avec toute la neutralité dont il était capable.

-Si vous êtes devenu un vampire. Votre chef, tout à l’heure, il a dit que vous veniez…

Si Maerys était d’abord resté muet comme une tombe, les yeux écarquillés de surprise, le reste de la phrase lui fit l’effet d’un électrochoc.

- Fermez là ! Explosa-t-il brusquement.

Le phénix sursauta, ne s’attendant pas à une telle réaction. Peut-être avait-il voulu essayer de gagner sa sympathie ? Peine perdue, la rancœur du vampire était si grande qu’il n’y avait que l’inverse qui pouvait se produire. Et ce fut même radical.

Le brun bondit sur sa chaise et le foudroya du regard.

- Vous… Oui, c’est de votre faute ! Vous saviez que les vampires menaçaient les étrangers, cela faisait des semaines qu’ils se préparaient à attaquer, et vous… vous…

Ils n’avaient rien fait. Maerys avait beau être très jeune quand cela était arrivé, il savait bien que personne ne les avait jamais mis au courant de la vendetta que préparaient les vampires. Personne sauf Ader, qui avait tenté plusieurs fois de convaincre son grand père de prendre la tangente. Mais pour aller où ? Les vampires avaient les yeux partout, sauf peut-être dans la Volière, et il fallait l’accord des phénix pour quitter ce monde, ce qui pouvait prendre des semaines. Et puis, les parents de Maerys avaient pensé que tant qu’on ne leur dirait pas officiellement de quitter les lieux, il n’y aurait pas de problèmes…

Les massacres des vampires avaient commencé brutalement, en l’espace de quelques heures. Ils n’avaient même pas attendu que la nuit tombe, pour mettre à feu et à sang les maisons des étrangers.

Ader avait couru aussi vite que possible pour les prévenir, mais il était déjà trop tard. Ses parents étaient déjà morts, les autres vampires tout proches. Et son grand-père…

Maerys se rappellerait toujours à quel point son grand-père adorait sa fille. Apprendre qu’elle était morte lui avait brisé le cœur. Et comment élever Maerys maintenant qu’il était tout seul, où l’emmener, où se cacher ?

C’était peut-être la seule chose que le jeune vampire reprochait à son grand père. Avoir été lâche. Avoir choisit la solution la plus simple, et forcé Ader à la mettre en exécution, en lui demandant de les tuer tous les deux.

Maerys savait bien qu’Ader ne s’était jamais pardonné d’avoir bu jusqu’à la mort le sang de son grand père. Encore moins d’avoir raté son coup en ce qui le concernait.

Est-ce qu’il y avait quelque chose de plus horrible que d’assassiner la personne que l’on aimait, et d’avoir en plus échoué en tentant de respecter sa dernière volonté ?

Le jeune  homme repensait souvent à ce qu’il se serait passé, s’ils avaient été prévenus. Peut-être qu’il serait sur un autre monde, avec sa famille, et serait encore humain. Peut-être même que son grand père aurait réussi à enlever Ader pour qu’il vienne avec eux.

Et qu’ils seraient heureux, tous ensemble, loin de cette planète et de la violence aveugle des vampires.

- Si vous saviez comme je suis désolé, chuchota le prince en baissant les yeux.

Le vampire se retint de justesse de lui sauter à la gorge. Un autre que lui n’aurait sans doute pas hésité ; mais il ne voulait pas être comme les autres, une bête assoiffée de sang qui se battait à la moindre occasion.

- Vous savez où vous pouvez vous les mettre, vos excuses ? aboya-t-il en serrant les poings.

Les yeux brûlants, Maerys voulut sortir de la pièce en claquant la porte. Mais à peine eut-il tourné la poignée pour foncer tête baissée à l’extérieur, que sa figure entra brutalement en contact avec un mur. Poussant un cri de douleur, il fit un pas en arrière, en tenant son nez douloureux.

Dans la vive lumière du couloir, la silhouette du directeur se détachait très nettement. Derek parut aussi surpris que le jeune vampire de cette collision, mais si le garçon grimaçait encore de douleur, le démon, lui, semblait n’avoir rien ressentit.

Faisant preuve d’une surprenante attention, le visage du directeur se fit inquiet, et il se saisit doucement des mains de Maerys, pour les écarter de son visage.

- Ca va ? Tu n’as rien de cassé ?

Les larmes aux yeux, le vampire sentit en prime ses joues s’empourprer. Il n’avait pas l’habitude que l’on s’inquiète pour lui, d’autant plus qu’il ne s’attendait absolument pas à une telle prévenance de la part de cet homme qui l’impressionnait tant. Aussi effarouché qu’un petit garçon, il secoua vivement la tête, oubliant par la même de se demander pourquoi est-ce que cet humain avait un corps aussi dur qu’une paroi de béton.

Si comme les autres vampires, il avait pris l’habitude d’inspecter attentivement les odeurs de toutes les personnes qu’il croisait, il aurait probablement remarqué que le directeur Heath avait un parfum qui lui rappelait beaucoup les origines démones de son grand père.

Mais il ne faisait jamais attention à ces choses là, et son nez lui faisait de toute manière trop mal pour qu’il puisse renifler la moindre goutte de sang. Alors, à ce moment précis, il n’eut qu’une vague impression de familiarité qui fut bien vite balayée par la honte et la timidité.

- Je… non, je crois que ça va, bredouilla-t-il à toute vitesse.

Derek parut soulagé, et il lui sourit avec une troublante gentillesse. Puis, le démon aperçut le regard inquiet du prince phénix par-dessus les frêles épaules du vampire, et se renfrogna aussitôt.

- Tu n’as pas reçu le message de ton chef ? demanda-t-il à Maerys.

Ce dernier fut un instant décontenancé, avant de soudainement se rappeler d’Ader, de leur opération et de la raison de leur présence ici. Toujours sur le seuil de la porte, en face d’un homme qui le dominait de deux bonnes têtes, il sentit l’angoisse le gagner.

- Un message d’Ader ? Mais… il était avec vous, non ? Il vous a suivi…

Le jeune vampire paraissait déboussolé, tout à coup très inquiet du sort de son supérieur, et effrayé par ce que Derek avait bien pu lui faire.

Comprenant que le jeune garçon ignorait tout et n’avait pas bougé du bureau, le démon poussa un profond soupir, se passant une main sur le visage.

Une porte claqua soudain derrière eux, achevant d’effrayer Maerys. Un vampire armé en déboula, l’air agressif, pointant le canon de son arme sur eux. Derek se contenta d’afficher un air blasé.

- Qu’est-ce que vous faites ici ? aboya le vampire en montrant les crocs. Cet étage est aux mains du quartier nord. Les traitres ont dit qu’ils quittaient l’immeuble sans rien emporter. Vous n’avez rien à faire là !

Le directeur avait toujours trouvé qu’il y avait quelque chose de singulièrement pathétique, dans ces vampires au teint cireux et aux visages émaciés qui jouaient aux méchants de gangs mafieux. Il n’osa pas signaler au chien de garde que son arme ne risquait pas de blesser quelqu’un d’autre que lui, vu la manière extrêmement maladroite dont il la tenait.

- Du calme, temporisa-t-il en levant tout doucement les mains. Je reste de votre côté, je n’ai pas envie que vous abimiez mon immeuble. Ou que l’un de vous tue le prince par accident, rajouta-t-il en plissant les yeux. Lui, par contre…

Il posa une main sur les reins de Maerys et le poussa doucement vers l’avant.

- Il est resté ici tout seul et il n’est au courant de rien. Alors vous allez tranquillement le laisser partir, et reprendre votre surveillance.

Le vampire ne dit rien, les doigts serrés sur la crosse de son arme. Derek poussa un Maerys aux yeux écarquillés jusqu’à la porte de la cage d’escalier. Quand l’angle du mur les mit enfin à l’abri du regard du gardien, le démon se pencha sur le jeune homme, pour lui glisser quelques consignes à l’oreille.

- Les autres sont en train de quitter l’immeuble. Les vampires du quartier nord ont préféré rester fidèles à votre seigneur, mais les autres ont choisi de laisser tomber. Ader t’attend dehors, alors tu ferais mieux de le rejoindre le plus vite possible.

Il lui ouvrit la porte et le poussa encore un peu dans la cage d’escalier.

- L’ascenseur a été coupé, tu vas devoir descendre à pied. Fais bien attention, c’est un vrai labyrinthe. Et si jamais tu croisais Tae... Thane, se reprit Derek en se rappelant de ce qu’Ader lui avait dit la veille, dans son appartement, à propos du nom sous lequel les vampires connaissaient l’Onikam, fuis le plus vite possible, cache toi quelque part, et ne te montre pas jusqu’à ce qu’il soit parti.

Une boule dans la gorge, Maerys se contenta d’hocher la tête. Il eut un mouvement de recul quand le directeur tendit la main vers lui, pour se crisper une seconde après lorsqu’il comprit que l’homme voulait simplement lui ébouriffer affectueusement les cheveux. Le geste le surpris autant qu’il le troubla, mais fut peut-être ce qui convainquit le jeune vampire d’obéir aux ordres du directeur, lui qui avait pourtant sympathisé avec Thane deux soirs plus tôt.

Il déguerpit le plus vite possible dans l’escalier, manquant plusieurs fois de se rompre le cou. Il avait dû rester seul avec le prince bien plus longtemps que ce qu’il croyait.

Que c’était-il donc passé pendant ce temps ?

 

oo

 

Derek, de son côté, signifia au vampire dans le couloir qu’il n’avait cure de sa présence et s’enferma dans son bureau en poussant un profond soupir. Son premier réflexe fut d’éteindre toutes les lumières que les envahisseurs avaient allumés, ne gardant que son éternelle veilleuse à la lueur si pâle. Ce ne fut qu’après qu’il s’approcha du prince, pour sectionner d’un coup habile d’ouvre-lettres les liens qui le retenaient.

- Pavel et Scysios ne devaient pas être avec vous ? S’enquit Lékilam en frottant ses poignets douloureux, d’un air inquiet.

Le démon n’osa pas lui dire que son garde du corps avait lamentablement échoué au test de confiance qu’ils lui avaient fait passer. Le soldat phénix était réputé pour son impulsivité et sa méfiance excessive, surtout envers les étrangers et les maudits. Alors, lorsque Derek avait donné ses instructions à Scysios par l’intermédiaire de Tyloé, quelques heures plus tôt, il avait demandé à son subordonné de d’abord entrainer Pavel dans une fausse direction, et d’aviser ensuite selon ses réactions. Il avait eu raison. Si Pavel avait tenté de se débarrasser de Scysios en plein milieu de la rue entre la Volière et l’immeuble de la KGV, les conséquences auraient été toutes autres.

Ca, c’était le premier incident dans son plan d’action.

-Ne vous en faites pas. Il y a eu un léger contretemps, mais ils ne vont plus tarder.

Le second, c’était l’ascenseur. Bien sûr, Derek avait déjà envisagé que les vampires, dans un éclair de lucidité inespéré –où plutôt parce que les quatre quartiers n’auraient jamais tous pu se décider- préfèreraient occuper un autre lieu que l’un de leurs propres repaires. Il avait aussi pris en compte le fait que tous les vampires de la ville ne suivraient sans doute pas les décisions d’Ader.

Mais il n’avait pas envisagé qu’ils seraient assez intelligents pour finir par couper le seul moyen direct de circuler d’un étage à l’autre de l’immeuble, après avoir passé autant de temps sans se soucier de ce petit détail. Ils n’avaient même pas encore remarqué que la plupart des caméras de surveillance tournaient en boucle, ou que toutes les portes du bâtiment étaient largement ouvertes, alors qu’il fallait habituellement un badge pour les déverrouiller !

Cette erreur aussi bête de sa part l’énervait profondément ; il n’avait pas l’habitude d’effectuer des missions dans des mondes utilisant une telle technologie. Ce n’était qu’un petit accroc dans le déroulement des événements, mais il leur faisait perdre un temps précieux.

Sous les directives d’un directeur paranoïaque, cette tour avait été construite comme un véritable dédale, au mépris de toutes les mesures d’efficacité ou de sécurités élémentaires. Il n’y avait qu’un seul ascenseur, et un même escalier ne reliait jamais plus de trois étages à la fois ; il fallait alors sillonner plusieurs couloirs ou bureau pour regagner le suivant. Il lui avait fallu plusieurs jours pour retenir parfaitement le plan complet du bâtiment et chaque jour, les employés perdaient un temps fou à circuler dans la tour.

Scysios et lui-même auraient pu remonter le tout en un temps record, aguerris à ce genre de pratiques. Mais Ader, lui, n’aurait jamais pu suivre leur rythme de démons entrainés.

Quand ce dernier était allé parler aux vampires qui surveillaient le hall, et avait pris à parti le chef du quartier ouest qui se trouvait là, ses congénères n’avaient pas hésité longtemps avant de choisir de suivre Ader plutôt que leur seigneur.

Le vampire n’en avait pas conscience lui-même, mais parce qu’il était beaucoup moins bête et infiniment plus sensé que ses subordonnés, ces derniers lui vouaient une confiance aveugle. Jamais les vampires n’auraient accepté de quitter l’immeuble, en bravant de ce fait les ordres de leur seigneur, si l’intention n’était pas venue d’Ader en personne. Mais sortie de sa bouche, cette décision téméraire leur était apparue comme le meilleur des comportements à suivre.

Pour s’assurer le contrôle des vampires, il fallait donc absolument qu’Ader reste en vie, de préférence mis en sécurité à la Volière. S’ils l’avaient laissé seul, les risques auraient été trop nombreux, surtout s’il prenait l’envie aux vampires du quartier nord de faire rentrer les autres dans le droit chemin en éliminant le meneur.

Derek avait donc changé ses plans. Il était remonté seul jusqu’à son bureau, le plus rapidement possible, pour s’assurer de la sécurité du prince. Scysios, lui, s’adaptait au rythme de son nouveau protégé attitré.

- Et qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda Lékilam en suivant le démon du regard.

Ce dernier alla s’installer derrière son bureau d’un pas nonchalant, souleva quelques dossiers d’un air pensif avant de s’asseoir dans son large fauteuil. Sous l’œil consterné du prince, il saisit un stylo plume et reprit ses affaires là où il les avait abandonnées.

- On attend, expliqua-t-il laconiquement sans lever les yeux de ses feuilles. Il fallait que les vampires vous voient et vous capturent, pour appeler Taenekos. Dès que Pavel et Scysios arriveront, nous vous renverrons en sécurité à la Volière.

Si tout se passait bien, quand l’Onikam arriverait, il n’y aurait plus dans le bureau qu’un directeur Heath en plein travail.

La confrontation allait être explosive mais bizarrement, il n’avait pas peur. Bien que Derek ait depuis longtemps renoncé à ses pouvoirs de démons de la mort pour les transmettre à Scysios, Taenekos caressait toujours le secret espoir de trouver le moyen de faire machine inverse, de pouvoir faire renoncer un affilié à son pouvoir au profit de son prédécesseur. Il convoitait le corps d’un démon de la mort, mais il ne pouvait pas posséder ceux qui ne partageaient pas le même sang que lui. Le destin avait voulu que ce soit le cas de Scysios.

Même s’il entrait dans une colère noire en découvrant qu’il avait été berné, l’Onikam ne tuerait pas Derek, l’intéressé en était persuadé.

Il fallait seulement qu’il n’y ait pas d’autres imprévus.

Taenekos était venu plusieurs fois sur ce monde, sans doute pour prendre contact avec les vampires et espionner les phénix. La dernière fois, il avait traversé la frontière avec deux dragons du clan Garnësir, dont on avait ensuite perdu la trace. Pour être sûr qu’ils ne viendraient pas se joindre à Taenekos au dernier moment, Derek avait conseillé au prince de faire en sorte de les éloigner, en écartant la chose qui justifiait très vraisemblablement leur présence ici. Lékilam avait donc décidé qu’il était temps de mettre Fallnir au courant de la vérité, et l’avait envoyé chercher le pacte de sang du Garnësir. Les dragons se lanceraient très probablement à la poursuite de leur ancien camarade, et seraient donc occupés pendant un bon moment.

Il n’y avait plus qu’à attendre que Scysios vienne, pour mettre le prince et Ader en sécurité, puis à accueillir Taenekos comme il se devait. Ensuite, il n’y aurait plus qu’à le combattre suffisamment longtemps pour que les renforts arrivent, et qu’ensemble, ils fassent renoncer l’Onikam.

Lesdits renforts consistant en la seule personne de Libellule.

 

oo

 

Léto et Tyloé étaient assis dans la roseraie, côte à côte sur le banc en fer forgé. Le soleil imaginaire du monde des esprits réchauffait leurs peaux, et l’air était chargé des senteurs des milliers de roses qui les entouraient. Dans le monde réel, Léto dormait avec son père, à poing fermé. Son corps était à l’abri derrière les murs de la Volière, protégé du chaos qui régnait dans l’immeuble d’en face. Mais son esprit…

Tyloé veillait à ce qu’il reste près d’elle, au cœur de la roseraie. Elle s’était aidée des plus grands esprits de leur monde pour construire cet endroit. Une sorte de conscience commune, ou plutôt, un endroit libre de toute présence spirituelle.

Jamais l’Onikam ne pourrait y pénétrer. Il ne pouvait même pas voir ce qui se trouvait à l’intérieur, encore moins sentir les esprits qui y vagabondaient. C’était peut-être le lieu le plus sûr de tout le monde imaginaire sur lequel il avait autrefois régné…

Il avait beau ne plus être le démon de l’esprit, ses pouvoirs restaient immenses, par rapport au commun de leur peuple. Si jamais il découvrait la force de Léto…

Ceux qu’il n’asservissait pas, il les détruisait. Tyloé l’avait déjà vu agir de nombreuses fois, impuissante face à sa force destructrice. Il ne supportait pas que d’autres puissent évoluer aussi aisément dans le monde des esprits, privilège réservé aux anges et démons affiliés.

Elle-même ne pouvait rien faire, quand sa colère se déchainait. Elle avait beau être plus forte, il était plus vieux, connaissait mieux le monde spirituel et ses secrets. Sans parler du fait que sa présence la rendait folle de terreur, sans qu’elle puisse se l’expliquer. Et tous les esprits qu’il visitait gardaient une répugnante trace de son passage, un stigmate indélébile qui empêchait Tyloé d’approcher.

On avait tenté d’emmener la jeune fille voir le corps du roi des démons, après qu’il ait été attaqué par l’Onikam. On pensait qu’elle arriverait peut-être à l’aider à reconstruire son esprit dévasté, à accélérer une guérison qui pourrait prendre des millénaires…

Elle n’avait même pas pu dépasser le seuil de la chambre du palais où l’on avait déposé le corps du roi. Elle était devenue complètement hystérique, hurlait de douleur, était dans un tel état de terreur que l’on avait renoncé.

Aujourd’hui, elle fuyait encore les environs des appartements royaux comme la peste. L’esprit malade de Taenekos réveillait en elle une peur primaire. Et l’Onikam en avait parfaitement conscience.

Alors tant que Léto ne serait pas assez fort pour se protéger lui-même, elle le cacherait.

- Pourquoi je dois rester ici ? demanda-t-il d’une voix timide.

Il apparaissait dans ce monde sous les traits d’un homme grand et osseux, aux cheveux et au bouc rouge comme de la brique. Elle apprit plus tard qu’il s’agissait de l’apparence de Kellnet, le père de Léto ; il croyait peut-être ainsi cacher le fait qu’il n’était qu’un petit garçon, et se faire passer pour un adulte…

Elle n’était pas dupe. Petite fille, elle agissait de même.

Comme souvent, elle avait choisi d’apparaître dans ses vêtements de jardinages, ceux-là même qu’elle portait quand elle s’occupait des rares jardins d’Abadiane. Le château-caserne du peuple démon n’était pas réputé pour ses fleurs, et ils n’étaient qu’une poignée à s’occuper des espaces verts, perchés en haut des quelques terrasses du palais.

- Parce que l’Onikam se trouve tout près de ton corps, et qu’il pourrait sentir ta présence, si tu laissais ton esprit se promener, expliqua-t-elle d’une voix douce.

Léto fit la moue, mais ne parut pas impressionné comme on aurait pu l’imaginer. Il était étrangement calme et serein, comme inconscient du mal qui rôdait. Il ne connaissait pas encore tous les dangers du monde des esprits…

Tyloé veillerait à ce qu’il reste le plus longtemps possible ignorant à ce sujet.

- Pourquoi est-ce qu’il est aussi méchant ? S’enquit-il de nouveau, perplexe.

Elle ne put s’empêcher de sourire, touchée par sa curiosité naïve.

Un vent frais parcourait le jardin, jouant dans ses boucles couleur chocolat au lait. Elle avait posé son chapeau de paille sur ses genoux graciles, offrant son visage à la chaleur inoffensive du soleil.

- C’est une histoire plutôt longue, hésita-t-elle un instant. Ca aurait été bien qu’un autre démon te la raconte dans le monde réel…

Le monde des esprits n’était pas vraiment adapté aux histoires teintées de magies que racontait le peuple démon, sans parler du fait qu’elle était une bien piètre conteuse. Elle faisait partie de la garde personnelle de la reine Gaïa, sous le couvert d’un rôle de dame de compagnie ; elle ne quittait jamais les palais que fréquentait la reine, savait à peine manier les armes et n’avait jamais participé à des campagnes, comme le faisaient pourtant tous les autres à longueur de temps. Elle vivait suffisamment d’aventure comme cela dans le monde des esprits. Elle ne ressentait pas le besoin d’en vivre pour de vrai.

Son frère avait bien tenté de l’y emmener, une fois… Mais partir pendant des années sur les routes, dormir tous les soirs à la belle étoile et fréquenter en permanence les autres membres de la troupe, ce n’était pas pour elle. De fait, la jeune femme n’avait jamais assisté aux si célèbres veillées que les soldats organisaient autours de leurs feux de camp, durant lesquelles ils racontaient leurs histoires. Tyloé manquait donc sérieusement d’entrainement dans les arts oratoires.

- En fait, il n’est pas vraiment « méchant » comme les légendes sur lui veulent le faire croire… Il a juste… mal. Très mal.

Elle inspira et posa son regard bleu sur le jardin, tout autour d’eux. Les fleurs étaient resplendissantes, grandes ouvertes sous le soleil étincelant. Cela lui fit penser au plan de camélias agonisants qu’elle essayait désespérément de ressusciter, depuis quelques temps.

- Tu es au courant de la malédiction de mon peuple, n’est ce pas ? Celle qui fait que lorsqu’un démon tombe amoureux d’un autre, ils s’aiment pour l’éternité…

Le garçon hocha la tête, suspendu à ses lèvres. Il raffolait des histoires, sous toutes leurs formes. Peu lui importait la manière dont on la lui racontait.

- Cette malédiction a été faite de manière à nous protéger de certaines choses. Mais, pour l’Onikam… ça n’a pas marché. Certains disent que cela devait arriver, que sur les millions de démons qui sont venus au monde depuis le lancement du sortilège, il devait bien y avoir quelques ratés… Il se trouve que c’est tombé sur lui. On ignore pourquoi, et cela ne s’est plus jamais reproduis depuis…

« Cela c’est passé alors qu’il était encore jeune, qu’il venait à peine de rentrer en pleine possession de tout ses pouvoirs. Il était alors sous la protection d’un couple de démon, qu’il chérissait par-dessus tout. Il était tout le temps avec eux, ne les quittait jamais. Eux aussi, ils l’aimaient beaucoup… Comme un de leur fils ou de leur frère.

Un souffle de vent plus fort que les autres secoua quelques mèches de ses cheveux, qu’elle replaça derrière son oreille d’un geste habitué. Elle avait beau être la démone de l’esprit, beaucoup de choses de ce monde imaginaire échappaient à son contrôle. C’était l’unité de tous les êtres qui s’y trouvaient, qui avait forgé cet endroit. Elle, elle ne pouvait qu’en façonner d’infimes morceaux, mais n’avait aucun poids sur le reste. Le temps qu’il faisait, par exemple ; en temps de guerre, elle avait beau forcer, bon nombre de terres du monde spirituel restaient baignées sous une pluie glaciale.

C’était un peu pour ça qu’elle s’impliquait autant dans le conflit entre les phénix et les dragons, plus encore que parce qu’elle faisait partie de la garde de la reine Gaïa, et devait donc obéir au moindre de ses ordres.

- Personne n’a jamais su duquel des deux il est tombé amoureux. Lui-même ne s’en est pas tout de suite rendu compte. Les anciens qui ont connu ces temps là disent qu’ils n’ont jamais vu le moindre signe de ce qui allait se passer….

Léto ne la lâchait pas des yeux, subjugués. L’Onikam, l’une des créatures de légende qu’implorait sa mère pour le forcer à finir son assiette, était en train de prendre vie sous ses yeux. Il était une personne réelle, bien vivante, pas seulement un monstre imaginaire inventé pour faire peur aux petits enfants.

Loin de l’effrayer, ça le passionnait.

- On raconte qu’il a fallu plusieurs années pour que la douleur finisse par le rendre fou. Au début, il aimait en silence, et voir l’objet de son cœur être heureux avec un autre suffisait à le consoler… Mais lorsqu’il a commencé à comprendre que cet amour ne s’effacerait jamais, et ne pourrait jamais lui être rendu, parce que la personne qu’il aimait était déjà amoureuse de quelqu’un… Ca a dû être atroce pour lui, souffla-t-elle en secouant la tête. Je crois qu’on ne peut même pas imaginer la souffrance qu’il a dû ressentir…

Léto retint sa respiration, les doigts entremêlés.

- Il a voulu les tuer, pour se venger, et pour mettre fin à sa souffrance. La malédiction nous empêche de nous suicider par amour, seule la perte de l’être aimé nous est fatale. Mais lui… Lui, il a survécu. Et ça lui a fait tellement mal, comme si même la mort rejetait son amour…

Son obsession éternelle de posséder le corps d’un démon de la mort venait sans doute de là. Une manière comme une autre de se venger de cette cruelle injustice.

- La suite, tu la connais dans la légende. Sa folie le rendait beaucoup trop dangereux, d’autant plus qu’il était encore le démon de l’esprit. Alors on a tenté de le faire disparaître, mais seul son corps a été détruit et personne n’a jamais trouvé le moyen de tuer son esprit. Il est… condamné à avoir mal, jusqu’à la fin des temps, murmura-t-elle d’une voix si basse que Léto faillit ne pas l’entendre.

Le jeune phénix remua sur le banc, mal à l’aise. C’était un peu compliqué pour sa maigre expérience de la vie, mais il saisissait les grandes lignes. Après un instant de silence, il ouvrit la bouche, l’air songeur.

- C’est pour ça qu’il est méchant ? Il a tellement mal qu’il est jaloux de voir les autres heureux, alors que lui il a jamais pu l’être ?

Tyloé hocha la tête, un peu surprise par la conclusion étonnamment juste du jeune phénix.

- Oui… Oui, c’est exactement pour ça. Au fond, il n’est pas si puissant que ça… Il est juste très intelligent. Et il sait manipuler les gens. Il ne passe son temps qu’à provoquer des disputes et des guerres. Il veut que les gens souffrent, le plus possible, pour qu’il ne soit plus le seul à avoir mal…

Ils restèrent silencieux pendant de longues minutes, à fixer la danse des roses au grès du vent, tout autour d’eux. Cet endroit était particulièrement calme et reposant. Tout y était paisible, figé, un jardin éternel où tout était beau et simple. Le paradis devait sans doute ressembler à ça, songèrent-ils en même temps, sans même s’en rendre compte.

Puis, un petit rouage dans la tête de Léto s’engrena tout à coup dans les autres, et sa curiosité reprit le dessus.

- Mais dit, ça veut dire que si l’Onikam est là, c’est qu’il va arriver quelque chose de triste ?

Prise de court par sa touchante spontanéité, Tyloé fut bien incapable de trouver quoi lui répondre.

 

A suivre…

 

ooooooooooooooooooooo

 

J’ai passé beaucoup de temps sur ce chapitre, je crois même que c’est à cause de lui que j’ai pris autant de retard dans l’écriture de l’histoire. C’est le moment où tout s’embrouille et s’accélère… J’espère toutefois que vous arrivez toujours à suivre. :p

Toujours beaucoup de démons et de vampires, dans ce chapitre. Ca me tenait à cœur d’expliquer les motivations de Taenekos avant que cette histoire ne soit terminée, je ne voulais pas qu’il soit « le grand méchant sorti de nulle part juste avant la fin pour détruire le monde », comme on en voit beaucoup dans les univers fantasy... :p

J’espère que vous avez malgré tout apprécié ce chapitre. ^^ Si vous avez vu la moindre erreur/ incohérence/ truc qui vous a chiffonné, n’hésitez pas à me le signaler, que j’essaye de le rectifier.

Et si vous n’avez rien remarqué mais que vous avez un peu de temps devant vous, n’hésitez pas non plus à me laisser un petit mot pour me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre ! :p

Je vous remercie encore d’avoir lu !

 

 
 
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