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au 31 Mai 21 :
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Bec d'écaille, croc de plume
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 8     Les chapitres     64 Reviews     Illustration    
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Le calme avant l'orage

Disclaimer : Tous les personnages/ lieux/ périodes sont issus de ma propre imagination. J’ai cependant utilisé certains personnages pour des forums Rpg, ne vous étonnez donc pas si vous les croisez un jour, au hasard du net. :3

Notes :

- Je m’excuse par avance pour les fautes de grammaire ou d’orthographe qui m’ont échappée, j’avoue avoir des lacunes dans ce domaine, en particulier sur un ordinateur …

-Merci à tous pour vos reviews, ça m'a fait très plaisir. :p

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Chapitre 8 : Le calme avant l’orage

Ehissian versa le contenu du sachet de pâte dans l’eau froide, et déposa la casserole sur le gaz. Avec précaution, il craqua une allumette, et une petite flamme s’alluma.

L’après midi ne devait en être qu’à son tout début. Malgré tout, les volets étaient encore clos, et la lumière était grise et tamisée, à l’intérieur de l’appartement. Mais le phénix n’en avait que faire.

Il était vêtu d’une simple chemise, qui n’était d’ailleurs pas à lui, et de son boxer. Ses cheveux étaient en batailles, ses traits légèrement creusés, mais il souriait comme s’il n’avait jamais souri de sa vie, un sourire béatement heureux.

Cela ne devait faire que quelques heures que Lékilam les avait tous –rapidement, il fallait le dire- réunis, pour leur annoncer l’arrivée de deux nouveaux habitants. Tel qu’il connaissait ses congénères, une fête devait déjà être en cours d’élaboration. Etant donné qu’il s’agissait de la fin de la semaine, et donc du jour de fermeture de l’immeuble, nombreux seraient ceux qui participeraient aux préparatifs.

Ehissian s’imaginait déjà la salle du Yellow bird transformée pour l’occasion. C’était normalement l’unique jour où elle était fermée, Lyde profitant d’une soirée en tête à tête avec son amoureuse au moins une fois par semaine, le jour où tout le monde se couchait tôt, parent comme enfant. Il y aurait peut-être une exception, cette fois ci. Au grand désespoir d’Ehissian.

Les autres phénix ne semblaient pas éprouver particulièrement de méfiance envers Fallnir, mais par prudence, il ne préférait pas s’afficher ouvertement à ses côtés et avouer leur relation, quoique pour l’instant très brève et plutôt charnelle. On ne pouvait jamais savoir ce que certains pensaient vraiment, et bien qu’il mourrait d’envie de pouvoir l’embrasser à chaque fois qu’il le croiserait dans un couloir, il valait mieux prévenir que guérir.

Il s’agenouilla, afin de sortir un grand plat, et d’y verser généreusement le contenu d’un paquet de salade de semoule toute prête.

Libellule, dans son immense bonté, veillait toujours à ce que tout le monde soit approvisionné en nourriture, même les nouveaux, surtout les nouveaux. En farfouillant dans les placards, il dénicha également une boîte de biscuit au chocolat, et un peu de vaisselle, qui connut néanmoins un bref passage sous le jet d’eau, avant d’atterrir sur le comptoir de la cuisine. La salade à la poussière, ça n’avait jamais été son truc.

Depuis qu’ils étaient arrivés ici, lui et sa sœur, ils avaient très souvent été seuls pour préparer leurs repas. La salle à manger était ouverte et prévue pour tous, mais parfois, ils préféraient s’isoler un peu. Au fil du temps, Ehissian avait donc appris à cuisiner. Il n’était pas vraiment un cordon bleu, mais lorsqu’il avait les ingrédients nécessaires, il pouvait toutefois préparer autre chose que des pâtes et des surgelés. Un talent utile, surtout depuis que sa sœur et lui faisaient chambre à part. Et puis, la cuisine n’était pas quelque chose de particulièrement ennuyeux ou difficile. C’était même amusant. Surtout les desserts, dont il avait fait sa spécialité, gourmandise oblige, en particuliers ceux contenant plein de crème chantilly et de fruits.

Il ne mettait cependant que rarement son apprentissage en pratique. Quand on vivait seul, on n’éprouvait pas tous les jours l’envie de faire un gros gâteau au chocolat. Aujourd’hui, il aurait volontiers montré tout son savoir au dragon, mais malheureusement, il manquait de matière première…

Même pas de quoi faire une sauce tomate, grogna-t-il en refermant la porte du frigidaire. Il se redressa, et donna un coup de fourchette dans la casserole, pour que les pâtes n’accrochent pas. Après un moment d’hésitation, il versa dans l’eau bouillante une généreuse quantité de sel.

Dénichant une carafe, Ehissian la remplit sous le robinet, et la posa derrière lui, sur le comptoir. Il entreprit aussi de réarranger un peu la table, redressant une fourchette pour qu’elle soit bien parallèle au couteau, avant de déposer le saladier, et de se tourner pour jeter un œil à une montre.

Dix minutes, il était temps d’éteindre le gaz.

Il attrapa une passoire en métal, prit la poignée de la casserole d’une main, et versa son contenu.

Une fumée blanche s’éleva bientôt au dessus de l’évier, tandis que l’eau bouillante s’écoulait. Prenant garde à ne pas se brûler les doigts, il renversa les pâtes dans un nouveau récipient. Un peu de beurre, de sel, éventuellement de l’huile d’olive, et le tour serait joué.

Mais une paire de bras se noua autour de sa taille, alors qu’il plantait son couteau dans une épaisse motte de beurre.

Fallnir était torse nu, il sentait le contact de sa peau à travers le tissu de sa propre chemise. Un souffle chaud caressa sa nuque, alors que deux lèvres se posaient à la base de cette dernière. Ehissian lâcha sa potentielle arme de torture de produit laitier, et se laissa aller contre l’étreinte protectrice du dragon.

Il se sentait si bien, dans ses bras…

-Ca sent bon tout ça… Qu’est ce que c’est ? Murmura une voix douce à son oreille.

Son ton était toujours enroué, cassé, comme si Fallnir avait un perpétuel chat dans la gorge. Cependant, au lieu de trouver ça agaçant, Ehissian pensait que c’était au contraire horriblement sexy. Quand il murmurait à son oreille, comme maintenant par exemple, ou dans une position beaucoup moins verticale, et dans un milieu plus doux et moelleux que la cuisine... Au hasard, le lit.

Et puis on s’y habituait vite…

Il n’avait d’ailleurs jamais demandé, durant leurs brèves rencontre, si c’était à cause de la faible résistance de certains dragons face au froid, ou tout simplement sa voix naturelle. Ca ne lui avait pas paru utile. Peut-être qu’il s’agissait aussi d’une maladie rare, ce qui était en fait très improbable, ou d’une déformation suite à un accident. Après tout, dans les mondes pauvres en magie comme celui-ci, les cicatrices et les blessures laissaient parfois autant de séquelle aux immortels qu’aux humains, Ehissian était bien placé pour le savoir.

-Seulement des pâtes et des boîtes de conserves, rien d’extraordinaire, répondit-il en rajoutant enfin sa mesure de beurre dans les nouilles encore fumantes.

Une main se faufila sous sa chemise, caressant son torse, lui arrachant un frisson de plaisir. Irrésistible… Si son estomac n’avait pas été aussi affamé, il l’aurait certainement de nouveau entraîné vers le matelas, à quelques mètres de là. Mais il avait trop faim, d’une de ces faims qui, même avec la meilleure volonté du monde, ne pouvait pas être satisfaite par un dragon, aussi appétissant et séduisant soit-il avec un simple caleçon sur son arrière train délicat.

D’un coup de coude, il le fit reculer. Fallnir s’écarta dans un petit rire, non sans lui arracher un baiser. Lorsque Ehissian se retourna, pour poser le plat sur le comptoir, il était déjà assis de l’autre côté, et remplissait avec application leurs assiettes respectives d’une bonne ration de salade.

Il fut très difficile pour le phénix de renoncer à l’envie d’aller s’asseoir sur ses genoux, et de se faire nourrir, comme un gosse. D’ailleurs, lorsqu’une fois qu’il fut installé, une fourchette se présenta devant son visage, il la goba avec plaisir.

C’était quelque chose d’incroyablement puéril, gnangnan, digne d’une midinette ou d’un mauvais film à l’eau de rose.

Mais il fallait tout de même avouer que c’était génial, songea-t-il alors qu’une langue à présent bien connue vint recueillir un grain de semoule au coin de ses lèvres. Il en soupira de plaisir, la tête dans les nuages.

-Ca fait longtemps que tu habites ici ?

La question lui ramena les pieds sur terre. Il baissa le regard, et remua sa fourchette dans son assiette, pour se donner un air indifférent.

-Assez, oui… J’étais encore enfant quand on est arrivé, alors je ne m’en souviens plus beaucoup. Il faudrait demander à ma sœur, je crois qu’elle a tout noté dans un vieux cahier.

Fallnir inclina la tête, une mèche auburn glissant de son front pour venir se poser juste devant son œil clair. Le phénix retint un gémissement de frustration.

-Tu as une sœur ?

Ehissian lui adressa un large sourire.

-Je ne te l’avais pas dit ? Elle s’appelle Elika. Mais elle est plus jeune que moi… En fait, elle n’est pas encore adulte. Elle est adorable, elle n’est pas non plus très grande, mais elle sait s’imposer. Et puis elle est assez en avance pour son âge, elle a déjà une boutique, en bas. Elle sourit tout le temps, et…

Il s’interrompit, en apercevant l’expression goguenarde sur le visage du dragon. Il fronça les sourcils, et reposa sa fourchette pour croiser les bras, vexé comme un pou.

-Ca te fait rire ?

Fallnir sourit de plus belle, et plissa ses yeux verts. Ceux du phénix le fixèrent sans comprendre, à la fois interloqués et légèrement en colère. Le dragon éclata alors de rire, d’un rire clair, franc, qui semblait étrangement doux malgré sa voix enrouée. Sur le coup, Ehissian en fut un peu déstabilisé, et ses sourcils s’arquèrent d’interrogation.

-Excuse moi… Mais tu parles de ta sœur avec un air tellement… Tu dois l’aimer beaucoup, non ?

Le rire s’apaisa, mais les lèvres de l’auburn en gardèrent une trace. Les joues du phénix s’empourprèrent. Alors c’était pour ça… Il baissa de nouveau le nez dans son assiette, gêné. C’était vrai que dès que le sujet s’orientait vers sa sœur, il pouvait devenir très bavard, parfois au grand désespoir de la principale intéressée. Pas autant que Kellnet lorsqu’on parlait de son fils Léto, mais tout aussi passionné, et distrait.

Mais en même temps, il n’avait plus qu’elle. Alors il avait bien le droit d’en être fier, de sa petite sœur…

-… Désolé… J’ai pas fait attention…

Il garda la tête baissée.

-Ne t’excuse pas. C’est normal, je pense, de vouloir parler des gens qu’on aime.

Ehissian releva les yeux. Le dragon le fixait toujours, sa joue posée contre la paume de sa main. Son assiette était vide, alors qu’il ne l’avait presque pas vu manger. Le phénix lui fit un sourire timide. Fallnir y répondit en se penchant par dessus le comptoir, pour capturer ses lèvres.

Aussitôt, la légère partie de son esprit qui songeait encore à la quantité non négligeable de pâte dans la casserole zappa complètement l’information. Et en fait, sa faim disparu même totalement. Ou tout du moins, la faim de son estomac.

Avant même d’avoir le temps d’en prendre lui même conscience, il avait interrompu le baiser, s’était levé, et s’installait à présent avec joie sur les genoux du dragon.

C’était beaucoup mieux comme ça, se justifia-t-il dans un souffle avant de reposer ses lèvres contre celle de l’auburn.

--

Shézac frappa avec engouement à la porte.

La journée avait été longue. Il avait dû achever de s’installer, recevoir la visite de ses nombreux voisins –alors qu’ils n’étaient que trois à occuper leur étage, allez savoir ce qu’ils faisaient tous là-, mais aussi accepter les toutes aussi nombreuses invitations variées et insolites des habitants. A croire qu’ils n’avaient jamais vu de nouveau de leur vie. Dans un sens, il comprenait Fallnir… Le dragon n’avait pas mis le nez dehors de toute la journée. Libellule avait fait remarquer que le voyage avait dû l’épuiser. Ce qu’il s’était empressé de confirmer, profitant par la même occasion du prétexte pour s’éclipser enfin de la salle commune. En réalité, il doutait que ce soit la fatigue qui ait poussé Fallnir à rester enfermé toute la journée dans sa chambre. A moins que la fatigue ait les yeux bleus, des cheveux longs, et des plumes couleurs bleu nuit… On ne savait jamais, après tout.

Même que si c’était le cas, il voulait bien être fatigué plus souvent.

Vers la fin de l’après midi, la nymphe était venue frapper à sa porte, afin de lui apporter à manger. Et aussi lui confirmer que Lyde, dans son immense mansuétude, avait décrété un peu plus tôt qu’un jour de congé, c’était un jour sacré. Même pour fêter l’arrivée des deux nouveaux, il était hors de question de le faire travailler le soir où il avait prévu d’inviter sa douce au restaurant. Certains avaient bien essayé de le convaincre, en avançant l’argument que la tempête de neige leur avait déjà fournis une occasion de se reposer, mais le barman n’avait rien voulu savoir.

Au plus grand soulagement du démon, la fête serait remise à plus tard. Il adorait faire la fête, mais si c’était avec des gens qui l’avaient déjà harcelé pendant toute une journée… Il préférait de loin s’éclipser quelque part en ville.

Le blond avait fait rentrer la nymphe avec plaisir, mais à son grand regret, elle ne s’était pas éternisée.

Shézac avait alors fixé sa poche plastique, pleine de nourriture, avec qui il serait donc contraint de dîner en tête à tête. Jusqu’à ce qu’il se rappelle qu’il n’avait pas été saluer de celui-ci ses véritables voisins.

Il avait évité la toute première porte, puisqu’il savait que de toute manière, son occupant aux cheveux bleus n’y serait pas, et s’était plutôt intéressé à celle si proche de la sienne, à seulement quelques mètres…

Et il se tenait à présent juste devant, sa poche pleine à la main.

Seulement, personne ne répondait.

Interloqué, il frappa une nouvelle fois.

-Scysios ? T’es là ?

De l’autre côté de la cloison, le démon ne manifesta aucun signe de vie évident. Pourtant, Shézac aurait juré qu’il ne l’avait pas entendu quitter la pièce, ni croisé dans les couloirs, depuis le temps qu’il était dans sa propre chambre… Il remua un peu sa poche, pour en examiner le contenu, à la recherche d’un quelconque soutien.

-J’ai du chocolat ? Tenta-t-il d’une voix pleine d’espoir, assez fort pour que le médecin l’entende.

Mais il n’y eut toujours pas de réponse.

Le démon poussa un soupir, et s’apprêtait à faire demi tour lorsqu’un bruit de pas précipité se fit entendre à l’autre bout du couloir. Il pencha la tête, pour mieux voir qui s’approchait ainsi, avec autant d’entrain.

Il eut la surprise de voir surgir une chose brune haute comme trois pommes, tenant une peluche dans les bras, au détour du couloir. Léto, sans ralentir sa course, rapide et légère, fut près de lui en quelque pas. Sans le voir, le petit phénix s’arrêta juste devant lui, et le poussa du coude pour se poster devant la porte.

-Scy ! Scy ! J’peux rentrer ? Je veux te montrer mon nouveau dessin !

Shézac secoua la tête. C’était adorable, cette petite chose toute mignonne qui frappait avec empressement à la porte d’un adulte, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Ca lui rappelait même des souvenirs.

-Laisse tomber, petit, il n’est pas…

A sa grande surprise, la poignée se tourna, et la porte s’ouvrit.

Pas de beaucoup, juste de quoi laisser passer le jeune phénix. Ce que celui-ci s’empressa de faire, un sourire reliant ses deux oreilles, trépignant presque sur place. Le panneau de bois se referma aussitôt, et un bruit de clef tournée se fit entendre dans le couloir.

Avec des yeux ronds comme des billes, le blond fixa un moment la serrure.

Là, il ne comprenait pas. Il n’avait pourtant rien fait, rien tenté, rien dit. Ou du moins, il ne s’en souvenait pas.

Encore une gaffe ? C’était fort possible.

Mais tant pis. Il verrait plus tard, lorsque la rancune du démon serait passée…

Avec un soupir, il tourna les talons, et se rappela juste au bout du couloir que le disquaire lui avait vaguement parlé d’une proposition de dîner, un peu plus tôt dans la journée.

C’est qu’il commençait à se faire tard. Il arriverait peut-être à se renseigner discrètement sur les bars ou les boîtes à la mode, dans cette ville…

--

Dès qu’il avait fermé les yeux, il avait su que cette fois encore, ses rêves le conduiraient dans ceux d’un autre.

C’était assez étrange, comme impression. C’était comme se retrouver devant un carrefour, à un croisement de rue, avec une infinité de choix s’étendant devant soit.

Chaque rue, chemin, sentier, était bordé de maisons, de châteaux, de terrains vagues, d’immeubles entiers. De toutes sortes, de toutes tailles, d’immenses et luxueuses villas aux hautes murailles et aux jardins parfumés, des petites cabanes de bois au milieu d’un terrain en friche, de simples maisons neutres, sans décoration ou protection apparentes, ou parfois même, mais beaucoup plus rarement, de magnifiques palais aux tours innombrables et vertigineuses, impénétrables, mais renfermant la promesse de milles trésors et secrets.

Chacune de ces bâtisses représentaient l’esprit d’une personne. Chaque pièce, partie du jardin, recoin de la maison, correspondait à ses souvenirs, ses pensées, les endroits ou le cerveau donnait des ordres au reste du corps, là où se stockaient les diverses informations recueillies par les yeux et les oreilles, trop brèves ou insignifiantes pour être prises en compte…

Autant de merveille qu’il avait appris à découvrir, au fil de ses promenades.

Au tout début, il n’avait pas compris ce qui se passait. Perdu, déboussolé, il n’avait pas su quoi faire, et avait déambulé, le long des chemins, à regarder sans oser y pénétrer les bâtiments pourtant grands ouverts qui défilaient sans arrêt, au fur et à mesure qu’il avançait. Sans comprendre comment, il avait finalement pénétré à l’intérieur de l’une d’entre elle, et s’y était promené, sans but, ou plutôt cherchant en vain une sortie. Cette sortie, c’était son réveil qui la lui avait apportée. Mais avant cela, à sa plus grande surprise, il avait partagé quelques heures de la vie de l’un des phénix de la Volière. D’abord cette histoire étrange sur la naissance du prince, à moitié lue par Libellule, à moitié vue dans les souvenirs mêmes du prince, puis cette étrange fête, terrifiante fête, durant laquelle une jeune femme avait été assassinée par un maudit sans que personne ne remarque rien. Et tant d’autres encore, mélanges de songes, de réminiscences et d’action étant en train de se dérouler…

La toute première fois qu’il était entré dans un esprit, il s’était retrouvé dans une petite pièce exiguë, dépourvue de décoration. En s’approchant d’une fenêtre, il avait vu, comme si c’était par ses propres yeux, les gens défiler, les lieux changer, les heures passer…

Depuis, il avait appris à contrôler ses voyages. A reconnaître les différents lieux, les pièces qui correspondaient à telle ou telle capacité, coin de mémoire, souvenir. Il avait appris à aller là où il le voulait, quand il le voulait, visitant les bâtisses qui lui semblaient les plus grandes et les plus attrayantes, celles qui renfermaient le plus de mystères et de découvertes. Il ne contrôlait pas toujours les soirs où ces voyages survenaient, mais savait au moins comment se débrouiller, une fois à l’intérieur.

Quelques fois, cependant, il n’avait pu pénétrer à l’intérieur de certains esprits. Les barrières étaient trop hautes, ou les portes verrouillées. C’était comme si certains endroits étaient fermés à clef, de manière à ce que personne ne puisse y entrer. Il avait alors étudié le système, cherché un moyen de le contourner. Mais il avait rapidement compris que la seule chose qui lui permettrait de passer serait la force, qu’il ne possédait pas encore. Certains soirs, toutefois, certaines barrières faiblissaient, s’altéraient, ou au contraire se renforçaient, voire même changeaient du tout au tout de place et de configuration.

Il avait alors fait un tour dans sa propre maison, son propre esprit. Il avait découvert que si le lieu avait dès le départ une certaine configuration, il lui était possible de tout modifier, de tout changer, de tout recréer à sa guise. S’il voulait que le lieu où se stockaient ses souvenirs ait la forme d’un coffre dans un grenier, il pouvait le faire. S’il souhaitait que pour modifier quelque chose sur son propre corps, son horloge corporelle ou sa perception sensorielle, il lui faille ouvrir plusieurs robinets dans la salle de bain, il pouvait aussi le réaliser. Tout était modifiable, personnalisable, comme une immense construction de pâte à modeler qu’il pouvait modeler à tout instant.

Ce qu’il s’était empressé de faire, remaniant l’endroit selon ses envie, et surtout, verrouillant avec soin toutes les portes, et tout les chemins. Après tout, si lui pouvait voyager ainsi, qu’est ce qui lui disait que d’autres n’en étaient pas aussi capables ?

Il avait d’ailleurs parfois l’impression de sentir une présence, quelque chose qui le titillait, qui suivait ses pas. Un jour, il avait même senti comme un parfum de rose, au milieu d’une route. Une fragrance subtile et légère, qu’il avait cependant réussi à suivre. Toutefois, la maison dans laquelle elle disparut, ou plutôt la forteresse, était si haute et sublime qu’il n’avait pu y pénétrer.

Il avait aussi découvert, il y avait quelques semaines de cela, qu’il pouvait, à partir de certains esprits, se rendre dans d’autres, à une distance inimaginable des lieux qu’il avait l’habitude de visiter. Il avait conclu que c’était peut-être les esprits de ceux à qui ces gens avaient parlés, ou connaissaient, et qui se trouvaient dans d’autres villes, d’autres pays, voire même d’autre monde. Les connexions du monde des esprits dépassaient de beaucoup celles du monde réel.

C’était comme se retrouver dans une pièce pleine de tiroirs et d’étagère, chacune contenant une clef, qui permettait d’ouvrir la grande porte du fond, et chacune menant à une maison différente. Ou bien un lieu ressemblant à une cabine de pilotage, pleine de boutons et de lumières, où la aussi, chaque manette permettait de se rendre ailleurs. Ou encore une bibliothèque immense, dont chaque livre conduisait à l’entrée d’un autre esprit… Il y avait des dizaines, des centaines, peut-être même des milliers de moyens d’accès différents, de pièces organisées de différentes façons, de salles décorées de manières différentes. A chaque fois, c’était un réel plaisir que de découvrir de nouvelle possibilité. Comme un livre d’histoire qui chaque jour nous présentait un monde différent. Une inépuisable source de jeu, et d’enseignement. Il partageait constamment des bribes de pensées, de rêves, de souvenirs, avec les gens qu’il côtoyait tous les jours. Il en avait appris plus sûr eux qu’il ne l’avait jamais fait, et sans que les personnes concernées ne le sachent…

Ce soir là, il choisit de s’approcher de la grande forteresse, où il avait senti plusieurs fois le léger parfum de rose. Il avait découvert dans l’immense mur de pierre, un petit espace brisé, à peine plus grand qu’un trou de souris, dans lequel il parvenait tout de même à se faufiler, lorsque la muraille faiblissait.

Bon nombres d’endroits lui étaient encore interdit dans la grande bâtisse, ou trop difficiles d’accès, mais la salle pleine de tiroir et de clef était peut-être celle qui était la moins protégée de toute.

S’approchant sur la pointe des pieds, il ouvrit un tiroir à la poignée en fer rouillée, et attrapa la vieille clé qui se trouvait dedans. Elle pénétra sans effort dans la serrure.

C’était un lieu silencieux, calme, sombre. Il devait faire nuit. Les couloirs de pierres étaient humides et glacés, et les lumières des rares bougies dansaient au gré des courant d’air, faisant chatoyer les reflets sur les armures.

Une salle, au sommet d’une tour, farouchement gardée par une bonne dizaine de soldat. Il comprit qu’il voyait à travers les yeux de l’un d’entre eux, mais ne s’attarda pas. Il s’éleva légèrement, s’échappant de la vision de l’homme, pour devenir comme un fantôme, dominant la scène, allant là où il le souhaitait, changeant d’angle et de point de vue au grès de ses envies.

Il y avait un coffre, au centre de la pièce. Un coffre en fer et en or, garnis de pierre précieuse, mais qui ne semblait pas s’ouvrir facilement. Sa serrure était immense et rutilante, toute en fer forgé.

Cependant, si intriguant que cela puisse être, malgré la curiosité qui l’aurait d’ordinaire titillée, il s’en désintéressa bien vite. De toute manière, n’étant présent qu’en esprit, il n’aurait pas pu l’ouvrir, pour voir ce qu’il renfermait… Et puis il venait de sentir le parfum de rose.

Parfois, il lui semblait que cette odeur suivait une personne qui l’épiait, silencieusement, dans la pénombre. Cela sentait bon, et donnait envie de suivre la fragrance délicate, pour l’humer un peu plus.

Ce qu’il fit. Mais pas pour le plaisir des sens, juste dans le but de découvrir la personne mystérieuse, qui semblait se trouver plus proche que jamais.

Il y eut comme un bruit de pas précipités, dans la pièce de l’esprit du soldat qu’il était en train de visiter. Des pas légers et rapprochés, comme ceux d’une femme qui courait en soulevant les pans de sa robe. Il avait déjà entendu la nymphe le faire, dans les couloirs de la Volière. Mais ce n’était pas elle, il en était certain.

La présence s’éloigna, et il réalisa alors qu’il avait perdu son chemin, dans la vieille et vaste ferme qui composait l’esprit du soldat.

Il en avait assez visité pour ce soir. Il préféra se réveiller, lentement, pour se rendormir plus tard, mais cette fois ci d’un réel sommeil, sans rêve.

--

Pavel était assis à califourchon sur une chaise, accoudé au dossier, plongé dans l’obscurité de la nuit. Il était torse nu, son jean n’étant d’ailleurs même pas boutonné, et ses cheveux d’or étaient en batailles, totalement emmêlés. Silencieusement, presque solennellement, il regardait son prince dormir.

Lékilam avait l’air paisible, lorsqu’il dormait. Il paraissait encore plus jeune et fragile qu’il ne l’était vrailent. Une petite poupée de porcelaine, aux cheveux clairs et à la peau pâle, qu’on n’osait effleurer tellement on avait peur de la casser. Sa maigre silhouette tranquille, au milieu des draps blancs et défaits, parvenait presque à donner l’illusion.

Pourtant… Le prince était très loin d’un jouet fragile qu’on pouvait manipuler à sa guise.

Depuis son plus jeune âge, il avait toujours été l’inverse, quelqu’un qui savait ce qu’il voulait, et qui ne faisait que rarement de concessions. Têtu, borné, il aurait pu être un gamin invivable, s’il n’avait pas été d’un naturel aussi malicieux et joueur. Il arrivait toujours à faire passer ses éventuels caprices pour de simples plaisanteries, si bien qu’il parvenait malgré tout, avec les personnes qui ne se méfiaient pas assez, à obtenir tout ce qu’il voulait.

Pavel avait été assez étonné, la toute première fois, de voir une chose souriante haute comme trois pommes le supplier avec de grands yeux brillants d’innocence de le porter sur ses épaules. La convenance aurait voulu qu’il refuse. Il était peut-être son garde du corps, mais cela ne justifiait pas les contacts physiques, si jeune soit le prince. Cependant, le rire clair de la jeune reine, amusée par la requête de son fils, l’avait dissuadé de refuser.

C’était à partir de là, que tout avait commencé à dégénérer… Une amitié solide, voire même un amour fraternel, et puis une passion dévorante. Une poignée de siècles plus tard, le prince partageait même son lit avec lui. Il était certain qu’on en aurait décapité certains pour moins que ça.

Qu’est ce qu’il s’en était voulu, la toute première fois, d’avoir volé son innocence…

Ses caresses maladroites, son sourire timide, ses baisers délicats et ses joues rouges de gênes et de plaisir auraient dû être destinés à une jolie petite colombe, aussi inexpérimentée et perdue que lui. Une première étreinte hésitante, une initiation commune, un jeu autant qu’une découverte, pour deux jeunes oisillons encore pur, aux ailes blanches d’ingénuités. Leur première nuit aurait été si magique, tous les deux débutants, ne sachant comment si prendre…

Non, ça n’aurait jamais dû être lui, le tout premier de son prince. Pas lui, le garde du corps, pour qui sa mission et l’honneur de sa reine passait avant sa propre vie. Pas lui, qui avait déjà connu tellement de partenaires, au cours de sa vie de garde royal puis de Chevalier ardent, pas lui qui connaissait déjà tellement de choses sur les jeux de l’amour, pas lui avec son corps de guerrier, ses cicatrices et ses caresses enflammées.

Lorsqu’il avait découvert son attirance envers le jeune prince, si beau dans sa jeunesse et son innocence, Pavel avait tout d’abord essayé de résister, longtemps, en s’interdisant même d’adresser ne serait-ce qu’un mot ou un regard à Lékilam. Couper les ponts, définitivement, s’emmurer dans le silence et le mutisme.

Cela avait profondément blessé le jeune phénix, il s’en souvenait comme si c’était hier. Parce qu’il avait toujours été là, dans l’ombre, à veiller sur lui, à le voir grandir. Et lorsqu’ils étaient arrivés ici, à la Volière, le prince avait perdu tous ses repères, toutes ses connaissances, sauf son garde du corps, le seul qui était et resterait toujours auprès de lui. Ils étaient devenus proches, étrangement proches. Lékilam se confiait à lui avant même ses conseillers, lui racontait tout, partageait tout, ne pouvait concevoir une journée sans une heure passée à parler avec lui. Et Pavel l’écoutait, le conseillait, comme un frère, comme un père, sortant trop souvent sans le vouloir de son simple rôle de garde du corps. Il en était ainsi depuis les premiers jours de la naissance de l’héritier. Depuis que la vie du blond devait servir à protéger celle du prince.

Du jour au lendemain, Pavel s’était donc mis à l’ignorer, à ne plus le regarder, à s’éloigner poliment en rappelant leurs conditions respectives chaque fois que le jeune phénix tentait d’engager une discussion. Il croyait que c’était pour leur bien commun, pour l’avenir du royaume. Il pensait que son prince ne tarderait pas à l’ignorer, à se trouver un nouveau confident, un nouveau compagnon. Après tout, à son âge, on oubliait vite, les amis comme les évènements. S’il avait su à quel point il se trompait…

Il ne voulait plus jamais voir ses beaux yeux violets torturés par le doute et le désespoir.

Comme un coup de ciseau porté sur la tige d’une fleur fragile, froid et tranchant, Lékilam avait eu mal, affreusement mal. Il ne l’avait pas montré, bien entendu. Sa mère avait veillé à ce que l’une des premières choses qu’il sache faire soit de cacher ses émotions. Il était prince, presque considéré comme maudit à cause de l’étrange couleur de ses cheveux, et unique héritier de la couronne. Il ne pouvait se permettre de se montrer faible, sous peine de constituer une cible de premier choix pour les ennemis du royaume.

Mais Pavel le côtoyait depuis ses premiers pas, il avait appris à lire les larmes dans ses grands yeux, lorsqu’on lui refusait une friandise qu’on lui avait pourtant promis, ou la colère dans ses doigts lorsque l’un de ses professeurs se moquait ouvertement et injustement de lui, ou même la joie, sur ses lèvres calmes, lorsque sa mère l’invitait à s’asseoir tout contre elle, dans les jardins luxuriants du palais.

Lui aussi, avait reçu un coup, en décelant les larmes refoulées dans son regard, la première fois qu’il l’avait fui. Et il avait bien faillit céder et revenir vers lui, pour lui dire que finalement, leur statut importait peu, et qu’il mourrait d’envie de savoir comment s’était passée telle ou telle leçon, telle ou telle partie de sa journée de cours. Mais il avait résisté. Longtemps. Des semaines, peut-être même des mois, à attendre patiemment que le jeune homme se lasse de ses prétextes, et finisse par l’ignorer, l’oublier, à jamais. Il était prêt à tout, prêt à souffrir des années, si cela pouvait lui permettre d’oublier ses sentiments.

Mais un beau jour, alors qu’une énième fois, il s’apprêtait à tourner les talons en arguant soit disant un entraînement avec un chevalier, une voix brisée par les pleurs l’avait empêchée d’aller plus loin.

Son prince avait alors dit, entre les larmes et les sanglots, qu’il ne comprenait plus, ne savait pas pourquoi il l’évitait, et restait tellement silencieux à ses côtés. Il avait dit qu’il ne supportait plus, que leurs discussions lui manquaient, qu’il avait besoin de lui parler, d’être écouté, et pas seulement parce qu’il était l’héritier. Il avait dit que sans lui, il ne pouvait rien faire, qu’il avait tout le temps mal, qu’il se sentait perdu et désemparé faces aux autres personnes. Mais il avait aussi dit, et c’était probablement ça qui l’avait le plus blessé, que s’il ne voulait plus être son garde du corps et s’occuper de lui, ce n’était pas grave, qu’il écrirait à sa mère, qu’elle enverrait quelqu’un d’autre, et qu’il pourrait repartir sur leur monde, continuer sa vie normale, sans plus jamais entendre parler de lui.

La seule et unique fois que Lékilam, alors déjà si fort et si fier, pas encore adulte mais plus vraiment adolescent, avait laissé jaillir ses larmes comme il ne l’avait plus fait depuis sa petite enfance.

Alors, Pavel, secoué comme si on l’avait poignardé dans le dos, l’avait prit dans ses bras et l’avait bercé, longuement. A son tour, il lui avait répondu qu’il se trompait, que jamais sa vie n’avait été plus belle depuis qu’il était à ses côtés. Il lui avait assuré que rien ne lui ferait plus mal que d’être séparé de lui, et qu’à présent, plus jamais il ne se fermerait à lui, et plus jamais il ne l’ignorerait. Il lui avait dit qu’il veillerait sur lui, éternellement, et que toujours il serait là, pour lui, dans l’ombre. Avec un sourire, il lui avait fait remarqué que si le « lui »revenait plusieurs fois dans ses phrases, ce n’était pas pour rien. Et tout en essuyant une larme sur son visage d’adolescent, alors que deux mains fines restaient crispées à sa chemise, il l’avait embrassé, tendrement, délicatement.

Voler son premier baiser. Ce fut probablement sa plus grande erreur, et en même temps, l’élément qui déclencha le début du paradis.

Lékilam avait répondu au baiser, maladroitement, manquant d’expérience. Il ne s’était peut-être même jamais posé la question de savoir comment est-ce que l’on faisait. Mais ils s’étaient embrassés, encore et encore, jusqu’à ce que les larmes se tarissent, que ses sanglots se calment, et que ses paupières se ferment sur ses beaux yeux lilas. Le prince s’était peu à peu endormi dans ses bras, les lèvres et les yeux rouges, à cause des baisers et des larmes. Et Pavel l’avait gardé contre lui, l’avait installé dans son lit, s’était éveillé à ses côtés, le lendemain matin.

A partir de ce jour, les évènements s’étaient enchaînés, comme un éclair, sans qu’ils puissent s’en rendre compte. Un beau matin, Pavel s’était réveillé avec son prince dans les bras, et une pile de vêtement au pied du lit. Résister à l’envie de se jeter par une fenêtre, ou d’aller tout de suite se faire mettre aux arrêts pour haute trahison, avait été extrêmement dur. Ce qui l’avait convaincu de ne faire ni l’un, ni l’autre, était probablement la force avec laquelle le corps si fragile de son prince s’était raccroché au sien.

Mais le remord était toujours là. Remord d’avoir semé le doute dans le cœur de Lékilam, remord d’avoir failli à sa mission, remord d’avoir trahi sa reine, remord d’avoir trouvé cette nuit trop courte. Il avait essayé, bien évidemment, de prendre à nouveau ses distances, certes avec beaucoup plus de délicatesse que la première fois. Au bout de trois jours, alors qu’il entrait à peine dans la chambre pour lui souhaiter le bonsoir, son prince s’était approché timidement, et lui avait volé un baiser. Le remord s’était un peu envolé.

A présent… Il s’en voulait toujours, pour les mêmes raisons. Mais le jeune phénix lui avait appris à ne plus se faire de mauvais sang, et lui avait certifié que ce n’était pas une mauvaise chose, bien au contraire. Pavel en doutait, mais que pouvait-il faire devant le sourire franc de Lékilam, à part se taire et sourire à son tour ?

Rien, le problème se trouvait bien là.

Le corps frêle et nu remua dans les draps, et poussa un petit soupir. Le garde du corps se mit à sourire, dans l’obscurité. Il s’en était voulu, mais pour rien au monde, il ne ferait marche arrière. Quoique…

Se redressant sans bruit, il repoussa la chaise dans un coin, et souleva délicatement la couverture pour se glisser aux côtés de son prince. Comme attiré par un aimant puissant et mystérieux, ce dernier migra instantanément contre lui. Doucement, Pavel caressa ses cheveux, avant de déposer un baiser sur son front.

Un sourire bienheureux s’étirait sur les lèvres du jeune homme, les paupières closes, la peau plus blanche que jamais. La couverture tombait légèrement de ses épaules, sur lesquelles couraient d’ailleurs encore quelques gouttes de sueur salée.

Il fallait bien avouer que l’innocence du prince s’était rapidement envolée. Son espièglerie naturelle, sa malice quotidienne, s’était rapidement ajoutée à son instinct d’élève assidu, et sa ferveur d’adolescent. Aujourd’hui, il…

Il se leva en sursaut, les faisant tout deux sursauter, et disparut en un coup de vent jusqu’à la salle de bain, sans même fermer la porte derrière lui.

Pavel poussa une flopée de juron.

Il aurait pourtant dû s’en douter. Ce n’était pas la faute de leurs récentes activités, si la peau de son prince était encore couverte de sueur, et aussi pâle… Mais tout simplement à la fièvre.

Ca, c’était une autre chose qu’il partageait avec Lékilam. Ses maladies à répétitions. Le jeune homme avait toujours été de constitution fragile, non à cause d’une éventuelle consanguinité au sein de la famille royale, mais du sang d’ange qui coulait dans leurs veines, de part l’antique mariage de Léoma, la reine des anges, avec l’arrière grand père de l’actuelle reine des phénix. Les métis entres les deux peuples probablement les plus sensibles étaient souvent d’un naturel assez faible, et le garde du corps ne comptait plus les nuit qu’il avait passé à veiller son prince, en se rongeant les sangs. En grandissant, les fièvres s’étaient un peu espacées, avaient perdues en violence, mais restaient toujours aussi inquiétantes…

Il se leva à son tour, et sortit une couverture du placard, qu’il alla déposer sur les épaules du jeune homme accroupi au dessus de la cuvette des toilettes.

Certes, c’était une position fort peu glorieuse, pour un noble de sang royal. Mais Pavel se disait qu’il valait mieux que les restes de son dîner atterrissent ici plutôt que sur le sol de la chambre.

Lékilam frissonna et se retourna pour lui faire un pâle sourire, avant de se tourner de nouveau précipitamment.

-Je vais appeler Scysios, murmura le garde du corps en refermant doucement la porte.

Son regard doré balaya la pièce du regard.

Un lit de camp inutilisé trônait dans un coin de la pièce, non loin du grand lit aux draps défaits.

Autrefois, Pavel avait une chambre à lui, directement reliée par une petite porte à celle de son prince pour les cas d’urgence.

Cependant, il y avait quelques années de cela, Lékilam avait souhaité déménager, « parce que l’air était plus pur dans les étages les plus hauts », mais la chambre qu’il avait choisie n’était, malheureusement, pas suffisamment protégée et sûre pour sa vie.

Aussi, Pavel avait été « contraint » de s’installer un lit spartiate dans un coin de chambre. Les autres phénix l’avaient plaint et admiré, pour sa dévotion et sa loyauté envers son prince. Scysios lui avait lancé un sourire entendu, Libellule avait vaguement fait les yeux noirs.

Personne n’avait jamais fait de remarque sur les draps qui n’étaient jamais froissés, à l’inverse de ceux du grand lit, mettant cela sur le compte de la méticulosité du garde du corps et du désordre du jeune héritier. Même si de toute manières, rares étaient les personnes autorisées à venir troubler l’intimité du prince. Malgré tout, Pavel s’assura qu’il n’y ait aucune trace trop visible de leurs dernières occupations, et changea même les draps, à la fois pour la maladie de son prince, que par mesure de précaution.

--

Une sonnerie stridente réveilla Ehissian en sursaut, alors qu’il était en train de gambader dans un champ de fleurs et de sucreries. A côté de lui, Fallnir maugréa dans son sommeil, et resserra légèrement l’étreinte de ses bras autour de sa taille. Un instant, le phénix fut tenté de se laisser aller, et de refermer de nouveau ses paupières, bien à l’abri contre le torse chaud. Après tout, ce n’était pas bien difficile, et horriblement tentant…

Mais la sonnerie augmenta encore de volume.

Gémissant de sommeil, il retira la main posée dans son dos, et roula sur le côté pour se pencher par dessus le rebord du lit. D’une main tâtonnante, il remonta le long du tapis, jusqu’à trouver son pantalon, puis sa veste, quelques centimètre plus loin. La lumière du téléphone l’aveugla un moment lorsqu’il décrocha.

-Ehissian… Quoi ? Encore ? D’accord….. J’arrive.

Il soupira, et balança l’objet sur le tas de vêtement au pied du lit.

Autrefois, il y avait des pages, ou des messagers, qui se chargeaient d’aller frapper aux bonnes portes pour porter les messages en un éclair. C’était tout de même assez long et peu pratique, bien que les jeunes enfants chargés de la tâche trouvaient toujours le moyen de découvrir les cachettes des uns et des autres, à force de recherches et de déductions.

Il fallait bien avouer que dès que la technologie humaine le leur avait permis, ils s’étaient tous remis avec joie aux téléphones portables.

Sur leur monde d’origine, les humains avaient déjà évolué des dizaines, peut-être même des centaines de fois, à un stade extrêmement avancé. Lékilam leur avait un jour raconté que son arrière arrière grand mère, la reine Léoma, avait connu par sept fois l’avènement et la destruction de leurs civilisations. Ainsi, on découvrait encore très souvent des ruines de cités de pierres ou de métal, des câblages enfouis ou des pylônes à moitié détruits. Les restes de technologies étaient conservés précieusement par les scientifiques de chaque peuples, afin d’en conserver une trace, et d’en tirer une quelconque utilité. Minime, puisque la magie des immortels pouvait remplacer bien des choses, surtout à partir de ces morceaux de sciences.

Il en conservaient ici même quelques traces, comme, par exemple, ces téléphones portables qui fonctionnaient sans réseau ou tout autre système hors de prix et extrêmement encombrant. C’était infiniment plus pratique, Ehissian le concevait. Parce qu’il n’aurait jamais su quoi dire au page si ce dernier était venu le trouver dans la chambre de Fallnir, au lieu de la sienne.

-Hmm… Qu’est ce que c’était … ?

Les yeux clairs du dragon étaient à moitié ouverts, et ils le fixaient à travers l’obscurité. Fallnir était encore dans le cirage, sa voix enrouée n’était guère plus qu’un murmure.

Pourtant, Ehissian sentait qu’il serait capable de bondir sur ses pieds ou de se réveiller en quelques secondes, s’il ne choisissait pas bien ses mots pour l’avertir.

-Rien du tout, rendors toi. Je reviens dans quelques minutes.

-Tu en es sûr … ? C’était qui… ?

-Personne, ce n’est pas important. Je t’ai dit de te rendormir.

Avec un sourire, Ehissian vint déposer un baiser sur ses lèvres, pour confirmer ses paroles. Le dragon ferma les yeux. Il se leva sans un bruit, pour ne pas le déranger.

Et se rappela en enfilant sa chemise qu’il lui faudrait faire un petit détour, pour se rendre crédible aux yeux des autres.

Libellule était en nuisette, les minces bretelles jaunes du vêtement tombant de ses épaules. Sa tresse était presque défaite, ses cheveux se répandaient sur son visage et son dos comme des toiles d’araignées folles. Une fine bande de peau boursouflée soulignait délicatement le dessous de ses yeux, alors qu’elle serait contre elle son oreiller en plume.

Même après son détour, Ehissian devait avouer qu’il n’avait pas une meilleure mine. S’il avait troqué son jean renfilé à la va vite contre un pantalon de pyjama, et passé sa couette à triangle sur ses épaules en guise de chemise, il n’avait en revanche usé d’aucun maquillage, ni éprouvé le besoin de jouer un rôle pour donner l’illusion d’avoir été tiré de son propre lit. Il bâilla d’ailleurs de façon très crédible et naturelle.

Sa promenade nocturne l’avait réveillé, un temps, mais lui avait surtout permis de se changer les idées, afin de ne pas retourner illico se lover dans les bras de son dragon.

A cette heure avancée de la nuit, les couloirs étaient déserts. Mais on ne savait jamais, et il avait dû redoubler de prudence pour ne pas se faire attraper en regagnant sa chambre, dotant plus qu’elle avoisinait celle du médecin, qui devait également être en train de se réveiller. Il en était ressorti avec le costume du parfait dormeur surpris en plein sommeil, et s’était ainsi rendu au plus vite dans la chambre de son prince, comme on le lui demandait.

Ils attendaient tous les deux dans un coin de la pièce, comme deux ombres, personne ne faisant vraiment attention à eux. Pavel était adossé au mur d’en face, l’air beaucoup plus alerte et réveillé qu’eux, malgré son pantalon de travers et ses cheveux en bataille. Mais la palme revenait à Scysios, qui, torse nu et en jean, ses cheveux châtains totalement libres dans son dos, ne paraissait même pas connaître la signification du mot dormir, frais et alerte comme s’il était déjà levé depuis plusieurs heure

Ehissian le soupçonnait fortement de ne pas s’être couché du tout, ou d’avoir utilisé une barre de chocolat bourrée de vitamines illicites, avant d’enfiler son sac sur son épaule et de monter jusqu’ici. Mais ce n’était pas lui, le médecin, et malgré ses regrets, il ne pouvait lui faire subir de contrôles anti-dopage.

Lékilam, pâle comme jamais, ne revêtait qu’un caleçon peut-être un peu trop grand pour lui, et était assis sur son lit, le démon agenouillé devant lui.

Ce dernier éteignit la petite lampe qu’il tenait à la main, et la fourra dans sa sacoche.

- Je crois que ce n’est qu’un simple coup de froid, comme d’habitude… Un peu de repos, et tout devrait rentrer dans l’ordre. Tenez, dit-il en tendant au prince un petit flacon de gélule.

Ce dernier examina longuement les pilules, à travers le verre translucide, et les secoua pour les faire tinter. Il fit la moue, et baissa son regard sur le visage du démon.

-Je suis obligé ?

-Si vous tenez à guérir, vite, oui. Sinon, j’ai toujours une ou deux seringues qui traînent.

Une expression horrifiée passa sur le visage de Lékilam, qui se hâta de secouer négativement la tête. Se faire trouer la peau à coup d’aiguille, très peu pour lui. Surtout si c’était pour faire rentrer un liquide douteux dans ses veines.

-Je les prendrai, s’empressa-t-il d’affirmer en faisant disparaître la fiole sur le matelas.

Scysios acquiesça, en souriant, et referma son sac.

-Une à chaque fois que vous vous sentez mal. Ou que votre précédent repas déclare ne pas être à l’aise dans votre estomac. Et prenez une bonne journée de repos, aussi, ça sera le mieux. Restez couché, et ne faites pas le moindre effort.

Pavel tiqua, imperceptiblement. Pour faire clair, il savait que le démon savait, et que d’ailleurs, ce dernier savait qu’il savait qu’il savait. Il était le seul à savoir. Et c’était tant mieux que personne d’autre ne sache.

La dernière phrase lui était clairement adressée. Elle était censée lui faire comprendre que ce n’était pas un jour de congé que prenait son prince, mais bel et bien une journée de repos. En d’autre terme, ce n’était pas parce que Lékilam passerait sa journée au lit qu’ils pourraient avoir des activités qui ne nécessitaient pas de le quitter.

Le garde du corps en avait parfaitement conscience, justement. Et cela l’irrita que le démon puisse penser qu’il était ainsi, à ne pas se soucier de l’état de santé de son prince.

Cela l’agaça même profondément. Surtout qu’il avait justement deux ou trois mots à lui dire, à ce sujet là.

-Libellule, je crois qu’il est inutile de te garder ici, il vaudrait mieux que tu retourne dormir… conseilla le prince d’une voix calme, mais un peu trop faible.

-Et que je vous laisse dormir, conclut la nymphe en hochant la tête. Puisque ce n’est pas quelque chose de grave, je suppose qu’il n’est pas nécessaire de nous faire du souci… Je viendrai demain, en début d’après midi.

Elle leur fit un sourire, et serrant un peu plus son oreiller contre elle, quitta la chambre d’une démarche qui se voulait sûre, mais qui zigzaguait très légèrement. Dès que la porte se fut refermée, Ehissian se tourna vers Lékilam.

-Mon prince… ?

-Tu peux t’en aller aussi. Et prendre ta journée, je ne pense pas que j’aurai besoin de tes services.

Le sourire du phénix se fit rayonnant, et il s’inclina aussi bas que le lui permettait la lourde couette à motif autour de ses épaules.

-Merci beaucoup, mon prince. Je vous souhaite une bonne nuit.

Et il s’éclipsa à son tour, sans demander son reste.

Les pavés du sol étaient durs et froids sous ses pieds nus, mais pourtant, parvenaient à peine à le maintenir éveillé. Ce n’était pas la première fois qu’il était ainsi appelé en pleine nuit, parce que le prince se sentait mal. En tant qu’unique Chevalier ardent de la Volière, il était de sa responsabilité de veiller à la sécurité de son prince dès que c’était nécessaire. Pas qu’il aurait pu faire beaucoup de chose pour le guérir, mais plutôt qu’il fallait parfois quelqu’un pour aller chercher les médicaments à l’autre bout de la ville, en plein milieu de la nuit. Ce qui était d’ailleurs déjà arrivé, plusieurs fois, et qu’il n’avait toujours que très rarement apprécié.

En tournant à l’angle du couloir, il songea aux bras chauds qui l’attendaient dans le lit du dragon, à la respiration apaisante, et au sourire clair, qui sonnaient comme milles promesses de bonheur éternel. Il allongea un peu plus les jambes, impatient. Ca allait faire plus d’une demi-heure qu’il l’avait quitté, il était plus que temps qu’il le rejoigne.

Mais un bruit de voix le fit s’arrêter.

Resserrant la prise de sa main autour des deux pans de sa couette, il s’adossa précipitamment contre le mur, juste au coin du couloir. Pas qu’il avait été surpris… Mais plutôt intrigué. Il connaissait ces voix, et avait un peu de mal à réaliser ce qu’elles se disaient.

Silencieusement, il se pencha sur le côté, de manière à jeter discrètement un œil dans le couloir adjacent.

Scysios était adossé contre le mur, les bras croisés sur son torse. Il fixait sans se démonter Pavel, qui posa violemment sa main à plat contre le mur, juste à côté du visage du démon, pour se pencher un peu plus vers lui.

-… merais que tu dises à ton copain, puisque vous avez l’air si proche, de modérer un peu ses ardeurs, s’il tient à rester ici.

-Je ne vois pas de quoi tu parles, répliqua le médecin sur un ton glacial.

-Te fous pas de moi. Tu ne penses tout de même pas que personne ne vous a vu remonter ensemble, hier soir ? Je pensais que je n’aurai pas ce genre de problème avec toi, mais apparemment, je me trompais…

-Ma vie sexuelle ne te regarde pas, Haëlnor.

-Si, justement. Tu sais très bien que nous devons absolument nous faire discret, sur ce monde. Alors même si vous autre démon avez l’air d’avoir un peu de mal à vous maîtriser, il serait préférable que vous ne rameniez pas trop d’étrangers à la Volière.

Scysios écarquilla légèrement les yeux, puis secoua lentement la tête, de gauche à droite.

-Je ne suis pas stupide, je n’ai jamais…

-Tu ne l’as encore jamais fait, contrairement à certains phénix, je le sais. Jusqu’à hier soir. Ce mec vient juste de débarquer, tu as quand même passé la nuit avec lui, qu’est ce qui me dit que tu ne feras pas pareil avec quelqu’un d’autre ? Je n’ai pas envie d’apprendre qu’un humain –ou pire, un autre immortel comme nous, ait mis les pieds ici.

-Alors tu peux dormir tranquille, répliqua sarcastiquement le médecin. Je suis peut-être un démon, mais je sais ce que je fais. Ca n’arrivera pas.

-Tant mieux. J’avais des doutes, depuis quelques temps.

Pavel s’écarta, sans toutefois détourner son regard menaçant de celui de son vis-à-vis. Ehissian déglutit difficilement, tâchant de ne pas faire de bruit.

Il savait à quel point le garde du corps pouvait être redoutable, pour s’être déjà entraîné avec lui. Il ne fallait jamais prendre ses paroles à la légère. Il sentit que ses jambes le supportaient de plus en plus péniblement, et il se redressa, à l’abri de l’obscurité du couloir, pour s’appuyer un peu plus contre le mur et tenter se calmer.

-Et tâche de rappeler ça à ton copain. D’ailleurs, il vaudrait mieux que tout le monde se tienne à l’écart de ces deux nouveaux, pendant quelques temps. Si tu vois ce que je veux dire.

Il y eut un claquement de porte, un moment de silence, un sifflement dédaigneux, et puis des pas, dans l’escalier, qui s’éloignèrent rapidement.

Le phénix ferma les yeux.

Que tout le monde se tienne à l’écart…

Il savait que tout avait été trop facile. Que Fallnir avait été trop aisément accepté parmi eux, sans que personne n’émette d’objection. Il aurait dû deviner que Pavel serait le premier à se rappeler que le dragon, bien qu’il ne soit apparemment pas agressif, était justement un dragon.

Il secoua la tête. Il devait rejoindre l’auburn, et lui raconter… Ils aviseraient ensuite, plus tard, quand ils auraient terminés leur nuit. Ce n’était pas le moment de réfléchir. Trop d’informations.

Ehissian s’avança jusqu’à l’ascenseur et si glissa rapidement, sitôt que les deux portes furent ouvertes. Penser à autre chose…

Comme ça, Scysios avait passé la nuit avec le nouveau démon ? Cela le surprenait un peu. Il était vrai que de ce côté-là, il ne connaissait pas vraiment le médecin. Leurs discussions pouvaient être très longues et animées, mais ne déviaient jamais vers ce genre de sujet. En fait, ils ne devaient pratiquement rien savoir de la vie privée de l’autre. Alors sur le coup, il se sentait un peu gêné d’avoir appris ça.

Mais ce qui était sûr… C’était que si Pavel avait paru aussi en colère pour une simple nuit avec un congénère…

Que dirait-il pour plusieurs nuits entre un dragon et un phénix ?

--

Shézac poussa un grognement de frustration. Qui était l’abruti qui venait frapper à sa porte à une heure pareille de la nuit ? Si c’était encore un pseudo voisin, il avait intérêt à avoir une excuse en béton.

Ou de se sentir vraiment très seul, et d’avoir absolument besoin de réconfort.

Il avait passé une bonne soirée, en ville. Il avait fait la connaissance d’une charmante et jeune infirmière, dans un bar, qui fêtait son affectation dans un nouveau service, ou quelque chose du genre. Ils avaient fait connaissance, et en bon gentleman, il l’avait raccompagnée jusque chez elle. Et bien sûr, lorsqu’elle lui avait proposé de rester pour boire un verre, la politesse lui avait interdit de refuser…

Une vraiment charmante infirmière.

Le seul problème étant qu’elle soit, justement, infirmière. Après quelques heures passées en sa compagnie, alors qu’ils s’apprêtaient pour la troisième fois à… vérifier ensemble que le matelas n’était pas trop dur pour leurs colonnes vertébrales, dans un but purement professionnel donc, son beeper avait sonné.

Une mauvaise épidémie de gastro-entérite, un grave accident de la circulation, la moitié du service de nuit en moins et un appel en urgence de tout le personnel possible... Elle avait dû partir sur le champ.

Mais il avait toujours son adresse et son numéro de téléphone, posé sur sa table de chevet, juste sous la veilleuse qu’il n’avait même pas pris la peine d’éteindre tant la fatigue l’avait assailli.

Renonçant à s’attacher les cheveux, ou à revêtir quelque chose de plus décent que son caleçon, il envoya bouler draps et couverture pour se traîner jusqu’à la porte d’entrée. Il n’allait pas choquer quelqu’un en venant lui ouvrir aux alentours de trois heures du matin parce qu’il était à moitié nu. Et puis il n’avait pas de vieille voisine puritaine, dans cet étage, autant en profiter…

En parlant de voisine, c’était justement son voisin.

Presque aussi peu vêtu que lui.

Mais certainement pas venu pour avoir du réconfort, à en voir l’expression de son visage.

-Scy ? Je peux faire quelque chose pour toi ?

Il s’appuya d’une main à l’embrasure la porte, et posa l’autre sur sa hanche. Le médecin poussa un soupir, avant de secouer la tête, avec un sourire calme.

-Non… Je passais devant ta porte, et comme j’ai vu de la lumière, j’ai cru que…

Il avait cru que le démon était en train de faire ce contre quoi Pavel venait justement de le mettre en garde, c'est-à-dire, avoir ramené un humain à la Volière. Mais comme il ne savait pas pourquoi est-ce qu’il avait dans ce cas frappé à la porte, en sachant pertinemment qu’il risquait d’interrompre les activités du blond, il préféra se taire.

- … J’ai quelque chose à te dire, de la part des responsables de la tour…

Shézac haussa un sourcil, l’invitant à rentrer dans le vif du sujet. Scysios soupira de nouveau, et ferma les yeux, pour parler d’un ton las.

-Il faut que l’on « contrôle nos ardeurs » et que l’on ne ramène pas d’étranger dans l’immeuble. Comme nous sommes des démons, certaines personnes se sont un peu inquiétées à notre sujet, et se sont… empressées de me faire part de leur inquiétude…

Le blond resta un moment silencieux, à le fixer dans la pénombre, avant de souffler.

Evidemment. Toujours des rabats joies. Il espérait seulement qu’il ne s’était pas déjà attiré des ennuis, à lui même et à son nouveau voisin, comme il savait si bien le faire... Mais à la vérité, cette pensée ne l’inquiéta pas autant que le visage qu’arborait son congénère, à cet instant précis.

D’abord, il l’avait ignoré pendant toute une journée, et maintenant, il venait frapper en pleine nuit chez lui, juste pour lui dire ça… Quoiqu’en même temps, il valait mieux qu’il soit venu aussi tôt. S’il y avait vraiment eu quelqu’un dans son appartement, Shézac aurait pu le faire filer en douce avant que quiconque ne s’en aperçoive. Mais toute de même…

Peut-être que Scysios avait vraiment besoin de réconfort, en fait.

-Ok, le message est passé, merci de m’avoir prévenu avant que je ne fasse une bêtise… Mais et toi, t’es sûr que ça va ?

Le blond leva sa main vers le visage du médecin, pour lui effleurer la joue. Mais ce dernier se recula précipitamment, avant que le contact n’ait eu lieu.

-Oui, oui, ça va… Je suis seulement… crevé, je vais aller me coucher… Pardon de t’avoir dérangé.

Et sans ajouter un mot de plus, ou même un regard, il disparut dans le couloir, se fondant dans la pénombre. Un bruit de clef, puis de porte, se fit entendre quelques secondes plus tard. Puis plus rien.

Un instant, Shézac fut tenté de quitter à son tour le seuil de sa porte, et d’aller le rejoindre pour lui arracher les mots qu’il refusait de lui dire, savoir ce qu’il avait fait de mal, pour qu’il l’évite ainsi. Après tout, il n’avait pas entendu la porte être verrouillée. C’était peut-être un signe, une invitation à aller le voir…

Mais il n’en fit rien, préférant éviter d’envenimer les choses.

Il soupira de nouveau, et retourna se jeter dans le bras du marchand de sable.

La dernière personne en cette basse terre qui daignait rester avec lui quelles que soient les circonstances.

A suivre

ooo

Et hop, fin du chapitre 8. Je ne sais pourquoi, mais je le trouve un peu bizarre… J’aimerais beaucoup avoir vos avis, n’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ou si certaines choses vous ont gêné. Je compte beaucoup sur votre ressenti pour essayer de m'améliorer. :3

Ce chapitre donne un peu plus d’explications sur la personne qui rentre dans les souvenirs des autres, et donc, plus de justifications sur les flash back du début. J’espère que je ne vous ai pas trop embrouillé, avec tout ça…

Et j’espère aussi qu’aucun personnage ne baissera dans votre estime, après ce chapitre XD

Voilà, en vous remerciant encore d’avoir lu jusqu’ici, je vous dis à très bientôt ! ;p

 
 
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